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31/08/2022 | FRANCE | N°21/00114

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale, 31 août 2022, 21/00114


ARRET N°

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31 Août 2022

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N° RG 21/00114 - N° Portalis DBVE-V-B7F-CBDT

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[Z] [Y]

C/

S.A.EM AIR CORSICA





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Décision déférée à la Cour du :



07 mai 2021

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BASTIA

20/00001

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COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU : TRENTE ET UN AOUT DEUX MILLE VINGT DEUX






APPELANTE :



Madame [Z] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Claude GUARIGLIA, avocat au barreau de MARSEILLE





INTIMEE :



S.A. d'économie mixte AIR CORSICA prise en la pers...

ARRET N°

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31 Août 2022

-----------------------

N° RG 21/00114 - N° Portalis DBVE-V-B7F-CBDT

-----------------------

[Z] [Y]

C/

S.A.EM AIR CORSICA

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

07 mai 2021

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BASTIA

20/00001

------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : TRENTE ET UN AOUT DEUX MILLE VINGT DEUX

APPELANTE :

Madame [Z] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Claude GUARIGLIA, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE :

S.A. d'économie mixte AIR CORSICA prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 349 63 8 3 95

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Olivia HOUY-BOUSSARD, avocat au barreau de PARIS et par Me Stéphanie LAURENT, avocat au barreau d'AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 mai 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre,

Madame COLIN, Conseillère

Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président

GREFFIER :

Mme COAT, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 31 août 2022

ARRET

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

***

EXPOSE DU LITIGE

Madame [Z] [Y] a été liée à la Société Compagnie Aérienne Corse Méditerranée en qualité d'agent d'accueil, à effet du 22 mars 1993, suivant contrat de qualification d'une durée de 24 mois.

La salariée a été ensuite embauchée auprès du même employeur selon contrat de travail à durée indéterminée à effet du 22 mars 1995, en qualité d'agent d'accueil, puis selon contrat de travail à durée indéterminée à effet du 8 janvier 1996, en qualité de personnel navigant commercial.

Dans le dernier état de la relation de travail, elle occupait les fonctions de chef de cabine.

Madame [Z] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Bastia, par requête reçue le 2 janvier 2020, de diverses demandes dirigées à l'encontre de la S.A. d'économie mixte Air Corsica, venant aux droits de l'employeur initial.

Selon jugement du 7 mai 2021, le juge départiteur près le conseil de prud'hommes de Bastia a :

-débouté Madame [Z] [Y] de ses demandes relatives au rappel de salaires, au rappel d'heures supplémentaires, ainsi qu'à ses demandes portant sur le remboursement de ses frais d'entretien pour le port de l'uniforme et sa demande portant rectification de ses bulletins de paie

et fixation de son salaire,

-condamné la SA Air Corsica à verser à Madame [Z] [Y] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de l'abattement illicite de 30 % pour frais professionnels,

-débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

-dit ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire de la présente décision,

-dit que les parties seront condamnées aux dépens, chacune par moitié.

Par déclaration du 25 mai 2021 enregistrée au greffe, Madame [Z] [Y] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes relatives au rappel de salaires, au rappel d'heures supplémentaires, ainsi que de sa demande portant sur le remboursement de ses frais d'entretien pour le port de l'uniforme et sa demande portant rectification de ses bulletins de paie et fixation de son salaire, en ce qu'elle a été déboutée des chefs de demande suivants qu'elle souhaite voir réexaminer par la cour d'appel : condamner la S.A. Air Corsica à verser à Madame [Z] [Y] les sommes suivantes : 42.710,94 euros à titre de rappel de salaires sur le principe, « à travail égal, salaire égal » et discrimination sur l'état de santé, 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et préjudice résultant de l'abattement illicite de 30% pour frais professionnels, 5.148,78 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 514,87 euros de congés payés y afférents, 3.000 euros au titre des frais d'entretien de l'uniforme.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 22 août 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame [Z] [Y] a sollicité :

-d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf en ce qu'il a jugé que la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels de 30% était illicite,

après de nouveau avoir jugé

-de condamner la S.A. Air Corsica à verser à Madame [Z] [Y] les sommes suivantes :

-24.884,18 euros à titre de rappel de salaires lié à l'inégalité de traitement et à la discrimination,

-20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et préjudice résultant de l'abattement illicite de 30% pour frais professionnels, mise en place par l'employeur d'un régime d'équivalence à temps partiel illicite, d'avenants à temps partiel illicite et de discrimination,

-2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

-de dire et juger qu'à compter de janvier 2022, Madame [Y] devrait être positionnée au coefficient 24A avec un salaire de base mensuelle brut de 3.072 euros pour un temps complet et une augmentation annuelle de son salaire de base de 1,8 % tous les mois de janvier où elle sera présente à l'effectif,

-d'ordonner la remise de bulletins de paie conformes aux condamnations prononcées.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 20 novembre 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A. d'économie mixte Air Corsica a demandé :

-à titre principal :

*d'infirmer le jugement rendu le 7 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Bastia en ce qu'il a condamné la société Air Corsica à verser à Madame [Y] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de l'abattement illicite de 30% pour frais professionnels,

*de juger irrecevable car prescrite la demande de Madame [Y] tendant à voir constater une violation du principe 'à travail égal, salaire égal' pour la période de 2003 à 2017,

*de juger irrecevable car prescrite la demande de Madame [Y] tendant à voir constater l'existence d'une discrimination pour la période de 2003 à 2015,

*de confirmer le jugement rendu le 7 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Bastia en ce qu'il a débouté Madame [Y] de ses demandes relatives au rappel de salaires, aux rappels d'heures supplémentaires, de sa demande portant sur le remboursement de ses frais d'entretien pour le port de l'uniforme et de sa demande portant rectification de ses bulletins de paie,

*en conséquence, de débouter Madame [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-à titre subsidiaire :

*de limiter les éventuels dommages et intérêts qui seraient susceptibles d'être alloués au titre de la déduction forfaitaire spécifique,

*de réduire à de plus justes proportions le montant des éventuels rappels de salaires alloués à Madame [Y],

-en tout état de cause : de condamner Madame [Y] au paiement, au bénéfice de la Compagnie, de la somme de 3.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens et frais de procédure.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 1er mars 2022, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 10 mai 2022, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 6 juillet 2022, prorogé au 31 août 2022.

MOTIFS

Sur les fins de non recevoir

A titre liminaire, il convient de constater que Madame [Y] forme en cause d'appel des demandes de fixation de salaire en janvier 2022, de dommages et intérêts au titre d'un régime d'équivalence à temps partiel illicite, d'avenants à temps partiel illicite et de discrimination, demandes dont la recevabilité n'est pas contestée au visa des articles 564 et suivants du code de procédure civile.

En vertu de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Dans le dispositif de ses écritures énonçant les prétentions sur lesquelles la cour est tenue de statuer en vertu de l'article 954 du code de procédure civile, la S.A. d'économie mixte Air Corsica forme une demande tendant à juger irrecevable car prescrite la demande de Madame [Y] tendant à voir constater une violation du principe 'à travail égal, salaire égal' pour la période de 2003 à 2017. Il se déduit de la formulation de cette demande et des écritures de la S.A. d'économie mixte Air Corsica qu'elle vise en réalité les prétentions de Madame [Y] en matière salariale au titre de l'inégalité de traitement. Compte tenu de la nature salariale de la créance et des dispositions de l'article L3245-1 du code du travail, dans sa version applicable aux données de l'espèce, la prescription, ayant commencé à courir le jour où l'intéressée avait connaissance de ses droits ou aurait du les exercer, les prétentions salariales au titre de l'inégalité de traitement, formées par Madame [Y] pour la période comprise entre les mois de janvier 2015 et décembre 2021 inclus, sont recevables, hormis celle aux fins de rappel de salaires pour inégalité de traitement pour la période antérieure au 2 janvier 2017 irrecevable comme prescrite, compte tenu de la date d'introduction de l'instance prud'homale, le 2 janvier 2020.

Parallèlement, suivant les dispositions de l'article L1134-5 du code du travail, issu de la loi n°2008-561, l'action en réparation d'un préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Pour autant, les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée.

La S.A. d'économie mixte Air Corsica sollicite devant la cour, dans le dispositif de ses écritures énonçant les prétentions sur lesquelles la cour est tenue de statuer en vertu de l'article 954 du code de procédure civile, de juger irrecevable car prescrite la demande de Madame [Y] tendant à voir constater l'existence d'une discrimination pour la période de 2003 à 2015. En réalité, il se déduit des écritures et décompte afférent au rappel de salaire pour discrimination de Madame [Y] que les demandes formées au titre de la discrimination concernent la période du 2 janvier 2015 à décembre 2021 inclus. Dès lors, au jour de la saisine de la juridiction prud'homale le 2 janvier 2020, la prescription n'était pas acquise. Il convient donc de rejeter la demande susvisée formée par la S.A. d'économie mixte Air Corsica et de déclarer recevable Madame [Y] en ses prétentions au titre de la discrimination.

Sur les demandes de rappels de salaire et fixation de salaire afférentes à une inégalité de traitement et discrimination

Selon l'article L3221-4 du code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Suivant le principe 'à travail égal, salaire égal', l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre les salariés d'une même entreprise, effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, pour autant que ceux-ci soient placés dans une situation identique ou similaire.

Ce principe a été étendu aux avantages non financiers, pour viser l'égalité de traitement, entendue au sens large, c'est à dire englobant l'ensemble des droits individuels et collectifs, qu'il s'agisse des conditions de rémunération, d'emploi, de travail, de formation ou des garanties sociales. Le principe d'égalité est ainsi appliqué à la classification et au coefficient.

Pour qu'il y ait rupture de l'égalité de traitement, deux conditions sont nécessaires : une identité de situation entre les salariés concernés et une différence de traitement.

La règle ne prohibe pas toute différence de rémunération ou de traitement entre les salariés occupant un même emploi, mais exige que ces différences soient justifiées par des raisons objectives, ce qui constitue la limite assignée au pouvoir de direction de l'employeur en la matière.

Il appartient au salarié, qui invoque une atteinte au principe d'égalité de rémunération ou de traitement, de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement et, pour ce faire, de justifier qu'il se trouve dans une situation identique ou similaire à celui auquel il se compare. S'il effectue cette démonstration, c'est à l'employeur de justifier par des éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables, cette différence constatée.

Il est toutefois admis que les différences de traitement entre catégories professionnelles, entre salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, ou entre salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et des intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées, de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.

Il sera observé, à titre préalable, que Madame [Z] [Y], au soutien de sa demande de rappel de salaire pour inégalité de traitement sur la période non prescrite, du 2 janvier 2017 à décembre 2021 inclus, se compare désormais à Madame [S], également chef de cabine, et non plus à Madame [T] [Y] tel que cela était le cas en première instance.

Madame [Y] critique de manière fondée le jugement en ce qu'il ne lui est pas interdit de se comparer avec une seule salariée, mais également en ce que le premier juge a retenu une présomption de justification de critères posés dans les accords collectifs, sans caractériser les conditions exigées en la matière.

En réalité, une telle présomption de justification ne peut être retenue, puisque ne sont pas concernées, en l'espèce, des différences de traitement entre catégories professionnelles, entre salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, ou entre salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et des intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote.

Pour autant, force est de constater que Madame [Y], qui, outre des accords d'entreprise, vise des documents contractuels la concernant et bulletins de salaire, ne démontre pas être dans une situation identique ou similaire à celle de l'autre salariée de l'entreprise, avec laquelle une comparaison est effectuée au titre des augmentations annuelles (incluant les augmentations au choix) sur salaire de base, à savoir Madame [S], pour lequel des pièces contractuelles et bulletins de paie sont versés au dossier de manière non exhaustive. En effet, il ressort notamment de ces éléments que Madame [Y] a été liée à la Société Compagnie Aérienne Corse Méditerranée en qualité d'agent d'accueil, à effet du 22 mars 1993, suivant contrat de qualification d'une durée de 24 mois, avant d'être ensuite embauchée auprès du même employeur selon contrat de travail à durée indéterminée à effet du 22 mars 1995, en qualité d'agent d'accueil, puis selon contrat de travail à durée indéterminée à effet du 8 janvier 1996, en qualité de personnel navigant commercial, avant d'occuper les fonctions de chef de cabine de manière constante à compter d'août 2003, tandis que Madame [S] a été embauchée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de personnel navigant commercial à effet du 24 avril 1991, avant de devenir chef de cabine dès le 1er juin 2000, soit une évolution professionnelle antérieure de plusieurs années à celle de Madame [Y]. Dès lors, les pièces soumises à l'appréciation de la cour sont insuffisantes pour conclure à une identité ou similarité de situation entre les deux salariées, en l'absence de mise en évidence d'un niveau de responsabilités et d'expérience acquise identique ou similaire.

Madame [Y] n'a pas sollicité, en cause d'appel devant le conseiller de la mise en état, de production de pièces supplémentaires de comparaison par l'employeur, tandis que la cour statuant au fond, qui n'a pas à suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, ne considère pas utile d'ordonner une mesure avant dire droit à cet égard.

Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que Madame [Y] ne soumet pas à la cour des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement, de sorte que ses demandes liées à une inégalité de traitement afférentes à la période courant à compter du 2 janvier 2017 doivent être rejetées sans qu'il y ait lieu d'examiner le surplus des moyens développés par Madame [Y] à l'appui de ses demandes, ni les moyens opposés à ces égards par la S.A. d'économie mixte Air Corsica. Le jugement entrepris sera confirmé à cet égard, sauf à préciser que le débouté des demandes de Madame [Y] liées à l'inégalité de traitement concerne celles afférentes à la période courant à compter du 2 janvier 2017, non prescrites, et les demandes en sens contraire seront rejetées.

Suivant l'article L1132-1 du code du travail, tel qu'applicable aux données de l'espèce, aucune personne ne peut être sanctionnée, licenciée, ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération au sens de l'article L3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, notamment en raison de son origine, de son sexe, de sa situation de famille ou de grossesse, ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Au sens de l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008, constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement notamment de son origine, de son sexe, de sa situation de famille ou de grossesse, ou en raison de son état ou de son handicap, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable.

Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

En vertu de l'article L1134-1 du code du travail, tel qu'applicable aux données de l'espèce, lorsque survient un litige relatif à une discrimination, le salarié, qui s'estime victime d'une discrimination, doit présenter des éléments de fait laissant supposer, pris dans leur ensemble, l'existence d'une discrimination, directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de justifier que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Madame [Y] se prévaut, au soutien de ses demandes salariales afférentes à la discrimination, d'une discrimination en raison de l'état de santé, faisant état d'une absence d'augmentations individuelles, s'expliquant selon elle par le fait qu'elle avait connu des absences pour maladie et congé maternité, singulièrement en 2016, 2017, 2018 suivant ses écritures d'appel.

A l'appui de ses énonciations, Madame [Y] se réfère essentiellement aux pièces suivantes, produites par ses soins : des bulletins de paie, des notes des 8 janvier 2008, 15 février 2008 et 18 février 2009 émanant de Monsieur [G], le protocole d'accord de fin de grève du 17 avril 2009 (et non 2019 comme mentionné manifestement par pure erreur de plume dans ses écritures), l'accord d'entreprise du 29 avril 2011. Elle ne vise pas ici l'accord d'entreprise du 17 novembre 2017.

Il n'est pas mis en évidence, au travers des éléments produits, que Madame [Y] a subi une absence (ni même un report) dans l'attribution de l'augmentation individuelle en raison de son état de santé (pour les cas invoqués par ses soins : maladie, maternité).

En conséquence, la cour ne peut que constater que Madame [Y] ne présente pas des éléments de fait laissant supposer pris dans leur ensemble l'existence d'une discrimination, directe ou indirecte à son égard, en raison de son état de santé.

Par suite, le jugement entrepris, non, utilement critiqué, ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a débouté Madame [Y] de ses demandes de nature salariale liées à une discrimination. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

Il se déduit de ce qui précède que la demande de Madame [Y] tendant à dire et juger qu'à compter de janvier 2022, elle devrait être positionnée au coefficient 24A avec un salaire de base mensuelle brut de 3.072 euros pour un temps complet et une augmentation annuelle de son salaire de base de 1,8 % tous les mois de janvier où elle sera présente à l'effectif de fixation sera rejetée.

Sur les demandes au titre des heures supplémentaires

Madame [Y] ne développe aucun moyen à même de fonder sa demande d'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre des heures supplémentaires, demandes d'ailleurs non reprises en cause d'appel dans le dispositif de ses écritures au titre du 'après de nouveau avoir jugé'. Parallèlement, la S.A. d'économie mixte Air Corsica sollicite la confirmation du jugement à cet égard.

Dès lors, en l'absence de moyen relevé d'office, le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions querellées sur ce point et les demandes en sens contraire rejetées.

Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et préjudice résultant de l'abattement illicite de 30% pour frais professionnels, mise en place par l'employeur d'un régime d'équivalence à temps partiel illicite, d'avenants à temps partiel illicite et de discrimination

Selon l'article L242-1 du code de la sécurité sociale, il peut être opéré sur les rémunérations ou les gains des intéressés servant au calcul des cotisations de sécurité sociale, des accidents du travail et des allocations familiales, des déductions au titre de frais professionnels dans les conditions et limites fixées par arrêté ministériel.

L'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 25 juillet 2005, prévoit que les professions prévues à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000, qui comportent des frais dont le montant est notoirement supérieur à celui résultant du dispositif prévu aux articles 3 et 8 du même arrêté, peuvent bénéficier d'une déduction forfaitaire spécifique, cette déduction étant limitée à 7600 euros par année civile et calculée selon les taux de l'article 5 de l'annexe IV du code précité.

L'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts dispose que les contribuables exerçant les professions désignées dans le tableau ci-dessous ont droit à une déduction spécifique pour frais professionnels, calculées d'après les taux indiqués audit tableau [...] Aviation marchande. Personnel navigant comprenant : pilotes, radios, mécaniciens des compagnies de transports aériens ; pilotes et mécaniciens employés par les maisons de construction d'avions et de moteurs pour l'essai des prototypes ; pilotes moniteurs d'aéro-clubs et des écoles d'aviation civile : 30%.

C'est à tort que la S.A. d'économie mixte Air Corsica critique le jugement déféré. En effet, les personnels navigants commerciaux, de type hôtesses-stewards et chefs de cabine, ne sont pas inclus dans la liste de professions précitée (qui ne vise pas de façon générale le personnel navigant commercial) et ne relèvent donc pas du champ de la déduction forfaitaire spécifique, comme cela a d'ailleurs été retenu dans des arrêts récents de la Haute Juridiction relatifs à des salariés de la même entreprise. Il y a lieu en outre de rappeler que la déduction forfaitaire spécifique est liée à l'activité professionnelle du salarié et non à l'activité générale de l'entreprise. Dans le même temps, la S.A. d'économie mixte Air Corsica se prévaut de l'existence d'une instruction fiscale 5F 2532, produit un document 5F 2532, daté du 10 février 1999. Néanmoins, la doctrine fiscale (comme d'ailleurs sociale) n'a aucune valeur légale, ni réglementaire. La S.A. d'économie mixte Air Corsica ne démontre pas que les dispositions issues de circulaire de la direction de la sécurité sociale de 2005 ou de bulletin officiel de sécurité sociale évoquées par ses soins aient un caractère impératif. Parallèlement, le courriel transmis par la S.A. d'économie mixte Air Corsica aux débats, en date du 4 janvier 2016, émanant de la 3ème sous-direction bureau des régimes professionnels de retraite et des institutions de protection complémentaire de la direction de la sécurité sociale, ne fait état que d'une simple tolérance administrative, dont il n'est pas au surplus démontré qu'elle a vocation à avoir un effet rétroactif.

Il s'en déduit que la mise en place par la S.A. d'économie mixte Air Corsica de la déduction forfaitaire spécifique de 30% concernant Madame [Y] n'était pas fondée, caractérisant ainsi un manquement de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, sans qu'il y lieu d'examiner le surplus de moyens développés par la société appelante sur cet aspect.

La déduction forfaitaire spécifique, si elle génère un revenu net légèrement plus élevé, entraîne également une réduction des droits sociaux du salarié auquel elle est appliquée (notamment en matière d'indemnisation consécutive à des arrêts de travail).

Le premier juge a exactement analysé les données du litige en retenant un préjudice certain subi par Madame [Y], au travers de l'incidence négative sur ses droits sociaux résultant de l'application infondée par l'employeur de la déduction forfaitaire spécifique de 30%, préjudice que dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation, le juge départiteur a fixé à une somme de 2.000 euros. Les éléments du dossier visés par la S.A. d'économie mixte Air Corsica ne permettent pas d'écarter la réalité de ce préjudice, ni d'en diminuer le montant des dommages et intérêts retenus. A rebours, Madame [Y] ne justifie pas avoir subi un préjudice plus ample que celui retenu par le premier juge.

Dès le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives à la déduction forfaitaire spécifique et les demandes en sens contraire rejetées.

La demande de dommages et intérêts au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail (hors aspect de la déduction forfaitaire spécifique), de régime d'équivalence à temps partiel illicite, d'avenants à temps partiel illicite, de discrimination, n'est pas davantage fondée, une exécution déloyale du contrat de travail (hors aspect de la déduction forfaitaire spécifique) et une discrimination n'étant pas mises en évidence et la preuve de tels régime et avenants illicites n'étant pas rapportée par Madame [Y]. Cette demande sera ainsi rejetée. Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions querellées à cet égard et les demandes en sens contraire rejetées.

Sur les frais d'entretien au titre du port de l'uniforme obligatoire

Madame [Y] ne développe pas de moyen au soutien de sa demande d'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de remboursement de ses frais d'entretien pour le port de l'uniforme, tandis que la S.A. d'économie mixte Air Corsica sollicite la confirmation du jugement de ce chef. En l'absence de moyen relevé d'office, il convient de confirmer le jugement à cet égard et rejeter les demandes en sens contraire.

Sur les autres demandes

Au regard des développements précédents, Madame [Y] sera déboutée de sa demande de remise de bulletins de paie rectifiés, le jugement entrepris, non utilement critiqué, étant confirmé en ses dispositions querellées à cet égard.

La S.A. d'économie mixte Air Corsica sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel, à laquelle elle succombe principalement.

L'équité ne commande pas de prévoir de condamnation au titre des frais irrépétibles d'appel, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe le 31 août 2022,

CONFIRME le jugement rendu par le juge départiteur près le conseil de prud'hommes de Bastia le 7 mai 2021, tel que déféré, sauf à préciser que le débouté des demandes de Madame [Y] liées à l'inégalité de traitement concerne celles afférentes à la période courant à compter du 2 janvier 2017, non prescrites,

Et y ajoutant,

DÉCLARE recevables les demandes salariales de Madame [Z] [Y] au titre de l'inégalité de traitement, hormis celle aux fins de rappel de salaires pour inégalité de traitement pour la période antérieure au 2 janvier 2017,

REJETTE la demande de la S.A. d'économie mixte Air Corsica tendant à juger irrecevable car prescrite la demande de Madame [Y] tendant à voir constater l'existence d'une discrimination pour la période de 2003 à 2015 et DECLARE recevable Madame [Z] [Y] en ses demandes afférentes à la discrimination,

DEBOUTE les parties de leurs demandes de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE la S.A. d'économie mixte Air Corsica, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de l'instance d'appel,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00114
Date de la décision : 31/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-31;21.00114 ?
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