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02/11/2022 | FRANCE | N°21/00363

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile section 2, 02 novembre 2022, 21/00363


Chambre civile

Section 2



ARRÊT N°



du 2 NOVEMBRE 2022



N° RG 21/00363

N° Portalis DBVE-V-B7F-CBAL

JD - C



Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce d'AJACCIO, décision attaquée en date du 26 Avril 2021, enregistrée sous le n° 2019001081



[M]



C/



S.A. SOCIETE GENERALE









Copies exécutoires délivrées aux avocats le











COUR D'APPEL DE BASTI

A



CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU



DEUX NOVEMBRE DEUX-MILLE-VINGT-DEUX







APPELANT :



M. [C] [M]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 6]



Représenté par Me Marc MONDOLONI, avocat au barreau d'AJA...

Chambre civile

Section 2

ARRÊT N°

du 2 NOVEMBRE 2022

N° RG 21/00363

N° Portalis DBVE-V-B7F-CBAL

JD - C

Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce d'AJACCIO, décision attaquée en date du 26 Avril 2021, enregistrée sous le n° 2019001081

[M]

C/

S.A. SOCIETE GENERALE

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU

DEUX NOVEMBRE DEUX-MILLE-VINGT-DEUX

APPELANT :

M. [C] [M]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Marc MONDOLONI, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIMÉE :

S.A. SOCIETE GENERALE

prise en la personne de son représentant légal en execice, domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sarah SENTENAC, avocate au barreau d'AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 8 septembre 2022, devant Judith DELTOUR, conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Jacques GILLAND, président de chambre

Judith DELTOUR, conseillère

Stéphanie MOLIES, conseillère

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Françoise COAT.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 2 novembre 2022.

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Françoise COAT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE

Alléguant la souscription d'un prêt par acte sous seing privé du 28 avril 2011 par la S.A.R.L. [M] shoes Provence, une procédure de redressement judiciaire le 22 mai 2017 convertie en liquidation judiciaire par jugement du 20 novembre 2017 et le cautionnement solidaire souscrit le 14 avril 2011, par M. [C] [M], en qualité de gérant, l'information et la mise en demeure de la caution, par acte du 7 mars 2019, la S.A. Société générale l'a assigné devant le tribunal de commerce de Bastia pour obtenir sa condamnation, avec exécution provisoire, au paiement outre des dépens, de 14 406,03 euros en principal y compris les intérêts arrêtés au 29 janvier 2019, avec intérêts au taux contractuel de retard au taux de 8,05 % et capitalisation des intérêts et de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 26 avril 2021, le tribunal de commerce a :

- condamné M. [C] [M] à payer à la Société générale la somme de 12 333,97 euros,

- dit que les intérêts porteront eux-mêmes intérêts au taux légal,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire,

- condamné M. [C] [M] à payer à la Société générale la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [C] [M] au paiement des dépens, y compris les frais de greffe.

Par déclaration reçue le 12 mai 2021, M. [C] [M] a interjeté appel de la décision en ce qu'elle l'a condamné à payer à la Société générale la somme de 12 333,97 euros, dit que les intérêts porteront eux-mêmes intérêts au taux légal, l'a condamné à payer à la Société générale la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens, y compris les frais de greffe.

Par conclusions communiquées le 29 juillet 2021, M. [M] a sollicité :

- d'infirmer la décision en ce qu'elle l'a condamné à payer à la Société générale la somme de 12 333,97 euros, dit que les intérêts porteront eux-mêmes intérêts au taux légal, l'a condamné à payer à la Société générale la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens, y compris les frais de greffe,

Statuant à nouveau, vu l'article L 341-4 du code de la consommation,

- dire que la banque n'est pas fondée à se prévaloir de l'engagement de caution de M. [M],

en conséquence la débouter des demandes formées à son encontre,

Incidemment, vu les dispositions des articles L313-22 du code monétaire et financier et 2313 du Code civil,

- constater la déchéance des intérêts conventionnels,

- constater que la créance de la Société générale s'élève à la somme de 308,66 euros,

- statuer ce que de droit sur les dépens

Par dernières conclusions communiquées le 5 avril 2022, M. [M] a repris ses demandes et sollicité en outre de condamner la Société générale à lui payer 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a fait valoir la disproportion du cautionnement, l'admission de la créance qui interdisait au créancier de réclamer une somme supérieure au montant de la créance déclarée, la déchéance du droit aux intérêts à défaut d'information annuelle de la caution, la réduction consécutive de la créance de la banque et la déchéance du droit aux intérêts et pénalités.

Par 'conclusions d'intimé contenant un appel incident' communiquées le 11 octobre 2021, la Société générale a sollicité de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [M] de ses demandes et l'a condamné à payer la somme de 12 033, 97 euros,

Statuant à nouveau,

- condamner M. [M] à payer à la Société générale la somme de 12 033,97 euros outre les intérêts contractuels de retard au taux de 8,05% courant du 6 février 2019 et jusqu'à parfait paiement,

- condamner M. [M] au paiement des dépens et de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle a fait valoir l'absence de disproportion manifeste au moment de la signature de l'acte et au moment où la caution est appelée, d'autant que les cautionnements antérieurs ont pris fin, considérant le patrimoine de l'appelant et l'existence d'une information annuelle de la caution. Elle a soutenu son appel incident relatif à l'absence de mention des intérêts contractuels.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er juin 2022.

L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 8 septembre 2022. L'affaire a été mise en délibéré pour être rendu par mise à disposition au greffe le 2 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Pour statuer ainsi qu'il l'a fait le tribunal de commerce a considéré le respect de l'obligation d'information annuelle, l'absence de disproportion, l'admission de la créance au passif qui s'impose aux cautions lesquelles ne peuvent être condamnées au paiement d'un montant supérieur.

Sur l'appel principal

En application des dispositions de l'article L341-4 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au jour de la souscription de l'engagement de caution, devenu l'article L332-1 du même code, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

La caution supporte la charge de la preuve de la disproportion manifeste entre son engagement de caution, et ses biens et revenus, lors de sa conclusion. Le créancier professionnel peut solliciter des renseignements de la caution sur sa situation financière et ses charges.

M. [M] produit ses avis d'imposition :

- en 2013, il a déclaré 6 000 euros de salaires et 1 400 euros de revenus fonciers,

- en 2014, il a déclaré 12 000 euros de salaires et 18 000 euros de revenus de capitaux mobiliers et 4 200 euros de revenus fonciers net,

- en 2015, il a déclaré 19 365 euros de salaires et 4200 euros de revenus fonciers,

- en 2016, il a déclaré 31 095 euros de salaires .

Le 13 juillet 2011, il a acquis un appartement à [Localité 5] payé comptant 140 000 euros. Le 28 mai 2014, il a acquis un autre appartement à [Localité 5] payé comptant 230 000 euros.

Lors de la souscription du cautionnement, le 14 avril 2011, M. [M] a déclaré percevoir 36 000 euros de salaires par an, en qualité de gérant de société, être propriétaire en SCI d'un appartement estimé 580 000 euros 'vendu', cette somme est visée à la rubrique avoirs mobiliers financiers, outre un compte titres de 588,60 euros et un plan retraite de 17 000 euros. Il a déclaré comme charges une pension alimentaire de 800 euros par mois, un encours de prêt de 9 140,44 euros correspondant à des mensualités de 202,40 euros.

Le cautionnement à hauteur de 104 000 euros pour un prêt d'investissement de 80 000 euros, était assorti d'une assurance et d'un nantissement de fonds de commerce. L'engagement n'était pas disproportionné puisqu'il pouvait être couvert par les revenus, biens et patrimoine de la caution.

Si la disproportion doit être examinée en considération de l'endettement global de la caution et si M. [M] fait valoir qu'il s'était précédemment engagé comme caution des prêts souscrits par la S.A.R.L. [M] shoes entre 2009 et 2013, à hauteur de 526 312 euros, il n'a pas mentionné ces engagements de caution sur la fiche de renseignements du 2 février 2014, qui comportait pourtant une rubrique dédiée : 'autres informations (montant des cautions et sûretés consenties)'. De plus, l'addition du patrimoine et de l'épargne déclarés par M. [M] en avril 2011 représente 597 588,60 euros soit une somme supérieure aux engagements souscrits par M. [M], hors salaires et revenus mobiliers. Enfin, le 27 juin 2013, M. [M] a déclaré des salaires de 36 000 euros et des revenus fonciers de 6 000 euros par an, outre un patrimoine immobilier de 230 000 euros et des avoirs mobiliers et financiers : un plan d'épargne logement de 114 000 euros, une épargne de 26 000 euros et 170 000 euros en compte courant. Ces circonstances mettent en évidence que le cautionnement litigieux n'était pas disproportionné lorsqu'il a été souscrit.

En application des dispositions de l'article L313-22 du code monétaire et financier ainsi repris sous l'article 2302 du code civil, le créancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque année et à ses frais, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu'à celle de la communication de la nouvelle information ; dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette.

Les informations annuelles pour 2013, 2014, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019 sont produites, outre une mise en demeure du 30 août 2017 lors de la liquidation judiciaire de la société et de la clôture du compte courant. Si l'appelant fait valoir que la production de ces lettres d'information ne prouve pas qu'elles ont été adressées ou reçues, l'engagement de caution indique : «la caution reconnaît qu'elle dispose d'éléments d'information suffisants. Elle déclare ne pas faire de la situation du cautionné ainsi que de l'existence et du maintien d'autres cautions la condition déterminante de son cautionnement. Tant qu'elle restera tenue au titre de son engagement, il appartient à la caution de suivre

personnellement la situation du cautionné, la banque n'ayant à ce sujet pas d'obligation d'information vers la caution. Concernant l'information annuelle des cautions mises par la loi à la charge de la banque, la caution reconnaît que la production par la banque d'un extrait de listage informatique contenant les informations prévues par la loi et la date de cette information constituera une preuve suffisante à son égard du respect par la banque de cette obligation. À cet effet la caution s'engage à informer la banque de tout changement d'adresse la concernant».

Il en résulte d'une part que la caution ne peut alléguer l'insuffisance de preuve de l'envoi de l'information annuelle et d'autre part que l'éventuel manquement de la banque à cette obligation se résout en déchéance du droit aux intérêts conventionnels pour la période où l'information a fait défaut au profit de la caution actionnée ou mise en demeure de payer.

Quoiqu'il en soit dès lors que la banque justifie de l'existence des lettres d'information, c'est à la caution qu'il appartient de prouver qu'elle ne les a pas reçues et il n'y a pas lieu d'examiner la validité de la clause au terme de laquelle un listing informatique suffit.

M. [M] a été informé, en qualité de caution, le 28 juin 2017 de la défaillance de l'emprunteur, la société [M] Shoes Provence (dont il était le gérant en février 2014

-pièce 10- et encore le 3 février 2019 -pièce 4-). Cette lettre recommandée avec accusé de réception du 28 juin 2017, lui a rappelé son engagement de caution, l'a avisé également du redressement judiciaire le 22 mai 2017 et de la clôture du compte courant et il a été mis en demeure de payer.

L'obligation d'information étant respectée, M. [M] ne peut réclamer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels et il ne justifie pas de sa prétention tendant à déduire de la dette de la caution les intérêts du prêt payé par la société cautionnée. De plus, si la caution peut opposer au créancier les exceptions qui lui sont personnelles, M. [M] ne justifie pas de l'existence d'un telle exception en sa faveur de sorte qu'il ne peut prétendre à la déchéance du droit aux intérêts et pénalités de retard ni la compensation de dommages et intérêts qu'il ne réclame pas avec les sommes restant dues.

Le jugement est confirmé et M. [M] est débouté de ses demandes en appel.

Sur l'appel incident

Bien qu'ayant considéré que l'obligation d'information avait été respectée, le tribunal de commerce a omis d'assortir la condamnation des intérêts conventionnels de 4,05 % l'an majorés de quatre points au titre des intérêts de retard prévus par l'article 15 du prêt litigieux à compter du 6 février 2019, date de la mise en demeure. Le jugement est réformé à ce titre.

M. [M] qui succombe est condamné au paiement des dépens. Il est débouté de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné à ce titre au paiement de 1 500 euros. La Société générale est déboutée du surplus de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, publiquement par mise à disposition au greffe,

- Confirme le jugement en toutes ses dispositions contestées sauf sur les intérêts des sommes dues,

Statuant de nouveau de ce seul chef,

- Condamne M. [C] [M] à payer à la Société générale les intérêts de retard au taux de 8,05 % à compter du 6 février 2019 jusqu'à parfait paiement, sur la somme de

12 033,97 euros,

- Déboute M. [C] [M] et la S.A. Société générale de leurs demandes plus amples ou contraires, y compris en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour le premier,

- Condamne M. [C] [M] au paiement des dépens d'appel,

- Condamne M. [C] [M] à payer à la S.A. Société générale une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile section 2
Numéro d'arrêt : 21/00363
Date de la décision : 02/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-02;21.00363 ?
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