La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2024 | FRANCE | N°22/00771

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile section 2, 05 juin 2024, 22/00771


Chambre civile

Section 2



ARRÊT N°



du 5 JUIN 2024



N° RG 22/771

N° Portalis DBVE-V-

B7G-CFLN GD-J



Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire d'Ajaccio, décision attaquée du 7 novembre 2022, enregistrée sous le n° 21/526







[S]







C/







[I]

[G]









Copies exécutoires délivrées aux avocats le











COUR D'APPEL DE BAST

IA



CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU



CINQ JUIN DEUX-MILLE-VINGT-QUATRE







APPELANTE :



Mme [V] [S]

née le 16 novembre 1972 à [Localité 4] (Corse)

[Adresse 12]

[Adresse 9]

[Adresse 6]

[Localité 3]



Représentée par Me John GASNERIE-CESARI, avocat au barreau d'AJ...

Chambre civile

Section 2

ARRÊT N°

du 5 JUIN 2024

N° RG 22/771

N° Portalis DBVE-V-

B7G-CFLN GD-J

Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire d'Ajaccio, décision attaquée du 7 novembre 2022, enregistrée sous le n° 21/526

[S]

C/

[I]

[G]

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU

CINQ JUIN DEUX-MILLE-VINGT-QUATRE

APPELANTE :

Mme [V] [S]

née le 16 novembre 1972 à [Localité 4] (Corse)

[Adresse 12]

[Adresse 9]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me John GASNERIE-CESARI, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIMÉS :

M. [F], [Y] [I]

né le 21 juillet 1968 à [Localité 7] (Vaucluse)

[Adresse 9]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représenté par Me Joseph SAVELLI, avocat au barreau d'AJACCIO

Mme [U] [G], épouse [I]

née le 15 novembre 1962 à [Localité 10], [Localité 5] (Allemagne)

[Adresse 9]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Joseph SAVELLI, avocat au barreau d'AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 7 mars 2024, devant Guillaume DESGENS, conseiller, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Jacques GILLAND, président de chambre

Thierry BRUNET, président de chambre

Guillaume DESGENS, conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Vykhanda CHENG.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 5 juin 2024

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Cécile BORCKHOLZ, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon jugement du 7 novembre 2022, le tribunal judiciaire d'Ajaccio a statué dans les termes suivants :

«- Rejette les demandes de Mme [V] [S] ;

- Constate l'existence d'une servitude de passage sur la parcelle A[Cadastre 2] au profit de la parcelle A[Cadastre 1] ;

- Déboute M. [F] [I] et Mme [U] [G] de leur demande de dommages et intérêts ;

- Rejette la demande aux fins de prononcé d'une amende civile ;

- Condamne Mme [V] [S] à payer à M. [F] [I] et Mme [U] [G] 3613 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne Mme [V] [S] aux dépens».

Par déclaration reçue le 16 décembre 2022, Mme [V] [S] a interjeté appel de la décision selon les termes suivants : «Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués à savoir : "Rejette les demandes de Mme [V] [S], Constate l'existence d'une servitude de passage sur la parcelle A[Cadastre 2] au profit de la parcelle A[Cadastre 1], Condamne Mme [V] [S] à payer à M. [F] [I] et Mme [U] [G] 3613 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Mme [V] [S] aux dépens».

Par conclusions transmises le 6 septembre 2023, Mme [V] [S] a demandé à la cour  de :

« INFIMER le jugement rendu en date du 07 Novembre 2022 par le Tribunal judiciaire d'Ajaccio en ce qu'il a : - Rejeté les demandes de Mme [V] [S] ; - Constaté l'existence d'une servitude de passage sur la parcelle A[Cadastre 2] au profit de la parcelle A[Cadastre 1] ; - Condamné Mme [V] [S] à payer à Madame [U] [G] 3613 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; - Condamné Mme [V] [S] aux dépens ;

Et statuant à nouveau :

- JUGER Madame [V] [S] recevable à agir et bien fondée en ses demandes ;

- JUGER irrecevable la demande visant à contester que l'avancée qu'emprunte Monsieur [F] [I] et Madame [U] [G] pour rejoindre leur portail se trouve sur la parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 2] en ce que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui conformément au principe de l'estoppel ;

- PRONONCER l'absence d'état d'enclavement de la parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 1] ;

- JUGER que Monsieur [F] [I] et Madame [U] [G] violent le droit de propriété de Madame [V] [S] en empruntant abusivement l'avancée formant un passage privatif de la parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 2] pour accéder à leur portail, faute de servitude de passage ;

En Conséquence de quoi :

- REJETER purement et simplement les demandes de Monsieur [F] [I] et Madame [U] [G] ;

- CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [F] [I] et Madame [U] [G] de leur demande en dommages-intérêts, et a rejeté leur demande aux fins de prononcé d'une amende civile ;

- CONDAMNER solidairement Monsieur [F] [I] et Madame [U] [G] à ne plus emprunter leur portail à deux vantaux et un portillon édifié en limite de la parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 2] lieudit «[Localité 11]» située sur la commune de [Localité 8], et à tout le moins à ne plus traverser ladite parcelle et ce dans le mois suivant la signification du jugement à intervenir sous astreinte de 1 000 euros pour chaque violation dûment constatée ;

- CONDAMNER solidairement Monsieur [F] [I] et Madame [U] [G] à payer à Madame [V] [S] la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER solidairement Monsieur [F] [I] et Madame [U] [G] au paiement des entiers dépens exposés en première instance et en appel ».

Par conclusions transmises le 5 décembre 2023, M. [F] [I] et Mme [U] [G] ont demandé à la cour de :

«Au principal ;

- Confirmer le jugement déféré qui a débouté Madame [S] de ses demandes.

- Juger que Madame [S] ne justifie pas être la propriétaire du délaissé et/ou de l'avancée situé devant la parcelle cadastrée à la section A n°[Cadastre 1].

- Juger que la maison des époux [I] érigée sur la parcelle section A n°[Cadastre 1] bénéficie d'un accès trentenaire par ce délaissé et/ou cette avancée qui ne saurait être remis en cause par Madame [S].

- Juger que les époux [I] ont prescrit la jouissance du délaissé et/ou de l'avancée donnant accès à leur parcelle.

- Juger que les époux [I] ont acquis une servitude de passage prescription.

- Juger que les époux [I] ont acquis une servitude de passage pour cause d'enclave.

- Juger les demandes de Madame [S] irrecevables et non fondées.

- Débouter Madame [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Subsidiairement ;

- Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, hormis celles relatives la demande de de dommages et intérêts et d'amende civile rejetées.

- Juger que les époux [I] bénéficie d'une servitude de passage de bon père de famille sur la parcelle A n°[Cadastre 2] au profit de la parcelle A [Cadastre 1].

- Juger Madame [S] irrecevable et non fondée en ses demandes.

- Débouter Madame [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Très subsidiairement ;

- Juger que la demande de retrait de la tolérance de passage est sollicitée par Madame [S] dans le seul intérêt de nuire aux époux [I].

- Juger Madame [S] irrecevable et non fondée en ses demandes.

- Débouter Madame [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Reconventionnellement ;

- Infirmer le jugement déféré qui a rejeté les demandes de condamnation de l'appelante à verser aux intimés des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice et au paiement d'une amende civile.

- Condamner Madame [S] au paiement de la somme de 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts et en réparation du préjudice moral des intimés.

- Condamner Madame [S] à payer la somme de 10.000 euros à titre d'amende civile.

- Condamner Madame [S] au paiement la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens».

Par ordonnance du 7 février 2024 la présente procédure a été clôturée et fixée à plaider au 7 mars 2024.

Le 7 mars 2024, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 5 juin 2024.

La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait, en application de l'article 455 du code de procédure civile, expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.

SUR CE,

À titre liminaire, après un examen attentif et exhaustif des conclusions des parties, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger » ou les «juger» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi. En conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge relève que les époux [I]/[G] ont acquis leur terrain en avril 2002, à la suite d'une chaîne de ventes datant de janvier 1973 et décembre 1971 ; que Mme [S] tient pour sa part ses droits de la succession de sa mère en octobre 2009, à la suite d'une chaîne de ventes datant de juillet 2004 et mars 1973 ; qu'au visa de l'article 694 du code civil, au moment de la division des fonds une servitude de passage existait sur la parcelle détachée ; que Mme [S] ne rapporte aucune preuve contraire.

A l'appui de son appel, Mme [S] relève qu'elle est propriétaire de la parcelle litigieuse ; que les deux fonds litigieux étaient déjà divisés avant qu'ils n'appartiennent aux consorts [C]-[R] ; que les dispositions de l'article 693 sur la servitude du bon père de famille sont donc inapplicables ; qu'aucune servitude conventionnelle ne figure dans les actes de vente de 2002 et 2004 ; qu'au visa des articles 691, 2261 et 2272 du code civil, les intimés ne démontrent pas l'existence d'une prescription acquisitive paisible de la parcelle litigieuse ni de servitude de passage acquise par possession ; que le terrain des intimés n'est pas enclavé.

En réponse, les intimés relèvent que Mme [S] ne démontre pas être propriétaire de la parcelle litigieuse, à savoir une avancée sur la voie publique ; qu'un portail d'accès existe depuis l'acquisition de leur maison entre leur terrain et la parcelle litigieuse et qu'il s'agit du seul accès à leur maison ; qu'il n'est pas démontré qu'il existerait une autre voie d'accès ; qu'il existe une servitude de passage acquise par la prescription trentenaire, la maison ayant été construite en 1972 ; qu'à titre subsidiaire, leur fonds est enclavé ; que les deux parcelles litigieuses appartenaient à un seul et même propriétaire, de sorte qu'il existe une servitude par destination du père de famille.

Aux termes de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

Et aux termes de l'article 1315 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Dans ce cadre, la cour observe que pour démontrer être propriétaire de la parcelle litigieuse, l'appelante produit un acte authentique du 16 juillet 2004 (pièce n°1), lequel porte sur «une maison à usage d'habitation édifiée sur une parcelle de terre cadastrée section A numéro [Cadastre 2] lieudit «[Localité 11]» pour une contenance de 33a 56ca» ; que la lecture du plan cadastral (pièce n°7) met en évidence que la parcelle cadastrée [Cadastre 2] inclut un espace rectangulaire attenant à la parcelle, contigu à la parcelle voisine n° [Cadastre 1] appartenant aux intimés et donnant accès à la voie publique ; que Mme [S] est donc bien propriétaire de la section litigieuse de la parcelle n°[Cadastre 2] et qu'elle est recevable en son action.

Aux termes de l'article 694 du code civil, si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude, dispose de l'un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné.

La cour relève que, pour établir l'existence d'une servitude au bénéfice des intimés, le premier juge a implicitement constaté l'existence d'un ancien propriétaire commun aux deux parcelles, en l'espèce les consorts [P]-[R] ; qu'en effet il n'est pas discuté que le terrain cadastré [Cadastre 1] a été acquis par ces derniers en décembre 1971 ; qu'il n'est pas plus discuté que le terrain cadastré [Cadastre 2] était la propriété des consorts [P]-[R] avant qu'ils ne la cèdent en 1973 ; qu'il n'est pas non plus discuté la présence très apparente, et ce, depuis les années 70, sur la parcelle cadastrée [Cadastre 1], d'un portail donnant accès à l'extrémité de la parcelle cadastrée [Cadastre 2], cette dernière donnant accès à la voie publique ; que cela caractérise l'existence d'une servitude discontinue et apparente de passage au bénéfice de la parcelle [Cadastre 1] par destination du père de famille sur la parcelle [Cadastre 2] ; que l'acte authentique précité du 16 juillet 2004 ne contient aucune disposition contraire à cette servitude et stipule au contraire que «l'acquéreur souffrira les servitudes passives, apparentes ou occultes, continues ou discontinues, de toute nature» ; que sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens développés par les parties, il y a lieu de confirmer sur ce point la décision dont appel.

S'agissant de la demande de dommages et intérêts ainsi que de condamnation de l'appelante pour procédure abusive, les intimés ne démontrent pas en quoi l'action en justice engagée par Mme [S] serait fautive, de sorte que la décision dont appel sera également confirmée sur ce point.

Mme [V] [S], partie perdante, sera déboutée de l'intégralité de ses demandes. Elle sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. [F] [I] et Mme [U] [G] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

DÉCLARE Mme [V] [S] est recevable en son action,

CONFIRME le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DÉBOUTE Mme [V] [S] de l'intégralité de ses demandes,

DÉBOUTE M. [F] [I] et Mme [U] [G] du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE Mme [V] [S] aux dépens,

CONDAMNE Mme [V] [S] à payer à M. [F] [I] et Mme [U] [G] la somme globale de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile section 2
Numéro d'arrêt : 22/00771
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;22.00771 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award