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26/06/2024 | FRANCE | N°22/00448

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile section 1, 26 juin 2024, 22/00448


Chambre civile

Section 1



ARRET N°



du 26 JUIN 2024



N° RG 22/00448 - N° Portalis DBVE-V-B7G-CEKN TJ-J



Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BASTIA, décision attaquée en date du 21 Juin 2022, enregistrée sous le n° 21/00382





[R]



C/



[G]













Copies exécutoires délivrées aux avocats le
















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COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE CIVILE



ARRET DU



VINGT-SIX JUIN DEUX-MILLE-VINGT-QUATRE







APPELANT :



M. [I]-[E] [T] [R]

né le [Date naissance 5] 1972 à [Localité 10]

[Adresse 12]

[Localité 4]



Représenté par Me Sophie A...

Chambre civile

Section 1

ARRET N°

du 26 JUIN 2024

N° RG 22/00448 - N° Portalis DBVE-V-B7G-CEKN TJ-J

Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BASTIA, décision attaquée en date du 21 Juin 2022, enregistrée sous le n° 21/00382

[R]

C/

[G]

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU

VINGT-SIX JUIN DEUX-MILLE-VINGT-QUATRE

APPELANT :

M. [I]-[E] [T] [R]

né le [Date naissance 5] 1972 à [Localité 10]

[Adresse 12]

[Localité 4]

Représenté par Me Sophie ALESSANDRI, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEE :

Mme [B] [W] [F] [K] [G] veuve [R]

née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 8]

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 3]

Représentée par Me Olivier PELLEGRI, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 mars 2024, devant la cour composée de :

Thierry JOUVE, président de chambre

Marie-Ange BETTELANI, conseillère

Emmanuelle ZAMO, conseillère

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Vykhanda CHENG.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024, prorogée par le magistrat par mention au plumitif au 26 juin 2024.

ARRET :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Thierry JOUVE, président de chambre, et par Vykhanda CHENG, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [S] [R] est décédé le [Date décès 7] 2007, laissant pour lui succéder son fils, Monsieur [I]-[E] [R], issu d'une première union, et son épouse, Madame [B] [G], avec laquelle il s'était marié le [Date mariage 2] 1991, sous le régime de la séparation de biens.

Un jugement de divorce a été prononcé le 10 février 2006 à la demande de l'épouse mais ne prendra jamais effet en raison de la disparition de l'époux survenu au cours de l'instance d'appel.

Par exploit d'huissier du 1er avril 2021, la veuve a fait assigner son beau-fils devant le tribunal judiciaire de Bastia afin notamment de le voir condamner à lui payer une rente viagère mensuelle de 15 000 € en contrepartie de la moitié de l'usufruit détenu sur les biens composant la succession de [S] [R], outre une somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts.

Par ordonnance du 19 novembre 2021, le juge de la mise en état a renvoyé l'affaire, sur le fondement des dispositions de l'article 789 alinéa 6 du code de procédure civile devant la formation de jugement, pour qu'elle statue sur la question des droits de Madame [G] veuve [R] et sur le sens à donner au testament daté du 14 février 1991.

Par jugement du 21 juin 2022, le tribunal judiciaire de Bastia a :

- déclaré recevable l'action de Madame [B] [G] veuve [R],

- dit que le testament du 26 avril 2007 n'a pas révoqué les dispositions testamentaires du 14 février 1991,

- dit que Madame [B] [G] veuve [R] est légataire à titre universel de la moitié en usufruit ainsi que cela est énoncé dans le testament du 14 février 1991,

- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- condamné Monsieur [I]-[E] [R] à payer à Madame [B] [G] veuve [R] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [I]-[E] [R] aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

APPEL

Par déclaration du 6 juillet 2022 enregistrée au greffe, Monsieur [I]-[E] [R] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Par arrêt en date du 13 décembre 2023, la cour a :

- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture du 5 mai 2023,

- ordonné la réouverture des débats à l'audience du 18 mars 2024 devant la chambre civile section 1 de la cour d'appel de Bastia, et ordonné une nouvelle clôture de l'instruction au 14 mars 2024, pour permettre aux parties :

de conclure sur la question de la nullité éventuelle du jugement, rendu par le tribunal judiciaire de Bastia le 21 juin 2022, au regard de la composition de jugement lors du délibéré, et sur les conséquences d'une telle nullité dans le cadre du litige dont la cour est saisie,

de communiquer, si besoin, toute pièce utile dans ce cadre.

- dit que la présente décision valait convocation à cette audience,

- réservé l'examen des demandes sur le fond et des dépens.

L'affaire a été examinée à l'audience du 18 mars 2024 où elle a été retenue. La date de délibéré initialement fixée au 12 juin 2024 a été prorogée au 26 juin 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 mars 2024, Monsieur [I]-[E] [R] sollicite :

- l'annulation du jugement querellé en ses chefs querellés,

à défaut, si la cour devait écarter la nullité du jugement ou évoquer cette instance,

- la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté la prescription soulevée par son adversaire,

- l'infirmation du jugement en qu'il a retenu l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour de Bastia du 3 février 2021,

- le rejet de la demande incidente adverse d'irrecevabilité tenant à la prescription,

- le rejet du moyen adverse tenant à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Bastia du 3 février 2021,

et statuant à nouveau,

- qu'il soit dit et jugé révocatoires les dispositions testamentaires du 26 avril 2017,

* à titre subsidiaire,

- qu'il soit dit et jugé que Madame [B] [G] veuve [R] n'est pas légataire en usufruit de la succession de Monsieur [S] [R] mais légataire d'une charge,

* en tout état de cause,

- que Madame [B] [G] veuve [R] soit déclarée irrecevable pour défaut de qualité à agir,

- le rejet de l'ensemble des demandes présentées par Madame [B] [G] veuve [R],

- la condamnation de Madame [B] [G] veuve [R] à lui payer la somme de 6 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 mars 2024, Madame [B] [G] veuve [R] sollicite, (que la Cour annule ou non le jugement en date du 21 juin 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Bastia) :

- qu'il soit statué sur la demande incidente déposée devant le Juge de la mise en état et renvoyée devant la formation de jugement par l'ordonnance dudit juge en date du 19 novembre 2021, de voir :

dire et juger révocatoires les dispositions testamentaires du 26 avril 2007,

déclarer Madame [B] [G] veuve [R] irrecevable pour défaut de qualité à agir,

débouter Madame [B] [G] veuve [R] en toutes ses demandes.

A titre subsidiaire,

dire et juger que Madame [B] [G] veuve [R], n'est pas légataire en usufruit de la succession de feu Monsieur [S] [R],

déclarer Madame [B] [G] veuve [R] irrecevable pour défaut de qualité à agir,

débouter Madame [B] [G] veuve [R] en toutes ses demandes,

- qu'il soit statué sur la demande incidente déposée devant le Juge de la mise en état par Madame [B] [G] veuve [R] et renvoyée devant la formation de jugement par l'ordonnance dudit juge en date du 19 novembre 2021, de voir :

in limine litis,

déclarer irrecevables, comme prescrites, les actions de Monsieur [I]-[E] [R], tendant à dire que Madame [B] [G] veuve [R] n'a pas la qualité d'usufruitière, à dire que Madame [B] [G] veuve [R], en interprétation du testament de 1991, ne peut être considérée comme légataire à titre universel en usufruit sur la succession, mais comme l'ayant droit personnelle de Monsieur [I]-[E] [R],

Au fond

le rejet de toutes les demandes incidentes soulevées par Monsieur [I]-[E] [R],

Et en conséquence, et en tout état de cause,

In limine litis

- l'infirmation du jugement en date du 21juin 2022, en ce qu'il a notamment

rejeté la demande de Madame [B] [G] veuve [R] de voir déclarer irrecevables les demandes de Monsieur [I]- [E] [R], comme prescrites,

Et en conséquence, et/ou en tout état de cause même en cas de nullité du jugement dont appel :

- voir déclarer irrecevables comme prescrites, les actions de Monsieur [I] -[E] [R], tendant à :

- dire que Madame [B] [G] veuve [R] n'a pas la qualité d'usufruitière sur une partie des biens de la succession de feu [S] [R],

- dire que Madame [B] [G] veuve [R], en interprétation du testament de 1991, ne peut être considérée comme légataire à titre universel en usufruit sur la succession, mais comme l'ayant droit personnelle de Monsieur [I]-[E] [R].

au fond

- la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a :

déclaré recevable l'action de Madame [B] [W] [G] veuve [R],

dit que le testament du 26 avril 2007 n'a pas révoqué les dispositions testamentaires du 14 février 1991,

dit que Madame [B] [W] [G] veuve [R] est légataire à titre universel de la moitié en usufruit ainsi que cela est énoncé dans le testament du 14 février 1991,

condamné Monsieur [I] -[E] [R] à payer à Madame [B] [W] [G] veuve [R] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné Monsieur [I] [E] [R] aux entiers dépens dont distraction au profit de son conseil.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions et aux pièces déposées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de l'appel :

La recevabilité de l'appel n'est pas discutée par les parties, les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office.

Sur l'irrégularité du jugement déféré et ses effets :

En vertu de l'article 454 du code de procédure civile, le jugement rendu doit

comporter le nom des juges qui en ont délibéré. Il est admis que lorsque l'affaire a été évoquée en formation collégiale devant le tribunal judiciaire, le jugement doit comporter les noms des trois magistrats en ayant délibéré, le jugement ne comportant que deux noms étant nul, en application notamment des articles 447, 454 et 458 du code de procédure civile et L 121-2 du code de l'organisation judiciaire.

Toutefois, l'article 459 du code de procédure civile dispose que l'omission ou l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées.

En l'espèce, le jugement déféré à la cour, rendu le 21 juin 2022, mentionne uniquement au titre de la composition de la formation participant au délibéré, le nom de deux magistrats et non de trois.

La cour ayant d'office relevé cette irrégularité a ordonné la réouverture des débats pour que soit évoquée contradictoirement la question de la nullité éventuelle de cette décision et le cas échéant, ses conséquences sur l'instance en cours.

Dans leurs dernières écritures, l'avocat de l'appelante a considéré qu'il y avait lieu de prononcer la nullité du jugement et de renvoyer l'instance à la connaissance du tribunal judiciaire. Dans les siennes, le conseil de l'intimée a indiqué que si la nullité était prononcée, la cour restait saisie et avait l'obligation de statuer.

Aucun élément issu du dossier ou des débats ne permet d'établir que les prescriptions légales ont été, en fait, observées, tel que prévu à l'article 459 précité.

Il convient donc de prononcer la nullité du jugement rendu le 21 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Bastia. En raison de l'effet dévolutif de l'appel, la cour qui annule ainsi pour un motif autre que l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, est alors tenue de statuer sur le fond de l'affaire.

Sur la recevabilité des prétentions formulées par Monsieur [I]-[E] [R] :

Le litige porte sur des questions concernant l'interprétation des dispositions testamentaires de feu Monsieur [S] [R] et du défaut de qualité à agir de Madame [B] [G] veuve [R].

Cette dernière soutient, in limine litis, que les demandes de Monsieur [I]-[E] [R] sont prescrites sur le fondement des dispositions de l'article 2224 du code civil comme ayant été formées plus de cinq ans après qu'il a eu connaissance des testaments du de cujus et de leur interprétation telle qu'elle résulte de l'acte de notoriété établi par Maître [U] le 14 janvier 2010.

Or, il apparaît que le délai de prescription applicable en considération de la date de l'ouverture de la succession, soit le 28 août 2007, était, conformément aux dispositions de l'article 2262 ancien du code civil, de trente ans.

En effet, si la loi du 17 juin 2008 (entrée en vigueur le 19 juin 2008 réformant le régime de la prescription en matière civile) a substitué à l'ancienne prescription trentenaire de droit commun une prescription plus courte de cinq ans en ce qui concerne les actions personnelles et mobilières (article 2224 ), elle n'a, en revanche pas modifié la durée de la prescription concernant les actions immobilières auxquelles doit être assimilée l'action en contestation du droit à usufruit invoqué par Madame [B] [G] veuve [R].

Il en résulte que l'action de Monsieur [I] [E] [R] est recevable.

Sur la qualité à agir de Madame [B] [G] veuve [R] :

L'appelant dénie à l'intimée la qualité à agir en conversion en rente viagère dans la mesure où elle n'a, ainsi qu'il le conteste sur le fond, la qualité d'usufruitière, ne disposant en la matière d'aucune vocation successorale tant de par la loi que de par les dispositions testamentaires révocatoires. Il s'oppose au moyen soulevé par la partie adverse tenant à la prétendue autorité de la chose jugée attachée à un précédent arrêt de la cour d'appel de Bastia qui n'avait pas le même objet et qui a été rendu sur la base d'une demande formée certes par l'intéressée mais avec une toute autre qualité.

La cour relève que la demande formée par Madame [B] [G] veuve [R] dans le cadre de la présente instance est fondée sur l'article 759 du code civil qui dispose que : Tout usufruit appartenant au conjoint sur les biens du prédécédé, qu'il résulte de la loi, d'un testament ou d'une donation de bien à venir, donne ouverture à une faculté de conversion en rente viagère, à la demande de l'un des héritiers nu-propriétaires ou du conjoint successible lui-même.

Il résulte de la lettre de ce texte que l'action concernée est ouverte au conjoint successible, à charge pour lui, sur le fond, de justifier si cela est contesté, du droit à l'usufruit qu'il allègue.

Dans l'arrêt rendu le 3 février 2021 confirmant en toutes ses dispositions querellées une ordonnance du 29 mai 2019 prise par le président du tribunal judiciaire de Bastia statuant en la forme des référés sur une requête tendant à la désignation d'un administrateur provisoire pour gérer 1'indivision, la qualité à agir de Madame [B] [G] veuve [R] a précisément été reconnue à l'issue d'une juste appréciation des circonstances par le premier juge permettant de considérer qu'elle était conjoint successible.

Du seul fait de l'autorité de l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision, cette qualité de conjoint successible ne peut plus lui être déniée et la fin de non-recevoir sera donc rejetée.

Sur le droit à usufruit invoqué par Madame [B] [G] veuve [R] :

Monsieur [S] [R] a rédigé trois testaments les 3 janvier 1979, 14 février 1991 et 26 avril 2007.

A la suite de la découverte de ces testaments, un acte de notoriété établi par Maître [U], notaire à [Localité 16], le 14 janvier 2010, dispose que Monsieur [I]-[E] [R] est le légataire universel de feu [S] [R] et Madame [G] légataire à titre universel de la moitié en usufruit ainsi que cela est énoncé dans le testament du 14 février 1991.

Le 13 septembre 2012, les parties ont signé un protocole d'accord aux termes duquel : Monsieur [I] [E] [R] a proposé à Madame [B] [W] [G], qui l'accepte, de lui verser en compensation de sa moitié en usufruit selon les termes du testament en date du 14 février 1991 une soulte numéraire, dont le montant sera déterminé une fois le la valeur nette de la succession connue. Il était prévu que ce protocole d'accord devait être réitéré par acte authentique par devant le même notaire. Il n'est pas établi que cela fût fait.

Monsieur [I]-[E] [R] qui conteste le droit à usufruit invoqué par sa belle-mère au titre des dispositions testamentaires, fait valoir que celle-ci a été exhérédée par l'effet du dernier testament rédigé le 26 avril 2007 qui a implicitement révoqué les dispositions des deux testaments précédents en manifestant la volonté du défunt de laisser à son fils la totalité de ses biens sans aucune condition de charge au bénéfice de Madame [B] [G] veuve [R], cette modification d'attitude s'expliquant par l'évolution de la situation liée à la séparation du couple au mois de juillet 1999 et le prononcé du divorce le 10 février 2006.

L'intimée soutient que ce moyen déjà développé devant les premiers juges lors de l'instance en désignation d'un administrateur provisoire de l'indivision, a toujours été rejeté par les différentes juridictions aux termes d'une pertinente motivation.

Monsieur [S] [R] a établi un testament en la forme olographe daté du 14 février 1991 mentionnant notamment :

Je fais mon légataire universel de tous mes biens mobiliers et immobiliers mon fils [I] [E] [T] [Z] né le [Date naissance 5] 1972 à [Localité 10] à condition qu'il s'engage

1) à verser à mon épouse Madame [R] [B] [W] née [G] cinquante pour cent de l'usufruit de tous les biens meubles et immeubles sauf les revenus du studio sis à [Adresse 15] et des parts de la SCI [13] qu'il gardera en

propre. Il lui versera à titre de provision une somme de deux cent quarante mille francs indexée sur l'indice de la construction ayant pour base celui du dernier trimestre 1990.

2) à rétrocéder à mon épouse les quatre vingt trois parts de la SCO [9] dont elle aura la libre disposition mais que je lui demande de bien vouloir partager quand bon lui semblera entre les quatre enfants de [A], mon frère.

3) à effacer la dette de soixante mille francs de mon frère [O] [P].

4) qu'il lui laisse la jouissance gratuite toute sa vie durant à ma femme [B] de la maison de Paganacce et du mobilier qui la meuble.

Je demande à mon fils d'aimer [B] comme une mère et qu'il fasse pour elle tout ce que j'ai fait pour lui.

Je demande à [B] et à [I] de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour garder et faire prospérer [Adresse 12] qui est l''uvre de ma vie.

Je pardonne à ceux qui m'ont offensé. `

Je vous ai tous profondément aimés.

Le 26 avril 2007 l'intéressé a rédigé un testament en la forme olographe dans les termes suivants :

« [I] [E] tu es mon fils unique j'ai voulu que tu le sois pour tout te laisser pour me racheter du divorce qui fit de toi un enfant malheureux.

Ma vie a été dure mais tu peux mesurer le chemin parcouru j'ai du lutter contre des salops pour me voler le fruit de mon travail. J'ai aimé ta mère mais elle fut indigne de mon amour. Aussi si tu lui donnes quelque chose tu me feras injure.

Je veux que tu donnes l'usufruit de l'appartement du [Adresse 6] à [Localité 14] à [X] [H] parce qu'elle fut mon dernier amour et fut pour moi très dévouée. Je lui laisse aussi les montres et les sulfures.

Je laisse à mon frère [A] toutes les sommes qu'il me doit.

Je laisse à ses enfants le petit terrain sous le château acheté par moi à son nom de [A].

[I] [E] sois prudent et ne laisse pas aux autres ton travail. Ils te remercieront.

Je pars à regret de vous quitter j'aurais aimé vivre encore un peu.

Je vous embrasse très fort.

La cour relève que ce dernier testament ne comporte aucune mention évoquant expressément les dispositions testamentaires antérieures. Son rédacteur ne fait aucune allusion à Madame [B] [G] veuve [R] alors qu'il a pris soin de recommander à son fils de ne rien donner à sa première femme et qu'il gratifie sa dernière compagne d'un usufruit sur un appartement situé à [Localité 14]. Alors que ce document complète simplement le précédent par des dispositions en faveur de Madame [X] [H], il ne peut être déduit que par son silence sur les dispositions favorables concernant sa seconde épouse, Monsieur [S] [R] entendait désormais les supprimer.

Cette analyse de l'intention du de cujus ne saurait être contrariée dans un tel contexte par l'argument tiré de la formule figurant dans la première phrase de cet écrit, je te laisse tout, qui correspond à la notion de légataire universel, lequel doit, le cas échéant, partager l'héritage avec d'éventuels légataires à titre universel ou à titre particulier.

Quant à l'aveu judiciaire que constitue ainsi que le soutient l'intimée, la signature par son adversaire de l'acte de notoriété établi le 14 janvier 2010 par Maître [U] aux termes duquel, après rappel de l'ensemble des trois testaments, elle est désignée comme légataire à titre universel de la moitié en usufruit de tous les biens meubles et immeubles, il y a lieu de considérer que si cette reconnaissance ne saurait influer, définitivement et indiscutablement, sur la qualification juridique de ses droits, elle atteste cependant du fait, qu'à ce moment-là, Monsieur [I]-[E] [R], en parfaite connaissance de la teneur de l'ensemble des dispositions testamentaires et de la situation conjugale détériorée sur laquelle il se fonde aujourd'hui pour les interpréter autrement, n'y trouvait alors rien à redire.

Cette acceptation a d'ailleurs duré plusieurs années puisque cette qualité de légataire à titre universel apparaît également dans l'acte notarié de partage de la succession de la grand-mère de Monsieur [I]-[E] [R] établi le 10 juin 2010, dans le protocole d'accord du 13 septembre 2012 et dans l'assignation en référé expertise délivrée par l'intéressé lui-même le 22 juin 2015.

Enfin, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la formule Je fais mon légataire universel de tous mes biens mobiliers et immobiliers mon fils [I] [E] [T] [Z] né le [Date naissance 5] 1972 à [Localité 10] à condition qu'il s'engage... à verser à mon épouse Madame [R] [B] [W] née [G] cinquante pour cent de l'usufruit de tous les biens meubles et immeubles ne permet pas en soi d'interpréter indiscutablement que cette contrepartie ne constituait pas dans l'esprit du testateur la délivrance d'un usufruit mais créait à la charge du légataire universel seulement l'obligation de payer sa contre-valeur, en l'absence de tout démembrement des actifs successoraux en nue-propriété et usufruit.

Il convient donc de dire que Madame [B] [G] veuve [R] est légataire à titre universel de la moitié en usufruit ainsi que cela est énoncé dans le testament du 14 février 1991.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il ne paraît pas inéquitable de condamner Monsieur [I]-[E] [R] qui succombe à payer à Madame [B] [G] veuve [R] la somme de 6 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

De même, il supportera les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit du conseil adverse.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

- prononce la nullité du jugement rendu le 21 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Bastia,

et statuant à nouveau

- déclare recevable l'action de Madame [B] [W] [G] veuve [R],

- déboute Madame [B] [W] [G] veuve [R] de sa demande d'irrecevabilité des prétentions adverses tenant à la prescription,

- dit que le testament du 26 avril 2007 n'a pas révoqué les dispositions testamentaires du 14 février 1991.

- dit que Madame [B] [W] [G] veuve [R] est légataire à titre universel de la moitié en usufruit ainsi que cela est énoncé dans le testament du 14 février 1991.

- rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.

- condamne Monsieur [I]-[E] [R] à payer à Madame [B] [W] [G] veuve [R] la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne Monsieur [I]-[E] [R] aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit du conseil adverse.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile section 1
Numéro d'arrêt : 22/00448
Date de la décision : 26/06/2024
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;22.00448 ?
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