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14/12/2022 | FRANCE | N°21/00840

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile section 2, 14 décembre 2022, 21/00840


Chambre civile

Section 2



ARRÊT N°



du 14 DÉCEMBRE 2022



N° RG 21/00840

N° Portalis DBVE-V-B7F-CCR4 SM - C



Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine Juge de l'exécution de BASTIA, décision attaquée en date du 18 Novembre 2021, enregistrée sous le n° 21/00018



[J]



C/



O.E.H.C









Copies exécutoires délivrées aux avocats le









COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE CI

VILE



ARRÊT DU



QUATORZE DÉCEMBRE

DEUX-MILLE-VINGT-DEUX





APPELANT :



M. [H] [J]

né le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 5]



Représenté par Me Christine SECONDI, avocate au barreau de BASTIA



I...

Chambre civile

Section 2

ARRÊT N°

du 14 DÉCEMBRE 2022

N° RG 21/00840

N° Portalis DBVE-V-B7F-CCR4 SM - C

Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine Juge de l'exécution de BASTIA, décision attaquée en date du 18 Novembre 2021, enregistrée sous le n° 21/00018

[J]

C/

O.E.H.C

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU

QUATORZE DÉCEMBRE

DEUX-MILLE-VINGT-DEUX

APPELANT :

M. [H] [J]

né le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Christine SECONDI, avocate au barreau de BASTIA

INTIMÉE :

O.E.H.C - OFFICE ÉQUIPEMENT HYDRAULIQUE DE CORSE

prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualitès audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Benoît BRONZINI DE CARAFFA de l'AARPI TOMASI VACCAREZZA BRONZINI DE CARAFFA TABOUREAU GENUINI LUISI BENARD-BATTESTI, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 octobre 2022, devant Stéphanie MOLIES, conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Jacques GILLAND, président de chambre

Judith DELTOUR, conseillère

Stéphanie MOLIES, conseillère

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Françoise COAT.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2022.

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Cécile BORCKHOLZ, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Le 25 septembre 2020, l'Office d'équipement hydraulique de Corse a émis à l'encontre de M. [H] [J] une saisie-administrative à tiers détenteur à hauteur de 52 446,63 euros.

Suivant acte d'huissier du 23 décembre 2020, M. [H] [J] a fait citer l'Office d'équipement hydraulique de la Corse (O.E.H.C.) devant le tribunal judiciaire de Bastia aux fins de voir :

- prononcer le nullité pure et simple de la S.A.T.D. en date du 25.09.2020,

- dire et juger que l'établissement requis ne détient pas de créance certaine liquide et exigible,

- s'entendre condamner à payer la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par décision du 18 novembre 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bastia :

- s'est déclaré compétent pour juger de la régularité formelle du titre exécutoire accessoirement à une contestation d'un acte de saisie administrative à tiers détenteur,

- a jugé l'action de M. [H] [J] prescrite,

- l'a condamné à payer à l'O.H.E.C. une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamné aux dépens.

Suivant déclaration enregistrée le 2 décembre 2021, M. [H] [J] a interjeté appel de la décision susvisée en ces termes :

'En ce que le Juge de l'Exécution Juge l'action de monsieur [H] [J] prescrite Etant rappelé ici que ladite action tend à la contestation de la régularité formelle des titres exécutoires accessoirement à une contestation d'un acte de saisie administrative à tiers détenteur, monsieur [H] [J] entendant voir Juger la recevabilité de son action dans la mesure où la fin la de non recevoir soulevée par l'OEHC et tirée de la tardiveté du recours est infondée compte tenu des irrégularités affectant la mise en demeure du 8 juin 2020 qui ne précise pas les voie et moyens de recours de manière explicite et son absence de notification à monsieur [H] [J] et que l'OEHC ne détient pas de créance certaine liquide et exigible à l'encontre de monsieur [H] [J] en l'absence de titres exécutoires valables et que la deuxième mise en demeure délivrée le 10 août 2021 est nulle et de nul effet et que l'action en recouvrement des titres exécutoires est prescrite par application de l'article L 1617-5 3 ° du CGCT - En ce que le jugement reproduit dans ses motifs relativement à la mise en demeure du 8 juin 2020 « il convient donc de juger que la signature apposée émane de son destinataire noté à savoir Monsieur [H] [J] qui conclut n'avoir pas eu connaissance de cette mise en demeure sans pour autant dénier sa signature » alors que monsieur [H] [J] a contesté avoir reçu valablement notification par lettre recommandée avec accusé de réception le 8 juin 2020 n'ayant jamais signé l'avis d'accusé de réception dont il résulte qu'il a bien dénié sa signature En ce que le jugement Condamne monsieur [H] [J] à payer à l'O.H.E.C une somme de 1500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne aux dépens'.

Par conclusions régulièrement notifiées le 15 avril 2022, M. [H] [J] a demandé à la cour de :

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré prescrit le recours de M. [H] [J] en ce qu'elle a condamné M. [H] [J] à payer à l'O.H.E.C. une somme de 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens,

Par nouveau juger,

- rejeter la fin de non recevoir soulevée par l'O.E.H.C. comme étant non fondée,

- juger la mise en demeure de l'O.E.H.C. du 27 mai 2020 et désignée par le premier juge comme ayant été notifiée le 8.06.2020 comme étant nulle et de nul effet,

- juger que M. [H] [J] a dénié sa signature,

- juger que la signature C 19 apposée sur l'avis de réception n'est pas celle de M. [H] [J],

- juger que le recours de M. [H] [J] introduit par voie d'assignation du 23 décembre 2020 parfaitement recevable,

- En conséquence statuant sur la régularité formelle des titres exécutoires accessoires à la S.A.T.D. litigieuse,

- juger que l'O.E.H.C. ne détient pas de créance certaine liquide et exigible à l'encontre de M. [H] [J] en l'absence de titres exécutoires valables pour la période de 2000 à 2013,

- juger que l'absence de régularité formelle des titres exécutoires émis par l'O.E.H.C. a déjà été jugée par jugement du tribunal d'instance de Bastia en date du 19 décembre 2014 pour la période du 1er.07.1994 au 9.01.2008, incluant la période de 2000 à 2008,

- juger que la mise en demeure délivrée le 10 août 2021 est nulle et de nul effet,

Subsidiairement,

- juger que l'action en recouvrement des titres exécutoires est prescrite par application de l'article L1617-5 3° du C.G.C.T.,

- en tout état de cause, condamner l'O.E.H.C. à payer à M. [H] [J] la somme de 1 050,28 euros outre la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- débouter l'O.E.H.C. intimé de toutes ses demandes à l'encontre de M. [H] [J].

Par conclusions régulièrement notifiées le 8 avril 2022, l'office d'équipement hydraulique de Corse (O.E.H.C.), régulièrement représenté, a demandé à la juridiction d'appel de :

- CONFIRMER le jugement rendu le 18 novembre 2021 en toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT

- JUGER la demande de Monsieur [H] [J] tendant à dénier sa signature sur l'avis de réception de la mise en demeure en date du 27 mai 2020 irrecevable comme nouvelle

- CONDAMNER Monsieur [H] [J] à payer la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance.

Par ordonnance du 30 mars 2022, le conseiller désigné par le premier président a ordonné la clôture de la procédure et fixé l'affaire à plaider devant le conseiller rapporteur au 21 avril 2022 à 8 heures 30.

Suivant ordonnance du 20 avril 2022, le conseiller désigné par le premier président a :

- ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture,

- ordonné le renvoi à la conférence du 29 juin 2022 pour clôture.

Par ordonnance du 29 juin 2022, le conseiller désigné par le premier président a :

- ordonné la clôture de l'instruction,

- renvoyé l'affaire pour être plaidée devant le conseiller rapporteur le 20 octobre 2022 à 8h30.

Le 20 octobre 2022, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2022.

La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.

SUR CE

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger », « prendre ou donner acte » et les « constater » ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi.

En conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur la recevabilité des demandes de M. [J]

La partie intimée observe que M. [J] dénie, pour la première fois en cause d'appel, sa signature sur l'avis de réception de la mise en demeure avant saisie notifiée par l'O.E.H.C. le 8 juin 2020. Elle rappelle qu'en première instance, M. [J] s'était contenté de contester avoir eu connaissance de ladite mise en demeure.

En réponse, M. [J] estime que le premier juge s'est contredit en retenant qu'il n'avait pas dénié sa signature tout en soulignant qu'il contestait avoir reçu notification de la mise en demeure avant saisie. Il ajoute que la contestation de la validité de la notification est tirée de la contestation de la validité de la signature figurant sur le volet de l'accusé de réception, et que sa position a toujours été, sans ambiguïté, de ne jamais avoir été destinataire d'une mise en demeure et de ne jamais avoir signé le volet de l'accusé de réception du 8 juin 2020.

Si l'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions (...), l'article

563 du même code prévoit que, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

En l'espèce, il convient d'observer que la dénégation de signature par M. [J] n'est qu'un moyen développé au soutien de la demande visant à la nullité de la notification de la mise en demeure du 27 mai 2020, et non une prétention en soi.

L'O.E.H.C. sera donc débouté de sa demande d'irrecevabilité de ce chef sur ce fondement.

Sur la prescription de la demande de M. [J]

M. [J] reproche au premier juge d'avoir statué ultra petita en retenant la tardiveté de la saisine du juge de l'exécution alors que ce moyen n'aurait pas été invoqué par l'O.E.H.C..

Il fait valoir que la mise en demeure du 27 mai 2020 n'a pu faire courir le délai de la saisine du juge de l'exécution et souligne que l'O.E.H.C. a nécessairement acquiescé à ce raisonnement en faisant délivrer une seconde mise en demeure le 18 août 2021 visant les mêmes titres exécutoires.

Il soutient que la signature figurant sur l'accusé de réception du 8 juin 2020 n'est pas la sienne et que ce courrier ne lui a jamais été remis. Il souligne par ailleurs que le volet d'avis de réception ne répond pas aux conditions formellement exigées pour constituer une preuve de distribution pendant la crise sanitaire liée à la covid-19.

L'appelant observe d'autre part qu'il a également contesté la régularité de la mise en demeure du 27 mai 2020 devant le premier juge, dans la mesure où les voies et moyens de recours n'étaient pas explicites.

Il ajoute que la mise en demeure du 10 août 2021 ne peut régulariser les irrégularités affectant la mise en demeure du 27 mai 2020 et qu'en toutes hypothèses, ce dernier courrier ne désigne pas la juridiction compétente.

Il déduit de l'ensemble de ces éléments qu'aucune de ces mises en demeure ne peut valablement constituer le point de départ du délai de l'introduction du recours en contestation devant le juge de l'exécution.

En réponse, la partie intimée affirme avoir sollicité, à titre principal, l'irrecevabilité de l'action de M. [J] sur le fondement de l'article L1617-5 du code général des

collectivités territoriales et avoir indiqué, dans ses écritures, que M. [J] aurait dû contester la saisie pratiquée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la saisie.

Elle ajoute que M. [J] aurait d'ailleurs écarté toute forclusion de l'exercice de son recours au terme de ses écritures en première instance, ce qui permettrait de démontrer que la question était dans le débat.

Elle soutient que la preuve de la notification de la mise en demeure préalable résulte de la signature C.19 apposée sur l'accusé de réception, cette signature ayant été imposée pendant la période de pandémie de covid-19 pour caractériser la réception du courrier par le destinataire.

Elle relève que M. [J] ne rapporte aucune preuve contraire lui permettant de dénier sa signature.

En premier lieu, il sera souligné que M. [J] ne titre aucune conséquence juridique des moyens développés afin d'établir que le premier juge a statué ultra petita alors que la question de la prescription de sa contestation est désormais dans le débat.

Il résulte de l'article L1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, prévoit en son 1er qu'en l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territorial ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur.

Toutefois, l'introduction devant une juridiction de l'instance ayant pour objet de contester le bien-fondé d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local suspend la force exécutoire du titre.

L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite.

En l'espèce, la partie appelante entend contester le bien-fondé de la créance ayant donné lieu à la saisie administrative à tiers détenteur du 25 septembre 2020, soit la régularité des factures émises par l'O.E.H.C. de 2000 à 2013.

Si la partie appelante produit le duplicata des factures valant titres exécutoires émis sur la période, elle ne verse pas la preuve de la réception des titres exécutoires par le débiteur.

Il convient donc de s'attacher, pour connaître le point de départ du délai de prescription, au premier acte procédant de ces titres ou à la notification de l'acte de poursuite conformément au texte susvisé.

La partie intimée produit à cette fin une mise en demeure avant saisie émise le 27 mai 2020, dont le courrier recommandé avec accusé de réception a été renvoyé le 8 juin 2020 avec la mention 'C.19".

L'article 4 de l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux dispose qu'après s'être assuré oralement de la présence du destinataire, l'employé chargé de la distribution remet le pli, en fonction de l'adresse indiquée sur le pli, dans la boîte aux lettres du destinataire, et établit la preuve de distribution.

La preuve de distribution doit comporter les informations prévues aux articles 2 et 3 ainsi que :

- les nom et prénom du destinataire ;

- une attestation sur l'honneur, émise par l'employé chargé de la distribution et attestant la remise du pli ;

- la date et l'heure de la distribution ;

- le numéro d'identification de l'envoi ;

- la mention 'procédure spéciale covid-19".

Dans l'hypothèse où la remise du pli dans la boîte aux lettres du destinataire s'avère impossible, l'envoi est déposé, en fonction de l'adresse indiquée sur le pli, près de la porte d'entrée.

L'accusé de réception versé au débat, s'il comporte la mention 'C.19" pouvant être appréhendée comme une abréviation de la mention 'procédure spéciale covid-19", ne fait pas état de l'heure de la distribution et n'est pas accompagné de l'attestation sur l'honneur visée ci-dessus.

Or ces informations sont essentielles et doivent être appréciées strictement pour s'assurer de la distribution du courrier au destinataire malgré l'absence de signature de ce dernier.

Par suite, même si, ainsi que l'a souligné le premier juge, l'accusé de réception n'a pas été retourné avec la mention 'destinataire inconnu à l'adresse', il convient de juger que l'O.E.H.C. ne rapporte pas la preuve de la distribution de la mise en demeure du 27 mai 2020 à la personne de M. [J].

Cette mise en demeure n'a donc pu faire courir le délai de contestation ouvert au débiteur.

Dès lors que l'O.E.H.C. ne produit pas le courrier de notification de la saisie administrative à tiers détenteur à M. [J], le délai de deux mois n'a pas commencé à courir et la contestation matérialisée par l'assignation du 23 décembre 2020 est recevable.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur le fond

L'appelant soutient que la saisie administrative à tiers détenteur doit comporter un minimum d'informations et, notamment, l'énonciation des différents titres exécutoires, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce.

Il observe que le bordereau récapitulatif a été édité par l'intimé pour les besoins de la cause le 4 janvier 2021 et que le montant visé dans ce bordereau est différent du montant de la saisie administrative.

Il ajoute que l'énumération des titres fait obstacle à tout contrôle et à toute contestation sur les ordres de recettes originaux.

Il relève que les duplicatas de factures versés au débat ne mentionnent pas les nom, prénom et qualité de la personne qui les a émis, ainsi que les délais et voies de recours.

L'appelant fait valoir que l'établissement intimé a conscience des irrégularités affectant les titres exécutoires pour la période du 1er juillet 1994 au 9 janvier 2008 puisque sa demande a été rejetée par le tribunal d'instance statuant en matière de saisie des rémunérations le 19 décembre 2014. Il souligne que l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision ne peut être remise en cause.

Il ajoute que les mêmes irrégularités affectent les titres émis sur la période de 2008 à 2013, à savoir le non-respect du formalisme, l'absence de notification et de mention des voies et moyens de recours sur les titres.

En réponse, l'O.E.H.C. affirme que M. [J] ne peut se prévaloir de l'autorité de chose jugée issue d'une décision du tribunal d'instance datant de 2014 hors de débat et qui ne lui aurait pas été signifiée.

Il souligne à ce propos qu'aucune prescription n'avait alors été retenue à l'encontre des titres exécutoires émis.

En premier lieu, il est constant que la saisie administrative à tiers détenteur a été levée à la demande de l'O.E.H.C..

En outre, M. [J] ne présente aucune demande relativement à cette procédure au terme du dispositif de ses écritures ; les observations de M. [J] à ce titre sont donc sans intérêt dans le cadre du présent litige.

L'article 480 du code de procédure civile dispose que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4.

En l'espèce, par décision du 19 décembre 2014, le magistrat chargé des saisies des rémunérations au tribunal d'instance de Bastia a rejeté la demande présentée par l'O.E.H.C. à l'égard de M. [J] dans les termes suivants : 'Rejet de la demande : absence de notification des titres exécutoires, voies de recours non explicites sur les titres'.

Outre le fait que M. [J] ne justifie pas de la signification de ladite décision, il sera souligné que seule la décision de rejet est revêtue de l'autorité de la chose jugée, à l'exclusion des motifs ensuite explicités au soutien de ladite décision, tenant à l'absence de notification des titres exécutoires et l'absence de mention explicite des voies de recours.

M. [J] ne peut donc se prévaloir de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du 19 décembre 2014 pour exciper de l'irrégularité des titres exécutoires.

Au surplus, il sera observé que la saisie des rémunérations était fondée sur des titres exécutoires émis entre le 1er juillet 1994 et le 9 janvier 2008, alors que la saisie administrative à tiers détenteur litigieuse vise des factures émises par l'O.E.H.C. de l'an 2000 à l'année 2013, pour un montant total de 52 446,63 euros.

L'O.E.H.C. verse au débat une situation des titres exécutoires non soldés du 4 janvier 2021 énumérant distinctement chaque facture non payée sur la période allant du 24 février 2000 au 25 janvier 2013, pour un montant total de 51 396,35 euros. La partie intimée explique la différence avec le montant de la saisie administrative à tiers détenteur par divers versements intervenus entre le 1er octobre et le 23 décembre 2020.

Au soutien de son argumentation quant à l'irrégularité des titres exécutoires, M. [J] vise la loi n°2009-526 du 12 mai 2009 et la loi n°2000-321 du 12 avril 2000.

L'article 4 de la loi n°2000-321, entré en vigueur le 14 avril 2000, lendemain de sa publication au journal officiel, disposait en son second alinéa jusqu'à son abrogation le 23 octobre 2015, que toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci.

La loi n°2009-526 a par ailleurs modifié le 4° de l'article 1617-5 du code général des collectivités territoriales en ce sens qu'en application de l'article 4 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recours collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours.

Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation.

Il sera observé en premier lieu que ces dispositions ne sont pas applicables à l'ensemble des factures visées dans l'acte de saisie administrative, puisque les deux factures émises le 24 février 2000 sont antérieures à leur entrée en vigueur.

Il résulte des duplicatas versés au débat que l'ensemble des titres exécutoires émis entre le 25 avril 2000 et le 24 avril 2009 inclus ne mentionnent pas les noms, prénoms et qualité des personnes les ayant émises.

Ces titres exécutoires ne sont donc pas réguliers : l'.O.E.H.C. ne peut par conséquent se prévaloir d'une créance certaine, liquide et exigible sur le fondement de ces titres.

Les titres exécutoires postérieurs, émis à compter du 22 janvier 2010, comportent, pour leur part, les mentions ainsi exigées par la loi.

S'ils ne visent pas clairement la juridiction compétente en cas de recours, il sera rappelé que la sanction de cette imprécision réside dans l'inopposabilité des délais de recours et non l'irrégularité du titre exécutoire.

Par conséquent, M. [J] sera débouté de sa demande visant à voir constater l'irrégularité des titres exécutoires émis à compter du 22 janvier 2010.

Il convient dès lors d'examiner la question de la prescription de l'action en recouvrement soulevée à titre subsidiaire par M. [J] à l'égard des factures antérieures au 25 avril 2000 et postérieures au 24 avril 2009.

L'article L1617-5 du code général des collectivités territoriales prévoit en son 3° que l'action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions, des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes.

Le délai de quatre ans mentionné à l'alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de prescription.

En l'espèce, l'O.E.H.C. ne justifie d'aucun acte interruptif d'instance entre la décision de rejet de la demande de saisie des rémunérations du 19 décembre 2014 et la mise en demeure du 27 mai 2020, intervenue plus de quatre années plus tard.

En outre, les paiements opérés par M. [J] ne sont intervenus que courant 2020, soit postérieurement à l'acquisition de la prescription de l'action en recouvrement de l'O.E.H.C.

Au regard de ces éléments, il convient de déclarer prescrite l'action en recouvrement de l'O.E.H.C. fondée sur les titres exécutoires émis entre le 24 février 2000 et le 25 avril 2000, puis entre le 22 janvier 2010 et le 25 janvier 2013.

Sur la restitution des sommes indûment perçues

M. [J] sollicite la condamnation de l'O.E.H.C. à lui restituer la somme de 1 050,28 euros correspondant aux sommes versées par ses soins.

La partie intimée ne répond pas sur ce point.

Il résulte de l'article 2249 du code civil que le paiement effectué pour éteindre une dette ne peut être répété au seul motif que le délai de prescription était expiré.

En l'espèce, seuls les titres exécutoires émis entre le 25 avril 2000 et le 24 avril 2009 ont été jugés irréguliers.

Or il résulte des pièces versées au débat que le montant des sommes dues au titre du surplus des titres exécutoires versés au débat excède la somme de 1 050,28 euros payée par M. [J], même si l'action en recouvrement de l'O.E.H.C. est désormais prescrite.

En vertu de l'article susvisé, M. [J] ne peut donc se prévaloir des dispositions relatives à la répétition de l'indû ; il sera dès lors débouté de sa demande tendant à la restitution de la somme de 1 050,28 euros payée par ses soins.

Sur les autres demandes

L'O.E.HC., qui succombe, sera condamné au paiement des dépens, en ceux compris les dépens de première instance.

Il n'est pas équitable de laisser à chacune des parties les frais irrépétibles non compris dans les dépens ; elles seront donc déboutées de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau,

Déboute l'Office d'équipement hydraulique de la Corse de sa demande visant à juger irrecevable la demande de M. [H] [J] tendant à dénier sa signature sur l'avis de réception du 27 mai 2020,

Déclare irréguliers les titres exécutoires émis à l'encontre de M. [H] [J] par l'Office d'équipement hydraulique de la Corse entre le 25 avril 2000 et le 24 avril 2009,

Déclare prescrite l'action en recouvrement de l'Office d'équipement hydraulique de la Corse fondée sur le surplus des titres exécutoires émis entre le 24 février 2000 et le 25 avril 2000 d'une part, et entre le 22 janvier 2010 et le 25 janvier 2013 d'autre part,

Déboute M. [H] [J] de sa demande de restitution de la somme de 1 050,28 euros,

Condamne l'Office d'équipement hydraulique de la Corse au paiement des dépens,

Déboute les parties de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile section 2
Numéro d'arrêt : 21/00840
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;21.00840 ?
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