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05/06/2024 | FRANCE | N°22/00703

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile section 2, 05 juin 2024, 22/00703


Chambre civile

Section 2



ARRÊT N°



du 5 JUIN 2024



N° RG 22/703

N° Portalis DBVE-V-

B7G-CFEL JJG-J



Décision déférée à la cour : jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bastia, décision attaquée du 20 octobre 2022, enregistrée sous le n° 22/611









[W]







C/







ACQUA PUBLICA LA RÉGIE DES EAUX DU PAYS BASTIAIS ET DU SERVICE PUBLIC D'ASSAINISSEMENT DE LA CAB








r>Copies exécutoires délivrées aux avocats le



COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU



CINQ JUIN DEUX-MILLE-VINGT-QUATRE







APPELANT :



M. [J] [W]

né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 4] (Corse)

[Adresse ...

Chambre civile

Section 2

ARRÊT N°

du 5 JUIN 2024

N° RG 22/703

N° Portalis DBVE-V-

B7G-CFEL JJG-J

Décision déférée à la cour : jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bastia, décision attaquée du 20 octobre 2022, enregistrée sous le n° 22/611

[W]

C/

ACQUA PUBLICA LA RÉGIE DES EAUX DU PAYS BASTIAIS ET DU SERVICE PUBLIC D'ASSAINISSEMENT DE LA CAB

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU

CINQ JUIN DEUX-MILLE-VINGT-QUATRE

APPELANT :

M. [J] [W]

né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 4] (Corse)

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représenté par Me Valérie PERINO SCARCELLA, avocate au barreau de BASTIA

INTIMÉE :

ACQUA PUBLICA, RÉGIE DES EAUX DU PAYS BASTIAIS ET DU SERVICE PUBLIC D'ASSAINISSEMENT DE LA CAB

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représenté par Me Marc Antoine LUCA, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 mars 2024, devant Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Jacques GILLAND, président de chambre

Thierry BRUNET, président de chambre

Guillaume DESGENS, conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Vykhanda CHENG.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 5 juin 2024

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Cécile BORCKHOLZ, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

Par acte du 2 mai 2022, M. [J] [W] a assigné la Régie des eaux du pays bastiais Acqua publica par-devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bastia aux fins de :

Vu les articles L 112-2, L 211-l et R 211-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, L 2224-7, L 2224-6 et L 2214-12-3 du code général des collectivités territoriales, L 137-2 du code de commerce

- constater l'absence de dénonce du procès-verbal de saisie-attribution au cotitulaire du

compte joint sur lequel elle a été pratiquée

- constater que le créancier saisissant ne rapporte pas la preuve de ce que les fonds qui se

trouvent sur le compte joint saisi proviennent exclusivement des revenus du conjoint

débiteur

- juger nulle la saisie-attribution pratiquée le 2 mai 2022 et en ordonner la mainlevée

- constater que le créancier poursuivant ne justifie pas de titres exécutoires ayant servi de

base à la saisie-attribution litigieuse et de l'existence d'une créance certaine liquide et exigible

- juger le procès-verbal de saisie en date du 2 mai 2022 irrégulier et ordonner la mainlevée

de ladite saisie

- juger que les sommes dont il est réclamé paiement étaient prescrites à la date de la saisie-

attribution litigieuse

- juger nulle la saisie attribution pratiquée opérée le 2 mai 2022 et en ordonner la mainlevée

- constater que le créancier saisissant ne justifie pas du montant de la créance dont il est

réclamé paiement

- juger irrégulière la saisie pratiquée entre les mains de la SA Boursorama le 2 mai 2022 et en ordonner la mainlevée

- condamner la défenderesse à lui payer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- le condamner aux dépens.

Par jugement du 20 octobre 2022, la juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bastia a :

- rejeté l'ensemble des contestations présentées par M. [J] [D] [W]

- validé la saisie pratiquée le 2 mai 2022 par la Régie du service public d'eau potable et du service public d'assainissement collectif et non collectif de la CAB sur les comptes ouverts auprès de Boursorama et dénoncée le 9 mai 2022 à M. [J] [D] [W] pour un montant de créance de 6 900,41 euros

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. [J] [D] [W] aux dépens en ce compris les frais de saisie

- rappelé que cette décision est revêtue de l'exécution provisoire.

Par déclaration au greffe du 9 novembre 2022, M. [J] [W] a interjeté appel du jugement prononcé en ce qu'il a :

- rejeté l'ensemble des contestations présentées par M. [J] [W] et notamment ses demandes tendant à voir :

Constater l'absence de dénonce du procès-verbal de saisie-attribution au cotitulaire du compte joint sur lequel elle a été pratiquée,

Constater que le créancier saisissant ne rapporte pas la preuve de ce que les fonds qui se trouvent sur le compte joint saisi proviennent exclusivement des revenus du conjoint débiteur,

En conséquence, juger nulle et de nul effet la saisie-attribution pratiquée le 2 mai 2022 et en ordonner la mainlevée,

Constater que la Régie du service public d'eau potable et du service public d'assainissement collectif et non collectif de la CAB ne justifie pas des titres exécutoires ayant servi de base à la saisie-attribution litigieuse, et de l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible,

En conséquence, juger le procès-verbal de saisie en date du 2 mai 2022 irrégulier, et ordonner la mainlevée de ladite saisie,

Juger que les sommes dont il est réclamé paiement étaient d'ores et déjà prescrites à la date de la saisie-attribution litigieuse,

En conséquence, juger nulle et de nul effet la saisie-attribution opérée le 2 mai 2022 et en ordonner la mainlevée,

Constater que la Régie du service public d'eau potable et du service public d'assainissement collectif et non collectif de la CAB ne justifie pas du montant de la créance dont il est réclamé paiement,

En conséquence, juger irrégulière la saisie pratiquée entre les mains de la SA Boursorama le 2 mai 2022, et en ordonner la mainlevée,

En tout état de cause,

Condamner la Régie du service public d'eau potable et du service public d'assainissement collectif et non collectif de la CAB à payer à M. [J] [W], la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamner aux entiers dépens de l'instance.

- validé la saisie pratiquée le 2 mai 2022 par la Régie du service public d'eau potable et du service public d'assainissement collectif et non-collectif de la CAB sur les comptes ouverts auprès de Boursorama et dénoncée le 9 mai 2022 à M. [J] [W] pour un montant de créance de 6 900,41 euros

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. [J] [W] aux dépens en ceux compris les frais de saisie.

Par conclusions déposées au greffe le 20 octobre 2023, M. [J] [W] a demandé à la cour de :

Vu les articles L. 211-1 et suivants et R. 211-22 du code des procédures civiles d'exécution,

Vu l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales,

Vu l'article L. 218-2 du code de la consommation,

Vu le jugement rendu par le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Bastia le 20 octobre 2022,

Infirmer le jugement dans l'ensemble de ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Constater l'absence de dénonce du procès-verbal de saisie-attribution au cotitulaire du compte joint sur lequel elle a été pratiquée,

Constater que le créancier saisissant ne rapporte pas la preuve de ce que les fonds qui se trouvent sur le compte joint saisi proviennent exclusivement des revenus du conjoint débiteur,

En conséquence,

Juger nulle et de nul effet la saisie-attribution pratiquée le 2 mai 2022 et en ordonner la mainlevée,

Constater que la Régie du service public d'eau potable et du service public d'assainissement collectif et non collectif de la CAB ne justifie pas des titres exécutoires ayant servi de base à la saisie-attribution litigieuse, et de l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible,

En conséquence,

Juger le procès-verbal de saisie en date du 2 mai 2022 irrégulier, et ordonner la mainlevée de ladite saisie,

Juger que les sommes dont il est réclamé paiement étaient d'ores et déjà prescrites à la date de la saisie-attribution litigieuse,

En conséquence,

Juger irrégulière, nulle et de nul effet la saisie-attribution opérée le 2 mai 2022,

Ordonner la mainlevée de ladite saisie-attribution,

Constater que la Régie du service public d'eau potable et du service public d'assainissement collectif et non collectif de la CAB ne justifie pas du montant de la créance dont il est réclamé paiement,

En conséquence,

Juger irrégulière la saisie pratiquée entre les mains de la SA Boursorama le 2 mai 2022, et en ordonner la mainlevée,

Par conséquent,

Condamner la Régie du service public d'eau potable et du service public d'assainissement collectif et non collectif de la CAB à rembourser à M. [W] la somme prélevée sur le

compte soit 6 900,41 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2022,

Subsidiairement,

Juger que la facture n° 2018-S01 en date du 17 avril 2018 est prescrite,

Juger que les frais dont il n'est pas justifié devront être déduits,

En conséquence,

Valider la saisie pour un montant de 3 142,42 euros,

Condamner la Régie du service public d'eau potable et du service public d'assainissement collectif et non collectif de la CAB à rembourser à M. [J] [W] la somme de 3 757,99 euros,

En tout état de cause,

Condamner la Régie du service public d'eau potable et du service public d'assainissement collectif et non collectif de la CAB à payer à M. [J] [W], la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamner aux entiers dépens, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Valérie Perino Scarcella, avocat aux offres de droit.

Sous toutes réserves.

Par ordonnance du 25 octobre 2023, la procédure a été clôturée et fixée à plaider au 9 novembre 2023.

Par conclusions déposées au greffe le 24 octobre 2023, la Régie des eaux du pays bastiais Acqua publica a demandé à la cour de :

Vu l'article 2240 du code civil,

Vu l'article 1617-5 du code général des collectivités territoriales,

Vu les articles R121-1, R211-22, L211-1 du code des procédures civiles d'exécution,

Vu l'article 444-31 du code du commerce,

Vu l'article L218-2 du code de la consommation,

Vu l'article L252A du livre des procédure fiscales,

Vu l'article 1409 du code civil,

Vu la jurisprudence visée,

Vu les pièces versées au débat,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Bastia le 20 octobre 2022 en ce qu'il :

Rejeter la prescription soulevée par M. [W],

Juger que les fonds se trouvant sur compte pouvaient parfaitement faire l'objet de la saisie,

Juger que les factures ainsi que le bordereau de situation produits constituent des titres exécutoires,

Juger que la créance dont la Régie des eaux du pays bastiais se prévaut est certaine, liquide et exigible,

Confirmer la saisie-attribution pratiquée le 2 mai 2022,

Rejeter la demande de mainlevée,

Juger que le montant de la créance est justifié,

Maintenir la créance de la Régie des eaux du pays Bastiais à hauteur de 6 900,41 euros,

Rejeter la demande de remboursement formulée par M. [W] du montant saisi soit 6 900,41 euros,

Rejeter la demande d'article 700 du code de procédure civile formulée à hauteur de 4 000,00 euros,

Y ajoutant

Condamner M. [W] au paiement de la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître Luca, avocat, sur ses offres de droits.

Quoiqu'il en soit,

Rejeter l'intégralité des demandes formulées par M. [W] à savoir :

- rejette l'ensemble des contestations présentées par M. [J] [D] [W]

- valide la saisie pratiquée le 2 mai 2022 par la Régie du service public d'eau potable et du service public d'assainissement collectif et non collectif de la CAB sur les comptes ouverts auprès de Boursorama et dénoncée le 9 mai 2022 à M. [J] [D] [W] pour un montant de créance de 6 900,41 euros

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamne M. [J] [D] [W] aux dépens en ce compris les fraís de saisie

- rappelle que cette décision est revêtue de l'exécution provisoire

Infirmer le jugement dans l'ensemble de ses dispositions,

Et statuant à nouveau

Constater l'absence de dénonce du procès-verbal de saisie-attribution au cotitulaire du compte joint sur lequel elle a été pratiquée,

Constater que le créancier saisissant ne rapporte pas la preuve de ce que les fonds qui se

trouvent sur le compte joint saisi proviennent exclusivement des revenus du conjoint débiteur,

En conséquence, juger nulle et de nul effet la saisie-attribution pratiquée le 2 mai 2022 et en ordonner la mainlevée,

Constater que la Régie du service public d'eau potable et du service public d'assainissement collectif et non collectif de la CAB ne justifie pas des titres exécutoires

ayant servi de base à la saisie-attribution litigieuse, et de l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible,

En conséquence, juger le procès-verbal de saisie en date du 2 mai 2022 irrégulier, et ordonner la mainlevée de ladite saisie,

Constater que la Régie du service public d'eau potable et du service public d'assainissement collectif et non collectif de la CAB ne justifie pas des titres exécutoires ayant servi de base à la saisie-attribution litigieuse, et de l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible,

En conséquence, juger le procès-verbal de saisie en date du 2 mai 2022 irrégulier, et ordonner la mainlevée de ladite saisie,

Juger que les sommes dont il est réclamé paiement étaient d'ores et déjà prescrites à la date de la saisie-attribution litigieuse,

En conséquence, juger irrégulière, nulle et de nul effet la saisie-attribution opérée le 2 mai 2022,

Ordonner la mainlevée de ladite saisie-attribution,

Constater que la Régie du service public d'eau potable et du service public d'assainissement collectif et non collectif de la CAB ne justifie pas du montant de la créance dont il est réclamé paiement,

Juger que les sommes dont il est réclamé paiement étaient d'ores et déjà prescrites à la date de la saisie-attribution litigieuse,

En conséquence, juger irrégulière, nulle et de nul effet la saisie-attribution opérée le 2 mai 2022,

Ordonner la mainlevée de ladite saisie-attribution,

Constater que la Régie du service public d'eau potable et du service public d'assainissement collectif et non collectif de la CAB ne justifie pas du montant de la créance dont il est réclamé paiement,

En conséquence, juger irrégulière la saisie pratiquée entre les mains de la SA Boursorama le 2 mai 2022, et en ordonner la mainlevée,

Rejeter également les demandes subsidiaires formulées par M. [W],

Juger que la facture n° 2018-S01 en date du 17 avril 2018 est prescrite,

Juger que les frais dont il n'est pas justifié devront être déduits,

En conséquence, valider la saisie pour un montant de 3 142,42 euros,

Condamner la Régie du service public d'eau potable et du service public d'assainissement collectif et non collectif de la CAB à rembourser à M. [J] [W] la somme de 3 757,99 euros,

Sous toutes réserves.

Le 9 novembre 2023, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2023.

Par arrêt avant dire droit du 20 décembre 2023, la cour a :

Révoqué l'ordonnance de clôture du 25 octobre 2023,

Clôturé l'instruction au 2 février 2024 et renvoyé l'affaire au 15 février 2024 à 8 heures 30 pour être plaidée.

Le 15 février 2024, la procédure a été renvoyée à l'audience du 21 mars 2024.

Le 21 mars 2024, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 5 juin 2024.

La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait, en application de l'article 455 du code de procédure civile, expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.

SUR CE

Pour statuer comme elle l'a fait la première juge a considéré que la procédure de saisie attribution diligentée n'était pas nulle, le compte saisi étant commun et la dette étant ménagère, que l'intimée avait des titres exécutoires valables et opposables à l'appelant, la créance n'étant pas prescrite, l'appelant ayant interrompu celle-ci par sa contestation du 11 mai 2018.

* Sur la nullité de la saisie attribution

L'appelant, après avoir renoncé, en appel, à soulever l'irrégularité de la saisie pour défaut de dénonce à son épouse, fait valoir que les sommes saisies ne pouvaient l'être à défaut de démonstration par l'intimée de leur appartenance en propre à l'appelant.

L'intimée conteste cette irrégularité, expliquant que, s'agissant d'une dette de consommation d'eau, elle était commune aux deux époux qui devait l'assumer, sans nécessité, dans le cadre d'un compte joint, de mise en cause de l'autre époux.

La saisie attribution diligentée porte sur des factures impayées de consommation d'eau.

L'article 1409 du code civil dispose, notamment, que «La communauté se compose

passivement : - à titre définitif, des aliments dus par les époux et des dettes contractées par eux pour l'entretien du ménage et l'éducation des enfants, conformément à l'article 220...». et l'article 220 du même code de préciser, notamment, que «Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l'un oblige l'autre solidairement..».

M. [J] [W] fait valoir que les dettes qui lui sont réclamées ne sont pas communes et sont attachées à un bien situé dans le Cap-Corse, indiquant que l'intimé ne démontrait aucunement qu'il s'agissait de son domicile conjugal et, qu'à ce titre, la saisie pratiquée sur un compte joint avec son épouse était irrégulière.

Il convient de préciser que les factures objets du présent dossier portent sur une période allant du 17 avril 2018 au 8 octobre 2019, avec pour adresse de l'appelant, sur les factures produites, l'indication à [Localité 8], village, sans plus de précision, que l'appelant pour justifier de ce que cette adresse n'était pas celle du domicile conjugal produit ses déclarations d'impôts sur le revenu établies en 2020 et 2021-pièces n° 4 et 8 de l'appelant- mentionnant une adresse commune à [Adresse 5], document déclaratif rempli par l'appelant, tout en faisant valoir que l'adresse mentionnée sur le compte bancaire saisi était à [Localité 6], [Adresse 9], pour une période justifiée du 17 décembre 2020 au 7 juillet 2021 -pièce n° 6 de l'appelant.

La cour relève que l'appelant produit aussi les relevés du compte bancaire sur lesquels son salaire serait versé -pièce n° 5-, mentionnant une adresse à [Localité 3] (Lot-et-Garonne), [Adresse 1], pour une période du 17 décembre 2020 au 27 juillet 2021, démontrant ainsi que ce dernier, pour des périodes temporelles se superposant, disposait

de plusieurs adresses, dont aucune ne peut être, de ce seul fait, de manière certaine être identifiée comme étant le domicile conjugal.

Toutefois, il résulte de l'attestation produite par l'intimée -pièce n° 10- qu'au 24 octobre 2023, il n'y a aucun contrat d'abonnement pour la consommation d'eau établi au nom de l'appelant ou/et de son épouse, tant sur [Localité 4] qu'ailleurs en Corse, et que le seul contrat mentionné dans les fichiers est celui objet du présent litige.

De plus, la lecture de l'acte du 9 mai 2022, établi par Me [Y] [U], huissière de justice associée à [Localité 4] (Haute-Corse), permet de retenir, selon le contenu de l'acte lui-même, à savoir un procès-verbal de recherches infructueuses, que l'appelant lui a indiqué «avoir vendu sa maison et être parti sur le continent, il nous déclare être actuellement en itinérance entre la France, la Corse et l'étranger et ne pas avoir d'adresse fixe», et ce, alors qu'elle le recherchait à l'adresse mentionnée sur les différentes factures, à [Localité 8], restées impayées au titre de la consommation d'eau de son seul domicile conjugal du moment.

De plus, l'article 1413 du code civil dispose que «le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu'il n'y ait eu fraude de l'époux débiteur et

mauvaise foi du créancier, et sauf récompense due à la communauté s'il y a lieu».

Par principe donc, les fonds sur le compte joint étant présumés communs, ils peuvent être saisis, comme en l'espèce, dans leur intégralité par le créancier d'un des époux dans le cadre d'une dette du ménage, l'origine des fonds sur le compte joint n'étant pas salariale -confer relevés de la Banque postale produits.

En conséquence, cet argument, de particulière mauvaise foi, est inopérant et doit être rejeté sans nécessité de plus d'examens, les facturations d'eau portant sur une période pendant laquelle l'appelant et son épouse résidaient dans le Cap-Corse, dans ce qui était leur domicile conjugal rend la dette commune et la recherche de son paiement sur leur compte joint justifiée.

* Sur l'existence de titre exécutoire

L'appelant fait valoir que l'intimée ne justifie d'aucun titre exécutoire valable à son encontre, celle-ci n'ayant jamais porté à sa connaissance les factures dont elle se prévaut, ce que celle-ci conteste.

Comme la première juge l'a valablement indiqué, l'article L 1617-5 du code général des collectivités territoriales dispose notamment qu'«En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur....

4° Quelle que soit sa forme, une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable. L'envoi sous pli simple ou par voie

électronique au redevable de cette ampliation à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître à la collectivité territoriale, à l'établissement public local ou au comptable public vaut notification de ladite ampliation.

En application des articles L. 111-2 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours.

Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation.

5° Lorsque le redevable n'a pas effectué le versement qui lui était demandé à la date limite de paiement, le comptable public lui adresse la mise en demeure de payer prévue à l'article L. 257 du livre des procédures fiscales avant la notification du premier acte d'exécution forcée devant donner lieu à des frais.

Lorsque la mise en demeure de payer n'a pas été suivie de paiement, le comptable public peut, à l'expiration d'un délai de huit jours suivant sa notification, engager des poursuites devant donner lieu à des frais mis à la charge du redevable dans les conditions fixées à l'article 1912 du code général des impôts».

Ainsi, les factures des 17 avril 2018, 16 octobre 2018, 31 décembre 2018, 9 avril 2019 et 8 octobre 2019 valent titres exécutoires émanant d'un établissement public local, la première du 17 avril 2018, contrairement à ce que l'appelant écrit, a bien été contestée par ce dernier par courrier du 11 mai 2018, reçu le 14 mai 2018, en ce qu'il y est mentionné

«Suite à la dernière facture que j'ai reçue», écrit suivi d'une demande de dégrèvement par rapport à la somme réclamée à la suite d'une fuite revendiquée, que sur cet écrit l'adresse mentionnée est bien celle de [Localité 8] Village, pour une maison individuelle, adresse figurant sur les quatre autres factures suivantes et sur la mise en demeure du 5 février 2020, adressée par lettre recommandée avec accusé de réception le 6 février 2020 -pièces 5 et 7 de l'intimée- pour un montant global dû de 5 979,74 euros, additionnant la somme due au titre des 5 factures émises après un dégrèvement de 1 019,08 euros au titre de la première facture et de la fuite invoquée, mise en demeure restée lettre morte, n'ayant pas été réclamée par l'appelant et retournée à l'intimée porteuse de la mention «pli avisé et non réclamé» ce qui démontre que M. [J] [W] était encore dans les lieux lors de cet envoi.

Le paiement n'étant pas intervenu dans les huit jours, la procédure a régulièrement été poursuivie.

Il convient de rejeter ce moyen et de confirmer le jugement querellé sur ce point.

* Sur la prescription de la créance revendiquée

M. [J] [W] invoque une prescription biennale de l'article L 218-2 du code de la consommation pour l'action en recouvrement des titres de recettes, ce que conteste l'intimée qui fait valoir que seul le délai de quatre années de l'article L 1617-5 du code général des collectivités publiques doit s'appliquer, elle-même n'étant ni une consommatrice, ni une société mais un établissement public local doté d'un comptable

public.

En l'espèce, il n'est pas contestable que l'intimée est une régie, soit un établissement public local à caractère industriel et commercial et non une société de droit privé, qu'à ce titre seules les dispositions de l'article L 1617-5 du code précité lui sont applicables, celles-ci prévoyant notamment en son 3° que «L'action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions, des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes.

Le délai de quatre ans mentionné à l'alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription».

En l'espèce l'acte de saisie étant du 22 mai 2022, les factures des 16 octobre 2018, 31 décembre 2018, 9 avril 2019 et 8 octobre 2019 ne sont pas prescrites, sans nécessité de plus d'examens et pour la facture émise le 18 avril 2002, le courrier de M. [J] [W] adressé à l'intimée, le 11 mai 2018, reçu le 14 mai 2018, a interrompu la prescription, prescription à nouveau interrompu par la mise en demeure du 6 février 2020 qui a fait repartir le délai de quatre ans.

Ce moyen est écarté et le jugement querellé une nouvelle fois confirmé.

* Sur la contestation de la créance

M. [J] [W] fait valoir que les frais décomptés à son encontre à hauteur de 496,65 euros et 424,02 euros ne seraient pas justifiés et s'interroge sur une double facturation en ce qui concerne le principal réclamé pour les années 2018 et 2019, ajoutant qu'il a bénéficié d'un dégrèvement et qu'une factures est prescrite, argumentations que l'intimée rejette en bloc.

L'article R 121-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose notamment que «Le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution...».

Ainsi, en ce qui concerne les cinq factures, celle du 18 avril 2018 n'étant pas prescrite et le dégrèvement accordé ayant été soustrait du montant principal réclamé, il y a lieu de rejeter la contestation soulevée, le juge de l'exécution ne pouvant modifier le titre exécutoire retenu en son montant.

En ce qui concerne les frais contestés à hauteur de 424,02 euros, ils sont détaillés dans le cadre du procès-verbal de saisie-attribution avec les actes y afférents -pièce n° 1 de l'appelant- et pour le montant de 496,65 euros euros dus au titre des frais antérieurs à la saisie, ils sont clairement identifiables, facture par facture, repris dans le décompte global en étant chaque fois différenciés, frais de recouvrement justifiés par l'inertie de l'appelant qui a tout fait, et fait tout, pour ne pas payer sa dette, la laissant peser sur la collectivité

municipale, étant lui-même et lui seul à l'origine de la multiplication des frais de procédure pas son attitude de fuite devant ses responsabilités.

L'article 1617-5 du code général des collectivités territoriales déjà cité prévoit, notamment, que «Les frais de recouvrement sont versés directement par le redevable à l'huissier de justice. Le montant des frais, qui restent acquis à l'huissier de justice, est calculé selon un taux proportionnel aux sommes recouvrées fixé par arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre de la justice. Lorsque la lettre de relance ou la phase comminatoire n'a pas été suivie de paiement, le comptable public compétent peut adresser une mise en demeure de payer. Dans ce cas, l'exécution forcée des poursuites donnant lieu à des frais peut être engagée à l'expiration d'un délai de huit jours suivant la notification de la mise en demeure de payer».

A ce titre, les frais calculés et réclamés sont bien dus et la créance invoquée doit être validée en son montant global en confirmant le jugement querellé en toutes ses dispositions.

* Sur les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

S'il est équitable de laisser à la charge de l'appelant les frais irrépétibles qu'il a engagés, il n'en va pas de même pour l'intimée ; en conséquence, s'il convient de débouter M. [J] [W] de ses demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code

de procédure civile, il y a lieu d'allouer, à ce titre à la Régie des eaux du pays bastiais Acqua publica la somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [J] [W] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne M. [J] [W] au paiement des entiers dépens, dont distraction au profit de Me Marc-Antoine Luca, avocat,

Condamne M. [J] [W] à payer à la Régie des eaux du pays bastiais Acqua publica la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile section 2
Numéro d'arrêt : 22/00703
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;22.00703 ?
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