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05/07/2023 | FRANCE | N°21/00354

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile section 1, 05 juillet 2023, 21/00354


Chambre civile

Section 1



ARRET N°



du 5 JUILLET 2023



N° RG 21/00354

N° Portalis DBVE-V-B7F-CA7N

TJ - C



Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AJACCIO, décision attaquée en date du 08 Avril 2021, enregistrée sous le n° 21/00057





L'ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES



C/



[E]









Copies exécutoires délivrées aux avocats le






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COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE CIVILE



ARRET DU



CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS







APPELANTE :



L'ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES

poursuites et diligences du Directeur régional des Finances Publique...

Chambre civile

Section 1

ARRET N°

du 5 JUILLET 2023

N° RG 21/00354

N° Portalis DBVE-V-B7F-CA7N

TJ - C

Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AJACCIO, décision attaquée en date du 08 Avril 2021, enregistrée sous le n° 21/00057

L'ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES

C/

[E]

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU

CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS

APPELANTE :

L'ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES

poursuites et diligences du Directeur régional des Finances Publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du Département des Bouches du Rhône.

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Josette CASABIANCA CROCE, avocate au barreau de BASTIA substituée par Me Alexandra MOUSSET-CAMPANA, avocate au barreau de BASTIA

INTIME :

M. [I] [E]

né le [Date naissance 4] 1972 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Maud SANTINI GIOVANNANGELI, avocate au barreau de BASTIA, Me Francis MONDINI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Danyelle DIDIERLAURENT, avocate au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 février 2023, devant Thierry JOUVE, Président de chambre, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Thierry JOUVE, Président de chambre

Marie-Ange BETTELANI, Conseillère

François DELEGOVE, Vice-président placé

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Elorri FORT.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 7 juin 2023, prorogée par le magistrat par mention au plumitif au 5 juillet 2023.

ARRET :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Thierry JOUVE, Président de chambre, et par Vykhanda CHENG, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [I] [E] a fait l'objet d'une procédure d'examen contradictoire de sa situation personnelle pour la période du 1er janvier 2013 au 21 décembre 2014.

Dans ce cadre, l'administration des finances publiques a appris qu'il était titulaire d'un compte bancaire en Suisse sur lequel avait figuré la somme de 166'852, 29 € à la date du 26 février 2010.

Considérant comme insatisfaisantes ou insuffisantes les justifications de l'intéressé, l'administration a mis à sa charge la somme de 100 111 € et l'a mise en recouvrement le 16 octobre 2018.

Une réclamation contentieuse en date du 15 novembre 2018 ayant fait l'objet d'un rejet le 25 janvier 2019, l'intéressé par exploit en date du 2 avril 2019 a attrait l'administration fiscale devant le tribunal judiciaire d'Ajaccio aux fins principalement de faire prononcer la décharge des droits de mutation à titre gratuit ainsi mis à sa charge.

Par jugement en date du 8 avril 2021, la juridiction saisie a :

- prononcé le dégrèvement des impositions qualifiées de droits d'enregistrement issues de l'avis de mise en recouvrement référencé 2A00100 2 04400 16/10/2018 00 118 émis pour un montant total de 100'111 €,

- condamné la direction générale des finances publiques à payer au demandeur la somme de 1 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la direction générale des finances publiques aux dépens.

APPEL :

Le 7 mai 2021, la direction générale des finances publiques a interjeté de ce jugement, en toutes ses dispositions

Elle a notifié ses dernières conclusions par voie électronique le 11 octobre 2022.

Monsieur [I] [E] a notifié ses dernières écritures par voie électronique le 15 décembre 2022.

Par ordonnance rendue le 4 janvier 2023, la clôture a été fixée au jour même, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 27 février 2023 où elle a été retenue. Le délibéré a été fixé au 7 juin 2023 prorogé au 5 juillet 2023.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Dans ses conclusions auxquelles la cour renvoie pour un exposé complet des moyens et prétentions, l'administration des finances publiques sollicite :

- l'infirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a considéré que les dispositions de l'article L 23 C du livre des procédures fiscales étaient applicables aux faits,

et statuant à nouveau,

- que les impositions visées dans l'avis de mise en recouvrement émis le 16 octobre 2018 pour un montant de 100'111 € soient déclarées régulières et fondées,

en conséquence,

- que soit ordonné le rétablissement des impositions dégrévées en exécution du jugement,

- le rejet des demandes de condamnation présentées par Monsieur [I] [E] au titre des frais irrépétibles et des dépens,

en tant que de besoin, la confirmation de la décision administrative de rejet du 25 janvier 2019,

- la condamnation de l'intimé à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamnation de l'intimé aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de son conseil.

Dans ses écritures auxquelles la cour renvoie également, Monsieur [I] [E] sollicite :

- la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a jugé que l'administration n'a pas respecté les dispositions de l'article L 76 B du livre des procédures fiscales, justifiant ainsi le dégrèvement des impositions effectuées et sa condamnation aux frais et dépens,

- la réformation du jugement déféré en ce qu'il a jugé les dispositions de l'article L 23 C du livre des procédures fiscales, et leurs conséquences applicables aux faits de l'espèce, alors que la loi créant cet article est intervenue fin 2012 pour des faits incriminés qui se sont déroulés en 2010,

- le rejet de l'ensemble des demandes adverses,

- le dégrèvement des impositions qualifiées de droits d'enregistrement issues de l'avis de mise en recouvrement litigieux, émis pour un montant total de 100'111 €

y ajoutant,

- la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamnation de l'appelante aux entiers dépens de l'instance.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'appel :

L'appel interjeté par l'administration des finances publiques l'a été dans les formes et délai de la loi est recevable, il convient de l'accueillir.

Sur l'applicabilité de l'article L 23 C du livre des procédures fiscales :

Dans le cadre d'un appel incident, Monsieur [I] [E] sollicite en premier lieu, dans le dispositif de ses écritures auxquelles la cour renvoie pour un exposé complet de l'ensemble des moyens et prétentions, la réformation du jugement déféré en ce qu'il a jugé les dispositions de l'article L 23 C du livre des procédures fiscales, et leurs conséquences applicables aux faits de l'espèce, alors que la loi créant cet article est intervenue fin 2012 pour des faits incriminés qui se sont déroulés en 2010 .

Par des motifs pertinents que la cour adopte à son tour, le premier juge avait réfuté cette argumentation en relevant que l'article 8 III de la loi 2012-1510 du 29 décembre 2012 prévoit que ces dispositions s'appliquent aux demandes adressées par l'administration à compter du 1er janvier 2013, ce qui est le cas en l'espèce.

En second lieu, Monsieur [I] [E] prétend que la procédure instaurée par l'article L 23 C du livre des procédures fiscales n'avait pas être mise en oeuvre puisque le compte bancaire qui fonde le redressement fiscal ayant été soldé le 16 novembre 2012, il n'avait pas d'obligation de déclaration déclarative pour ce compte dès l'année 2013.

L'article L 23 C du livre des procédures fiscales dispose que lorsque l'obligation prévue au deuxième alinéa de l'article 1649 A ou à l'article 1649 AA du code général des impôts n'a pas été respectée au moins une fois au titre des dix années précédentes, l'administration peut demander, indépendamment d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle, à la personne physique soumise à cette obligation de fournir dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie ...

Il résulte de ce texte que, le délai de dix ans n'étant pas écoulé, l'administration fiscale était fondée par lettre du 14 novembre 2017, à demander à Monsieur [I] [E] de s'expliquer sur le solde de 166'852,29 € constaté au 26 février 2010 sur un compte ouvert en Suisse et jamais déclaré, objet de nombreux mouvements au crédit et au débit au cours des années 2010 à 2012 et qui ne sera clôturé que le 16 novembre 2012.

À l'instar du premier juge dans sa motivation, il conviendra dans le dispositif de cet arrêt de confirmer l'applicabilité de l'article L 23 C du livre des procédures fiscales à la présente espèce.

Sur le défaut de communication de documents :

L'article 76 B du livre des procédures fiscales dispose que : l'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L 57 ou de la notification prévue à l'article L 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande.

Monsieur [I] [E] qui sollicite la confirmation du jugement déféré qui a fait droit à son argumentation, fait valoir que l'administration fiscale n'a pas respecté ce texte dans la mesure où, ayant fondé son redressement sur un relevé d'un compte bancaire ouvert à son nom en Suisse et dont elle avait obtenu communication par les autorités de ce pays, elle ne lui a, malgré de multiples sollicitations, fourni qu'un extrait de ce document alors que selon les jurisprudences administrative et civile, il lui est fait obligation de produire l'ensemble des pièces récupérées, et donc en l'espèce, la totalité du relevé bancaire composé de six pages.

Dans ses conclusions auxquelles la cour renvoie également, l'administration fiscale considère avoir strictement et valablement appliqué des dispositions du texte litigieux. La page fournie (n°5) comportant utilement les données, à savoir le solde créditeur retenu pour servir de base au redressement.

La Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises que l'administration des impôts a l'obligation de communiquer au contribuable redressé, sur la demande de ce dernier, les documents fondant le redressement et dont, n'en étant, ni l'auteur, ni le destinataire, il n'a pas connaissance. (Com. 6/10/1998 n°96-20.306).

Or, tel n'est pas le cas de l'espèce puisque la contestation porte sur la communication d'un relevé de compte dont l'intimé qui en est le titulaire, en a eu forcément connaissance intégralement et au sujet duquel, il se borne aujourd'hui, à prétendre commodément ne plus l'avoir à sa disposition.

Dans une espèce similaire, la cour de cassation a ainsi validé la décision ayant jugé la procédure de redressement régulière. (Com. 3/07/2001 n°98-19.034).

De façon surabondante, il convient de rappeler que l'esprit de l'article 76 B par le formalisme qu'il impose, est de protéger le contribuable en lui permettant d'avoir accès à des éléments qu'aurait recueillis l'administration auprès de tiers et dont elle n'aurait pas tenu compte dans son redressement. En l'espèce, outre la connaissance de l'état de son compte que ne devait pas manquer d'avoir l'intéressé et à supposer qu'elle se soit dissipée, celui-ci se garde bien de préciser quel type d'éléments d'information les pages manquantes seraient susceptibles de lui apporter 'pour faire échec à l'application du dispositif d'imposition d'office'.

Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il ne paraît pas inéquitable de condamner Monsieur [I] [E] qui succombe à payer à son adversaire la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

De même, l'intimé supportera les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit du conseil de son adversaire.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire

- Reçoit l'appel formé par la direction générale des finances publiques,

- Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau,

- Valide l'application par l'administration fiscale de l'article L 23 C du livre des procédures fiscales,

- Déclare régulières et fondées les impositions visées dans l'avis de mise en recouvrement émis le 16 octobre 2018, à l'encontre de Monsieur [I] [E], pour un montant de 100 111 €,

- Ordonne le rétablissement des impositions dégrévées en exécution du jugement déféré,

- Condamne Monsieur [I] [E] à payer à la direction générale des finances publiques la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne Monsieur [I] [E] aux dépens de première instance et d'appel dont distraction profit du conseil de son adversaire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile section 1
Numéro d'arrêt : 21/00354
Date de la décision : 05/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-05;21.00354 ?
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