Chambre civile
Section 2
ARRÊT N°
du 5 JUILLET 2023
N° RG 22/00567
N° Portalis DBVE-V-B7G-CEY3 JJG - C
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance Référé, origine Président du TJ de BASTIA, décision attaquée en date du 20 Juillet 2022, enregistrée sous le n° 22/00215
Association DES AMIS DE [6]
C/
SDC [Adresse 5]
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
CINQ JUILLET DEUX-MILLE-VINGT-TROIS
APPELANTE :
Association des AMIS DE [6]
prise en la personne de sa présidente en exercice, domiciliée ès qualités audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Pascale MELONI, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/688 du 31/08/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
INTIMÉ :
Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5] représenté par son syndic en exercice la SARL[Localité 1] IMMOBILIER
elle-même prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Jean-Benoit FILIPPINI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 4 mai 2023, devant Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Jean-Jacques GILLAND, président de chambre
Judith DELTOUR, conseillère
Stéphanie MOLIES, conseillère
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Vykhanda CHENG.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Vykhanda CHENG, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS
Par acte du 24 mai 2022, l'Association des amis de [6] a assigner le Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5], représenté par son syndic la S.A.R.L. [Localité 1] immobilier, par-devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bastia aux fins de :
Vu l'article 835 alinéa I du CPC,
Vu l'article 544 du Code Civil,
Vu l'article I3 I-I du CPCE
Condamner le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5] à supprimer tout obstacle au droit de passage et à l'accès à la voie publique du Monastère [6], propriété de l'association des amis de [6],
En conséquence,
Ordonner la démolition du mur construit en aval de la [Adresse 5] construit au mépris des décisions de justice, des règles d'urbanisme, des règles de copropriété et du droit de propriété.
Constater que la barrière métallique n'a pas été enlevée au mépris d'une décision de justice
ayant acquis force de chose jugée.
Ordonner le maintien en position ouverte de ladite barrière dans l'attente de l'exécution par la copropriété de la décision du 30 novembre 2011, définitive,
Assortir l'obligation faite au syndicat des copropriétaires d'une astreinte de 500 Euros par
jour de retard passé le délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
Condamner le syndicat des copropriétaires à payer à l''association des amis de [6] la somme de 8000 Euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et dilatoire,
Le condamner en outre à leur payer la somme de 5 800 Euros en application de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais de constat d°huissier établi par Maître [C].
SOUS TOUTES RÉSERVES.
Par ordonnance du 20 juillet 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bastia a :
- DIT l'assignation délivrée le 24 mai 2022 par l'association des amis de [6] au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5] recevable
- CONSTATÉ l'absence de trouble manifestement illicite résultant :
- des décisions de justice antérieures à la présente instance
- de la construction d'un muret de 1.30 m sur le fonds de la copropriété
d'[Adresse 5] approuvé par l'assemblée générale des copropriétaires du 9 juin 2022
- de la tolérance de passage consentie par le syndicat des copropriétaires au monastère [6]
- DIT n'y a voir lieu à référé s'agissant de l'état d'enclave , de la servitude de passage y compris acquise par prescription acquisitive et RENVOIE les parties sur ces points à mieux se pourvoir
- CONSTATÉ l'absence de preuve rapportée d'un dommage imminent
- REJETÉ le surplus des demandes,
- DIT que chaque partie supporte la charge de ses propres frais irrépétibles
- DIT que chaque partie supporte la charge de ses propres dépens
- RAPPELÉ que cette décision est revêtue de l'exécution provisoire .
Par déclaration au greffe du 5 septembre 2022, l'association des amis de [6] a interjeté appel de l'ordonnance prononcée en ce qu'elle a :
- constaté l'absence de trouble manifestement illicite résultant des décisions de justices antérieures à la présente instance, de la construction d'un muret de 1.30 m sur le fonds de la copropriété [Adresse 5] approuvé par l'assemblée générale des copropriétaires du 09/06/2022, de la tolérance de passage consentie par le syndicat des copropriétaires au monastère de [6],
- Dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de l'état d'enclave, de la servitude de passage y compris acquise par prescription acquisitive et renvoyé les parties sur ces points à mieux se pourvoir,
- Constaté l'absence de preuve rapportée d'un dommage imminent
- Rejeté les demandes formulées par l'association des amis de [6] tendant à voir condamner le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5] à supprimer tout obstacle au droit de passage et à l'accès à la voie publique du monastère, propriété de l'association, ordonner la démolition du muret construit en aval de la [Adresse 5], ordonner le maintien en position ouverte de la barrière métallique posée en amont sous astreinte de 500 Euros par jour de retard passé le délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, condamner le syndicat des copropriétaires à payer à l'association la somme de 8000 Euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ainsi que celle de 5000 Euros en application de l'article 700 du CPC outre les entiers dépens.
Par conclusions déposées au greffe le 10 octobre 2022, l'association des amis de [6] a demandé à la cour de :
Confirmer l'ordonnance de référé rendue le 20 juillet 2022 par le Président du Tribunal
Judiciaire de Bastia en ce que l'action de l'association a été déclarée recevable,
L'infirmer pour le surplus,
Y ajoutant,
Enjoindre au Syndicat des copropriétaires de laisse libre la voie urbaine carrossable de
desserte de la montée [6] en aval et en amont,
Par conséquent,
Ordonner la démolition du muret du 1.30 construit illégalement en aval de la Résidence
[Adresse 5] en mai 2022 et privant d'accès carrossable à la voie publique le Couvent [6] propriété de l'association,
Ordonner l'enlèvement de la barrière métallique installée en amont de ladite résidence et
maintenue au mépris d'une décision de justice ayant acquis force de chose jugée,
Prononcer à l'encontre du syndicat des copropriétaires une astreinte de 500 Euros par jour de retard dans l'exécution de ces obligations,
Condamner le syndicat des copropriétaires à payer à l'association des Amis de [6] la somme de 4 000 Euros au visa de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.
SOUS TOUTES RÉSERVES.
Par conclusions déposées au greffe le 9 novembre 2022, le Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5], représenté par son syndic la S.A.R.L. [Localité 1] immobilier, a demandé à la cour de :
Dire 1'appel recevable mais non fondé,
En conséquence,
Infirmer ou réformer la décision déférée sur la recevabilité de l'assignation introductive d'instance du 24 mai 2022,
Et statuant à nouveau de ce chef,
Faire droit à l'appel incident de l'intimé et déclarer l'acte introductif d'instance délivré par
l'Association des amis de St Claire, irrecevable pour un défaut de capacité à agir de sa présidente qui n'est pas établi par les pièces versées aux débats.
Subsidiairement sur le fond confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions et débouter l'Association de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.
La condamner aux entiers dépens ainsi qu'à la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du CPC.
SOUS TOUTES RÉSERVES.
Par ordonnance du 22 février 2023, la procédure a été clôturée et fixée à plaider au 4 mai 2023.
Le 4 mai 2023, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.
La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait, en application de l'article 455 du code de procédure civile, expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.
SUR CE
Pour statuer comme elle l'a fait la première juge a considéré que l'acte introductif d'instance était recevable, l'association des amis de [6] justifiant par la
production de ses statuts de la capacité de sa présidente à agir en son nom, qu'il n'y avait pas de trouble manifestement illicite, l'ordonnance de référé du 30 novembre 2011 ne pouvant donner lieu à exécution forcée par prescription décennale, ne rendant pas illicite le mur construit sur un chemin privé jusqu'à décision contraire, qu'il n'entrait pas dans lacompétence du juge des référés de retenir l'existence d'un état d'enclave et/ou d'une servitude de passage et que la tolérance d'un droit de passage invoqué ne peut suffire à fonder un trouble manifestement illicite, celle-ci pouvant être révoquée à tout moment.
* Sur la recevabilité de l'acte introductif d'instance
L'intimé fait valoir qu'aucune des pièces produites par l'appelante ne permet d'établir l'identité de la présidente de l'association ni la décision qu'il l'a désignée, ce qui ne respecterait pas les dispositions des articles 32 et 416 du code de procédure civile. L'appelante n'a pas répondu sur cette demande.
La première juge, après analyse des différentes pièces communiquées, dont le contenu n'est pas critiqué, l'intimé y faisant référence dans ses dernières écritures déposées en leur page n°3, a relevé que l'appelante disposait bien de la personnalité juridique, ses statuts ayant été régulièrement publiés et les différentes modifications y compris des dirigeants reçus en préfecture, et que, dans ses statuts, son président la représentait en justice, comme cela est clairement mentionné en première page de l'acte introductif d'instance par l'emploi de la formule «représentée par sa Présidente en exercice», ce qui respecte les dispositions des articles 32 et 416 du code de procédure civile et rend la fin de non-recevoir soulevée vaine et inopérante.
Il convient de confirmer l'ordonnance entreprise de ce chef.
* Sur le trouble manifestement illicite
Par ordonnance de référé du 30 novembre 2011, décision qui n'est produite par aucune des parties, et que la cour ne connaît que par les premières pages de l'arrêt du 29 janvier 2014, cassé par arrêt de la Cour de cassation du 1er juillet 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bastia «a ordonné l'enlèvement de la barrière installée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 5] sur la voie située entre les deux bâtiments de la copropriété, dans le délai de huit jours suivant la signification de l'ordonnance et dit qu'à l'expiration de ce délai, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 5] serait redevable à l'égard de l'Association Les Amis de [6] d'astreinte de 200 euros par jour de retard, dit que la barrière serait bloquée en position ouverte dès la signification de la présente ordonnance et jusqu'à son enlèvement et dit que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 5] serait redevable à l'égard de l'Association les Amis de [6] d'une astreinte provisoire de 200 euros par infraction constatée...».
Cette ordonnance a été confirmée par arrêt de la chambre civile de la cour d'appel de Bastia du 29 janvier 2014, arrêt qui a été cassé le 1er juillet 2015 par la Cour de cassation
remettant les parties dans la situation dans laquelle elles étaient à la suite du prononcé de
l'ordonnance de référé du 30 novembre 2011, exécutoire de droit par provision, à défaut de saisine de la cour de renvoie désignée.
Il résulte des écritures mêmes de l'intimé que les parties étaient parvenues à un accord donnant la possibilité à l'association appelante d'utiliser le portail électrique objet de la procédure de référé de 2011, ce qui avait mis fin à l'instance.
S'il est vrai qu'en application des dispositions de l'article L 111-4 du code des procédures civiles d'exécution «L'exécution des titres exécutoire mentionnées aux 1° et 3° [en ce compris les ordonnances de référé] de l'article L 11-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans», il n'e reste pas moins que, pour la même voie d'accès au fonds de l'appelant, objet de la présente procédure, le juge des référés en 2011 a retenu la réalité d'un trouble manifestement illicite résultant de la pose d'une barrière mobile et que le dit trouble dont la réalité est consacré par cette ordonnance revêtue de l'autorité de la chose jugée au provisoire, en application de l'article 1034 du code de procédure civile
Le fait, alors que le trouble manifestement illicite créé par la barrière mobile est judiciairement consacré, pour l'intimé, d'avoir sur la même voie d'accès, édifié un mur empêchant tout accès au fonds de l'appelante, constitue, sans nécessité d'un examen plus ample ou de débats soutenus, un nouveau trouble manifestement illicite, la disposition des lieux et la configuration de la voie et de la construction litigieuse n'ayant pas changé depuis 2011 et n'étant nullement objet de discussions.
En conséquence, il convient de reformer l'ordonnance entreprise sur ce chef de la demande et d'ordonner la démolition du mur litigieux et l'enlèvement de la barrière mobile objet de l'ordonnance de référé du 30 novembre 2011, ou à tout le moins son maintien en position ouverte, le principe du trouble manifestement illicite étant acquis depuis cette date compte tenu de l'absence de saisine de la cour de renvoi désignée dans l'arrêt de la Cour de cassation sus-mentionné.
* Sur l'astreinte sollicitée
Il convient à la lecture des pièces du dossier de relever qu'avec un peu de bon sens et de concertation les parties ont déjà réussi à trouver une solution à l'amiable par le passé, que compte tenu de cette réalité, s'il est nécessaire de prévoir une astreinte pour que le présent arrêt soit exécuté, il y a lieu aussi de définir un montant quotidien de 200 euros selon des modalités définies dans le dispositif du présent arrêt.
* Sur les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civil
S'il est équitable de laisser à la charge de l'intimé les frais irrépétibles qu'il a engagés, il n'en va pas de même pour l'appelante ; en conséquence, s'il convient de débouter le Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5], représenté par son syndic la S.A.R.L.
[Localité 1] immobilier, de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu d'allouer, à ce titre, la somme de 2 500 euros à l'Association des amis de [6].
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Au fond, renvoie les parties à mieux se pourvoir, et au provisoire,
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions à l'exception de celle déclarant recevable l'action de l'association des amis de [6],
Statuant à nouveau,
Ordonne au Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5], représenté par son syndic la S.A.R.L. [Localité 1] immobilier, de démolir le mur construit en amont de la [Adresse 5] en mai 2022, privant d'accès carrossable à la voie publique le fonds de l'association des amis de [6],
Ordonne au Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5], représenté par son syndic la S.A.R.L. [Localité 1] immobilier, d'enlever la barrière mobile objet de l'ordonnance de référé du 30 novembre 2011, ou à tout le moins de la maintenir en position ouverte,
et ce, sous astreinte globale pour les deux obligations de 200 euros par jour de retard à compter du 90ème jour suivant la signification du présente arrêt, et ce pendant six mois,
Y ajoutant,
déboute le Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5], représenté par son syndic la S.A.R.L. [Localité 1] immobilier, de l'ensemble de ses demandes,
Condamne le Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5], représenté par son syndic la S.A.R.L. [Localité 1] immobilier, au paiement des entiers dépens,
Condamne le Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5], représenté par son syndic la S.A.R.L. [Localité 1] immobilier, à payer une somme de 2 500 euros à l'association des amis de [6] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT