Chambre civile
Section 2
ARRÊT N°
du 24 MAI 2023
N° RG 22/00310
N° Portalis DBVE-V-B7G-CD4C SM - C
Décision déférée à la Cour :
Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de BASTIA, décision attaquée en date du 25 Mars 2022, enregistrée sous le n° 2021000084
[T]
[K]
C/
CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE [Localité 2]
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT MIXTE DU
VINGT-QUATRE MAI
DEUX-MILLE-VINGT-TROIS
APPELANTS :
M. [W] [N]
né le [Date naissance 4] 1986 à [Localité 2]
[Adresse 8]
[Localité 2]
Représenté par Me Emmanuelle FABREGAT, avocate au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/752 du 31/08/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
M. [B] [K]
né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 2]
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représenté par Me Emmanuelle FABREGAT, avocate au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/753 du 31/08/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
INTIMÉE :
CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE [Localité 2]
prise en la personne de son représentant légal en exercice ès qualités audit siège
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Anne-Christine BARRATIER, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 mars 2023, devant Stéphanie MOLIES, conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Jean-Jacques GILLAND, président de chambre
Judith DELTOUR, conseillère
Stéphanie MOLIES, conseillère
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Elorri FORT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 mai 2023
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Vykhanda CHENG, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
Par acte sous seing privé du 5 avril 2018, la S.C.C.V. Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] a consenti à la S.A.S. la Patoche représentée par M. [W] [N] un prêt travaux n°10278 07908 000322817 03 d'un montant de 45 000 euros remboursable en 84 mensualités de 584,27 euros incluant les intérêts au taux conventionnel de 1,65 % l'an.
Au terme du même acte, M. [W] [N] s'est porté caution solidaire du remboursement de ce prêt au bénéfice de la S.C.C.V. Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] dans la double limite de la somme de 27 000 euros et d'une durée de 108 mois.
Dans les mêmes conditions, M. [B] [K] s'est porté caution solidaire du remboursement de ce prêt au bénéfice de la S.C.C.V. Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] dans la double limite de la somme de 27 000 euros et d'une durée de 108 mois.
Suivant avenant du 17 mai 2018, les parties ont convenu que M. [W] [N] et M. [B] [K] étaient déchargés de leur engagement de cautions solidaires au profit de la S.C.C.V. Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] sur le fondement du prêt n°10278 07908 00021181703, de nouveaux cautionnements solidaires devant être souscrits par les mêmes garants à hauteur de 11 220 euros.
Au terme de deux actes sous seing privé du 26 juin 2018, M. [W] [N] et M. [B] [K] se sont portés cautions solidaires de la S.A.S. la Patoche dans la double limite d'une somme de 11 220 euros et d'une durée de 106 mois.
Par actes sous seing privé du 8 novembre 2018, M. [W] [N] et M. [B] [K] se sont portés cautions solidaires de tous les engagements de la S.A.S. la Patoche envers la S.C.C.V. Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] dans la double limite de la somme de 6 000 euros et d'une durée de 5 ans.
Par acte sous seing privé du 12 avril 2019, la S.C.C.V. Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] a consenti à la S.A.S. la Patoche, représentée par M. [W] [N], un prêt de trésorerie n°10278 07908 0002118017 04 d'un montant de 15 000 euros remboursable en 48 mensualités de 335,76 euros incluant les intérêts au taux conventionnel de 1,80 % l'an et exigibles passé un mois de franchise.
Au terme d'un acte signé le 11 avril 2019, M. [W] [N] s'est porté caution solidaire du remboursement de ce prêt au bénéfice de la S.C.C.V. Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] dans la double limite de la somme de 18 000 euros et d'une durée de 73 mois.
Dans les mêmes conditions, M. [B] [K] s'est porté caution solidaire du remboursement de ce prêt au bénéfice de la S.C.C.V. Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] dans la double limite de la somme de 18 000 euros et d'une durée de 73 mois.
La S.A.S. la Patoche a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de Bastia du 1er septembre 2020.
Suivant actes d'huissier du 25 janvier 2021, la S.C.C.V. Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] a fait citer M. [W] [N] et M. [B] [K] devant le tribunal de commerce de Bastia aux fins de voir :
- s'entendre condamner M. [W] [N] conjointement et solidairement avec M. [K] au paiement à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] les sommes de :
- 13 194,93 euros au titre du prêt 102780790800021 181704,
- 11 220 euros au titre des cautionnements du prêt n°10278 07908 00021181703,
- 6 000 euros au titre des cautionnements de tous les engagements restant dus par la S.A.S Patoche,
- s'entendre condamner M. [B] [K] conjointement et solidairement avec M. [W] [N] au paiement à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] les sommes de :
- 13 194,93 euros au titre du prêt 102780790800021 181704,
- 11 220 euros au titre des cautionnements du prêt n°10278 07908 00021181703,
- 6 000 euros au titre des cautionnements de tous les engagements restant dus par la S.A.S Patoche,
- les condamner conjointement et solidairement au paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par décision du 25 mars 2022, le tribunal de commerce de Bastia a :
- débouté M. [B] [K] et M. [W] [N] de leurs demandes au titre du devoir de mise en garde et de déchéance des intérêts,
- débouté la Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] de sa demande en paiement de la somme de 11 200 euros à l'encontre de M. [W] [N],
- condamné solidairement M. [B] [K] en qualité de caution solidaire de la société la Patoche et dans la limite de ses engagements de caution à payer à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] :
- la somme de 11 200 euros au titre du prêt n°102780790800021181703 outre intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision et jusqu'à complet règlement,
- la somme de 13 194,93 euros au titre du prêt n°102780790800021181704 outre intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision et jusqu'à complet règlement,
- la somme de 6 000 euros au titre de tous les engagements de la société la Patoche outre intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision et jusqu'à complet règlement,
- condamné solidairement M. [W] [N] en qualité de caution solidaire de la société la Patoche et dans la limite de ses engagements de caution à payer à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] :
- la somme de 13 194,93 euros au titre du prêt n°102780790800021181704 outre intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision et jusqu'à complet règlement,
- la somme de 6 000 euros au titre de tous les engagements de la société la Patoche outre intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision et jusqu'à complet règlement,
- condamné solidairement M. [B] [K] et M. [W] [N] à payer à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement M. [B] [K] et M. [W] [N] aux entiers dépens,
- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 89,67 euros T.T.C. (dont
20 % de T.V.A.),
- rejeté pour le surplus toutes autres demandes contraires à la présente décision.
Suivant déclaration enregistrée le 9 mai 2022, M. [W] [N] et M. [B] [K] ont interjeté appel de la décision susvisée en ces termes :
'Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués et dont il est sollicité l'infirmation/la réformation devant la cour d'appel de Bastia par Messieurs [W] [N] et [B] [K] en ce que le tribunal de commerce de Bastia a : - débouté Messieurs [W] [N] et [B] [K] de leur demande tendant à voir juger disproportionnées et donc inopposables leur engagement de caution au crédit mutuel de [Localité 2] -débouté Messieurs [W] [N] et [B] [K] de leurs demandes subsidiaires de condamnation au titre du devoir de mise en garde et de réparation de leur préjudice subséquent, d'obligation d'information, de déchéance des intérêts et de l'indemnité financière, - condamné solidairement Messieurs [W] [N] et [B] [K] à payer au crédit mutuel de [Localité 2] les sommes de 13 194,93 € et 6 000 € au titre de leur engagement de caution outre la somme de 1 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance, - condamné M. [B] [K] à payer au crédit mutuel de [Localité 2] la somme de 11 200 € au titre de son engagement de caution'.
Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 9 août 2022, M. [W] [N] et M. [B] [K] ont demandé à la cour de :
À titre principal,
Déclarer l'appel recevable et le dire bien fondé,
Infirmer le jugement, dont appel, rendu par le tribunal de commerce de Bastia, le 25 mars 2022 mais seulement en ce qu'il a :
- débouté Messieurs [W] [N] et [B] [K] de leur demande tendant à voir juger disproportionnées et donc inopposables leur engagement de caution au crédit mutuel de [Localité 2],
- débouté Messieurs [W] [N] et [B] [K] de leurs demandes subsidiaires de condamnation au titre du devoir de mise en garde et de réparation de leur préjudice subséquent, d'obligation d'information, de déchéance des intérêts et de l'indemnité financière,
- condamné solidairement Messieurs [W] [N] et [B] [K] à payer au crédit mutuel de [Localité 2] les sommes de 13 194,93 € et 6 000 € au titre de leur engagement de caution outre la somme de 1 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance,
- condamné M. [B] [K] à payer au crédit mutuel de [Localité 2] la somme de
11 200 € au titre de son engagement de caution,
Statuant à nouveau des chefs infirmés, y ajoutant,
Au principal,
Prononcer la disproportion des engagements de caution souscrits les 26 juin 2018, 8 novembre 218 et 11 avril 2019 par M. [B] [K] et M. [W] [N] au profit de la Caisse du crédit mutuel de [Localité 2] en garantie des emprunts octroyés à la S.A.S. la Patoche,
Subsidiairement,
Prononcer la nullité de l'acte de cautionnement du 26 juin 2018 pour réticence dolosive de la Caisse du crédit mutuel de [Localité 2],
Y ajoutant,
Condamner la Caisse du crédit mutuel de [Localité 2] à payer à M. [B] [K] et M. [W] [N] une somme de 36 000 € pour manquement à leur devoir de mise en garde,
Plus subsidiairement,
Juger que le prêt n°102780790800021181704 s'élève à la somme de 12 968,81 €,
Prononcer la déchéance des intérêts et de l'indemnité financière de 7 %,
Condamner la Caisse du crédit mutuel de [Localité 2] à verser à Maître Emmanuelle Fabregat la somme de 3 600 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 (l'avocat renonçant dans ce cas à percevoir l'aide juridictionnelle d'Etat) ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction à son profit,
Condamner la Caisse du crédit mutuel de [Localité 2] aux entiers dépens de la procédure d'appel.
Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 25 novembre 2022, la S.C.C.V. Caisse de crédit mutuel de [Localité 2], représentée, a demandé à la juridiction d'appel de :
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bastia du 25 mars 2022 en ce qu'il a condamné :
M. [K] en qualité de caution solidaire de la société la Patoche et dans la limite de ses engagements de caution, la somme de 11 200 euros au titre du prêt n°102780790800021181703 outre intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision et jusqu'à complet paiement la somme de 13 194,93 euros au titre du prêt n°102780790800021181704 outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, 6 000 au titre de tous les engagements de la société la Patoche outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,
Et M. [N] en qualité de caution solidaire de la société la Patoche et dans la limite de ses engagements de caution, la somme de 13 194,93 euros au titre du prêt n°102780790800021181704 outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, 6 000 au titre de tous les engagements de la société la Patoche outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,
- l'infirmer en ce qu'il a débouté la Caisse de crédit mutuel de sa demande de condamnation de M. [N] au titre de l'engagement de caution pour un montant de
11 200 euros,
- débouter M. [K] et [N] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
- condamner M. [W] [N] conjointement et solidairement de M. [K] au paiement à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] les sommes de :
- 13 194,93 euros au titre du prêt n°102780790800021181704,
- 11 200 euros au titre des cautionnements du prêt n°102780790800021181703,
- 6 000 euros au titre des cautionnements de tous les engagements restants dus par la S.A.S. Patoche,
- condamner M. [B] [K] conjointement et solidairement avec M. [W] [N] au paiement à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] les sommes de :
- 13 194,93 euros au titre du prêt n°102780790800021181704,
- 11 200 euros au titre des cautionnements du prêt n°102780790800021181703,
- 6 000 euros au titre des cautionnements de tous les engagements restants dus par la S.A.S. Patoche,
- les condamner conjointement et solidairement au paiement de la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par ordonnance du 1er février 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de la procédure et fixé l'affaire à plaider devant le conseiller rapporteur au 16 mars 2023 à 8 heures 30.
Le 16 mars 2023, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 24 mai 2023.
La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.
SUR CE
Sur la disproportion des engagements de caution
Les parties appelantes observent en premier lieu que la disproportion de l'engagement de la caution s'apprécie au regard de son endettement global en ce compris celui résultant d'engagements de caution antérieurs.
Elles soutiennent que la Caisse de crédit mutuel aurait dû faire souscrire une fiche de renseignements avant chaque engagement de caution, soit six fiches au total, ce qui n'a pas été le cas.
Elles en déduisent que la banque s'est abstenue de vérifier la proportionnalité entre les engagements souscrits par les cautions et leurs situations financières.
Elles soulignent plus spécifiquement que la fiche patrimoniale de M. [K] relative au cautionnement du 9 avril 2019 et la fiche patrimoniale de M. [N] relative aux engagements des 8 novembre 2018 et 11 avril 2019 ne sont pas produites et en déduisent que le tribunal de commerce ne pouvait pas retenir une proportion de l'engagement dans ces conditions.
Elles ajoutent que toutes les pièces démontrant incontestablement la disproportion ont été produites tant en première instance qu'en cause d'appel.
Les parties appelantes font ainsi valoir l'existence de cautionnements antérieurs pour un montant total de 99 625 euros.
En réponse, la partie intimée relève que les appelants ne peuvent cumuler le montant des cautionnements pour opposer la disproportion, les cautionnements devant être analysés individuellement et en fonction de leur date de souscription de manière chronologique.
Elle estime que les fiches patrimoniales remplies par les cautions et leurs situations financières et patrimoniales ne révèlent aucune disproportion avec les engagements souscrits. Elle fait notamment valoir qu'elle ne pouvait avoir connaissance du cautionnement souscrit au profit de la CADEC, s'agissant d'un acte sous seing privé auquel elle n'était pas partie et qui n'a pas été porté à sa connaissance par M. [K] et M. [N].
En vertu de l'article L332-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au jour de la souscription des engagements de caution, un créancier professionnel ne peut se
prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
En application de cette disposition, il appartient à la caution de prouver que son engagement était disproportionné au jour de la signature de l'acte de cautionnement, et au créancier, que la caution est en mesure d'y faire face au moment de la délivrance de l'assignation.
La disproportion de l'engagement de la caution suppose que cette dernière se trouve, lorsqu'elle le souscrit, dans l'impossibilité manifeste d'y faire face avec ses biens et revenus.
Lorsque la caution a signé une fiche destinée à renseigner le prêteur sur sa situation patrimoniale, les mentions qui y sont portées lui sont opposables, et le prêteur n'a pas l'obligation de les vérifier, sauf anomalies apparentes.
Les cautionnements antérieurs consentis au profit d'autres organismes bancaires qui ne figureraient pas sur les fiches de renseignements ne peuvent être opposés à la banque bénéficiaire du cautionnement solidaire.
Il y a lieu toutefois lieu de rappeler que la banque n'a pas l'obligation d'exiger une telle fiche de renseignements.
Enfin, la sanction du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la caution est l'impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir de cet engagement.
S'agissant de M. [K] :
La caisse de crédit mutuel verse au débat trois fiches de renseignements remplies par M. [K] les 6 février 2018, 8 novembre 2018 et 9 avril 2019, soit concomitamment aux trois engagements souscrits.
Au terme de la fiche de renseignements signée le 6 février 2018, M. [K] a déclaré deux précédents engagements de caution au bénéfice de la société générale sans préciser la date d'échéance, à hauteur des sommes respectives de 15 600 euros et 32 500 euros.
Il a indiqué percevoir une pension d'invalidité à hauteur de 963,96 euros par mois et acquitter un prêt immobilier à hauteur de 7 320 euros par an, soit une somme mensuelle de 610 euros.
Il a enfin déclaré être propriétaire d'un appartement situé à [Adresse 6] dont il a estimé la valeur à la somme de 220 000 euros, le capital restant dû s'élevant à la somme de 55 215 euros.
Cette fiche de renseignements ne relève aucune anomalie ni aucune disproportion compte tenu de l'existence d'un patrimoine immobilier, l'engagement de caution souscrit le 26 juin 2018 étant limité à la somme de 11 220 euros.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [K] sur ce fondement au titre du cautionnement du 26 juin 2018.
Au terme de la fiche de renseignements signée le 8 novembre 2018, M. [K] a déclaré percevoir une pension d'invalidité à hauteur de 960 euros par mois et acquitter un prêt immobilier à hauteur de 610 euros par mois, le capital restant dû s'élevant à la somme de 50 000 euros.
Il a fait état de deux cautionnements au profit de la Caisse de crédit mutuel sans indiquer leurs montants, dont l'un en garantie des engagements souscrits par une société VMC et l'autre au profit de la S.A.S. la Patoche (soit l'engagement du 26 juin 2018 limité à la somme de 11 200 euros ).
Enfin, il a mentionné la propriété d'un appartement à [Adresse 6] évalué à 220 000 euros.
En l'état des informations figurant sur cette fiche, qui ne révèlent aucune anomalie, aucune disproportion n'est établie entre les engagements de caution de M. [K] et son patrimoine immobilier.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [K] sur ce fondement au titre du cautionnement souscrit le 8 novembre 2018.
La Caisse de crédit mutuel produit enfin une fiche de renseignements remplie le 9 avril 2019 par M. [K], au terme de laquelle ce dernier confirme percevoir une pension d'invalidité à hauteur de 980 euros par mois et acquitter un prêt immobilier représentant des échéances de 610 euros par mois, avec un capital restant dû de 50 000 euros.
Il fait état de trois engagements de caution solidaire pour un montant total de 155 880 euros et n'évoque aucun patrimoine immobilier.
Eu égard à l'absence de cette mention malgré l'existence de charges constituées d'un prêt immobilier, il appartenait à la banque de procéder à des vérifications sur ce point et sur la vente éventuelle du bien immobilier précédemment évoqué par M. [K].
En l'état, la fiche de renseignements ne révèle aucun patrimoine immobilier, de sorte que l'engagement de caution souscrit le 11 avril 2019 par M. [K] était manifestement disproportionné au montant des ressources mensuelles et des charges déclarées.
Le jugement entrepris sera dès lors infirmé sur ce point, et il sera jugé que la Caisse de crédit mutuel ne peut se prévaloir de l'acte de cautionnement en cause.
S'agissant de M. [N] :
La Caisse de crédit mutuel produit une fiche de renseignements signée le 6 février 2018 par M. [N], mentionnant des 'salaires' non chiffrés, un crédit à la consommation remboursé à hauteur de 500 euros par mois, un loyer mensuel de 126 euros ainsi que deux précédents cautionnements solidaires consentis au profit de la société générale pour une somme totale de 48 100 euros.
En l'état de ces renseignements, il appartenait à la banque de procéder à des vérifications complémentaires afin de s'assurer de l'existence de salaires suffisants pour permettre à M. [N] de faire face à son engagement de caution.
La partie intimée ne produit toutefois ni demande en ce sens, ni bulletin de salaire qui aurait été fourni par M. [N] afin de compléter sa déclaration.
En cause d'appel, M. [N] verse au débat son avis d'imposition sur les revenus perçus en 2017 faisant apparaître un revenu mensuel moyen de 1 446,83 euros, ainsi que l'avis d'imposition relatif aux revenus perçus en 2019 révélant un salaire mensuel moyen de 946,75 euros.
En l'absence de patrimoine immobilier, il résulte de ces éléments la preuve d'une disproportion entre les engagements souscrits par M. [N] en qualité de caution à hauteur de 11 220 euros et sa situation financière.
Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a retenu que la Caisse de crédit mutuel ne pouvait se prévaloir de l'acte de cautionnement souscrit le 26 juin 2018 par M. [N].
Une fiche de renseignements remplie le 8 novembre 2018 par M. [N] est par ailleurs versée au débat, au terme de laquelle ce dernier a déclaré percevoir des revenus de 2 000 euros au titre de 'Lemama' et 2 000 euros au titre de 'la Patoche'.
En termes de charges, M. [N] a déclaré des mensualités de crédit à hauteur de 500 euros, un crédit-bail représentant le paiement d'un loyer mensuel de 220 euros et l'existence de deux cautionnements antérieurs au profit de la Caisse de crédit mutuel, pour garantir les engagements des sociétés la Patoche et VMC.
Si le montant du cautionnement consenti en garantie des engagements de la société VMC n'est pas justifié, il sera rappelé que la somme maximale garantie dans le cadre du cautionnement de la S.A.S. la Patoche s'élevait à 11 200 euros.
En l'état des ressources mensuelles déclarées par M. [N], aucune disproportion n'est établie avec l'engagement de caution contracté hauteur de 6 000 euros le 8 novembre 2018.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [N] sur ce fondement au titre du cautionnement souscrit le 8 novembre 2018.
La Caisse de crédit mutuel verse enfin une fiche de renseignements remplie le 9 avril 2019 par M. [N], au terme de laquelle ce dernier a déclaré percevoir des revenus annuels de 32 000 euros au total, soit une somme mensuelle de 2 666,67 euros.
Il a par ailleurs indiqué verser une somme annuelle de 305 euros au titre d'un prêt personnel et avoir précédemment consenti trois engagements de caution solidaire pour un montant total de 155 880 euros.
Eu égard à l'absence de patrimoine immobilier d'une part, au montant des ressources et charges de M. [N] et à l'importance des cautionnements antérieurs, l'engagement du 11 avril 2019 souscrit à hauteur de 18 000 euros sera déclaré disproportionné.
Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef, et la Caisse de crédit mutuel ne pourra se prévaloir de l'acte de cautionnement souscrit le 11 avril 2019 par M. [N].
Sur la nullité du contrat de cautionnement pour réticence dolosive
L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, la demande de nullité du contrat de cautionnement du 26 juin 2018 pour réticence dolosive n'est pas mentionnée sur le jugement entrepris.
Il convient dès lors de rouvrir les débats selon les modalités exposées au dispositif afin de recueillir les observations des parties sur le moyen soulevé d'office tenant à l'irrecevabilité de la demande nouvelle ainsi présentée.
Les demandes relatives à la nullité de l'acte de cautionnement du 26 juin 2018 pour réticence dolosive, au manquement au devoir de mise en garde de la banque, à la déchéance des intérêts et de l'indemnité financière de 7 %, en paiement des sommes dues au titre des actes de cautionnement, à l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi qu'à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens seront réservées dans l'attente de la décision au fond.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a écarté toute disproportion des engagements de caution de M. [W] [N] du 8 novembre 2018 et de M. [B] [K] des 26 juin 2018 et 8 novembre 2018, et en ce qu'il a retenu l'existence d'une disproportion de l'engagement de caution souscrit le 26 juin 2018 par M. [W] [N],
L'infirme en ce qu'il a écarté toute disproportion des engagements de caution de M. [W] [N] du 11 avril 2019 et de M. [B] [K] du 11 avril 2019,
Statuant à nouveau des chefs d'ores et déjà infirmés,
Relève que la S.C.C.V. Caisse de crédit mutuel de [Localité 2] ne peut se prévaloir des actes de cautionnement souscrits les 26 juin 2018 et 11 avril 2019 par M. [W] [N] et le 11 avril 2019 par M. [B] [K], pour cause de disproportion,
Rouvre les débats devant le chambre commerciale de la cour à l'audience du conseiller rapporteur du 13 octobre 2023 à 8 heures 30 aux fins de recueillir les observations des parties sur le moyen d'office tenant à l'irrecevabilité de la demande nouvelle présentée en cause d'appel tendant à la nullité de l'acte de cautionnement du 26 juin 2018 pour réticence dolosive de la S.C.C.V. Caisse de crédit mutuel de [Localité 2],
Réserve les demandes relatives à la nullité de l'acte de cautionnement du 26 juin 2018 pour réticence dolosive, au manquement au devoir de mise en garde de la banque, à la déchéance des intérêts et de l'indemnité financière de 7 %, en paiement des sommes dues au titre des actes de cautionnement, à l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi qu'à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, dans l'attente de la décision au fond.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT