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07/12/2022 | FRANCE | N°21/00198

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile section 2, 07 décembre 2022, 21/00198


Chambre civile

Section 2



ARRÊT N°



du 7 DÉCEMBRE 2022



N° RG 21/00198

N° Portalis DBVE-V-B7F-CANW JJG - C



Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de Bastia, décision attaquée en date du 12 Février 2021, enregistrée sous le n° 2019002509



S.A.S. MIDENA



C/



S.A. DIAC









Copies exécutoires délivrées aux avocats le

















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COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU



SEPT DÉCEMBRE DEUX-MILLE-VINGT-DEUX







APPELANTE :



S.A.S. MIDENA

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée p...

Chambre civile

Section 2

ARRÊT N°

du 7 DÉCEMBRE 2022

N° RG 21/00198

N° Portalis DBVE-V-B7F-CANW JJG - C

Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de Bastia, décision attaquée en date du 12 Février 2021, enregistrée sous le n° 2019002509

S.A.S. MIDENA

C/

S.A. DIAC

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU

SEPT DÉCEMBRE DEUX-MILLE-VINGT-DEUX

APPELANTE :

S.A.S. MIDENA

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Louis SEATELLI, avocat au barreau de BASTIA, Me Michel MONTAGARD, avocat au barreau de NICE

INTIMÉE :

S.A. DIAC

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Stephanie TISSOT-POLI, avocate au barreau de BASTIA, Me Estelle FLOYD, avocate au barreau de PARIS substituée par Me Thibaud LE GALLOU, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 6 octobre 2022, devant la cour composée de :

Jean-Jacques GILLAND, président de chambre

Judith DELTOUR, conseillère

Stéphanie MOLIES, conseillère

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Françoise COAT.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Cécile BORCKHOLZ, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

Par acte d'huissier du 16 juillet 2019, la S.A. Diac a assigner la S.A.S. Midena par-devant le tribunal de commerce de Bastia aux fins de :

ENTENDRE REQUALIFIER LA LETTRE D'INTENTION EN DATE DU 28/02/2013 EN ENGAGEMENT DE CAUTION SOLIDAIRE,

LA CONDAMNER À LUI PAYER LA SOMME PRINCIPALE DE 550.000 EUROS AU TITRE DE LA LETTRE D'INTENTION CONSTITUTIVE D'UN CAUTIONNEMENT SOLIDAIRE, LA CONDAMNER À LUI PAYER LA SOMME PRINCIPALE DE 196.798,02 EUROS AU TITRE DU CAUTIONNEMENT SOLIDAIRE EN DATE DU 18/11/2U16, OUTRE 8.000 EUROS EN VERTU DE L'ARTICLE 700 DU C.P.C., ET LES ENTIERS DÉPENS ;

VOIR ORDONNER LA CAPITALISATION ANNUELLE DES INTÉRÊTS ET L'EXÉCUTION PROVISOIRE DE LA DÉCISION À INTERVENIR.

Par jugement du 102 février 2021X, le tribunal de commerce de Bastia a :

DÉBOUTÉ LA SOCIÉTÉ MIDENA (SAS) DE L'ENSEMBLE DE SES DEMANDES.

CONDAMNÉ LA SOCIÉTÉ MIDENA (SAS) EN SA QUALITÉ DE CAUTION SOLIDAIRE DE LA SOCIÉTÉ BASTIA AUTOMOBILES SERVICES ET DANS LA LIMITE DE SON ENGAGEMENT À PAYER À LA SOCIÉTÉ DIAC (SA) LA SOMME

DE CINQ CENT CINQUANTE MILLE EUROS (550.000 €) AU TITRE DE L'ACTE EN DATE DU 28/02/2013 S'ANALYSANT EN UNE OBLIGATION DE RÉSULTAT ET DE CAUTION SOLIDAIRE AVEC INTÉRÊTS DE DROIT À COMPTER DU 29/05/2019, DATE DE LA MISE EN DEMEURE AVEC ANATOCISME.

CONDAMNÉ LA SOCIÉTÉ MIDENA (SAS) EN SA QUALITÉ DE CAUTION SOLIDAIRE DE LA SOCIÉTÉ BASTIA AUTOMOBILES SERVICES ET DANS LA LIMITE DE SON ENGAGEMENT À PAYER À LA SOCIÉTÉ DIAC (SA) LA SOMME DE CENT QUATRE-VINGT SEIZE MILLE SEPT CENT QUATRE-VINGT DIX-HUIT EUROS ET DEUX CENTS (196.798,02 €) AU TITRE DE L'ENGAGEMENT DE CAUTION SOLIDAIRE EN DATE DU 13/11/2019 AVEC INTÉRÊTS DE DROIT À COMPTER DU 29/05/2019, DATE DE LA MISE EN DEMEURE AVEC ANATOCISME.

DIT N'Y AVOIR LIEU À EXÉCUTION PROVISOIRE.

CONDAMNÉ LA SOCIÉTÉ MIDENA (SAS) À PAYER À LA SOCIÉTÉ DIAC (SA) LA SOMME DE MILLE CINQ CENT EUROS (1.500 €) AU TITRE DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 700 DU C.P.C.

CONDAMNÉ LA SOCIÉTÉ MIDENA (SAS) AUX ENTIERS DÉPENS.

LIQUIDÉ LES DÉPENS À RECOUVRER PAR LE GREFFE À LA SOMME DE 73.22

EUROS TTC (DONT 20 % DE TVA).

REJETÉ POUR LE SURPLU5 TOUTES AUTRES DEMANDE5 CONTRAIRES À LA

PRÉSENTE DÉCISION.

Par déclaration au greffe du 17 mars 2021, la S.A.S. Midena a interjeté appel du jugement prononcé en ce qu'il a :

1) Débouté la Société MIDENA de l'ensemble de ses demandes tendant à :

DIRE ET JUGER que les termes de la lettre du 28 Février 2013 ont été imposés par la DIAC; DIRE NULLE ET DE NUL EFFET la lettre du 28 Février 2013 ;

REJETER la demande de requalification de la lettre du 28 Février 2013 en cautionnement solidaire ;

DIRE ET JUGER qu'à défaut d'autorisation du Conseil d'Administration la lettre d'intention n'est pas opposable à la Sté MIDENA ;

DIRE ET JUGER que la société DIAC a commis un soutien abusif ;

DIRE ET JUGER que la société DIAC a engagé sa responsabilité à l'égard de la Société MIDENA ;

ANNULER le cautionnement de la Société MIDENA au profit de la Société DIAC en date du 18 Novembre 2016 ;

Subsidiairement, RÉDUIRE le montant des sommes réclamées par la société DIAC sur le fondement du prêt du 18 novembre 2016 à hauteur de 9.932,46 euros.

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,

DÉBOUTER la société DIAC de sa demande de condamnation au paiement d'une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

DÉBOUTER la société DIAC de sa demande de condamnation aux entiers dépens de l'instance.

CONDAMNER la société DIAC à payer à la société MIDENA la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

2) condamné la société MIDENA en sa qualité de caution solidaire de la société BASTIA AUTOMOBILES SERVICES et dans la limite de son engagement à payer à la société DIAC la somme de 550.000 euros au titre de l'acte en date du 28 Février 2013 s'analysant en une obligation de résultat et de caution solidaire avec intérêts de droit à compter du 29 Mars 2019, date de la mise en demeure avec anatocisme ;

condamné la société MIDENA en sa qualité de caution solidaire de la société BASTIA AUTOMOBILES SERVICES et dans la limite de son engagement à payer à la société DIAC la somme de 196.798,02 euros au titre de l'engagement de caution solidaire en date du 18 Novembre 2019 avec intérêts de droit à compter du 29 Mars 2019, date de la mise en demeure avec anatocisme ;

condamné la société MIDENA (SAS) à payer à la Société DIAC (SA) la somme de 1.500

euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; et

condamné la société MIDENA (SAS) aux entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe le 4 avril 2022, la S.A. Diac a demandé à la cour de :

Vu l'article 12 du Code de procédure civile,

Vu les articles 1134 ancien, et 1103 et 1104 nouveaux du Code civil,

Vu les articles L.227-6 et L. 650-1 du Code de commerce,

Vu l'acte en date du 28 février 2013 et l'acte de cautionnement solidaire en date du 18 novembre 2016,

Vu le jugement du Tribunal de commerce de Bastia en date du 12 février 2021,

Vu les pièces produites,

- CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Bastia en date du 12 février 2021 en ce qu'il a :

o Débouté la société MIDENA de l'ensemble de ses demandes ;

o Condamné la société MIDENA en sa qualité de caution solidaire de la société BASTIA AUTOMOBILES SERVICES et dans la limite de son engagement à payer à la société

DIAC la somme de cinq cent cinquante mille euros (550.000 €) au titre de l'acte en date du 28 février 2013 s'analysant en une obligation de résultat et de caution solidaire avec intérêts de droit à compter du 29 mai 2019, date de la mise en demeure avec anatocisme ;

o Condamné la société MIDENA en sa qualité de caution solidaire de la société BASTIA AUTOMOBILES SERVICES et dans la limite de son engagement à payer à la société DIAC la somme de cent quatre-vingt seize mille sept cent quatre-vingt dix-huit euros et deux cents (196.798,02 €) au titre de l'engagement de caution solidaire en date du 18 novembre 2019 avec intérêts de droit à compter du 29 mai 2019, date de la mise en demeure avec anatocisme ;

o Condamné la société MIDENA à payer à la société DIAC la somme de mille cinq cent euros (1.500 €) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

o Condamné la société MIDENA aux entiers dépens ;

o Liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 73,22 euros TTC (dont 20% de TVA) ;

o Rejeté pour le surplus toutes autres demandes contraires à ladite décision.

En conséquence :

- REJETER la demande principale de la société MIDENA tendant à la non-requalification et à la nullité de son engagement en date du 28 février 2013 à raison de prétendus agissements frauduleux et déloyaux de la société DIAC.

- REJETER la demande principale (concernant le cautionnement solidaire en date du 18 novembre 2016) et subsidiaire (concernant l'engagement en date du 28 février 2013) de la société MIDENA tendant à la nullité desdits actes à raison d'une prétendue violation de son objet social et de son intérêt social.

- REJETER la demande subsidiaire de la société MIDENA tendant à la mise en cause de la responsabilité de la société DIAC à raison de prétendues fautes commises par ses soins.

- REJETER la demande infiniment subsidiaire de la société MIDENA tendant à la déchéance des intérêts du contrat de prêt moyen terme en date du 18 novembre 2016.

- REJETER toutes demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires de la société

MIDENA.

- CONDAMNER la société MIDENA à payer à la société DIAC la somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- CONDAMNER la société MIDENA aux entiers dépens.

SOUS TOUTES RÉSERVES

Par conclusions déposées au greffe le 30 mai 2022, la S.A.S. Midena a demandé à la cour de :

Vu l'article 2322 du Code civil,

Vu les articles L227-6 et L650-1 du Code de commerce,

Vu l'article 1907 du Code civil,

Vu la jurisprudence de la Cour de cassation,

Vu le jugement entrepris,

Vu les pièces versées aux débats, notamment le rapport d'audit du 28 janvier 2022,

RECEVOIR l'intégralité des moyens et demandes formées par la société MIDENA ;

À titre principal,

* Sur le courrier du 28 février 2013,

DÉCLARER NUL ET DE NUL EFFET le courrier du 28 février 2013 ;

Subsidiairement,

DÉCLARER NUL ET DE NUL EFFET l'engagement de cautionnement solidaire tiré du

courrier du 28 février 2013 en ce qu'il va à l'encontre de l'intérêt social de la SAS MIDENA, et n'entre pas dans le périmètre de son objet social ;

* Sur l'acte de cautionnement solidaire du contrat de prêt du 18 novembre 2016,

DÉCLARER NUL ET DE NUL EFFET l'acte de cautionnement solidaire du 18 novembre

2016 en ce qu'il va à l'encontre de l'intérêt social de la SAS MIDENA, et n'entre pas dans le périmètre de son objet social ;

À titre subsidiaire,

DIRE ET JUGER que la société DIAC a commis un soutien abusif de nature à engager sa

responsabilité à l'égard de la société MIDENA ;

En conséquence,

CONDAMNER la société DIAC à payer à la société MIDENA la somme de 747.000€ en

réparation du préjudice financier subi ;

ORDONNER la compensation entre les créances que la société DIAC est susceptible, selon votre Cour, de détenir à l'encontre de la société MIDENA, en sa qualité de caution solidaire de la société BASTIA AUTOMOBILES SERVICES (BAS), et celles que celle-ci détient à l'encontre de la société DIAC en raison de la réparation de son préjudice financier ;

À titre infiniment subsidiaire,

Si, par extraordinaire, la Cour confirmait le jugement entrepris,

RÉDUIRE le montant des sommes réclamées par la société DIAC sur le fondement du prêt du 18 novembre 2016 à hauteur de 9.932,46 €

EN CONSÉQUENCE,

INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

CONDAMNER la société DIAC à régler à la société MIDENA la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code civil ;

LA CONDAMNER aux entiers dépens.

SOUS TOUTES RÉSERVES

Par ordonnance du 8 septembre 2021, la procédure a été clôturée et fixée à plaider au 6 octobre 2022.

Le 6 octobre 2022, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.

La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait, en application de l'article 455 du code de procédure civile, expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.

SUR CE

Pour statuer comme ils l'ont fait les premiers juges ont considéré que la lettre d'intention du 28 février 2013, signée par la S.A.S. Midena, devait être analysée comme un engagement de caution solidaire, que l'acte de cautionnement du 18 novembre 2016 ne peut être annulé à défaut de rapport de la preuve d'une faute de la S.A. Diac, que les sommes réclamées sont justifiées dans leurs montant et qu'il n'y a pas lieu à déchéance du droit aux intérêts, le calcul des intérêts sur une année dite lombarde n'étant pas prohibé entre professionnels.

* Sur la lettre d'intention

L'appelante fait valoir que cette lettre ne peut donner naissance à une obligation de résultat et qu'elle serait nulle, ayant été dictée par la S.A. Diac.

L'article 2322 du code civil dispose que «La lettre d'intention est l'engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l'exécution de son obligation envers son créancier».

En l'espèce, il n'est nullement contesté que, le 28 février 2018, la S.A.S. Midena, prise en la personne de son président, M. [V] [T], a approuvé les décisions de sa filiale la S.A.R.L. Bastia automobiles services auprès de l'«Établissement de crédit jusqu'à concurrence de cinq cent cinquante mille euros», dans laquelle elle possède une participation de 100 % dans son capital, la S.A.S. Midena précisant être toujours un soutien financier de ses filiales et tout faire pour qu'elles aient une trésorerie suffisante «afin que les concours financiers mis à leur disposition soient remboursés dans le conditions prévues, de manière à ce que les créanciers n'encourent aucune perte du fait de leurs engagements» ajoutant en fin de courrier que la dite société «avait la ferme intention de nous conformer à cette politique...aussi longtemps que celle-ci [la S.A.R.L. Bastia automobiles services] sera engagée vis-à-vis de vous-même....et de nous substituer à la SARL. B.A.S. en cas de besoin».

Il est constant que, quand la société émettrice de la lettre d'intention manifeste, de manière éclairée et non équivoque, sa volonté de se soumettre, envers l'organisme financier prêteur, à satisfaire à l'obligation de la filiale si celle-ci n'y satisfait pas elle-même, elle devient ainsi caution de cette obligation.

Il est aussi constant que, quand l'engagement de la société est ferme et qu'il mentionne de faire le nécessaire pour que la filiale dispose d'une trésorerie suffisante lui permettant de respecter ses engagements financiers ou que ses besoins financiers soient assurés au mieux, la rédactrice de la lettre d'intention s'oblige à l'obtention du résultat.

En l'espèce, la S.A.S. Midena a pris un engagement très fort de faire tout le nécessaire en termes de soutien financier de sa filiale afin qu'elle honore ses engagements et à se substituer à celle-ci en cas de besoin, engagement ferme et non équivoque l'obligeant à un résultat d'avoir à assurer en cas de défaillance le paiement des sommes dues par sa filiale, ce qui constitue aussi un véritable engagement de caution solidaire, compte tenu de la nature commerciale du lien existant entre les parties.

Le fait que, s'agissant d'une société par actions simplifiée, il soit fait état d'une délibération de son conseil d'administration, alors que ce type de société n'en aucune obligation d'avoir un tel conseil, que la S.A.S. Midena en est dépourvue, est anecdotique et sans aucun effet, la lettre d'intention étant signée par la président de la société, seule personne habilitée à le faire, ce qui rend cette démarche régulière, conformément aux dispositions de l'article L 227-1 du code de commerce qui précise, notamment, que «les attributions du conseil d'administration ou de son président sont exercées par le président de la société par actions simplifiée», conformément aux articles 14.4 et 19 des statuts de la S.A.S. Midena -pièce n°28 du bordereau de l'intimé.

La S.A.S. Midena fait aussi valoir que la S.A. Diac lui aurait dicté son engagement, la lettre d'intention comportant un paragraphe existant à l'identique dans l'acte de cautionnement signé le 18 novembre 2016, arguant de cela que l'intimée aurait eu ainsi un comportement frauduleux et particulièrement déloyal l'empêchant de se prévaloir de cette lettre et de la considérer comme un engagement de caution solidaire.

Il est vrai que le dit paragraphe apparaît en des termes similaires, mais non identiques, dans les deux documents. Cependant, rien ne permet de retirer de cette similitude un quelconque comportement frauduleux alors qu'il s'agit de deux actes de nature identique, constituant des garanties de la part de la même société au profit d'une même société, dans le cadre d'actes librement consentis par le dirigeant de la société s'engageant à constituer des garanties en contrepartie de financements importants, pratique banale et usuelle entre sociétés commerciales.

Aucun comportement frauduleux ou déloyal ne peut être retenu de cela.

Il convient donc de rejeter le moyen développé par l'appelante et de confirmer le jugement querellé sur ce point.

* Sur l'acte de cautionnement du 18 novembre 2016

La S.A.S. Midena, qui s'est portée, par un acte du 18 novembre 2016, caution solidaire de la S.A.R.L. Bastia automobiles services fait valoir que cet engagement est irrégulier en ce qu'il serait contraire à l'objet social statutaire et que le cautionnement est nul, nullité encourue aussi pour les mêmes raisons pour le cautionnement résultant de la lettre d'intention.

Si cela cette argumentation est fondée, il est toutefois nécessaire, pour lui donner effet, de démontrer, pour celui-ci qui se prévaut de la nullité, que le tiers bénéficiaire connaissait ou ne pouvait ignorer cette contrariété à l'intérêt social.

En l'espèce, il résulte de l'article 4 des statuts de la S.A.S. Midena qu'elle a, notamment, pour objet social «toutes opérations financières, commerciales, industrielles ou civiles, mobilières, immobilières ou autres, se rattachant directement ou indirectement à ce précède ou susceptibles d'en favoriser la réalisation, l'extension ou le développement», et ce, dans le cadre d' une activité de holding rappelée dans le même article. Ainsi, il entrait bien dans son objet social, comme il était dans son intérêt, d'apporter son concours, par le biais de ces deux cautionnements constituant, sans nécessité de débat, une opération financière, au développement de sa filiale, la S.A.R.L. Bastia automobiles services.

Les dits actes consentis entrant bien dans l'objet social de la S.A.S. Midena, il n'est pas nécessaire d'examiner si la S.A. Diac connaissait le dit objet social et un éventuel dépassement de celui-ci.

La S.A.S. Midena fait valoir que le montant global de ses engagements -550 000 +

350 000 euros- constitue aussi un dépassement de son objet social quant il est mis en rapport avec ses résultats pour les années 2016 à 2018 (-23 570 euros en 2016, 3 440 euros en 2017 et -616 550 euros en 2018). ; argument inopérant pour des engagements souscrits les 28 février 2013 et 18 novembre 2018, soit antérieurement à la connaissance de ces données.

Ces moyens sont rejetés et le jugement querellé est confirmé sur ce point.

* Sur la demande d'attente de l'issue de la procédure collective dont bénéficie la S.A.R.L. Bastia automobiles services pour admettre la garantie de paiement de la S.A.S. Midena

Il est certain qu'un cautionnement a pour objet de garantir le défaut de paiement d'un débiteur vis-à-vis de son créancier à l'échéance de ses engagements et non de le garantir de l'insolvabilité définitive de ce dernier.

Ainsi, le simple défaut du débiteur principal engage, sans aucune ambiguïté, la S.A.S. Midena, celle-ci s'étant portée caution de la S.A.R.L. Bastia automobiles services de manière solidaire et indivisible, ayant renoncé expressément aux bénéfices de discussion et de division. En effet, au terme des dispositions de l'article 2298 du code civil dans sa version antérieure au 1er janvier 2022 applicable en l'espèce, «La caution n'est obligée envers le créancier à le payer qu'à défaut du débiteur, qui doit être préalablement discuté dans ses biens, à moins que la caution n'ait renoncé au bénéfice de discussion, ou à moins qu'elle ne se soit obligée solidairement avec le débiteur ; auquel cas l'effet de son engagement se règle par les principes qui ont été établis pour les dettes solidaires»,

En effet, la caution pouvait être immédiatement appelée en garantie, sans nécessité d'attendre la fin de processus de vérification des créances, l'existence de la créance étant incontestable, le redressement judiciaire dont bénéficie la S.A.R.L. Bastia automobiles services ne suspendant pas les poursuites à l'encontre de la S.A.S. Midena, qui en sa qualité de caution solidaire a renoncé au bénéfice de discussion dans le cadre de l'acte de cautionnement et a souscrit une obligation personnelle en ce qui concerne la lettre d'intention, la créance de la S.A. Diac ayant d'ailleurs été admise au passif de la S.A.R.L. Bastia automobiles services, à titre chirographaire, à hauteur de 2 271 379, 75 euros -pièce n°18 du bordereau de l'intimée.

Le jugement querellé est confirmé sur ce point.

* Sur le comportement frauduleux de la S.A. Diac et le soutien abusif qui aurait été apporté à la S.A.R.L. Bastia automobiles services

L'article l 650-1 du code de commerce dispose que «Les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours sont nulles».

La S.A.S. Midena fonde son action sur un rapport d'expertise unilatéral, réalisé à sa seule demande par un expert agréé auprès de la cour administrative d'appel de Marseille se définissant lui-même dans son entête comme «Évaluateur Foncier-Immobilier-

Commercial Assistance contentieux-Audits», pour un audit portant sur les relations entre un concessionnaire, le groupe Nissan et la S.A. Diac, sans prendre nullement attache avec ces deux derniers, ne fondant son expertise que sur les documents et informations de la S.A.S. Midena.

Il ressort de ce document -pièce n°20 de l'appelante- que la S.A. Diac et le groupe Nissan ont été représentés par le même personne, M. [N] [B], dans leurs relations avec la S.A.R.L. Bastia automobiles services. Or, selon la S.A. Diac cela ne résisterait pas à l'analyse des pièces mêmes de l'appelante -pièce n°20 annexe 24-2 mentionnée en page 19/19 de l'expertise mais non produite au débat- permettant de relever que M. [B] s'il intervient bien au titre de la S.A. Diac, ne le fait pas au nom du groupe Nissan, la mention «NISSAN FINANCE» apposée sur certaines de ses entêtes utilisées dans sa relation avec la S.A.R.L. Bastia automobiles services ne le rattachant pas au groupe Nissan, mais illustrant «une marque distribuée par la S.A. Diac» -page n°36 des écritures de l'intimée- argument anéantissant le développement sur la proximité de l'intimée avec la groupe Nissan, alors qu'il s'agit de deux entités juridiques distinctes, quand bien même, dans la cadre de la fiche de marque UE n° 00474797428, il est indiqué que le titulaire de la marque est Nissan [J] [W] [U], dont le siège est à [Localité 5] (Japon), le groupe Nissan étant en France représenté par la société Nissan West Europe et non par la société mère japonaise.

De même, l'expert unilatéral fait état de ce que la S.A. Diac ne pouvait ignorer l'état financier de la S.A.R.L. Bastia automobiles services et aurait mis en place un système de soutien abusif, étant destinataire des bilans et comptes de résultats de celle-ci et de sa société mère alors que, par courriel du 12 septembre 2018, il n'est pas démenti que l'intimée a interrogé la S.A.R.L. Bastia automobiles services sur sa comptabilité clôturée au 31 décembre 2017, sans obtenir la moindre réponse et que le 1er mars 2019 elle l'a mise en demeure, notamment, de fournir le détail du poste intitulé «autres créances», sans plus de résultat, alors que ses interrogations avaient déjà été formulées en octobre et décembre 2018.

Ces différents éléments factuels viennent contredire la déduction du dit expert unilatéral, mentionné en page 13 de son rapport, selon laquelle la S.A. «DIAC avait parfaite connaissance des situations comptables et des difficultés financières de BAS, et avait tout possibilité de procéder à des vérifications/examens comptables qui lui auraient été nécessaires. Or, à ce titre l'audit ne nous a pas permis de relever de demandes particulières de la part de RCI-COGERA-DOAC ou de NISSAN», et ne permettent pas à la cour d'en retenir une quelconque argumentation à l'encontre de l'intimée.

De même, alors que l'expert unilatéral, en page 3 de son rapport, indique que la S.A. Diac est informée de la remise du véhicule financé par le biais d'un logiciel appelé NIVOS -Nissan vehicles ordering system- ainsi que de son numéro d'immatriculation et du nom du client, il procède par affirmation alors que la S.A. Diac fait état de ce qui ne serait -sans être démentie- qu'une déduction issue d'une capture d'écran, précisant le portail de Nissan

héberge toutes les applications du constructeur sans que cela signifie que la S.A. Diac y ait accès, réalité attestée par M. [F] [H], coordinateur de la S.A.S. Nissan West Europe -pièce n°36 de l'intimée- dans un courriel du 2 mars 2022 en ces termes «NIVOS n'est pas remonté ni accessible à Diac/Nissan Finance».

Cela met un terme à l'affirmation selon laquelle la S.A. Diac est en capacité de suivre les livraisons de véhicules par la S.A.R.L. Bastia automobiles services.

En ce qui concerne la connaissance des anomalies dans la gestion des stocks de la S.A.R.L. Bastia automobiles services, il ressort du dit rapport unilatéral que, le 28 février 2019, la S.A. Diac aurait été informée par la S.A.R.L. Bastia automobiles services de son intention de déposer le bilan, que cela n'aurait entraîné aucune réaction de sa part et qu'elle n'avait, par le passé, relevé au cours des contrôles effectués aucune anomalie.

Cette présentation de la réalité dans le cadre de ce rapport n'est étayée par aucun élément et n'est fondée que sur des affirmations. Il est notamment établi par les productions de la S.A. Diac dans son bordereau -pièces n°10 et 12- qu'à la suite d'un contrôle des stocks le 8 janvier 2019, un courrier a été adressé à la débitrice signalant une absence d'accès à un grand nombre de véhicules et l'impossibilité en résultant d'exercer un véritable contrôle, avec un rappel que cette situation s'était déjà produite les 10 octobre et 20 novembre 2018 et que cela constituait une anomalie rendant le stock potentiellement immédiatement exigible lors d'une prochain contrôle ; ce qui a bien été le cas, selon le courrier du 1er mars 2019, avec une anomalie signalée de véhicules livrés et non réglés pour un montant de

1 387 214,56 euros.

De plus, aucune complaisance dans les contrôles réalisés par l'intimée n'est démontrée, les éléments avancés par l'appelante étant contredits par les annotations manuscrites figurant en marge portant sur la sortie réelle de véhicules des stocks de sa filiale -pièces de l'appelante n°13, 14, 15 et 16-, pas plus qu'il n'est démontré que la S.A. Diac avait à sa disposition, par la biais de l'état intitulé L 12, un accès direct aux stocks sans nécessité de déplacement sur sites, alors que ce document ne constitue qu'une liste de véhicules sur lesquels un contrôle doit être effectué et qu'il était rempli postérieurement, de manière manuscrite, selon le résultat du dit contrôle -pièce n°14 de l'appelante.

Ce moyen est écarté.

L'appelante fait aussi valoir par le biais de son expertise unilatérale que la S.A. Diac avait développé une stratégie d'accompagnement pouvant être qualifiée de soutien abusif de la S.A.R.L. Bastia automobiles services.

Pour illustrer ses écritures, l'appelante explique que la S.A.R.L. Bastia automobiles services bénéficiait d'une durée moyenne de financement sur véhicule neuf réglé de 114 jours contre 80 jours pour le reste des concessionnaires français, donnée reprise dans le cadre de l'expertise unilatérale, sans pour autant que l'insularité corse ne soit prise en

compte et le fait, comme le remarque justement l'intimée, que cette donnée regroupe, contrairement à la durée moyenne retenue, la durée relative aux véhicules de particuliers mais aussi celle de véhicules utilitaires, dont la fluidité de ventes est moins grande et explique une durée de financement supérieure.

De plus, au sujet de l'encours, il ressort de la page n°46 des conclusions de l'intimée, que ce dernier, contrairement aux conclusions de l'expert unilatéral, n'était pas particulièrement inquiétant, étant en diminution substantielle depuis 2017, que cela soit de l'encours total ou de l'encours limité aux seuls véhicules neufs, diminution reconnue du bout des lèvres par l'appelante en page n°19 de ses écritures.

Au sujet de la disproportion entre le chiffre d'affaires annuel de la S.A.R.L. Bastia automobiles services et l'encours accordé à cette société par le S.A. Diac, il résulte des pièces produites que, contrairement à ce qui est affirmée par l'appelante, ce rapport représente 14,78 % du chiffre d'affaires en 2017 et 18,57 % en 2019 -pièces n°29, 30 et 31 de l'intimée-, ce qui n'est en rien démonstratif d'un soutien abusif, d'autant plus qu'il est démontré que, pour la dernière année, la S.A.R.L. Bastia automobiles services dissimulait la réalité de son stock et donc sa situation financière réelle.

Cet argument inopérant est écarté.

La S.A.S. Midena fait aussi valoir que les agissements de la S.A. Diac sont fautifs, notamment, après l'avoir soutenu abusivement, selon elle, en résiliant les contrats les liant après avoir appris le dépôt de bilan annoncé.

Or, il est démontré que malgré cette résiliation, la S.A.R.L. Bastia automobiles services a continué son activité pendant deux ans par le biais d'un accord direct avec la société Nissan West Europe, renforçant, ainsi, la démonstration aussi de l'absence de lien entre l'intimée et cette société émanation de Nissan Japon et la totale indépendance de la S.A. Diac par rapport au groupe Nissan.

Ce moyen est lui aussi écarté.

En conséquence, malgré le rapport d'expertise unilatéral dont la valeur probante, à défaut d'élément confortatif produit, est fort réduite, l'existence d'un soutien abusif de la part de la S.A. Diac n'est pas démontré et le jugement querellé doit être confirmé sur ce point.

* Sur le montant des sommes réclamées

La S.A.S. Midena conteste le montant de la somme due par la S.A.R.L. au motif que les intérêts sont calculés sur 360 jours, soit une année lombarde, et fait valoir que les premiers juges n'ont pas répondu sur cet argument.

Or, il est constant que si le calcul des intérêts sur une année dite lombarde est prohibé quand il est imposé à une partie non professionnelle, ce n'est pas le cas, comme en l'espèce, quand ce calcul est réalisé entre professionnels.

L'expertise unilatérale produite par l'appelante au soutien de sa demande est fondée sur un calcul erronée de TEG sur 360 jours et sur sa prohibition, erreur qui permettrait de relever trois anomalies dépendantes toutes de cette prise en compte.

Les calculs, selon une année dite lombarde, n'étant pas prohibés entre professionnels ces trois élément qualifiés d'anomalies n'en sont pas ; cet argument doit être rejeté sans plus d'examen, et le jugement confirmé en toutes ses dispositions.

* Sur les demandes fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

S'il est équitable de laisser à la charge de l'appelante les frais irrépétibles qu'elle a engagés, il n'en va pas de même pour l'intimée ; en conséquence, il convient de débouter la S.A.S. Midena de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à ce titre une somme de 5 000 euros à la S.A. Diac.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme le jugement querellé en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

Déboute la S.A.S. Midena de l'ensemble de ses demandes,

Condamne la S.A.S. Midena au paiement des entiers dépens,

Condamne la S.A.S. Midena à payer à la S.A. Diac la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile section 2
Numéro d'arrêt : 21/00198
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;21.00198 ?
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