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03/04/2024 | FRANCE | N°23/00019

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale, 03 avril 2024, 23/00019


ARRET N°

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03 Avril 2024

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N° RG 23/00019 - N° Portalis DBVE-V-B7H-CF2D

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[U] [B]

C/

E.U.R.L. CARACT HAIR





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Décision déférée à la Cour du :



22 septembre 2022

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO

21/00116

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Copie exécutoire délivrée le :<

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à :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU : TROIS AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE





APPELANTE :



Madame [U] [B]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Lau...

ARRET N°

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03 Avril 2024

----------------------

N° RG 23/00019 - N° Portalis DBVE-V-B7H-CF2D

----------------------

[U] [B]

C/

E.U.R.L. CARACT HAIR

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

22 septembre 2022

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO

21/00116

------------------

Copie exécutoire délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : TROIS AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

APPELANTE :

Madame [U] [B]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Laura-Maria POLI, avocat au barreau d'AJACCIO

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro C230332023000344 du 23/03/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)

INTIMEE :

E.U.R.L. CARACT HAIR, prise en la personne de son représentant légal, domicilié es-qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean-Pierre RIBAUT-PASQUALINI, avocat au barreau de BASTIA, substitué par Me Laura VEGA, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 janvier 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame BETTELANI, conseillère chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur BRUNET, Président de chambre,

Madame BETTELANI, Conseillère

Mme ZAMO, Conseillère

GREFFIER :

Mme COMBET, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 03 avril 2024

ARRET

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- Signé par Monsieur BRUNET, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [U] [B] a été liée à la S.A.R.L. Caract'Hair en qualité de coiffeuse, niveau II, échelon 2 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à effet du 3 juillet 2015.

Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale de la coiffure et des professions connexes.

Selon courrier en date du 29 avril 2021, la salariée a été convoquée par l'E.U.R.L. Caract'Hair venant aux droits de l'employeur initial, à un entretien préalable à un licenciement économique fixé au 7 mai 2021.

Madame [B] s'est vue notifier une lettre de licenciement pour motif économique par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 10 mai 2021.

Elle a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 25 mai 2021 et le contrat a été rompu à effet du 28 mai 2021.

Madame [U] [B] a saisi le conseil de prud'hommes d'Ajaccio, par requête reçue le 7 septembre 2021, de diverses demandes.

Selon jugement du 22 septembre 2022, le conseil de prud'hommes d'Ajaccio a :

-dit que le licenciement pour motif économique de Madame [U] [B] est justifié par une cause réelle et sérieuse,

-dit que l'EURL Caract'Hair n'a pas failli à son obligation de reclassement,

-en conséquence, débouté Madame [U] [B] de l'intégralité de ses demandes liées à l'indemnisation de la rupture de son contrat de travail,

-dit que Madame [U] [B] ne bénéficiait pas de la classification conventionnelle correspondante aux missions réellement effectuées,

-en conséquence, ordonné le repositionnement conventionnel de Madame [U] [B] au niveau 2, échelon 3 de convention collective et condamne l'EURL Caract'Hair à lui verser la somme de 2.469 euros bruts à ce titre,

-dit que Madame [U] [B] ne fait pas la démonstration du préjudice moral qu'elle allègue,

-en conséquence, débouté Madame l'EURL Caract'Hair de sa demande indemnitaire à ce titre,

-dit que l'EURL Caract'Hair devra régler à Madame [U] [B] la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, si absence d'aide juridictionnelle,

-condamné l'EURL Caract'Hair aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 20 février 2023 enregistrée au greffe, Madame [U] [B] a interjeté appel de ce jugement, en ce qu'il a : dit que le licenciement pour motif économique de Madame [U] [B] est justifié par une cause réelle et sérieuse, dit que l'EURL Caract'Hair n'a pas failli à son obligation de reclassement, débouté Madame [U] [B] de l'intégralité de ses demandes liées à l'indemnisation de la rupture de son contrat de travail, dit que Madame [U] [B] ne fait pas la démonstration du préjudice moral qu'elle allègue, en conséquence, débouté [U] [B] de sa demande indemnitaire à ce titre.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 17 mai 2023 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame [U] [B] a sollicité :

-de réformer le jugement du conseil de prud'hommes d'Ajaccio en ce qu'il a: dit que le licenciement pour motif économique de Madame [U] [B] est justifié par une cause réelle et sérieuse, dit que l'EURL Caract'Hair n'a pas failli à son obligation de reclassement, débouté Madame [U] [B] de l'intégralité de ses demandes liées à l'indemnisation de la rupture de son contrat de travail, dit que Madame [U] [B] ne fait pas la démonstration du préjudice moral qu'elle allègue, en conséquence, débouté [U] [B] de sa demande indemnitaire à ce titre,

-et statuant à nouveau: de condamner l'entreprise Caract'Hair à payer à la salariée les sommes suivantes : 7.131,66 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2.377,22 euros au titre de l'indemnité de préavis, 222,58 euros au titre des congés payés sur préavis, 5.000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral, 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 27 juillet 2023 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, l'E.U.R.L. Caract'Hair a demandé :

-de recevoir l'EURL Caract'Hair en son appel partiel incident et l'en dire bien fondée,

-de confirmer le jugement rendu en ce qu'il a : dit que le licenciement pour motif économique de Madame [U] [B] est justifié par une cause réelle et sérieuse, dit que l'EURL Caract'Hair n'a pas failli à son obligation de reclassement, débouté Madame [U] [B] de l'intégralité de ses demandes liées à l'indemnisation de la rupture de son contrat de travail, dit que Madame [U] [B] ne fait pas la démonstration du préjudice moral qu'elle allègue, débouté Madame [B] de sa demande indemnitaire à ce titre, dit que l'EURL Caract'Hair devra régler à Madame [T] [B] la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, si absence d'aide juridictionnelle,

-de réformer le jugement rendu en ce qu'il a fait droit aux demandes suivantes: dit que Madame [U] [B] ne bénéficiait pas de la classification conventionnelle correspondante aux missions réellement effectuées, ordonné le repositionnement conventionnel de Madame [T] [B] au niveau 2, échelon 3 de convention collective et condamné l'EURL Caract'Hair à lui verser la somme de 2.469 euros bruts à ce titre,

-et statuant à nouveau, dire et juger infondé l'ensemble des demandes de la salariée, de débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, de condamner la salariée à payer à l'EURL Caract'Hair la somme de 3.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 3 octobre 2023, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 9 janvier 2024, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 3 avril 2024.

MOTIFS

Sur la recevabilité des appels

La recevabilité des appels, formés à titre principal et incident, n'est pas discutée et les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office. Ces appels seront donc déclarés recevables en la forme, tel que sollicité.

Sur les demandes afférentes au repositionnement conventionnel et rappel de salaire

L'E.U.R.L. Caract'hair querelle le jugement en ce qu'il a dit que Madame [U] [B] ne bénéficiait pas de la classification conventionnelle correspondante aux missions réellement effectuées, ordonné le repositionnement conventionnel de Madame [T] [B] au niveau II, échelon 3 de convention collective et condamné l'EURL Caract'Hair à lui verser la somme de 2.469 euros bruts à ce titre. Madame [B] ne conclut pas sur ces aspects dans ses dernières écritures d'appel.

Selon les dispositions de la convention collective de la coiffure et des professions connexes, dans sa version applicable aux données de l'espèce, la classification de niveau II, échelon 3, 'coiffeur (se) hautement qualifié(e) ou assistant(e) manager ou technicien(ne) hautement qualifié(e)' vise une qualification de type 'Titulaire de CAP et/ou Titulaire du BP ou Titulaire d'un diplôme de niveau III hors coiffure ayant suivi deux modules de formation qualifiante coiffure de 12 mois ou Titulaire du CQP 'Responsable de salon de coiffure' ou Titulaire BM III ou Titulaire du BTS Métiers de la coiffure' et concerne des 'tâches à exercer' décrites comme suit: 'Maîtrise les outils et supports liés à son activité. Gère et optimise les stocks produits. Gère les outils de gestion caisse. Tuteur d'un jeune en alternance. Sait écouter, comprendre et convaincre et est lui-même impliqué. Motive l'équipe dans l'atteinte des objectifs fixés. Assiste à la mise en oeuvre des opérations commerciales décidées par le chef d'entreprise. Transmet des consignes de manière claire et précise. Respect et fait respecter l'hygiène et la propreté du salon'.

Parallèlement les 'compétences' sont définies comme suit : 'Maîtriser la polyvalence et l'organiser sur les actes techniques de coiffure et de services. Maîtriser la gestion des stocks et de caisse. Savoir gérer et suivre une action commerciale. Maîtriser la gestion du client. Maîtriser et faire appliquer les règles d'hygiène et de sécurité', tandis que 'l'autonomie/responsabilité' requise est notamment décrite ainsi : 'Doit faire face aux situations sans assistance hiérarchique mais sous contrôle du supérieur hiérarchique. Prend des initiatives concernant les modes opératoires en accord avec son supérieur hiérarchique. Assume les décision prises'.

Contrairement à ce qu'expose la société appelante, la qualification dont dispose Madame [B] (diplôme de type CAP et BP), ne s'oppose pas à la reclassification sollicitée par ses soins.

En revanche, l'E.U.R.L. Caract'Hair fait valoir de manière fondée que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, Madame [B] ne produit pas de pièces suffisantes pour démontrer que le poste occupé par ses soins relevait d'une classification de 'coiffeur (se) hautement qualifié(e) ou assistant(e) manager ou technicien(ne) hautement qualifié(e)', faute de mise en évidence de ce que cette salarié disposait des compétences et effectuait des tâches de niveau II, échelon 3, s'agissant notamment des gestion client, gestion et optimisation des stocks, de l'assistance à la mise en oeuvre des opérations commerciales, et disposait du degré d'autonomie et du niveau de responsabilités afférents à cette classification, tenant notamment à la responsabilité des décisions prises. Le fait qu'elle ait pu rester ponctuellement seule au salon n'est pas déterminant pour justifier du bien fondé de la reclassification sollicitée.

Par suite, une reclassification de la salariée de niveau II, échelon 2, en niveau II, échelon 3 n'étant pas fondée, le jugement entrepris sera infirmé en ses dispositions querellées à ces égards et Madame [B] sera déboutée de ses demandes afférentes à un repositionnement conventionnel au niveau II, échelon 3 et rappel de salaire afférent. Les demandes en sens contraires seront rejetées.

Sur les demandes afférentes à la rupture pour motif économique

Il convient de rappeler qu'un salarié ayant accepté un contrat de sécurisation professionnelle n'est pas pour autant privé de la possibilité de contester la cause économique de la rupture ou le respect par l'employeur de son obligation de reclassement.

Dès lors que la rupture a un motif économique, il doit être vérifié par le juge que ce motif existe et qu'il donne à la rupture de la relation de travail une cause réelle et sérieuse.

La cause économique s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient. Le notion du groupe désigne le groupe formé par une entreprise dominante et les entreprises qu'elles contrôle dans les conditions définies aux articles L233-1, aux I et II de L233-3, et 233-16 du code de commerce. En outre, quel que soit le motif économique invoqué, l'employeur est tenu de rechercher, dans l'entreprise ou l'intérieur du groupe auquel appartient le cas échéant la société, toutes les possibilités de reclassement existantes et de proposer au salarié un emploi de même catégorie ou à défaut de catégorie inférieure, fut ce par voie de modification du contrat de travail, en assurant au besoin une simple formation d'adaptation du salarié à une évolution de son emploi. Le périmètre de reclassement au sein d'un groupe s'entend des entreprises du groupe dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel ou la possibilité d'exercer des fonctions comparables.

L'entreprise doit procéder à une recherche loyale et sérieuse de reclassement, étant relevé qu'il s'agit d'une obligation de moyens renforcée.

Madame [B] critique le jugement en ses dispositions dit que le licenciement pour motif économique de Madame [U] [B] est justifié par une cause réelle et sérieuse, dit que l'EURL Caract'Hair n'a pas failli à son obligation de reclassement, en conséquence, débouté Madame [U] [B] de l'intégralité de ses demandes liées à l'indemnisation de la rupture de son contrat de travail. L'E.U.R.L. Caract'Hair sollicite quant à elle la confirmation de ces chefs.

La lettre de rupture pour motif économique du 10 mai 2021 mentionne :

'Madame,

Comme nous vous l'avons évoqué au cours de notre entretien du vendredi 07 mai 2021, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique.

Celui-ci est justifié par les faits suivants :

- Perte de Chiffres d'affaires sur l'exercice de plus de 16%

- Impossibilité d'atteindre un Chiffre d'affaires permettant la rémunération de deux coiffeuses dont la dirigeante

Ce motif nous conduit à supprimer votre poste.

Comme nous vous l'indiquions le 07 mai, aucune solution de reclassement n'a pu être trouvée.

Nous n'avons pas d'autre solution que de prononcer votre licenciement.

Si vous souhaitez adhérer au contrat de sécurisation professionnelle qui vous a été présenté le 07 mai, la rupture de votre contrat de travail sera effective à la fin de votre délai de réflexion, soit le 28 mai 2021. Vous n'aurez pas à effectuer de préavis.

Dans le cas contraire, compte tenu de votre ancienneté, vous bénéficiez d'un préavis de 2 mois. Pendant votre période de préavis, vous serez autorisé à vous absenter pour la recherche d'un emploi 1 heure 30 par jour sans aucune réduction de rémunération.

Ce préavis débutera donc à la première présentation de la présente lettre recommandée avec avis de réception.

Nous vous informons que, conformément à l'article L.1233-45 du Code du travail, vous pourrez bénéficier d'une priorité de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail. Pour ce faire, vous devrez nous faire part de votre désir d'user de cette priorité au cours de cette année. Cette priorité concerne les emplois compatibles avec votre qualification actuelle ou avec celles que vous viendriez à acquérir sous réserve que vous nous ayez informé de celles-ci.

A l'issue de votre préavis, vous recevrez les documents suivants :

-Bulletin de salaire

-Certificat de travail

-Reçu pour solde de tout compte

-Attestation Pole Emploi.

Nous vous prions d'agréer, Madame, nos respectueuses salutations.'

Il n'est pas fait état dans cette lettre de notification, fixant les limites du litige, d'un manque ou d'une absence de clientèle gérée par la salariée, de sorte que cet aspect n'a pas à être examiné, ni les moyens soulevés à cet égard.

L'existence d'un groupe n'étant pas mise en évidence au sens de l'article L1233-3 du code du travail, la cause économique doit s'apprécier au niveau de l'entreprise, de même que la question du respect de l'obligation de reclassement.

Au regard des quelques éléments produits au dossier (notamment les comptes annuels du 1er janvier au 31 décembre 2020 et l'attestation de l'expert-comptable de l'entreprise), la cour constate que :

-le chiffre d'affaires net au 31 décembre 2020 avait certes baissé de 16%, passant à 51.043 euros (sans qu'il soit mis en évidence de légèreté blâmable de l'employeur, en lien avec les difficultés économiques, ni de reconnaissance, claire et non équivoque de l'employeur à cet égard contrairement à ce qu'expose Madame [B]), mais le résultat d'exploitation de l'entreprise avait légèrement progressé, passant de 11.549 euros au 31 décembre 2019 à 14.298 euros au 31 décembre 2020, tout comme le bénéfice de l'entreprise passé de 9.652 euros à 13.437 euros au 31 décembre 2020,

-l'E.U.R.L. Caract'Hair, qui met en exergue la baisse du chiffre d'affaires, tel qu'arrêté en décembre 2020 et l'impossibilité d'atteinte d'un chiffre d'affaires permettant la rémunération de deux coiffeuses, dont la gérante, ne démontre néanmoins pas de l'existence de difficultés économiques caractérisées au moment est prise la décision de licencier, en mai 2021.

L'attestation de l'expert-comptable est relative à la présentation du bilan 2020 et n'est accompagnée d'aucun autre élément comptable, ni explication, ni détail pour la période de janvier à mai 2021, permettant de vérifier la persistance des difficultés économiques invoquées dans la lettre de rupture (baisse de chiffres d'affaires et impossibilité d'atteindre un chiffre d'affaires permettant la rémunération de deux coiffeuses, dont la gérante) à la date de cette rupture. La cour ne dispose pas des éléments pour caractériser une baisse significative du chiffre d'affaires d'une durée au moins égale à un trimestre, en comparaison avec la même période de l'année précédente.

Dès lors, l'existence, au jour de la rupture, de difficultés économiques, à même de justifier de suppression pure et simple de l'emploi de Madame [B] est insuffisamment caractérisée.

Le motif économique n'est donc pas établi, sans qu'il y ait lieu de vérifier la question de l'effectivité de la suppression de poste.

De surcroît, l'employeur qui allègue l'absence de poste disponible au sein de l'entreprise, pour justifier qu'il a satisfait à son obligation de reclassement, ne produit pas de pièces suffisantes pour en démontrer. En effet, comme le relève la salariée, son propre poste de coiffeuse était disponible, avec possibilité d'envisager une modification d'un élément essentiel du contrat de travail. Faute de justification d'une absence de postes disponibles de reclassement, il convient de rechercher si l'employeur a satisfait à son obligation de recherche de reclassement dans la périmètre de l'entreprise, or aucun élément n'est versé sur ce point par l'employeur.

Au regard de tout ce qui précède, le jugement entrepris sera infirmé en ses dispositions querellées à ces égards et la rupture pour motif économique du contrat de travail liant Madame [B] à l'E.U.R.L. Caract'Hair sera dite dépourvue de cause réelle et sérieuse.

Au moment de la rupture du contrat de travail, Madame [B] avait cinq années complètes d'ancienneté dans l'entreprise, qui comptait moins de onze salariés.

Au regard de son ancienneté, de son âge (pour être né en 1967) des conditions dans lesquelles la rupture est intervenue et de son aptitude à retrouver un emploi, des plafonds minimal et maximal en mois de salaire brut, des justificatifs sur sa situation postérieure, Madame [B], qui ne démontre pas, par pièces produites aux débats, d'un plus ample préjudice, se verra allouer, après infirmation du jugement à cet égard, des dommages et intérêts pour rupture économique sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 7.000 euros et sera déboutée du surplus de sa demande, non fondée.

En l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre en vertu dudit contrat.

En l'espèce, il n'est pas démontré de l'existence de sommes déjà versées par l'employeur au titre du préavis, de sorte qu'il sera fait droit, après infirmation du jugement sur ce point, à la demande de Madame [B] de condamnation de l'E.U.R.L. Caract'Hair à lui verser les sommes, dont le quantum n'est pas contesté en lui-même par l'employeur, de : 2.377,22 euros, somme exprimée nécessairement en brut, au titre de l'indemnité de préavis (correspondant à deux mois), outre 222,58 euros, somme exprimée nécessairement en brut, au titre des congés payés sur préavis, montant que la cour ne peut excéder sauf à statuer ultra petita.

Les demandes en sens contraire seront rejetées.

Sur les demandes afférentes à un préjudice moral distinct

Madame [B], qui querelle le jugement à cet égard, sollicitant une somme de 5.000 euros de dommages et intérêts, ne démontre toutefois pas d'un préjudice moral subi, distinct de celui déjà réparé au titre de la rupture.

Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ses dispositions critiquées sur ce point, sauf à préciser que la personne déboutée de sa demande indemnitaire est Madame [U] [B], et non Madame l'EURL Caract'Hair comme mentionné manifestement par pure erreur de plume par les premiers juges. Les demandes en sens contraire rejetées.

Sur les autres demandes

Les chefs du jugement afférents aux frais irrépétibles et dépens de première instance n'ont pas été déférés à la cour par l'appel, en l'absence d'appel principal ou incident à cet égard, étant observé qu'une annulation du jugement n'a pas été demandée et qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité du litige, ni mis en évidence que ces chefs dépendent de ceux expressément critiqués. Ces chefs du jugement sont donc devenus irrévocables et il n'y a pas lieu à statuer les concernant, ni à les confirmer.

L'E.U.R.L. Caract'Hair sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel, à laquelle elle succombe principalement, lesquels seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

L'équité ne commande pas de prévoir de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.

Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe le 3 avril 2024,

DECLARE recevables en la forme les appels, formés à titre principal et incident,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 22 septembre 2022, tel que déféré, sauf :

-en ce qu'il a dit que Madame [U] [B] ne fait pas la démonstration du préjudice moral qu'elle allègue,

-en son débouté de la demande indemnitaire à ce titre, sauf à préciser que la personne déboutée de sa demande indemnitaire est Madame [U] [B], et non Madame l'EURL Caract'Hair, comme mentionné manifestement par pure erreur de plume par les premiers juges,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DEBOUTE Madame [U] [B] de ses demandes afférentes à un repositionnement conventionnel au niveau II, échelon 3 et rappel de salaire afférent,

CONDAMNE l'E.U.R.L. Caract'Hair, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Madame [U] [B] les sommes suivantes :

-7.000 euros de dommages et intérêts pour rupture économique sans cause réelle et sérieuse,

-2.377,22 euros brut au titre de l'indemnité de préavis,

-222,58 euros brut au titre des congés payés sur préavis,

DIT que les chefs du jugement afférents aux frais irrépétibles et dépens de première instance, non déférés à la cour par l'appel, sont donc devenus irrévocables et qu'il n'y a pas lieu à statuer les concernant, ni à les confirmer,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE l'E.U.R.L. Caract'Hair, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de l'instance d'appel, lesquels seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00019
Date de la décision : 03/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-03;23.00019 ?
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