ARRET N°
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03 Mai 2023
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N° RG 21/00264 - N° Portalis DBVE-V-B7F-CCVC
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S.A.R.L. CORSE CARROSSERIE
C/
[M] [C]
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Décision déférée à la Cour du :
17 novembre 2021
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BASTIA
20/00096
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Copie exécutoire délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : TROIS MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
APPELANTE :
S.A.R.L. CORSE CARROSSERIE prise en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualité audit siège social
Zone Industrielle
[Localité 2]
représentée par Me Josette CASABIANCA CROCE, avocat au barreau de BASTIA substitué par Me Alexandra MOUSSET-CAMPANA, avocat au barreau de BASTIA
INTIME :
Monsieur [M] [C]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Jean-Pierre RIBAUT-PASQUALINI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 février 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame BETTELANI, conseillère chargée du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur JOUVE, Président de chambre,
Madame COLIN, Conseillère
Madame BETTELANI, Conseillère
GREFFIER :
Madame CARDONA, Greffière lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 03 mai 2023
ARRET
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [M] [C] a été lié à la S.A.R.L. Corse Carrosserie dans le cadre d'un contrat d'apprentissage à effet du 2 juillet 2018, avec terme au 30 juin 2020. Le contrat d'apprentissage visait la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile, comme étant applicable.
Monsieur [M] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Bastia, par requête reçue le 20 mai 2020, de diverses demandes.
Selon jugement du 17 novembre 2021, le conseil de prud'hommes de Bastia a :
-condamné la SARL Corse Carrosserie à la somme de 9.745,91 euros au titre des reliquats de salaire,
-condamné la SARL Corse Carrosserie à la somme de 975,49 euros au titre des congés payés afférents,
-condamné la SARL Corse Carrosserie à la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
-débouté les parties de toutes leurs autres demandes.
Par déclaration du 16 décembre 2021enregistrée au greffe, la S.A.R.L. Corse Carrosserie a interjeté appel de ce jugement, en ce qu'il a condamné la SARL Corse Carrosserie à payer les sommes suivantes : 9.745,91 euros au titre des reliquats de salaire, 975,49 euros au titre des congés payés afférents, 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, et en ce qu'il a débouté la SARL Corse Carrosserie de sa demande en paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du CPC.
Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 30 août 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A.R.L. Corse Carrosserie a sollicité:
-d'infirmer le jugement rendu le 17 novembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Bastia, en
ce qu'il a : condamné la SARL Corse Carrosserie à payer les sommes suivantes : 9.745,91 euros au titre des reliquats de salaire, 975,49 euros au titre des congés payés afférents, 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du CPC,
-et statuant à nouveau, au principal, d'appliquer le contrat d'apprentissage du 19 juin 2018 conclu entre la SARL Corse Carrosserie et Monsieur [M] [C], débouter Monsieur [M] [C] de ses demandes de rappels de salaires, congés payés et indemnité au titre des frais irrépétibles, le condamner à payer à la SARL Corse Carrosserie 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ; subsidiairement, de fixer le montant des rappels de salaire pour la période du 2 juillet 2018 au 30 juin 2020 à la somme de 6.310,79 euros net, et le reliquat du montant de l'indemnité compensatrice de congés payés afférent à ladite période à la somme de 631euros net, débouter Monsieur [M] [C] de sa demande au titre des frais irrépétibles, statuer ce que de droit sur les dépens.
Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 5 septembre 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur [M] [C] a demandé :
-à titre principal : de confirmer le jugement entrepris, en conséquence : de condamner la SARL Corse Carrosserie à payer à Monsieur [M] [C] la somme de 10.730,40 euros ventilée comme suit : 9.754,91 euros au titre des reliquats de salaires, 975,49 euros au titre des congés payés afférents ; à titre subsidiaire : faire droit à la demande de vérification d'écriture; à titre très subsidiaire : si la cour devait considérer que les éléments de comparaison produits s'avèrent insuffisants, il conviendra alors au visa des articles 291 et 292 du code de procédure civile de désigner tel technicien expert en écriture qu'il plaira avec la mission habituelle en la matière,
-en tout état de cause : de condamner la SARL Corse Carrosserie à payer à Monsieur [M] [C] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamner la SARL Corse Carrosserie aux entiers dépens de l'instance.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 4 octobre 2022, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 8 novembre 2022, puis un renvoi a été ordonné à l'audience du 14 février 2023.
A l'audience du 14 février 2023, l'affaire a été appelée et la décision mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 3 mai 2023.
MOTIFS
L'article 287 alinéa 1 du code de procédure civile énonce que si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte ; si l'écrit contesté n'est relatif qu'à certains chefs de la demande, il peut être statué sur les autres.
Il ressort du dossier que les parties ont signé, en date du 18 juin 2018, un contrat d'apprentissage à effet du 2 juillet 2018 au 30 juin 2020, contrat régulièrement enregistré par la Chambre des métiers et de l'artisanat de Haute-Corse. Ce contrat, qui ne fait l'objet d'aucune contestation s'agissant des signatures qui y sont apposées, prévoit une rémunération au bénéficie de l'apprenti, Monsieur [C], à hauteur de 100% du SMIC les première et deuxième années.
Parallèlement, un contrat d'apprentissage, en date du 19 juin 2018, à effet du 2 juillet 2018 au 30 juin 2020, également enregistré par la Chambre des métiers et de l'artisanat de Haute-Corse, est produit par l'employeur, contrat pour lequel Monsieur [C] dénie sa signature, et qui prévoit une rémunération de l'apprenti à hauteur de 79% du SMIC les première et deuxième années.
En l'état d'un second contrat d'apprentissage dont la signature est déniée par Monsieur [C], contrat portant certes sur la même période contractuelle que le premier contrat, mais daté et enregistré postérieurement à celui-ci et prévoyant une rémunération contractuelle différente (sans qu'il y ait besoin d'un autre écrit confirmatif pour une telle prévision, à rebours de ce qu'a énoncé le conseil de prud'hommes), les premiers juges ne pouvaient statuer sur les demandes de rappels salariaux et congés payés formées par Monsieur [C] sans procéder à la vérification d'écriture de ce second contrat, s'agissant de la signature déniée par Monsieur [C], en estimant que le contrat devant s'appliquer était le plus favorable au salarié.
Au vu des éléments de comparaison dont elle dispose (signature du contrat d'apprentissage en date du 18 juin 2018, signature d'un certificat de travail en date du 31 mai 2018, signature d'un certificat d'aptitude professionnelle , signature d'une déclaration de cession de véhicule datée du 31 janvier 2017 et d'un permis de conduire), la cour observe que la signature figurant dans la case 'Signature de l'apprenti' au bas du document intitulé 'Contrat d'apprentissage' daté du 19 juin 2018 diffère notablement des autres exemplaires de signature de Monsieur [C]. S'il est exact que les autres exemplaires de signature de Monsieur [C] ne sont pas tous strictement identiques, le seul qui diffère notablement est celui présent sur le document précité daté du 19 juin 2018, différence trop significative pour que cette signature soit considérée comme véritable.
Le fait que Monsieur [C] n'ait pas formé de réclamation jusqu'à l'instance prud'homale initiée en 2020, s'agissant de sa rémunération et du document intitulé 'Contrat d'apprentissage' daté du 19 juin 2018, ne permet pas d'écarter cette analyse, pas davantage que l'attestation émanant de la Chambre des métiers et de l'artisanat, qui évoque une première sollicitation de leurs services par la S.A.R.L. Corse Carrosserie le 19 juin 2018 (avec une transmission d'un contrat d'apprentissage, correspondant manifestement à celui du 18 juin 2018 et non à celui du 19 juin 2018), puis une seconde sollicitation intervenant uniquement le 30 juillet 2018, relative à une modification du salaire de l'apprenti, attitude de l'employeur qui est peu compréhensible si un second contrat d'apprentissage avait été effectivement signé par l'employeur et l'apprenti le 19 juin 2018.
Consécutivement, ce document intitulé 'Contrat d'apprentissage', daté du 19 juin 2018, ne peut être considéré comme un contrat d'apprentissage liant les parties venu annuler et remplacer le premier contrat du 18 juin 2018, seul en réalité le contrat d'apprentissage daté du 18 juin 2018, signé des deux parties, et enregistré régulièrement par la Chambre des métiers et de l'artisanat de Haute-Corse avec un numéro 2B 2018 08 000037 devant être pris en compte, contrairement à ce que demande la S.A.R.L. Corse Carroserie, pour apprécier du bien fondé des demandes de rappels salariaux et congés payés de Monsieur [C].
Il se déduit des éléments produits que Monsieur [C] a été rémunéré sur la base d'un salaire correspondant, non pas à 100% du SMIC, mais à 79%. Dès lors, un rappel de salaires est justifié sur la période courant du 2 juillet 2018 au 6 février 2020, pour un montant de 6.122,75 euros, somme exprimée nécessairement en brut, sans qu'il y ait lieu d'effectuer un décompte en net tel qu'indiqué par la S.A.R.L. Corse Carrosserie dans ses écritures d'appel compte tenu de la nature de la créance en cause. Pour la période courant à compter du 7 février 2020 jusqu'au 30 juin 2020, durant lesquelles l'apprenti a été en arrêt maladie, la société appelante fait valoir de manière fondée (dans ses écritures et nouveau décompte réalisé), sans contradiction véritable opposée à ces égards par Monsieur [C], que l'indemnisation, conformément aux dispositions conventionnelles est effectué en net et non en brut, mais également que c'est l'organisme de prévoyance qui opère un versement direct des sommes dues au titre de l'indemnisation à l'apprenti, à compter du 46ème jour, de sorte que le calcul opéré par Monsieur [C] est inexact, comme effectué en brut et comme ne tenant pas compte de cette période d'indemnisation directe par la prévoyance du 46ème jour jusqu'au terme de la relation contractuelle, soit le 30 juin 2020.
Dès lors, dans les limites des débats et pièces soumis à l'appréciation de la cour, et tenant compte du montant des I.J.S.S. en net et non brut, des sommes versées par l'employeur, des indemnités de la prévoyance, sera prévue la condamnation de la S.A.R.L. Corse Carrosserie à verser à Monsieur [C], une somme de 1.243,78 euros net au titre de la période comprise entre le 7 février et le 30 juin 2020.
S'agissant des dispositions du jugement afférentes aux congés payés, la société appelante ne développe pas de critique du jugement en ce qu'il a considéré que des congés payés étaient dus à hauteur de 10% sur la totalité des sommes dues par l'employeur à l'apprenti, la S.A.R.L. Corse Carrosserie effectuant elle-même, dans son décompte au soutien de ses demandes subsidiaires, un calcul des congés payés sur l'ensemble des sommes dues sur la période du 2 juillet 2018 au 30 juin 2020. En l'absence de moyen relevé d'office, qui impliquerait une réouverture des débats alors que la procédure d'appel date de près de 18 mois, ne pourra qu'être prévue une condamnation au titre d'indemnité de congés payés sur l'ensemble de la période objet de la revendication de Monsieur [C].
Par suite, après infirmation du jugement s'agissant des montants retenus, la S.A.R.L. Corse Carrosserie sera condamnée à verser à Monsieur [C] :
- une somme de 6.122,75 euros brut à titre de rappel de salaires dus sur la période de 2 juillet 2018 au 6 février 2020, outre 612,28 euros brut au titre des congés payés afférents,
- une somme de 1.243,78 euros net au titre de la période comprise entre le 7 février et le 30 juin 2020, outre une somme de 124,38 euros net au titre de congés payés.
Monsieur [C] sera débouté du surplus de ses demandes à ces égards, non justifié.
Les demandes en sens contraire seront rejetées.
La S.A.R.L. Corse Carrosserie, succombant principalement, sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel.
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions querellées afférentes aux frais irrépétibles de première instance.
L'équité commande en sus de prévoir la condamnation de la S.A.R.L. Corse Carrosserie à verser à Monsieur [C] une somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de frais irrépétibles d'appel.
Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe le 3 mai 2023,
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bastia le 17 novembre 2021 2021, tel que déféré, sauf :
-s'agissant des montants de condamnation de la S.A.R.L. Corse Carrosserie,
Et statuant à nouveau des dispositions infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la S.A.R.L. Corse Carrosserie, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur [M] [C] :
-une somme de 6.122,75 euros brut à titre de rappel de salaires dus sur la période de 2 juillet 2018 au 6 février 2020, outre 612,28 euros brut au titre des congés payés afférents,
- une somme de 1.243,78 euros net au titre de la période comprise entre le 7 février et le 30 juin 2020, outre une somme de 124,38 euros net au titre de congés payés
CONDAMNE la S.A.R.L. Corse Carrosserie, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur [M] [C] une somme de 1.000 euros au titre de frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE la S.A.R.L. Corse Carrosserie, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de l'instance d'appel,
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT