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12/06/2024 | FRANCE | N°22/00181

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale, 12 juin 2024, 22/00181


ARRET N°

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12 Juin 2024

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N° RG 22/00181 - N° Portalis DBVE-V-B7G-CFIP

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Etablissement OFFICE EQUIPEMENT HYDRAULIQUE DE CORSE (OEHC)

C/

[I] [C]





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Décision déférée à la Cour du :



03 novembre 2022

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BASTIA

19/00117

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à :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU : DOUZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE





APPELANTE :



OFFICE EQUIPEMENT HYDRAULIQUE...

ARRET N°

----------------------

12 Juin 2024

----------------------

N° RG 22/00181 - N° Portalis DBVE-V-B7G-CFIP

----------------------

Etablissement OFFICE EQUIPEMENT HYDRAULIQUE DE CORSE (OEHC)

C/

[I] [C]

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

03 novembre 2022

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BASTIA

19/00117

------------------

Copie exécutoire délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : DOUZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

APPELANTE :

OFFICE EQUIPEMENT HYDRAULIQUE DE CORSE (OEHC) prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Claudia LUISI, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEE :

Madame [I] [C]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Pasquale VITTORI, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 mars 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame BETTELANI, conseillère chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur BRUNET, président de chambre,

Madame BETTELANI, conseillère

Mme ZAMO, conseillère

GREFFIER :

Madame CARDONA, greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024

ARRET

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- Signé par Monsieur BRUNET, président de chambre et par Madame CARDONA, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [I] [C] est liée, dans le cadre d'une relation de travail, à l'Office d'Equipement Hydraulique de Corse (O.E.H.C.), depuis octobre 1989, d'abord à durée déterminée en qualité de sténodactylographe, puis à durée indéterminée à effet du 1er octobre 1990, en qualité de secrétaire au service ingénierie, échelle CA échelon 1 de la grille indiciaire.

Dans le dernier état de la relation de travail, Madame [I] [C] occupe les fonctions de rédacteur principal échelle FA échelon 7.

Madame [I] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Bastia, par requête reçue le 14 octobre 2019, de diverses demandes.

Selon jugement du 3 novembre 2022, le conseil de prud'hommes de Bastia a :

-déclaré irrecevables les demandes de Madame [C] visant à obtenir une reclassification pour la période antérieure à octobre 2016 en raison de la prescription,

-ordonné le réexamen rétroactif de son évolution de carrière,

-ordonné la régularisation de ses fiches de paie depuis octobre 2016,

-ordonné la régularisation auprès des organismes sociaux et de retraite depuis octobre 2016,

-condamné l'employeur aux paiements des sommes suivantes :

*34.001,10 euros au titre de rappels de salaire et accessoires depuis octobre 2016,

*3.400,10 euros au titre de rappel de congés payés depuis octobre 2016,

*2.000 euros à titre de dommages et intérêts,

*1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté le salarié de ses autres demandes,

-débouté l'employeur de l'ensemble de ses demandes,

-dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire,

-condamné l'OEHC aux dépens.

Par déclaration du 2 décembre 2022 enregistrée au greffe, l'Office d'Equipement Hydraulique de Corse (O.E.H.C.) a interjeté appel de ce jugement, en ce qu'il a : ordonné le réexamen rétroactif de son évolution de carrière, ordonné la régularisation de ses fiches de paie depuis octobre 2016,ordonné la régularisation auprès des organismes sociaux et de retraite depuis octobre 2016, condamné l'employeur aux paiements des sommes suivantes : 34.001,10 euros au titre de rappels de salaire et accessoires depuis octobre 2016, 3.400,10 euros au titre de rappel de congés payés depuis octobre 2016, 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté l'employeur de l'ensemble de ses demandes, condamné l'OEHC aux dépens.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 1er décembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, l'Office d'Equipement Hydraulique de Corse (O.E.H.C.) a sollicité :

-de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bastia du 3 novembre 2022 en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de Madame [C] visant à obtenir une reclassification pour la période antérieure à octobre 2016 en raison de la prescription,

-d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bastia du 3 novembre 2022 en ce qu'il a ordonné le réexamen rétroactif de son évolution de carrière, ordonné la régularisation de ses fiches de paye depuis octobre 2016, ordonné la régularisation auprès des organismes sociaux et de retraites depuis octobre 2016, condamné l'OEHC au paiement des sommes suivantes : 34.001,10 euros au titre de rappels de salaires et accessoires depuis octobre 2016, 3.400,10 euros à titre de rappel de congés payés depuis octobre 2016, 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, 1.000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

-et statuant à nouveau : de débouter Madame [C] en toutes ses demandes, fins et conclusions

contraires,

-en tout état de cause : de condamner Madame [C] au paiement de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner Madame [C] aux entiers dépens.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 6 novembre 2023 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame [I] [C] a demandé :

-de confirmer partiellement le jugement en date du 03/11/2022 en ce qu'il a : ordonné le réexamen rétroactif de son évolution de carrière, ordonné la régularisation de ses fiches de paie depuis octobre 2016, ordonné la régularisation auprès des organismes sociaux et de retraite depuis octobre 2016, condamné l'employeur au titre de rappels de salaire et accessoires depuis octobre 2016, à titre de rappel de congés payés depuis octobre 2016, à titre de dommages et intérêts, 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté l'employeur de l'ensemble de ses demandes, condamné l'OEHC aux dépens,

-d'infirmer ledit jugement partiellement en ses quantums et en ce qu'il déclaré irrecevables les demandes de Madame [C] visant à obtenir une reclassification pour la période antérieure à octobre 2016 en raison de la prescription,

-et statuant à nouveau :

1) Au regard de l'application des documents internes et statutaires :

*de dire et juger que Madame [C] doit bénéficier rétroactivement de la classification DA1 à compter d'octobre 1989, avec l'évolution de carrière afférente et de la classification FA7 en octobre 2016 et FB7 en janvier 2021,

*à titre subsidiaire : dire et juger que Madame [C] doit bénéficier rétroactivement de la classification minimale CB1 à compter d'octobre 1989, avec l'évolution de carrière afférente et de la classification FA5 en octobre 2016 et FA7 en janvier 2021,

*en conséquence, de condamner l'OEHC au paiement des sommes suivantes : à titre principal :

54.962,80 euros au titre de rappel de salaires et accessoires au regard du principe à travail égal salaire égal depuis octobre 2016 (arrêté au 01/05/2023), 5.496 euros à titre de rappel de congés payés depuis octobre 2016 (arrêté au 01/05/2023) ; à titre subsidiaire : 14.769,20 euros au titre de rappel de salaires et accessoires au regard du principe à travail égal salaire égal depuis octobre 2016 (arrêté au 01/05/2023), 1.476 euros à titre de rappel de congés payés depuis octobre 2016 (arrêté au 01/05/2023),

2) Au regard de l'avancement et par comparaison de ses collègues de travail :

*de dire et juger que Madame [C] doit bénéficier rétroactivement de la classification DA1

à compter d'octobre 1989, avec l'évolution de carrière afférente et de la classification FB6 en

octobre 2016 et FC6 en janvier 2021, à titre subsidiaire, de dire et juger que Madame [C] doit bénéficier rétroactivement de la classification minimale CB1 à compter d'octobre 1989, avec l'évolution de carrière afférente et de la classification FB4 en octobre 2016 et FB7 en janvier 2021

*en conséquence : de condamner l'employeur à verser : à titre principal : 114.225 euros au titre de rappel de salaires et accessoires au regard du principe à travail égal salaire égal depuis octobre 2016 (arrêté au 01/05/2023), 11.422 euros à titre de rappel de congés payés depuis octobre 2016 ; à titre subsidiaire : 17.387 euros à titre de perte salariale au regard des groupes catégorie échelles et grilles indiciaire du personnel OEHC depuis octobre 2016, 1.738 euros de rappel de congés payés depuis octobre 2016,

3) au surplus : ordonner le réexamen rétroactif de son évolution de carrière, ordonner une régularisation de ses fiches de paie depuis octobre 2016, ordonner une régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux et de retraite depuis octobre 2016, condamner l'employeur à verser : 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct et moral, 1.000 euros au titre de l'article 700 du CPC de première instance et entier dépens, 5.000 euros au titre de l'article 700 du CPC de procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 5 mars 2024, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 12 mars 2024, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 12 juin 2024.

MOTIFS

Sur les demandes afférentes à la prescription

En vertu de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Madame [C], appelante à cet égard, querelle le jugement prud'homal en ses dispositions ayant déclaré irrecevables ses demandes visant à obtenir une reclassification pour la période antérieure à octobre 2016 en raison de la prescription.

Il convient donc d'examiner la recevabilité desdites demandes, qui sont fondées sur le principe 'à travail égal, salaire égal' et une inapplication par l'employeur du statut des personnels de l'O.E.H.C. et documents internes relatifs audit personnel.

Il y a lieu de rappeler que les dispositions de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, réduisant à trois ans (salaires) ou deux ans (exécution du contrat de travail) les délais de prescription, s'appliquent aux prescriptions qui sont en cours à compter de la promulgation de la loi, soit le 17 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit une prescription quinquennale, étant rappelé que la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 a elle-même abrégé la prescription trentenaire existante en matière de réparation d'un préjudice né d'un manquement de l'employeur à ses obligations.

Suivant l'article L1471-1 du code du travail dans sa version applicable aux données de l'espèce, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Selon l'article L3245-1 dans sa version applicable aux données de l'espèce, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, il est admis que la demande de rappel de salaire fondée sur une contestation de la classification professionnelle est soumise à la prescription triennale de l'article L 3245-1 du code du travail.

S'agissant de demandes afférentes à des créances en réalité de nature salariale, la prescription ayant commencé à courir à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit, c'est à dire à la date à laquelle la créance salariale concernée est devenue exigible, Madame [C] ne peut contester que ses demandes visant à une reclassification pour la période antérieure à octobre 2016 étaient prescrites au jour de l'introduction de l'instance prud'homale, le 14 octobre 2019.

Dès lors, jugement entrepris, non utilement critiqué par Madame [C], sera confirmé en ses dispositions querellées sur ce point. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

Sur les demandes afférentes à une inapplication par l'employeur du statut des personnels de l'O.E.H.C. et documents internes relatifs audit personnel et à une inégalité de traitement

La prescription sus-énoncée des demandes, afférentes à reclassification, de Madame [C] pour la période antérieure à octobre 2016 n'empêche pas que la cour doive statuer sur la question d'une inapplication par l'employeur, alléguée par Madame [C], du statut des personnels de l'O.E.H.C. et documents internes relatifs audit personnel, s'agissant de sa classification lors de son recrutement. En effet, celle-ci a une incidence sur la classification pouvant être réclamée par ses soins, ainsi que les rappels de salaire et congés payés, pouvant en découler sur la période non prescrite à compter d'octobre 2016.

Il ressort des pièces du dossier que Madame [C] a été recrutée par l'Office d'Equipement Hydraulique de Corse (O.E.H.C.), à compter du mois d'octobre 1989, à durée déterminée en qualité de sténodactylographe (avec une classification correspondant à l'échelle CA échelon 1), avant d'être embauchée à durée indéterminée à effet du 1er octobre 1990, en qualité de secrétaire au service ingénierie, échelle CA échelon 1.

Si elle se prévaut d'une inapplication du statut des personnels de l'O.E.H.C. et documents internes relatifs audit personnel s'agissant de sa classification lors de son recrutement, force est de constater que celle-ci n'est pas mise en évidence.

En effet, la classification à l'échelle CA échelon 1 de Madame [C] lors de son recrutement, ne déroge pas au statut et documents internes au vu des fonctions susmentionnées, alors confiées à la salariée, fonctions non remises en cause dans leur matérialité par Madame [C]. Dans le même temps, ces statut et documents internes ne prévoient pas une classification du salarié recruté en fonction de son diplôme, mais mentionnent les diplômes et titres professionnels exigés lors d'un recrutement pour chaque catégorie, ce qui n'est pas la même chose, imposant seulement le respect d'exigences de diplômes minimaux pour chaque catégorie de personnels. Madame [C] ne peut ainsi reprocher à l'employeur de ne pas lui avoir appliqué une classification à l'échelle DA échelon 1, au motif qu'elle disposait d'un baccalauréat de technicien, alors que l'échelle DA était prévue pour les catégories de personnels suivantes : agent technique principal, comptable, secrétaire de direction, adjoint administratif, dans lesquelles elle ne retrait pas. De même, une classification à l'échelle CB échelon 1 n'était pas impérative pour l'employeur, les statut et documents internes autorisant la classification échelle CA échelon 1 au vu des fonctions confiées à la salariée lors de son recrutement, salariée qui ne justifiait d'aucune expérience professionnelle antérieure.

Les jurisprudences auxquelles se réfère Madame [C] visent des salariés concernés par l'application de l'article 11 de la circulaire PERS 798 prise en application du statut des industries électriques et gazières et par celle de l'article 21de la circulaire DP 30.1 en application du statut des industries électriques et gazières, ce qui n'est pas son cas.

Il se déduit de ce qui précède qu'une inapplication du statut des personnels de l'O.E.H.C. et documents internes relatifs audit personnel concernant la classification de Madame [C] lors de son embauche ne peut être retenue, et les demandes de Madame [C] en découlant sur la période non prescrite ne peuvent être accueillies.

Concernant l'inégalité de traitement, il y a lieu de rappeler que selon l'article L3221-4 du code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Suivant le principe 'à travail égal, salaire égal', l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre les salariés d'une même entreprise, effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, pour autant que ceux-ci soient placés dans une situation identique ou similaire.

Ce principe a été étendu aux avantages non financiers, pour viser l'égalité de traitement, entendue au sens large, c'est à dire englobant l'ensemble des droits individuels et collectifs, qu'il s'agisse des conditions de rémunération, d'emploi, de travail, de formation ou des garanties sociales. Le principe d'égalité est ainsi appliqué à la classification et au coefficient.

Pour qu'il y ait rupture de l'égalité de traitement, deux conditions sont nécessaires : une identité de situation entre les salariés concernés et une différence de traitement.

La règle ne prohibe pas toute différence de rémunération ou de traitement entre les salariés occupant un même emploi, mais exige que ces différences soient justifiées par des raisons objectives, ce qui constitue la limite assignée au pouvoir de direction de l'employeur en la matière.

Il appartient au salarié, qui invoque une atteinte au principe d'égalité de rémunération ou de traitement, de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement et, pour ce faire, de justifier qu'il se trouve dans une situation identique ou similaire à celui auquel il se compare. S'il effectue cette démonstration, c'est à l'employeur de justifier par des éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables, cette différence constatée.

L'O.E.H.C. expose en premier lieu, à l'appui de sa demande d'infirmation du jugement en ses dispositions relatives à l'inégalité de traitement, que Madame [C] n'est pas dans une situation identique ou similaire à celle des autres salariés de l'entreprise, avec laquelle une comparaison est effectuée au titre de son évolution de carrière (incluant les avancements exceptionnels).

Madame [C], au soutien de ses demandes afférentes à une inégalité de traitement, se compare désormais à Madame [J], Madame [A], Madame [E] Madame [S], Madame [F], Madame [Z], mais également à Mesdames [B], [W], [K], [T], [P], et non plus essentiellement à Mesdames [J], [S], [A] comme mentionné dans le jugement de première instance, et se réfère pour ce faire à différentes pièces, sans que l'O.E.H.C. ne démontre d'une illicéité des moyens de preuve visés par cette salariée.

A titre préalable, la cour précise qu'elle ne reprendra pas dans les paragraphes suivants les termes échelle et échelon, afin d'éviter une répétition fastidieuse de ceux-ci. Ainsi pour exemple, l'échelle CA échelon 1 sera mentionnée comme CA 1 et ainsi de suite.

Il ressort notamment des éléments soumis à la cour que :

-Madame [C], titulaire d'un baccalauréat de technicien (en 1984) a été recrutée, sans expérience professionnelle antérieure, par l'O.E.H.C. à compter du mois d'octobre 1989, d'abord à durée déterminée en qualité de sténodactylographe (avec une classification CA 1), avant d'être embauchée à durée indéterminée à effet du 1er octobre 1990, en qualité de secrétaire au service ingénierie, CA 1, puis d'évoluer successivement, en bénéficiant de différents promotion, avancements d'échelon et avancements exceptionnels, comme adjoint administratif, puis rédacteur (fonctions où elle occupait la classification EA 8 en octobre 2016), avant de devenir à effet du 1er octobre 2021, rédacteur principal, avec une classification FA 7 (sans éléments plus récents justifiant de sa classification), dans le cadre du poste occupé au sein du département gestion du personnel,

-parallèlement, Madame [J] (titulaire d'un B.E.P.C. en 1980, d'un certificat de formation de l'Institut de promotion commerciale en 1999, d'une capacité universitaire en droit en 2003) a, après une expérience professionnelle de plusieurs années dans le privé, été recrutée par l'O.E.H.C. à effet du 1er janvier 2000 en qualité de secrétaire, avec la classification CA 1, avant d'évoluer successivement, en bénéficiant de différents avancements d'échelon et avancements exceptionnels, comme adjoint administratif, puis secrétaire de direction, adjoint administratif, rédacteur, où elle occupait la classification EA 5 en octobre 2016, avant de devenir en juillet 2019 rédacteur principal, avec une classification FA 7 (sans éléments plus récents justificatifs de sa classification), dans le cadre du poste occupé au sein du service administration générale et RH,

-dans le même temps, Madame [A] (pour laquelle ne sont pas produits d'éléments précis relatifs à ses diplômes et expérience professionnelle antérieure, les pièce n°65 et 66 mentionnées dans le bordereau des pièces de l'employeur, étant, en réalité, relatives à la situation de Madame [E] née [M]), a été embauchée par l'O.E.H.C. à effet du 1er avril 2003, en qualité de secrétaire, avec la classification CA 1, avant d'évoluer successivement, en bénéficiant de différents promotion, avancements d'échelon et avancements exceptionnels, comme secrétaire de direction où elle occupait la classification DB 4 en octobre 2016, puis rédacteur à compter du 1er octobre 2019, avec une classification EA 3 en 2019, puis une classification EB2 obtenue en 2022, dans le cadre du poste occupé au sein du service des affaires économiques et financières,

-concernant Madame [S] (pour lequel ne sont pas produits d'éléments précis relatifs à ses diplômes et expérience professionnelle antérieure), celle-ci a été embauchée par l'O.E.H.C. à effet du 1er mai 1998 comme agent d'entretien avec la classification A 3, avant d'évoluer successivement, en bénéficiant de différents avancements d'échelon et avancements exceptionnels, comme agent technique, puis commis principal, et adjoint administratif à compter du 1er juillet 2006, avec une classification DB 7 au 1er octobre 2016, puis EA 6 au 1er octobre 2019 (sans éléments plus récents justificatifs de sa classification) dans le cadre du poste décrit comme occupé au sein de l'agence comptable,

-pour ce qui est de Madame [E] née [M] (titulaire d'un baccalauréat technologique en 1992), celle-ci, après une expérience professionnelle antérieure, notamment auprès de l'ANPE, a été recrutée par l'O.E.H.C. à effet du 1er février 2001 en qualité d'adjoint technique avec la classification CB 1, avant d'évoluer successivement, en bénéficiant de différents avancements d'échelon et avancements exceptionnels, comme adjoint administratif, puis rédacteur à compter du 1er février 2015, avec une classification EA 4 en octobre 2016, avant d'obtenir un avancement exceptionnel en 2022, avec une classification FA 5, dans le cadre d'un poste occupé au sein du service administration générale et RH,

-pour ce qui est Mesdames [F], [Z], [K], [P], [T], [W], [B], pour lesquelles il n'est peu ou pas versé de pièces au dossier, les quelques pièces effectivement soumises à la cour sont insuffisantes pour retracer leur parcours, et évolution professionnelle au sein de l'O.E.H.C.

Force est de constater que Madame [C] ne démontre pas être dans une situation identique ou similaire à celles des salariés de l'entreprise, avec lesquels une comparaison est effectuée au titre de l'évolution de carrière (incluant les avancements exceptionnels), dans la mesure où :

-les éléments soumis à la cour sont insuffisants pour conclure à une identité ou similarité de situation avec Madame [J], ou avec Madame [E], en l'absence de mise en évidence d'un niveau de responsabilités et d'expérience acquise identiques ou similaires,

-s'agissant de deux autres salariées auxquels Madame [C] se compare, à savoir Madame [A], Madame [S], les pièces soumises à la cour sont insuffisantes pour conclure à une identité ou similarité de situation entre Madame [C] et ces autres salariées, en l'absence de mise en évidence d'une identité ou similarité de responsabilités et de niveau,

-pour ce qui est Mesdames [F], [Z], [K], [P], [T], [W], [B], les quelques pièces effectivement soumises à l'appréciation de la cour sont nettement insuffisantes pour conclure à une identité ou similarité de situation entre Madame [C] et chacune de ces salariées.

Madame [C] invoque par ailleurs de nombreuses incohérences dans le système d'évolution de carrière (notamment en matière d'avancements exceptionnels) au sein de l'O.E.H.C., sans toutefois se comparer aux salariés concernés, de sorte que cet élément ne peut être pris en compte dans l'étaiement de sa demande.

Dans le même temps, Madame [C] se prévaut également d'une inégalité de traitement, à son détriment, relative aux modalités d'évaluation (en termes d'entretiens annuels, entretiens professionnels, entretien de 2ème partie de carrière, ou entretien des six ans) mises en place dans la structure la concernant, mais n'apporte pas d'éléments de comparaison par rapport à d'autres salariés, relatifs aux modes d'évaluation mis en oeuvre à leur égard.

Il convient d'observer que Madame [C] n'a pas sollicité, en cause d'appel devant le conseiller de la mise en état, de production de pièces supplémentaires de comparaison par l'employeur, tandis que la cour statuant au fond, qui n'a pas à suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, ne considère pas utile d'ordonner une mesure avant dire droit à cet égard.

Dans ces conditions, il y lieu de conclure que Madame [C] ne soumet pas à la cour des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement, de sorte que ses demandes liées à une inégalité de traitement doivent être rejetées sans qu'il y ait lieu d'examiner le surplus des moyens développés par les parties à cet égard.

En l'absence d'inégalité de traitement et de mise en évidence d'une inapplication, lors de l'embauche de la salariée, du statut des personnels de l'O.E.H.C. et documents internes relatifs audit personnel, les demandes de Madame [C] de rappels de salaire et congés payés afférents (à titre principal, ou subsidiaire) sur la période non prescrite, de classification rétroactive, dans le cadre d'un réexamen de carrière, en octobre 2016 et janvier 2021 (à titre principal, ou subsidiaire), régularisation de fiches de paie et régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux depuis octobre 2016, ne peuvent prospérer.

Le jugement entrepris sera ainsi infirmé en ses dispositions ayant ordonné le réexamen rétroactif de son évolution de carrière, ordonné la régularisation de ses fiches de paie depuis octobre 2016, ordonné la régularisation auprès des organismes sociaux et de retraite depuis octobre 2016, condamné l'employeur aux paiements des sommes suivantes : 34.001, 10 euros au titre de rappels de salaire et accessoires depuis octobre 2016, 3.400,10 euros au titre de rappel de congés payés depuis octobre 2016.

Madame [C] sera déboutée de ses demandes, non prescrites, au titre d'une inapplication du statut des personnels de l'O.E.H.C. et documents internes audit personnel et d'une inégalité de traitement. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

Sur les demandes afférentes à des dommages et intérêts

L'O.E.H.C. querelle le jugement en ce qu'il l'a condamné à verser à Madame [C] la somme de 2.000 euros de dommages et intérêts, tandis que Madame [C] critique le quantum indemnitaire retenu par les premiers juges, réclamant une somme de 20.000 euros à ce titre.

Il convient de constater que le jugement est critiqué de manière non opérante par l'O.E.H.C., en ce que le conseil de prud'hommes a retenu, de manière fondée, l'existence d'un préjudice, exactement évalué, lié causalement à une stigmatisation de la salariée auprès de ses collègues de travail, entraînant une détérioration de son état de santé. La cour observe en outre que les termes du courrier du 31 octobre 2019, adressé à la salariée par l'employeur, sont pour le moins comminatoires, excédant le cadre d'un simple rappel de règles de confidentialité, dans un contexte où Madame [C] venait d'introduire une action prud'homale à l'égard de son employeur (par requête reçue le 14 octobre 2019), action en justice dans laquelle elle disposait de droits, notamment d'un droit à la preuve, pouvant justifier la production d'éléments de comparaison avec d'autres salariés, éléments dont l'illicéité n'a en outre pas été mise en évidence par l'O.E.H.C. en première instance et en appel.

Parallèlement, à l'appui de son appel relatif au quantum indemnitaire, Madame [C] ne démontre pas d'un préjudice subi plus ample que celui retenu par les premiers juges, ni d'une dégradation de ses conditions de travail liées à un comportement fautif de l'employeur.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ses dispositions querellées sur ce point et les demandes en sens contraire rejetées.

Sur les autres demandes

L'O.E.H.C., succombant principalement, sera condamné aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant confirmé sur ce point) et de l'instance d'appel.

Le jugement entrepris, non utilement critiqué à cet égard, sera confirmé en ses dispositions querellées, relatives aux frais irrépétibles de première instance.

L'équité commande en sus de prévoir la condamnation de l'Office d'Equipement Hydraulique de Corse (O.E.H.C.) à verser à Madame [C] une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.

Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe le 12 juin 2024,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bastia le 3 novembre 2022, tel que déféré, sauf :

-en ce qu'il a ordonné le réexamen rétroactif de son évolution de carrière, ordonné la régularisation de ses fiches de paie depuis octobre 2016, ordonné la régularisation auprès des organismes sociaux et de retraite depuis octobre 2016, condamné l'employeur aux paiements des sommes suivantes: 34.001,10 euros au titre de rappels de salaire et accessoires depuis octobre 2016, 3.400,10 euros au titre de rappel de congés payés depuis octobre 2016,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DEBOUTE Madame [I] [C] de ses demandes, pour la période non prescrite, au titre d'une inapplication du statut des personnels de l'O.E.H.C. et documents internes audit personnel et d'une inégalité de traitement,

DEBOUTE l'Office d'Equipement Hydraulique de Corse (O.E.H.C.) de sa demande de condamnation de Madame [I] [C] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE l'Office d'Equipement Hydraulique de Corse (O.E.H.C.), pris en la personne de son représentant légal, à verser à Madame [I] [C] une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE l'Office d'Equipement Hydraulique de Corse (O.E.H.C.), pris en la personne de son représentant légal, aux dépens de l'instance d'appel,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00181
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;22.00181 ?
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