ARRET N°
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06 Juillet 2022
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R N° RG 21/00040 - N° Portalis DBVE-V-B7F-CAGN
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[F] [R] [E] [B]
C/
S.A.R.L. A CUTULESA
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Décision déférée à la Cour du :
26 janvier 2021
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO
19/00189
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COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX
APPELANTE :
Madame [F] [R] [E] [B]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Carole LUCCHINI, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIMEE :
S.A.R.L. A CUTULESA prise en la personne de son représentant légal en exercice
N° SIRET : 808 470 165 00032
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Charlotte CESARI, avocat au barreau de MARSEILLE, et par Me Claudia LUISI de l'AARPI TOMASI VACCAREZZA BRONZINI-DE-CARAFFA TABOUREAU GENUINI LUISI BENARD-BATTESTI, avocat au barreau de BASTIA,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 avril 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président, chargée du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur JOUVE, Président de chambre,
Madame COLIN, Conseillère
Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président
GREFFIER :
Madame CARDONA, Greffière lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2022
ARRET
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
- Signé par Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président, pour le président empêché, et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.
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EXPOSE DU LITIGE
Madame [F] [R] [E] [B] est liée à la S.A.R.L. A Cutulesa, dans le cadre d'une relation de travail à durée à indéterminée, avec ancienneté reprise, suivant ses bulletins de paie, au 14 février 2011.
Madame [F] [R] [E] [B] a saisi le conseil de prud'hommes d'Ajaccio, par requête reçue le 7 octobre 2019, de diverses demandes (dont une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail).
Selon jugement du 26 janvier 2021, le conseil de prud'hommes d'Ajaccio a :
-dit que la demande de Madame [E] [B] au titre de la résiliation judiciaire est infondée,
-ordonné à la SARL Cuttulesa la remise du salaire du mois d'avril 2019 d'un montant de 940,47 euros net,
-débouté Madame [E] [B] du surplus de ses demandes,
-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné Madame [E] [B] aux entiers dépens.
Par déclaration du 19 février 2021 enregistrée au greffe, Madame [F] [R] [E] [B] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a : dit que la demande de Madame [E] [B] au titre de la résiliation judiciaire est infondée, ordonné à la SARL Cuttulesa la remise du salaire du mois d'avril 2019 d'un montant de 940,47 euros net, débouté Madame [E] [B] du surplus de ses demandes, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, condamné Madame [E] [B] aux entiers dépens.
Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 12 juillet 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame [F] [R] [E] [B] a sollicité :
-de la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
-d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio en date du 26 janvier 2021 en ce qu'il a dit que la demande de Madame [E] [B] au titre de la résiliation judiciaire est infondée, ordonné à la SARL Cutulesa la remise du salaire du mois d'avril 2019 d'un montant de 940,47 euros net, débouté Madame [E] [B] du surplus de ses demandes,
-statuant à nouveau, d'ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail liant Madame [E] [B] à la SARL U Cuttulesa aux torts exclusifs de l'employeur, en conséquence, condamner la SARL U Cuttulesa, prise en la personne de son représentant en exercice, à payer à Madame [E] [B] la somme de 27.372 euros au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, la somme de 2.281 euros au titre de son indemnité compensatrice de préavis, la somme de 2.281 euros au titre du rappel de salaire du mois d'avril 2019, la somme de 3.421 euros au titre de ses congés payés, condamner la SARL U Cuttulesa, prise en la personne de son représentant en exercice, à remettre à Madame [E] [B] les documents suivants : attestation Pôle emploi, certificat pour la caisse des congés payés, certificat de travail, certificat pour la MSA, reçu pour solde de tout compte, et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et par document, à compter de la notification du présent jugement, juger que le conseil de prud'hommes d'Ajaccio sera compétent pour statuer sur la liquidation de la présente astreinte, ordonner que la décision à intervenir sera assortie de l'exécution provisoire, rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de la SARL U Cuttulesa, condamner la SARL A Cuttulesa, prise en la personne de son représentant en exercice, à lui payer la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 8 juillet 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, S.A.R.L. A Cutulesa a demandé :
-de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en date du 26 janvier 2021, de rejeter les prétentions de Madame [B] au titre de la résiliation judiciaire, de débouter Madame [B] au titre de la résiliation judiciaire, de rejeter les prétentions de Madame [B] au titre de l'indemnité de préavis, de débouter Madame [B] au titre de l'indemnité de préavis, de rejeter les prétentions de Madame [B] au titre du rappel de salaire du mois d'avril 2019, débouter les prétentions de Madame [B] au titre du rappel de salaire du mois d'avril 2019, de rejeter les prétentions de Madame [B] au titre des congés payés, de débouter Madame [B] au titre des congés payés, de débouter Madame [B] de l'ensemble de ses demandes pour le surplus
-de condamner Madame [B] au versement de la somme de 4.600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
-à titre reconventionnel, de condamner Madame [B] [à] lui verser la somme de 4.500 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusives et dilatoires.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 7 septembre 2021, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 11 janvier 2022, où un renvoi de l'affaire a été accordé à l'audience du 12 avril 2022.
A l'audience du 12 avril 2022, l'affaire a été appelée et la décision mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 6 juillet 2022.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de constater que la déclaration d'appel et les écritures de l'appelante contiennent manifestement de pures erreurs matérielles en ce que l'intimée n'est pas la S.A.R.L. A Cuttulesa ou la S.A.R.L. U Cuttulesa, mais la S.A.R.L. A Cutulesa qui a d'ailleurs régulièrement conclu dans le cadre de la procédure d'appel.
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office. L'appel de Madame [E] [B] sera donc déclaré recevable en la forme tel que sollicité.
Sur le fond, la cour ne peut que constater, en premier lieu, qu'aucune rupture unilatérale par la salariée de la relation de travail n'est mise en évidence.
Concernant les demandes afférentes à la résiliation judiciaire, il est admis qu'en cas d'inexécution de ses obligations contractuelles par l'employeur, le salarié peut saisir le conseil de prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur.
Lorsque les manquements sont établis et sont d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou d'un licenciement nul notamment si elle est fondée sur des faits de harcèlement moral, de discrimination ou lorsque le contrat est suspendu à la suite d'un accident du travail.
Madame [E] [B] invoque, dans les développements de ses écritures d'appel afférents à résiliation judiciaire de son contrat de travail, le fait que le 29 avril 2019 l'employeur l'ait menacée pour qu'elle signe un courrier de démission, et face à son refus, l'ait menacée, insultée et ait été physiquement violent, mais également le fait qu'il ait refusé de lui verser son salaire pour le mois d'avril 2019. Madame [E] [B] ne se prévaut pas stricto sensu de faits de harcèlement moral au soutien de sa demande, de sorte que la cour n'a pas à appliquer les règles probatoires propres à cette matière. Dans le même temps, dans les développements susvisés de ses écritures relatifs à la résiliation, elle n'argue pas d'une non transmission d'arrêts de travail et d'un refus de remise de fiches de paie, de sorte que la cour ne peut considérer qu'elle se prévaut de tels manquements au soutien de la résiliation judiciaire demandée par ses soins.
Madame [E] [B] produits diverses pièces à l'appui de ses énonciations.
Parmi celles-ci, les attestations de Madame [B] [O], fille de Madame [E] [B], et de Madame [M], amie de celle-ci, ne peuvent être prises en compte par la cour, qui apprécie souverainement la valeur et la portée des éléments qui lui sont soumis, compte tenu d'une part du lien de proximité familiale entre la première des attestantes et l'appelante, et d'autre part, compte tenu des présentation et contenu des deux attestations, quasi identiques (voire strictement identique pour certaines phrases), créant un doute légitime sur la sincérité de leur contenu et l'impartialité desdits attestantes. Parallèlement, le procès-verbal de constat d'huissier réalisé le 27 juillet 2020 par Maître [X] [Y] relatif à un enregistrement vidéo opéré à l'insu de l'employeur, ne peut être pris en compte par la cour, qui apprécie souverainement la valeur et la portée des éléments qui lui sont soumis, compte tenu du caractère déloyal du procédé employé, rendant illicite l'enregistrement opéré, sans qu'il soit mis en évidence que cette production soit indispensable à l'exercice des droits de la salariée et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi, l'appelante ne développant d'ailleurs aucun moyen véritable au soutien de la recevabilité de ce mode de preuve, venant contredire les observations des premiers juges à cet égard.
Il ressort de l'examen des autres éléments visés par Madame [E] [B] que:
-pour ce qui est du manquement lié aux faits du 29 avril 2019 allégués par Madame [E] [B], les main courante du 27 mai 2019 et plainte pénale de Madame [E] [B] en date du 14 juin 2019 ne relatent que les dires de cette salariée, tandis que n'est pas produit au dossier d'éléments sur la réponse pénale finalement donnée à cette plainte, désormais relativement ancienne. Parallèlement, les arrêts de travail du 30 avril 2019 et arrêts postérieurs (dont seuls certains d'entre eux énoncent le motif de l'arrêt prescrit) concernant Madame [E] [B] ont été établis à partir de dires de celle-ci. Aucune contradiction réelle n'est apportée par l'appelante aux observations des premiers juges afférentes aux énonciations même de Madame [E] [B], dans la requête prud'homale initiale ou dans la plainte du 14 juin 2019, sur les motifs médicaux de ses arrêts de travail (tendinite, anémie), sans lien mis en lumière avec les faits reprochés à l'employeur. Dès lors, ce manquement ne peut être considéré comme établi.
-concernant le salaire d'avril 2019, l'employeur ne fournit aucune justification véritable au fait de ne pas avoir versé ledit salaire, à hauteur de 1.238,90 euros brut (montant figurant sur le bulletin de salaire d'avril 2019), soit 940,47 euros net, se contentant dans ses écritures d'appel d'émettre des hypothèses ('Soit c'est Monsieur [I] qui a refusé de lui délivr[er] le chèque soit c'est la fille de ma[dame] [B] qui s'est refusé à récupérer ledit chèque'), sans que la seconde de ces hypothèses (refus de récupérer ledit chèque) ne soit démontrée au travers des éléments soumis à l'appréciation de la cour. Ce manquement de l'employeur, qui lui est imputable, n'a pas été régularisé.
Au regard de ce qui précède, parmi les manquements invoqués par la salariée, un seul est établi. Toutefois, ce manquement de l'employeur porte sur un montant de salaire restreint, limité au mois d'avril 2019, de sorte la cour ne peut considérer que ce manquement est suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Dès lors, la cour, à l'instar des premiers juges, ne peut constater l'existence de manquements de l'employeur, tels qu'allégués par l'appelante, d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Madame [E] [B] de ses demandes d'ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, de condamner l'employeur à lui payer diverses sommes au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité compensatrice de congés payés, avec exécution provisoire. Les demandes en sens contraire seront rejetées.
Concernant les demandes afférentes au rappel de salaire d'avril 2019, l'employeur ne démontre pas, au travers des éléments transmis aux débats, avoir réglé la salariée de ses droits, droits ne correspondant pas à un montant de 2.281 euros tel que revendiqué par l'appelante, mais s'élevant uniquement à un montant de 1.238,90 euros brut (soit 940,47 euros net), au regard de période d'absence non justifiée de la salariée, qui n'était pas en congés payés sur la période du 18 au 28 avril 2019. Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions querellées à cet égard, sauf à préciser que la personne condamnée à la remise de salaire est la S.A.R.L. A Cutulesa et non la S.A.R.L. A Cuttulesa et les demandes en sens contraire rejetées.
Au vu des développements précédents, Madame [E] [B] sera déboutée de ses demandes, dont le caractère fondé n'est pas justifié, afférentes à la remise des documents suivants: attestation Pôle emploi, certificat pour la caisse des congés payés, certificat de travail, certificat pour la MSA, reçu pour solde de tout compte, et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et par document, à compter de la notification du présent jugement, avec compétence du conseil de prud'hommes d'Ajaccio pour statuer sur la liquidation de l'astreinte, ce avec exécution provisoire. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point et les demandes en sens contraire rejetées.
S'agissant des dommages et intérêts pour procédures abusives et dilatoires sollicités par la S.A.R.L. A Cutulesa devant la cour, sans que la recevabilité de cette prétention ne soit contestée au visa des articles 564 et suivants du code de procédure civile, cette S.A.R.L. ne justifie pas du caractère dilatoire de l'instance prud'homale engagée, ni de l'appel effectué par Madame [E] [B], pas davantage que d'un abus de celle-ci de son droit d'agir en justice ou d'exercer une voie de recours en justice, ni encore d'un préjudice en découlant. Consécutivement, la S.A.R.L. A Cutulesa sera déboutée de sa demande de condamnation de ce chef.
La S.A.R.L. A Cutulesa, succombant principalement à l'instance, sera condamnée aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant infirmé sur ce point) et l'instance d'appel.
L'équité ne commande pas de prévoir de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance (le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions querellées à cet égard) et d'appel.
Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe le 6 juillet 2022,
DECLARE recevable en la forme l'appel de Madame [F] [R] [E] [B]
CONSTATE à titre liminaire que la déclaration d'appel et les écritures de l'appelante contiennent manifestement de pures erreurs matérielles en ce que l'intimée n'est la S.A.R.L. A Cuttulesa ou la S.A.R.L. U Cuttulesa mais la S.A.R.L. A Cutulesa,
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 26 janvier 2021, tel que déféré, sauf :
-à préciser que la personne condamnée à la remise de salaire est la S.A.R.L. A Cutulesa et non la S.A.R.L. A Cuttulesa,
-en ce qu'il a condamné Madame [E] [B] aux entiers dépens de première instance,
Et statuant à nouveau des dispositions infirmées et y ajoutant,
DEBOUTE la S.A.R.L. A Cutulesa de sa demande de condamnation au titre de dommages et intérêts pour procédure abusives et dilatoires,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE la S.A.R.L. A Cutulesa, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de première instance et de l'instance d'appel,
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LA GREFFIÈRE P/ LE PRÉSIDENT EMPECHE