ARRET N°
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31 Mai 2023
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N° RG 22/00020 - N° Portalis DBVE-V-B7G-CDGK
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[D] [Z] [E]
C/
S.A.R.L. BRASSENS-FOLACCI (I SANGUINARI)
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Décision déférée à la Cour du :
17 janvier 2022
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'AJACCIO
20/00125
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Copie exécutoire délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : TRENTE ET UN MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
APPELANTE :
Madame [D] [Z] [E]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Dominique REMITI-LEANDRI, avocat au barreau d'AJACCIO
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C2B0332022000116 du 17/02/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
INTIMEE :
S.A.R.L. BRASSENS-FOLACCI (I SANGUINARI) prise en la personne de son représentant légal
N° SIRET : 04 5 9 20 071
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Saveriu FELLI, avocat au barreau de PARIS et par Me Cécile GUIZOL, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame BETTELANI, conseillère chargée du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur JOUVE, Président de chambre,
Madame COLIN, Conseillère
Madame BETTELANI, Conseillère
GREFFIER :
Madame CARDONA, Greffière lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 31 mai 2023.
ARRET
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.
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EXPOSE DU LITIGE
Madame [D] [E] épouse [G] a été embauchée par la S.A.R.L. Brassens-Folacci (exploitant l'enseigne I Sanguinari) en qualité de vendeuse, suivant divers contrats de travail à durée déterminée discontinus (à caractère saisonnier), intervenus courant 1997, 1998, 1999, 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, le dernier contrat à durée déterminée ayant pris fin le 30 septembre 2019.
Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants.
Madame [D] [E] épouse [G] a saisi le conseil de prud'hommes d'Ajaccio, par requête reçue le 9 octobre 2020, de diverses demandes.
Selon jugement du 17 janvier 2022, le juge départiteur près le conseil de prud'hommes d'Ajaccio a :
-rejeté toutes les demandes de Madame [D] [G],
-débouté la SARL Brassens-Folacci de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné Madame [D] [G] aux entiers dépens de l'instance, recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle totale,
-débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 14 février 2022 enregistrée au greffe, Madame [D], [Z] [E] divorcée [G] a interjeté appel de ce jugement, en ce qu'il a : rejeté toutes les demandes de
Madame [D] [G] en l'occurrence au titre de la requalification de son contrat de travail en CDI ainsi qu'en ce qui concerne toutes les demandes indemnitaires correspondantes, ainsi que tous les documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte et l'article 700 du CPC, condamné Madame [D] [G] aux entiers dépens de l'instance, recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle totale, débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Aux termes des dernières écritures de son conseil, transmises au greffe en date du 20 avril 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame [D] [E] divorcée [G] a sollicité :
-d'infirmer le jugement du juge départiteur du conseil de prud'hommes d'Ajaccio du 17 janvier 2022 en ce qu'il a : rejeté toutes les demandes de Madame [D] [G] en l'occurrence au titre de la requalification de son contrat de travail en CDI ainsi qu'en ce qui concerne toutes les demandes indemnitaires correspondantes, ainsi que tous les documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte et l'article 700 du CPC, condamné Madame [D] [G] aux entiers dépens de l'instance, recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle totale, débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
-statuant à nouveau :
*à titre principal, de requalifier l'ensemble des contrats saisonniers à durée déterminée de Madame [G] en un seul contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 1997, de condamner la SARL Brassens-Folacci, représentée par son gérant en exercice, à verser à Madame [G] la somme de 1.734,45 euros à titre d'indemnité de requalification, de constater que la rupture du contrat de travail intervenue le 30 septembre 2019 à l'initiative de l'employeur s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamner la SARL Brassens-Folacci, représentée par son gérant en exercice, à verser à Madame [G] les indemnités suivantes : indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 1.734,45 euros, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 27.751,20 euros, indemnité légale de licenciement: 11.273,92 euros, indemnité compensatrice de préavis: 3.468,90 euros, indemnité compensatrice de congé payés sur préavis: 346,89 euros, total : 44.575,36 euros, de condamner la SARL Brassens-Folacci, représentée par son gérant en exercice, à communiquer à Madame [G] ses documents de fin de contrat rectifiés (certificat de travail, solde de tout compte, attestation Pôle emploi), sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
*à titre subsidiaire: de condamner la SARL Brassens-Folacci, représentée par son gérant en exercice, à verser à Madame [G] la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation des préjudices subis du fait du non-renouvellement de son contrat de travail saisonnier, de condamner la SARL Brassens-Folacci, représentée par son gérant en exercice, à verser à Madame [G] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 15 juillet 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A.R.L. Brassens-Folacci a demandé :
-de dire et juger Madame [G] mal fondée en son appel, en conséquence de rejeter les demandes de Madame [G], la débouter, de confirmer en tous points le jugement entrepris,
-de condamner Madame [G] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner Madame [G] aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 8 novembre 2022 et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 14 mars 2023, où l'affaire a été appelée et la décision mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 31 mai 2023.
MOTIFS
Sur les demandes afférentes à une requalification de CDD en CDI
Madame [E] divorcée [G] sollicite l'infirmation du jugement qu'il l'a déboutée de ses demandes afférentes à la requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 1997 et de celles consécutives, afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec condamnation de l'employeur au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, d'indemnités de rupture et congés payés sur préavis, et communication de documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte, prétentions auxquelles s'oppose la S.A.R.L. Brassens-Folacci estimant infondées la demande de requalification et les demandes subséquentes relatives à la rupture, et sollicitant dès lors la confirmation du jugement en ses chefs querellés à ces égards.
Force est de constater que la critique du jugement par Madame [E] divorcée [G] n'est pas opérante.
En effet, après avoir rappelé que le fait qu'un employeur fasse appel au même salarié à chaque saison, pendant plusieurs années, dans le cadre de contrats à durée déterminée saisonniers discontinus, ne suffit pas en soit à créer une relation de travail à durée indéterminée, il y a lieu d'observer que les pièces soumises à l'appréciation de la cour ne permettent pas de retenir que, sur la période courant à compter de la saison de 1997 à celle de 2019, Madame [E] divorcée [G] a été employée chaque année, comme elle l'affirme, pendant toute la période d'ouverture de l'établissement, élément qui ne se déduit aucunement des pièces auxquelles elle se réfère, pas davantage qu'il n'est mis en évidence que les différentes contrats à durée déterminée à caractère saisonnier à partir de 1997 jusqu'en 2019 ont eu pour objet, ou pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité permanente de l'entreprise, au regard des structures des effectifs de l'employeur et du poste occupé par la salariée de manière discontinue.
Madame [E] divorcée [G] ne peut ainsi invoquer utilement les dispositions de l'article 14.2 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants, prévoyant que les contrats saisonniers conclus pendant trois années consécutives à partir de la date d'application de la convention collective et couvrant toute la période d'ouverture de l'établissement pourront être considérés comme établissant avec le salarié une relation de travail d'une durée indéterminée sur la base des périodes effectives de travail. Dans le même temps, Madame [E] divorcée [G] ne peut pas davantage conclure à une relation unique et intermittente d'une durée globale indéterminée.
Par suite, comme retenu de manière fondée par le premier juge, sans contradiction de motifs, une requalification en contrat à durée indéterminée n'est pas justifiée et le dernier contrat de travail à durée déterminée est arrivé à son terme le 30 septembre 2019, normalement (sans que l'employeur n'ait à respecter une procédure de licenciement, ni à énoncer dans une lettre de rupture un motif la fondant), la rupture n'ayant ainsi pas à s'analyser un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Consécutivement, le jugement entrepris ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il l'a débouté Madame [G] de ses demandes afférentes à la requalification de CDD en CDI et demandes subséquentes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (en ce inclus les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, les indemnités de rupture et congés payés sur préavis, et la communication de documents rectifiés sous astreinte). Les demandes en sens contraire seront rejetées.
Sur les demandes afférentes à des dommages et intérêts d'une non reconduction de contrat de travail saisonnier
Madame [E] divorcée [G] querelle également le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire à hauteur de 10.000 euros, formulée à titre subsidiaire, au titre d'un 'non-renouvellement', en réalité d'une non reconduction de contrat saisonnier en 2020 en dépit des dispositions de l'article L1244-2-2 du code du travail.
Néanmoins, au regard des données du litige, la cour estime que le premier juge, par des motifs qu'elle approuve (hormis ceux du paragraphe 'Toutefois pour voir effectué au moins deux saisons [...] nouvelle embauche en 2020' page 5 du jugement) a, après avoir rappelé le cadre juridique existant en la matière, fait une exacte appréciation des données de l'espèce, en considérant que:
-les dispositions contractuelles liant les parties ne comportaient pas de clause de reconduction d'une année sur l'autre,
-l'employeur justifiait de motif dûment fondé, réel et sérieux, pour ne pas faire signer de nouveau contrat à durée déterminée saisonnier à la salariée pour la saison 2020,
-par suite, la demande de dommages et intérêts au titre d'une non reconduction de contrat de travail saisonnier -fondée sur les dispositions de l'article L1244-2-2 du code du travail-, devait être rejetée.
Il convient d'ajouter :
-que la S.A.R.L. Brassens-Folacci, qui évoque simplement l'absence de clause de reconduction, empêchant le jeu des dispositions conventionnelles (soit en l'occurrence celles de l'article 14.2), ne conteste pas, à proprement parler, la réunion des conditions de l'article L1244-2-2 du code du travail invoquée par la salariée, à savoir le fait que Madame [E] divorcée [G] ait effectué au moins deux saisons dans l'entreprise sur deux années consécutives, ni le fait que l'employeur disposait d'un emploi saisonnier, tel que défini au 3° de l'article L1242-2, à pourvoir, compatible avec la qualification de la salariée; que pas davantage, cette société ni ne remet en cause la conclusion du premier juge relative au fait que la salariée bénéficiait d'un droit à reconduction en vertu de cet article L1244-2-2; que dans ces conditions, il convient de considérer que Madame [E] divorcée [G] bénéficiait d'un droit à reconduction, du fait de la réunion des conditions posées par les 1° et 2° par l'article L1244-2-2,
-que les pièces visées par Madame [E] divorcée [G], analysées de manière pertinente par le premier juge, ne permettent pas de remettre en cause les observations du juge départiteur sur l'existence d'un motif dûment fondé, réel et sérieux, au soutien de l'absence de reconduction du contrat saisonnier intervenue en 2020, reconduction dont il n'est aucunement démontré qu'elle avait été décidée avant même la crise sanitaire et la baisse d'activité rencontrée par la société, générant la réorganisation consécutive de l'entreprise avec diminution du nombre de personnels employés (et absence d'emploi d'une vendeuse en 2020, à rebours des années précédentes),
-qu'en l'absence d'autre moyen invoqué par l'appelante, ni de mise en évidence d'un préjudice subi lié causalement à un comportement fautif de la S.A.R.L. Brassens-Folacci à son égard, la demande de dommages et intérêts de Madame [E] divorcée [G] ne peut prospérer.
Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ses dispositions afférentes au débouté de la demande de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros. Les demandes en sens contraire seront rejetées.
Sur les autres demandes
Madame [E] divorcée [G], partie succombante, sera condamnée aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant confirmé sur ce point), et de l'instance d'appel qui seront supportés conformément aux dispositions de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1991.
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions querellées relatives aux frais irrépétibles de première instance.
L'équité ne commande pas de prévoir de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.
Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe le 31 mai 2023,
CONFIRME le jugement rendu par le juge départiteur près le conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 17 janvier 2022, tel que déféré,
Et y ajoutant,
DEBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE Madame [D] [E] divorcée [G] aux dépens d'appel, qui seront supportés conformément aux dispositions de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1991,
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT