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05/06/2024 | FRANCE | N°22/00470

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile section 2, 05 juin 2024, 22/00470


Chambre civile

Section 2



ARRÊT N°



du 5 JUIN 2024



N° RG 22/470

N° Portalis DBVE-V-

B7G-CEPC JJG-J



Décision déférée à la cour : jugement du tribunla judiciaire d'Ajaccio, décision attaquée du 9 juin 2022, enregistrée sous le n° 21/989







[F]

[H]





C/





[L]

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS













Copies exécutoires délivrées aux avocats le






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COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU



CINQ JUIN DEUX-MILLE-VINGT-QUATRE







APPELANTS :



M. [O], [R] [F]

né le 22 janvier 1959 à [Localité 7] (Bas-Rhin)

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par Me John GASNERI...

Chambre civile

Section 2

ARRÊT N°

du 5 JUIN 2024

N° RG 22/470

N° Portalis DBVE-V-

B7G-CEPC JJG-J

Décision déférée à la cour : jugement du tribunla judiciaire d'Ajaccio, décision attaquée du 9 juin 2022, enregistrée sous le n° 21/989

[F]

[H]

C/

[L]

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU

CINQ JUIN DEUX-MILLE-VINGT-QUATRE

APPELANTS :

M. [O], [R] [F]

né le 22 janvier 1959 à [Localité 7] (Bas-Rhin)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me John GASNERIE-CESARI, avocat au barreau d'AJACCIO, et par Me Franck MERKLING de la SOCIÉTÉ CIVILE ALEXANDRE-LEVY-KAHN-BRAUN & ASSOCIÉS, avocat au barreau de STRASBOURG

Mme [E], [Y] [H]

née le 8 octobre 1967 à [Localité 9] (Bas-Rhin)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me John GASNERIE-CESARI, avocat au barreau d'AJACCIO, et par Me Franck MERKLING de la SOCIÉTÉ CIVILE ALEXANDRE-LEVY-KAHN-BRAUN & ASSOCIÉS, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMÉES :

Mme [S], [P], [J] [L], épouse [W]

née le 1er janvier 1967 à [Localité 6] (Corse)

U Centru

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Camille ROMANI de la SCP ROMANI CLADA MAROSELLI ARMANI, avocat au barreau d'AJACCIO

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS

société d'assurance mutuelle à cotisations variables, immatriculée au RCS de Paris sous le n° 784 647 349 prise en la personne de son directeur en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

ASSIGNÉE EN INTERVENTION FORCÉE

Représentée par Me Jacques VACCAREZZA de l'AARPI TOMASI VACCAREZZA BRONZINI DE CARAFFA TABOUREAU GENUINI LUISI BENARD-BATTESTI, avocat au barreau de BASTIA, et par Me Férouze MEGHERBI, avocate au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 4 avril 2024, devant la cour composée de :

Jean-Jacques GILLAND, président de chambre

Valérie LEBRETON, présidente de chambre

Thierry BRUNET, président de chambre

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

[T] [I].

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 5 juin 2024

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Cécile BORCKHOLZ, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

Par actes des 20 et 27 septembre 2018, la S.A.R.L. Gm gestion, M. [O] [F] et Mme [E] [H] ont assigné la S.N.C. les Jardins de Trinité et Mme [S] [L], épouse [W], par-devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio aux fins de :

Vu l'article 1382 du code civil,

Vu les articles 1134 et 1147 et suivants du code civil,

Vu les pièces,

Déclarer la demande de Mme [H], M. [F] recevable et bien fondée.

Déclarer la demande de la société Gm gestion recevable et bien fondée.

En conséquence,

Condamner la SNC Jardins de Trinité à payer à la société Gm gestion la somme de 53 000,00 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au coût des travaux de terrassement exposés en pure perte par cette dernière, avec intérêts aux taux légal à compter du règlement intervenu.

Condamner la SNC Jardins de Trinité à payer à M. [F] et à Mme [H] la somme de 20 000,00 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au coût des sommes payées à Mme [L]-[W] pour la réalisation du dossier de permis de construire et le dossier technique, avec intérêts aux taux légal à compter du jugement à intervenir.

Condamner Mme [S] [L]-[W] solidairement avec la SNC Jardins de Trinité à rembourser à M. [F] et Mme [H] la somme de 20 000 euros sur le fondement du contrat d'architecte en date du 5 août 2015.

En tout état de cause,

Condamner la société SNC Jardins de Trinité à payer à la société Gm gestion une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner solidairement la société SNC Jardins de Trinité et Mme [S] [L]-[W] à payer à M. [F] et à Mme [H] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 ducode de procédure civile.

Les condamner aux dépens, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Déclarer le jugement à intervenir exécutoire de plein droit, conformément aux articles 514 et suivants du code de procédure civile.

Par jugement du 9 juin 2022, le tribunal judiciaire d'Ajaccio a :

Déclaré irrecevable l'action formée par la société Gm gestion à l'encontre de la société Les Jardins de Trinité.

Condamné M. [O] [F] et Mme [E] [H] à payer à Mme [S] [L]-[W] la somme de 10 000 euros au titre du solde dû en vertu du contrat les liant.

Condamné M. [O] [F], Mme [E] [H] et la société Gm gestion à payer à Mme [S] [L]-[W] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamné M. [O] [F], Mme [E] [H] et la société Gm gestion à payer à la société Les Jardins de Trinité la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire.

Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration au greffe du 13 juillet 2022, procédure enregistrée sous le numéro 22-470, M. [O] [F] et Mme [E] [H] ont interjeté appel du jugement prononcé en ce qu'il a :

Condamné M. [O] [F] et Mme [E] [H] à payer à Mme [S] [L]-[W] la somme de 10 000 euros au titre du solde dû en vertu du contrat les liant ;

Condamné M. [O] [F], Mme [E] [H] et la société Gm gestion à payer à Mme [S] [L]-[W] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté M. [O] [F] et Mme [E] [H] de leur demande visant à voir condamner Mme [S] [L]-[W] à rembourser à M. [F] et Mme [H] la somme de 20 000,00 euros sur le fondement du contrat d'architecte du 05 août 2015 ;

Débouté M. [O] [F] et Mme [E] [H] de leur demande visant à voir condamner Mme [S] [L]-[W] à leur payer une somme de 5 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

Par saisine du 18 novembre 2022, après acte du 10 novembre 2022, procédure enregistrée sous le numéro 22/714, Mme [S] [L]-[W] a assigné en intervention forcée la Mutuelle des architectes français aux fins de :

Vu le jugement rendu entre les parties le 9 juin 2022, par le tribunal judiciaire d'Ajaccio ;

Vu l'appel principal forme contre ce jugement par Mme [E] [H] et M. [O] [R] [F] ;

Vu les pièces versées aux débats ;

Vu les articles 1104 et suivants du code civil,

Donner acte à Mme [S] [L]-[W] de la délivrance, à sa requête, de la présente assignation en intervention forcée et garantie,

Joindre l'instance introduite parla présente assignation et celle introduite par la déclarationd'appel en date du 13 juillet 2022, enregistrée le 15 juillet 2022 sous le numéro N° RG 22/00470 - N° Portalis : DBVE-V-B7G-CEPC,

Condamner la Mutuelle des architectes français (MAF) à relever et garantir Mme [S] [L]-[W] de toutes éventuelles condamnations prononcées à son encontre,

Réserver les dépens de l'instance,

Sous toutes réserves.

Par ordonnance du 8 février 2023, le conseiller de la mise en état de la 2° section de la chambre civile de la cour d'appel de Bastia a :

- ordonné la jonction des procédures N° 22-470 et 22-714 sous le N° 22-714,

- ordonné le renvoi de l'affaire au 5 avril 2023 pour clôture éventuelle.

Par conclusions déposées au greffe le 3 octobre 2023, la Mutuelle des architectes français a demandé à la cour de :

Vu les conditions générales du contrat d'assurance et son annexe

Vu la circulaire 2016

Vu l'article 5.21 et 5.22 des conditions générales de la police MAF

Vu l'article 8.115 des conditions générales de la police MAF

Vu l'article 1964 du code civil

Vu l'article L 121-15 du code des assurances

Vu l'article L 113-9 du code des assurances

Recevoir la MAF en ses contestations et demandes, l'y déclarant fondée et y faisant droit,

À titre principal

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

En conséquence,

Mettre la MAF hors de cause.

Subsidiairement, dans l'hypothèse d'une réformation,

Statuant à nouveau

Mettre la MAF hors de cause et rejeter l'appel en garantie formé à son encontre par Mme [L]-[W] ainsi que toutes éventuelles demandes qui seraient formées à son encontre par les consorts [H] et [F].

En conséquence

Débouter Mme [L]-[W] de l'ensemble de ses demandes formées à son égard ainsi que les consorts [H] et [F] de leurs éventuelles demandes.

Les condamner in solidum à payer à la MAF la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Sous toutes réserves.

Par conclusions déposées au greffe le 26 octobre 2023, Mme [S] [L] a demandé à la cour de :

Vu le jugement rendu entre les parties le 9 juin 2022, par le tribunal judiciaire d'Ajaccio ;

Vu l'appel principal formé contre ce jugement par Mme [E] [H] et M. [O] [R] [F] ;

Vu les pièces versées aux débats ;

Constater que les conditions nécessaires à l'engagement de la responsabilité de Mme [L]-[W] ne sont pas réunies ;

En conséquence :

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Mme [E] [H] et M. [O] [R] [F] de leurs demandes, fins et conclusions ;

À titre infiniment subsidiaire :

Condamner la Mutuelle des Architectes Français (MAF), à relever et garantir Mme [L]-[W] de toutes les éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées contre cette dernière ;

Dire n'y avoir lieu à sa mise hors de cause.

Débouter la Mutuelle des Architectes Français (MAF) de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de Mme [L]-[W].

À titre reconventionnel :

Vu les articles 1103, 1104, 1193 et 1231-1 du code civil ;

Condamner in solidum de Mme [H], M. [F] et de la SARL Gm gestion, à payer la somme de 10 000 euros à Mme [L]-[W] au titre de l'exécution du contrat du 15 août 2015 ;

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Mme [E] [H] et

M. [O] [R] [F] à payer la somme de 10 000 euros à Mme [L]-[W] au titre de l'exécution du contrat les liant ;

Vu l'article 789 alinéa 6 du code de procédure civile :

Déclarer les demandeurs irrecevables en leur fin de non-recevoir tirée de la prétendue prescription des demandes de la concluante.

Les déclarer en toutes hypothèses, infondés en cette fin de non-recevoir.

Constater l'appel incident de Mme [S] [L]-[W], relatif au rejet de sa demande de dommages et intérêts complémentaires.

Le juger recevable et parfaitement fondé.

En conséquence :

Réformer sur ce point le jugement dont appel :

Condamner in solidum Mme [E] [H] et M. [O] [R] [F] à payer la somme de 15 000 euros à Mme [L]-[W] à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral découlant de l'inexécution du contrat ;

Constater l'appel incident de Mme [S] [L]-[W], relatif au quantum de la condamnation prononcée en première instance contre Mme [E] [H] et M. [O] [R] [F], au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le juger recevable et parfaitement fondé.

En conséquence :

Réformer sur ce point le jugement dont appel :

Condamner in solidum Mme [E] [H] et M. [O] [R] [F] à payer la somme de 10 000 euros à Mme [S] [L]-[W], au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais non taxables exposés en première instance.

Condamner in solidum Mme [E] [H] et M. [O] [R] [F] à payer la somme de 10 000 euros à Mme [S] [L]-[W], au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais non taxables exposés en cause d'appel.

Condamner in solidum Mme [E] [H] et M. [O] [R] [F] aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel.

Sous toutes réserves

Par conclusions déposées au greffe le 30 novembre 2023, M. [O] [F] et Mme [E] [H] ont demandé à la cour de :

Vu les articles 1134 et 1147 et suivants du code civil,

Vu les pièces,

A titre principal,

Déclarer l'appel de Mme [H] et M. [F] recevable et bien fondé,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Condamné M. [O] [F] et Mme [E] [H] à payer à Mme [S] [L]-[W] la somme de 10 000,00 euros au titre du solde dû en vertu du contrat les liant,

- Condamné M. [O] [F] et Mme [E] [H] à payer à Mme [S] [L]-[W] la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté M. [O] [F] et Mme [E] [H] de leur demande visant à voir condamner Mme [S] [L]-[W] à rembourser à M. [F] et Mme [H] la somme de 20 000,00 euros sur le fondement du contrat d'architecte du 05 août 2015,

- Débouté M. [O] [F] et Mme [E] [H] de leur demande à voir condamner Mme [S] [L]-[W] à leur payer une somme de 5 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

Et, statuant à nouveau,

Déclarer irrecevable comme prescrite la demande reconventionnelle de première instance de Mme [S] [L]-[W] de voir condamner M. [O] [F] et Mme [E] [H] à payer à cette dernière la somme de 10 000,00 euros au titre du solde dû en vertu du contrat les liant,

La déclarer mal fondée et débouter Mme [S] [L]-[W] de l'ensemble de ses fins et prétentions,

Condamner Mme [S] [L]-[W] à rembourser à M. [F] et Mme [H] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement du contrat d'architecte en date du 5 août 2015,

Condamner Mme [S] [L]-[W] à payer à M. [F] et à Mme [H] une somme de 5 000 euros au titre des frais de l'article 700 du code de procédure civile de première instance.

Sur l'appel incident,

Débouter Mme [S] [L]-[W] de ses demandes visant à voir :

- Condamné in solidum Mme [H] et M. [F] à payer la somme de 15 000 euros à Mme [L]-[W] à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral découlant de l'inexécution du contrat,

- Condamné Mme [E] [H] et M. [O] [R] [F] à payer la somme de 10 000 euros à Mme [S] [L]-[W], au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais non taxables exposés en première instance,

Par conséquent,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [S] [L]-[W] de l'ensemble de ses demandes sur ces points.

En tout état de cause,

Condamner Mme [S] [L]-[W] à verser à M. [F] et à Mme [H] une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la présente procédure d'appel.

Condamner Mme [S] [L]-[W] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Sous toutes réserves.

Par ordonnance du 7 février 2024, la procédure a été clôturée et fixée à plaider au 4 avril 2024.

Le 4 avril 2024, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 5 juin 2024.

La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait, en application de l'article 455 du code de procédure civile, expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.

SUR CE

Pour statuer comme il l'a fait le premier juge a considéré que Mme [S] [L] avait rempli sa mission en obtenant le permis de construire permettant la construction programmée, que, si elle avait commis des fautes, celles-ci n'étaient pas en lien avec l'abandon du projet, résultant de la volonté des appelants de ne pas donner suite à une construction sans vue sur mer, condition non spécifiée dans le contrat d'architecte et sans lien avec les conditions suspensives mentionnées dans le compromis de vente. Il a considéré ne pas être saisi de la fin de non-recevoir liée à la prescription de l'action reconventionnelle en paiement de ses prestations présentée par l'architecte et a condamné les appelants à les payer à hauteur de 10 000 euros.

* Sur la fin de non-recevoir liée à la prescription de la demande en paiement présentée par Mme [S] [L], en sa qualité d'architecte

M. [O] [F] et Mme [E] [H] font valoir que la demande en paiement présentée par leur architecte est prescrite, la facture présentée ayant plus de deux ans lors de l'introduction de l'instance, étant consommateurs et non pas professionnels comme l'intimée le prétend, agissant dans le cadre de la construction d'une résidence secondaire sans lien avec leur activité professionnelle, la prescription étant de deux ans et non de cinq, que la procédure ayant été instruite avant le 1er janvier 2020, le tribunal était bien

compétent pour trancher ce point et, par la suite, la cour et non le magistrat chargé de la mise en état. L'intimée principale, appelante incidente, s'oppose à toute prescription de son action en paiement, faisant valoir que M. [O] [F] avait agi en qualité de professionnel, gérant d'une société civile immobilière, que la prescription applicable était donc quinquennale, que la fin de non-recevoir soulevée était de la compétence du magistrat de la mise en état et était donc irrecevable devant la cour.

Il ressort du jugement entrepris que les époux [F]/[H] ont été condamnés à payer la somme de 10 000 euros à l'intimée au titre du solde dû sur le contrat d'architecte les liant et de la prestation fournie. Il est certain que le tribunal n'a pas tranché la fin de non-recevoir relative à la prescription de l'action intentée s'estimant, à juste titre, non saisi, que, cependant, il a jugé au fond la demande en paiement présentée condamnant à paiement les appelants.

Or, il est constant que le conseiller de la mise en état ne peut connaître des fins de non-recevoir dont l'accueil aurait pour effet de remettre en cause, comme en l'espèce, ce qui a été jugé en première instance.

En conséquence, la présente cour est bien compétente pour statuer sur la fin de non-recevoir présentée, et ce, sans nécessité d'un plus ample examen.

L'article liminaire du code de la consommation dispose, notamment, que «Pour l'application du présent code, on entend par :

1° Consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ;

2° Non-professionnel : toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles ;

3° Professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel ;....».

En l'espèce, il ne peut être contesté que M. [O] [F] est un professionnel de la construction, étant gérant de différentes sociétés, notamment de promotions immobilières et surtout de terrassement.

De même, si l'on reprend le compromis de vente produit au débat -pièce n° 1 des appelants- M. [O] [F] est bien indiqué comme gérant de société, mais l'achat envisagé l'est à son nom personnel et celui de sa partenaire, Mme [E] [H], et aucunement à titre professionnel.

De plus, la convention passée avec l'architecte a été conclue par les appelants en leurs noms personnels et non au titre d'une quelconque société ou en représentation d'une autre personne. D'ailleurs, Mme [S] [L] a établi, le 4 août 2016, une note d'honoraires aux seuls noms de «Mme [E] [H] et Mr. [O] [F]» -avec une faute dans le nom de ce dernier- et non à l'encontre d'une quelconque société ou entité professionnelle -pièce n° 15 de l'intimée.

Ainsi, il est évident que M. [O] [F] n'a pas agi à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale voire industrielle, artisanale ou/et libérale, mais bien en son nom personnel sans lien avec son activité professionnelle et doit être qualifié, à ce titre,

de consommateur, ce dernier réglant à titre personnel, sans que cela ne soit contesté, une partie de la prestation de service fournie -pièce n° 13 des appelants, preuve virement et paiement par chèques de 10 000 et deux fois 5 000 euros.

L'article L 218-2 du code de la consommation dispose que «L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans».

En l'espèce, Mme [S] [L], alors qu'elle savait ne pas avoir été intégralement payée de sa prestation d'architecte a, pour la première fois, sollicité, par le biais de conclusions dans le cadre de la première instance, en l'absence de toute mise en demeure ou sommation de payer, le paiement du solde de sa prestation, à savoir une somme de 10 000 euros, le 12 avril 2019, pour une dette mentionnée, par courriel, dès le 4 août 2016, puis rappelée, toujours par courriel, le 10 juin 2017 -pièce n° 16 de l'intimée.

En conséquence, la prescription a été acquise le 4 août 2018 et Mme [S] [L] est irrecevable en sa demande en paiement de 10 000 euros.

Le jugement entrepris doit être infirmé sur ce point.

* Sur la responsabilité contractuelle de Mme [S] [L] et la réparation de l'éventuel préjudice en découlant

Les appelants font valoir au soutien de leur demande qu'il avait conclu un contrat avec Mme [S] [L], en sa qualité d'architecte, qu'elle avait à ce titre des obligations contractuelles, dont un devoir de conseil portant sur les paramètres de leur projet, qu'elle se devait de se renseigner sur leurs souhaits et leurs désirs en tant que maîtres de l'ouvrage, notamment, leur volonté d'avoir une vue sur mer, qu'elle a commis une faute en ne vérifiant pas les paramètres techniques au niveau de l'altimétrie et a aggravé la présence de fausses mesures en se trompant elle-même sur l'altimétrie utilisée.

L'intimée précise qu'elle n'avait qu'une mission partielle devant obtenir un permis de construire, ce qui a été fait, qu'elle n'était en aucun cas maîtresse d''uvre, n'étant tenue que d'une obligation de moyens, ayant obtenu une dérogation pour augmenter la hauteur du bâtiment projeté, tout en reconnaissant avoir commis une seule erreur de recopie, sans conséquence sur la faisabilité du projet, selon elle, ajoutant que la construction avec une vue sur mer n'était pas contractuellement prévue.

Il ressort des pièces du dossier que les parties étaient liées par une simple convention d'honoraires du 15 août 2015 -pièce n° 12 des appelants- portant sur la réalisation pour la construction d'une maison en R + 2 d'une esquisse, d'un avant-projet avec demande de permis de construire et réalisation des plans d'exécution, soit une mission partielle, pour un montant de 30 000 euros toutes taxes comprises, comme le premier juge l'a valablement retenu.

Le fait que l'architecte missionnée n'ait pas alerté les appelants sur les difficultés du terrain (présence importante de gros rochers) augmentant le coût prévisible de leur projet et qu'elle ait déposé un permis de construire comportant des côtes altimétriques erronées n'a pas empêché l'obtention dudit permis, avant même la signature du compromis de vente dans lequel le permis est mentionné -permis de construire accordé le 29 mars 2026, compromis de vente signé le 2 mai 2016, pièce n° 1 des appelants-, ce qui démontre que ces faits ne sont pas à l'origine de l'abandon du projet d'achat immobilier.

En effet, il ressort clairement du courriel adressé par les appelants à Mme [S] [L], le 15 juillet 2016 à 13 heures 29 -pièce n° 2 de l'intimée- que l'abandon de leur projet résulte de l'impossibilité d'avoir une vue sur mer comme ils le projetaient -caractéristique non contractuelle qui ne ressort d'aucun élément objectif des demandes adressées à l'architecte et de sa mission lors de l'établissement du permis de construire- et de la présence de rochers plus hauts qu'envisagés.

Certes, Mme [S] [L] a fait preuve de négligences en commettant une erreur sur la reprise de l'altimétrie du terrain devant supporter la construction projetée, et en ne tenant pas compte de la consistance du terrain envahi de rochers mais dont la hauteur réelle ne lui avait pas été indiquée.

Cependant, M. [F] dans ce courriel écrit «Après plusieurs visites sur le terrain avec [K] [|le vendeur], nous nous rendons à l'évidence que le projet n'est pas réalisable dans l'état au vu des rochers qui sont plus haut et qui empiètent sur toute la terrasse sud. De plus le système de référence des hauteurs étant faux nous nous trouvons au point le plus haut avec une vue sur le toit.....au lieu d'avoir la vue sur mer comme prévue», ajoutant un peu plus loin «En clair on s'est fourvoyé grave. On abandonne le tout et le projet est annulé ainsi que votre mission»

Ainsi, l'abandon du projet envisagé et de la mission de l'architecte reposent sur l'impossibilité d'avoir une vue sur mer résultant, non des erreurs d'altimétrie mais de la présence de rochers plus hauts que prévus. Ainsi même en l'absence d'erreur d'altimétrie, les rochers seraient toujours aussi hauts et le projet avec vue sur la mer serait resté non-envisageable ou/et trop dispendieux.

La faute et la négligence dans le sérieux de son travail qui peuvent être reprochées à Mme [S] [L] ne sont donc pas à l'origine de l'abandon d'un projet qui était, avec la vue sur mer exigée mais non indiquée dans les pièces produites, impossible à concrétiser.

Or, le contrat liant les parties ne faisait pas de l'architecte la maîtresse d''uvre compte tenu de sa limitation à la seule élaboration et au seul dépôt du permis de construire, ce qui a été fait.

De plus, quand bien même elle aurait été redevable d'un devoir de conseil, ce dernier de manière constante se définit par rapport aux éventuelles non-conformités de l'ouvrage aux stipulations contractuelles et aux normes applicables et, par rapport à toute non-conformité aux règles de l'art, ce qui n'est pas le cas en l'espèce à défaut d'indication contractuellement constatée de la nécessité d'une construction avec vue sur mer.

De même, il est constant que l'architecte ayant été chargée uniquement d'une mission relative à l'obtention de permis de construire n'est en rien tenue de réaliser des travaux de reconnaissance des sols -confer la présence de rochers-, et que sa mission, limitée au dépôt de la demande de permis de construire, elle n'était plus redevable de son obligation de conseil postérieurement au dépôt de celle-ci, demande qui en l'espèce, de plus, a été favorablement accueillie.

En conséquence, il convient de rejeter la demande des appelants et de confirmer le jugement entrepris sur ce chef de la demande.

* Sur les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont engagés et, en conséquence, il convient de les débouter de leur demande présentée à ce titre.

Il y a lieu aussi de laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions dont la cour est saisie, à l'exception de celle rejetant la demande de condamnation de Mme [S] [L] au titre de la faute contractuelle,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable, en raison de la prescription, la demande en paiement présentée par Mme [S] [L] à l'encontre de M. [O] [F] et Mme [E] [H] au titre du solde dû en application du contrat les liant,

Déboute M. [O] [F] et Mme [E] [H] de l'ensemble de leurs demandes présentées à l'encontre de Mme [S] [L],

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens, tant ceux de première instance qu'en cause d'appel,

Déboute chacune des parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile section 2
Numéro d'arrêt : 22/00470
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;22.00470 ?
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