Chambre civile
Section 2
ARRET N°
du 6 JUILLET 2022
N° RG 21/00042
N° Portalis DBVE-V-B7F-B76K VM - C
Décision déférée à la Cour :
Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce d'AJACCIO, décision attaquée en date du 18 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 2020 000763
S.A.S. ALESSANDRINI
C/
[Z]
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX
APPELANTE :
S.A.S. ALESSANDRINI
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Aljia FAZAI-CODACCIONI de la SELARL AVOCATS MARIAGGI ET FAZAI-CODACCIONI, avocat au barreau d'AJACCIO, Me Anna-Livia GUERRINI, avocat au barreau de BASTIA
INTIME :
Me [D] [Z]
agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.S ALESSANDRINI, par jugement du 18 janvier 2021 rendu par le tribunal de commerce d'AJACCIO
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Stéphane RECCHI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 mai 2022, devant Véronique MAUGENDRE, Présidente de chambre, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Véronique MAUGENDRE, Présidente de chambre
Judith DELTOUR, Conseillère
Stéphanie MOLIES, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Françoise COAT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2022
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée le 23 septembre 2021 et qui a fait connaître son avis, dont les parties ont pu prendre connaissance.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Véronique MAUGENDRE, Présidente de chambre, et par Françoise COAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
Par jugement du 28 mai 2018, le tribunal de commerce d'Ajaccio a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS Alessandrini, dont l'objet social est l'activité de boulangerie et de patisserie.
Par décision en date du 17 juin 2019, le tribunal a arrêté un plan de redressement et nommé Me [D] [Z] en qualité de commissaire à l'exécution dudit plan.
Par requête en date du 10 février 2020, le commissaire à l'exécution du plan a demandé au tribunal de commerce de constater l'inexécution du plan, de prononcer en conséquence sa résolution et la liquidation judiciaire de ladite société.
Par jugement en date du 18 janvier 2021, le tribunal de commerce d'Ajaccio, a prononcé la liquidation judiciaire simplifiée de la SAS Alessandrini.
Par déclaration au greffe de la cour en date du 21 janvier 202, la SAS Alessandrini a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions d'appelante régulièrement notifiées le 23 février 2021, la SAS Alessandrini a demandé à la cour de :
'Infirmer le jugement du 18 janvier 2021 rendu par le tribunal de commerce d'Ajaccio ;
Prononcer la SCI Alessandrini recevable et bien fondée en ses demandes ;
Prononcer le rejet de la demande d'ouverture de la liquidation judiciaire à l'encontre de la SAS Alessandrini ;
Prononcer la prolongation de la procédure de redressement judiciaire de la SAS Alessandrini ;
Condamner Monsieur [D] [Z] à la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Monsieur [D] [Z] aux entiers dépens.'
Dans son avis écrit en date du 27 septembre 2021, le ministère public a requis l'ouverture de la liquidation judiciaire, inéluctable au vu des éléments présentés.
Par ordonnance du 3 novembre 2021, le conseiller désigné par le premier président, a déclaré irrecevables les conclusions notifiées par Me [B] pour Me [Z], en qualité de liquidateur de la SAS Alessandrini, pour défaut de paiement du timbre, ordonné la clôture de la procédure, et fixé l'affaire à plaider devant le conseiller rapporteur au 28 janvier 2022 à 8 heures 30.
Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 27 janvier 2022, la SAS Alessandrini a demandé à la cour de :
'Infirmer le jugement du 18 janvier 2021 rendu par le tribunal de commerce d'Ajaccio ;
Prononcer la SCI Alessandrini recevable et bien fondée en ses demandes ;
Prononcer le rejet de la demande d'ouverture de la liquidation judiciaire à l'encontre de la SAS Alessandrini ;
Prononcer la prolongation de la procédure de redressement judiciaire de la SAS Alessandrini ;
Constater et ordonner le maintien de la SAS Alessandrini en l'état de bénéficiaire d'un plan de redressement ;
A TITRE COMPLEMENTAIRE :
Ordonner qu'il soit procédé, sous le contrôle du juge-commissaire désigné par le tribunal de commerce d'Ajaccio, à une nouvelle vérification des créances de l'entreprise à la date du 17 juin 2019, et qu'un nouveau plan de redressement soit proposé ;
Ordonner que le jugement acceptant le nouveau plan permette le règlement de la première annuité à l'échéance d'une année complète ;
Ordonner, sous astreinte, que Maître [R] [S] procède à la remise entre les mains de Maître [T] [G] les éléments requis pouvant justifier des versements réellement
effectués auprès de l'URSSAF de la Corse avant la date d'ouverture de la procédure collective à l'encontre de la SAS Alessanandrini ;
Ordonner la modification du KBIS concernant la société en ce que le texte de
l'ordonnance de Monsieur le Premier Président, arrêtant l'exécution provisoire du jugement de liquidation, soit précisément reproduit ;
Condamner Monsieur [D] [Z] à la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Monsieur [D] [Z] aux entiers dépens.'
Par arrêt avant dire droit en date du 30 mars 2022, la cour a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 20 mai 2022 à 8 heures 30 afin de permettre aux parties de présenter leurs observations sur l'irrecevabilité des conclusions comportant de nouvelles prétentions, déposées postérieurement à l'ordonnance de clôture.
A cette date, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2022.
La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens de l'appelant, fait expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'irrecevabilité des conclusions notifiées par l'appelante le 27 janvier 2022
Conformément à l'article 802 du code de procédure civile, 'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office'.
L'article 910-4 du code de procédure civile prévoit qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 914, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 novembre 2021.
De nouvelles conclusions accompagnées de pièces supplémentaires numérotées 7 à 15, ont été notifiées par l'appelante le 27 janvier 2022, sans que la révocation de l'ordonnance de clôture soit sollicitée.
De surcroît, ces dernières conclusions comportent des demandes dites complémentaires, qui ne figuraient pas dans les conclusions initialement remises par l'appelante en application de l'article 908 du code de procédure civile.
Aucune observation n'a été présentée par l'appelante lors de la réouverture des débats.
Il y a donc lieu de déclarer irrecevables les conclusions notifiées le 27 janvier 2022, ainsi que les pièces numérotées 7 à 15 versées aux débats.
Au fond,
Le tribunal a prononcé la résolution du plan de redressement et ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la SAS Alessandrini aux motifs que les échéances du plan exigibles au 1er décembre 2019 et au 1er décembre 2020 demeuraient impayées, que malgré de multiples renvois, la société débitrice n'a pas justifié d'un actif disponible supérieur à son passif exigible alors même que l'URSSAF de la Corse a démontré son état de cessation des paiements au vu de sa seule créance, observant que les comptes annuels des trois derniers exercices ne sont pas déposés au greffe malgré les demandes réitérées du tribunal.
Aux termes de ses conclusions, la SAS Alessandrini fait valoir que la liquidation judiciaire simplifiée a été prononcée à tort ; elle conteste la légitimité de l'état définitif des créances servant de support au plan de redressement approuvé par le tribunal le 16 juin 2019, en invoquant des erreurs dans le montant inscrit au titre des créances de l'URSSAF, et ajoute qu'elle n'a pu produire l'annulation par le créancier d'un arriéré de loyers non fondés, représentant une dette de 23'000 euros inscrite au plan et 28'500 euros pour la période post plan. Elle soutient être en totale capacité de faire la démonstration de ses possibilités financières lui permettant de poursuivre son activité en indiquant que les difficultés financières qu'elle a connues proviennent des travaux engagés par la collectivité de Corse qui a réduit l'accès des piétons et des véhicules à son entreprise pendant deux années, puis de la crise sanitaire.
Aux termes de l'article L 626-27 alinéa 3 du code de commerce, le tribunal qui a arrêté un plan dans le cadre d'une procédure de sauvegarde peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan. Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une liquidation judiciaire.
Concernant la procédure de redressement judiciaire, l' article L 631-20-1 dispose que par dérogation aux dispositions susvisées, lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce plan décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de liquidation judiciaire.
La SAS Alessandrini ne conteste pas que deux échéances du plan de redressement sont demeurées impayées et se bornent à contester les conditions dans lesquelles ce plan a été arrêté, plus précisément le passif tel qu'il a été retenu, alors même qu'aucun recours n'a été formé contre la décision du tribunal de commerce du 17 juin 2019 arrêtant le plan de continuation.
L'état de cessation des paiements se définit par l'impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Il s'apprécie au jour où la juridiction statue.
C'est à juste titre que le tribunal a tiré du non-paiement de deux premières échéances les éléments caractérisant l'état de cessation des paiements de ce dernier.
Les seules pièces régulièrement produites par la société appelante, à savoir le bilan comptable 2018, les justifications de versements de l'ordre de 13'000 euros à l'URSSAF en janvier 2021 correspondant uniquement au versement de la part salariale, intervenus au moment de la décision critiquée, une attestation notariée aux termes de laquelle les héritiers du bailleur de la société renoncent à une créance de 23'000 euros inscrite au passif, et précisant que la dernière créance de 27'000 euros s'annule par la compensation d'un trop-perçu de loyers sur une période de trois années pour le même montant, sont insuffisantes, pour démontrer la capacité de la SAS Alessandrini à faire face à son passif exigible, qui d'après les seules mentions du jugement s'élevait à la date de la décision à 54'577,81 euros.
Force est de constater qu'à ce jour, ces pièces, en l'absence de tout document comptable récent, ne permettent pas à la cour de s'assurer que la SAS Alessandrini est en mesure de faire face à son passif exigible, ni au règlement des deux échéances du plan dont il n'est pas contesté qu'elles demeurent impayées, ni a fortiori de reprendre un plan de redressement.
L'état de cessation des paiements au jour où la cour statue doit être constaté. En conséquence, la décision du tribunal qui a prononcé la résolution du plan et ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SAS Alessandrini mérite confirmation.
Les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure de liquidation judiciaire.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt réputé contradictoire,
Déclare irrecevables les conclusions notifiées le 27 janvier 2022 par la SAS Alessandrini, ainsi que les pièces numérotées 7 à 15.
Confirme le jugement du tribunal de commerce d'Ajaccio en date du 18 janvier 2021 en l'ensemble de ses dispositions.
Dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT