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06/07/2022 | FRANCE | N°20/00196

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale, 06 juillet 2022, 20/00196


ARRET N°

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06 Juillet 2022

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N° RG 20/00196 - N° Portalis DBVE-V-B7E-B7NJ

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[N] [U]

C/

S.A. FRANCE TELEVISIONS





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Décision déférée à la Cour du :



08 septembre 2020

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO

19/00215

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COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU : SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX<

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APPELANTE :



Madame [N] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Cécile PANCRAZI-LANFRANCHI, avocat au barreau d'AJACCIO





INTIMEE :



S.A. FRANCE TELEVISIONS agissant poursuites ...

ARRET N°

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06 Juillet 2022

-----------------------

N° RG 20/00196 - N° Portalis DBVE-V-B7E-B7NJ

-----------------------

[N] [U]

C/

S.A. FRANCE TELEVISIONS

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

08 septembre 2020

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO

19/00215

------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX

APPELANTE :

Madame [N] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Cécile PANCRAZI-LANFRANCHI, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIMEE :

S.A. FRANCE TELEVISIONS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 432 766 947 00431

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Liria PRIETTO, avocat au barreau d'AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 mai 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, président de chambre

Madame COLIN, conseillère

Madame BETTELANI, vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président

GREFFIER :

Madame COAT, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2022

ARRET

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- Signé par Madame BETTELANI,Vice-présidente placée près Monsieur le premier président pour Monsieur JOUVE, président de chambre empêché et par Madame CARDONA, greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

***

EXPOSE DU LITIGE

Madame [N] [U] a été embauchée par la S.A. France Télévisions, suivant contrat à durée indéterminée à effet du 1er avril 2005.

Madame [N] [U] a saisi le conseil de prud'hommes d'Ajaccio par requête reçue le 8 avril 2015, de diverses demandes.

Après entretien préalable au licenciement fixé au 23 juin 2015, a été notifié à Madame [N] [U] un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 29 juin 2015.

Par jugement du 1er mars 2016, le conseil de prud'hommes d'Ajaccio a sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction administrative saisie (d'une requête afférente à la décision du Ministre du travail du 3 septembre 2015 relative à l'inaptitude de Madame [U]).

Le 16 mars 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête de Madame [U].

Selon jugement du 8 septembre 2020, le conseil de prud'hommes d'Ajaccio a :

-débouté la demanderesse de l'ensemble de ces demandes,

-débouté les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du CPC,

-condamné Madame [U] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 10 novembre 2020 enregistrée au greffe, Madame [N] [U] a interjeté appel de ce jugement, en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à : prononcer à son profit le bénéfice d'une classification de cadre supérieur groupe 7, s'entendre dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, déclarer constitué le harcèlement moral subi par la salariée et voir condamner l'employeur au paiement de la somme de 583.420 euros de ce chef, et en conséquence condamner la Société France Télévision SA au paiement des sommes suivantes : 58.342 euros représentant la régularisation du salaire brut sur trois années, 583.420 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral subi, la somme de 4.861 euros multiplié par trente mois soit 145.830 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 9.722 euros à titre d'indemnité de préavis, la somme de 972 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis, la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes des dernières écritures de son conseil, transmises au greffe en date du 3 septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame [N] [U] a sollicité :

-de déclarer recevable et bien fondé 1'appel interjeté par la salariée,

-d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déboutée de ses demandes tendant à : prononcer à son profit le bénéfice d'une classification de cadre supérieur groupe 7, s'entendre dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, déclarer constitué le harcèlement moral subi par la salariée et voir condamner l'employeur au paiement de la somme de 583.420 euros de ce chef,

-en conséquence, de constater que Madame [U] bénéficie d'une classification de cadre supérieur groupe 7, condamner la SA France Télévisions prise en la personne de son représentant légal en exercice à régulariser un salaire annuel de 58.342 euros bruts sur 3 années soit 14.611,50 euros par année (58.342,00 moins 43.730,50), soit 43.834,50 euros, la condamner pour des faits de discrimination et de harcèlement moral à des dommages intérêts à hauteur de 10 années de salaire brut soit 583.420 euros, dire et juger son licenciement pour inaptitude physique sans cause réelle et sérieuse, condamner la SA France Télévisions prise en la personne de son représentant légal en exercice au paiement de : la somme de 4.861 euros multiplié par trente mois soit 145.830 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 9.722 euros à titre d'indemnité de préavis, la somme de 972 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis, la condamner au paiement de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes des dernières écritures de son conseil, transmises au greffe en date du 29 avril 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A. France Télévisions a demandé :

-de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 8 septembre 2020,

-statuant à nouveau : de débouter Madame [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

-de condamner Madame [U] au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à verser à la Société France Télévisions, de condamner Madame [U] aux entiers dépens de l'instance,

-à titre infiniment subsidiaire : dans l'extraordinaire hypothèse où la Cour de céans décidait d'infirmer le jugement rendu en première instance jugeant le licenciement sans cause réelle et sérieuse : de réduire le montant de l'indemnité de licenciement conformément au barème de l'article L1235-3 du code du travail à la somme de 10.203,66 euros.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 3 novembre 2021 et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 11 janvier 2022, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 6 avril 2022.

Par arrêt avant dire droit du 6 avril 2022, la cour a :

-ordonné la réouverture des débats à l'audience du 10 mai 2022 à 14 heures devant la chambre sociale de la cour d'appel de Bastia, afin :

*que dans le cadre d'observations écrites, Madame [U] précise si une erreur de plume est présente dans le dispositif de ses écritures et si elle réclame en réalité, cette erreur de plume corrigée, que la cour lui octroie le bénéfice d'une classification groupe 9 avec rappels de salaire afférents, ou si, à rebours, elle réclame bien dans ledit dispositif le bénéfice d'une classification groupe 7, avec rappels de salaire afférents, ce en dépit des moyens au soutien d'une classification groupe 9 dans le corps de ses écritures,

*que soit produit un exemplaire entièrement lisible de la pièce 5 de Madame [U] (tableau d'harmonisation salariale),

*que soit transmise par chacune des parties une copie des écritures déposées par ses soins pour l'audience de plaidoirie devant le conseil de prud'hommes, celles-ci ne figurant aucunement dans le dossier transmis par la juridiction prud'homale.

-dit que la présente décision valait convocation à cette audience,

-réservé les dépens.

La S.A. France Télévisions a transmis le 21 avril 2022 au greffe une copie de ses écritures de première instance.

Madame [U] a transmis le 5 mai 2022 au greffe, outre les pièces demandées dans le cadre de la réouverture des débats, ses observations écrites -précisant solliciter effectivement une classification au groupe 9 avec rappels de salaire afférents-, observations auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé.

L'affaire a été appelée à l'audience du 10 mai 2022 et la décision mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2022.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel

La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office. L'appel de Madame [U] sera donc déclaré recevable en la forme, tel que sollicité.

Sur les demandes afférentes à la classification et rappels de salaire subséquents

Il y a lieu d'observer que :

-l'accord collectif d'entreprise France Télévisions du 28 mai 2013 a prévu, au titre des 'modalités de mise en oeuvre' que 'Les présentes dispositions sont applicables à compter du 1er janvier 2013 et se substituent aux dispositions conventionnelles antérieures ayant le même objet et ne se cumulent pas avec les dispositions contractuelles ayant le même objet ou la même cause. Un avenant détaillant individuellement la mise en oeuvre des présentes dispositions sera remis à chaque salarié concerné. [...] Le repositionnement des salariés au sein de la classification s'opère sur la base de l'emploi occupé par chaque salarié et de sa qualification antérieure, dans les conditions décrites ci-après. [...] Chaque emploi de la nomenclature est rattaché à un groupe de classification [...] Chaque collaborateur est repositionné sur l'emploi de la nomenclature générale correspondant à celui qu'il occupe effectivement. L'emploi retenu pour chaque collaborateur détermine son positionnement dans un des 11 groupes de la classification au regard du positionnement dudit emploi dans la grille de classification des emplois, métiers [...] La qualification acquise par un collaborateur antérieurement à la date de mise en oeuvre des présentes dispositions peut conduire à le repositionner sur le groupe de classification supérieur [...]',

-comme rappelé dans un courriel transmis au dossier, suite à l'avenant n°1, du 9 avril 2014, à l'accord collectif d'entreprise, ont été prévues les garanties de repositionnement minimal suivantes :

Ex groupe de qualificationGroupe de classification minimum garanti pour le repositionnement

B9/B10/B11/ Technicien maîtrise3

B15/B16/B17/B18 Technicien supérieur4

B19/B20/B210/ Cadre et cadre confirmé5

BEXP/ B21.1/B24.26S

B22/B23/B240/ Cadre supérieur6

B25 et plus / Cadre de direction 7

Il ressort des pièces produites aux débats qu'avant repositionnement, Madame [U] occupait les fonctions de cadre supérieur comptable B22, affectée auprès de l'antenne régionale de France 3 Corse.

N'ayant pas accepté de signer un avenant contractuel afférent à un emploi de comptable général cadre 2 groupe de classification 6 au niveau d'expertise : expertise, au niveau de placement 14, Madame [U] sollicite, après infirmation du jugement, l'octroi d'une classification de cadre supérieur groupe 9, sans plus de précisions sur le libellé de l'emploi (et non de groupe 7, comme mentionné par pure erreur de plume, notamment dans le dispositif de ses écritures d'appel, point sur lequel cette appelante s'est expliquée dans ses observations écrites du 5 mai 2022, suite à réouverture des débats) et la condamnation de la Société France Télévisions prise en la personne de son représentant légal en exercice à régulariser un salaire annuel de 58.342 euros bruts sur 3 années soit 14.611,50 euros par année (58.342,00 moins 43.730,50), soit 43.834,50 euros. Ces demandes ne sont pas nouvelles, ayant déjà été formées en première instance, même si le conseil de prud'hommes a mentionné de manière inexacte dans l'exposé du litige 'l'attribution d'une classification de cadre supérieur groupe 1' au lieu de cadre supérieur groupe 9, ce qui ne résulte manifestement que d'une pure erreur de plume.

Toutefois, force est de constater :

-qu'en premier lieu, l'appelante, Madame [U], qui apporter les éléments de fait et de droit nécessaires au succès de ses prétentions, ne s'explique pas sur sa demande de rappels de salaire sur la période du 29 juin 2012 au 31 décembre 2012, ni n'apporte d'éléments permettant d'en mettre en évidence le bien fondé (faute de justifier que ses fonctions ne relevaient pas du positionnement alors octroyé), alors que cette période de 29 juin 2012 au 31 décembre 2012 est incluse dans la période de trois ans (en amont du licenciement du 29 juin 2015) objet de sa demande salariale,

-que concernant la période courant du 1er janvier 2013 jusqu'à la rupture, Madame [U] ne démontre pas, au travers des quelques pièces visées par ses soins, que le poste occupé par ses soins relevait d'une classification de groupe 9 cadre supérieur (classification qu'elle n'avait d'ailleurs pas revendiquée initialement, les échanges avec la direction faisant état d'une demande de classification en groupe 7 cadre 3 responsable de gestion comptable, comme le courrier de l'assureur protection juridique de Madame [U] adressé à l'employeur le 5 septembre 2014 s'en fait l'écho). En effet, les éléments soumis à l'appréciation de la cour ne permettent pas de mettre en évidence que les fonctions qu'elles occupaient relevaient du groupe 9, cadre supérieur, à savoir suivant la nomenclature générale des familles professionnelles, métiers et emploi : 'Assurer seul, dans le cadre d'objectifs à attendre, la responsabilité et la coordination d'activités importantes pour l'entreprise et requérant la mise en oeuvre d'une expérience et de connaissances approfondies dans un ou plusieurs domaines professionnels. Le cadre supérieur 1 contribue au développement de son périmètre d'activité. Formation ou expérience professionnelle requise : Etudes supérieures sanctionnées par un diplôme de niveau Bac + 5 avec une expérience professionnelle large et diversifiée. Ou expérience professionnelle équivalente.', Madame [U] ne disposant pas du degré d'autonomie et du niveau de responsabilités afférents au groupe 9. Dans le même temps, il n'est pas justifié d'une rétrogradation salariale subie à compter du 1er janvier 2013, appelant le bénéfice de rappels de salaire.

La cour ne disposant pas des éléments justifiant de faire droit à l'octroi d'une classification de cadre supérieur groupe 9, et à la condamnation de la Société France Télévisions prise en la personne de son représentant légal en exercice à régulariser un salaire annuel de 58.342 euros bruts sur 3 années soit 14.611,50 euros par année (58.342,00 moins 43.730,50), soit 43.834,50 euros, Madame [U] ne pourra qu'être déboutée de ses demandes à ces égards, le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions querellés de ce chef. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

Sur les demandes afférentes au harcèlement moral et à la discrimination

Madame [U] n'a pas formé appel des dispositions du jugement l'ayant déboutée de sa demande au titre de la discrimination, et ne sollicite d'ailleurs pas l'infirmation du jugement à cet égard dans le dispositif de ses écritures énonçant les prétentions sur lesquelles la cour est tenue de statuer en vertu de l'article 954 du code de procédure civile. Après avoir constaté que l'annulation du jugement entrepris n'est pas sollicitée, tandis qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité de l'appel, ni de ce que ces dispositions dépendent des chefs expressément critiqués, il convient de dire que ces dispositions du jugement, qui n'ont pas été déférées à la cour par l'appel, sont donc devenues irrévocables et qu'il n'y a pas lieu à statuer les concernant.

En vertu de l'article L1152-1 du code du travail, le harcèlement moral est constitué d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet de dégrader les conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L1154-1 du code du travail, dans sa version antérieure au 10 août 2016, lorsque le salarié établit la matérialité de faits constituant selon lui un harcèlement moral, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement, et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Madame [U] vise, dans ses écritures, les pièces suivantes au soutien de ses énonciations relatives à un harcèlement moral subi :

-des échanges de courriels et document relatifs à une levé d'anonymat dans le cadre d'une hotline d'accompagnement psychologique pour l'entreprise France Télévisions,

-des fiches de la médecine du travail suite à examen sur son aptitude, datées des 4 octobre 2010, 19 novembre 2012 , 15 avril et 27 mai 2014, ainsi qu'un certificat médical du Docteur [T] du 26 février 2015 déclarant 'suivre en consultations externes Madame [U] [N], né le 8//4//68. Son état psychologique actuel l'autorise à reprendre son activité professionnelle en date du 17//2//14'.

Il ressort de l'examen des éléments visés aux débats, pris dans leur ensemble que n'est pas établie la matérialité de faits afférente à une rétrogradation de la salariée subie au profit de Madame [E] sur le poste de responsable à partir de l'année de 2014, à une obligation de restitution injustifiée de son ordinateur portable, à des sanctions injustifiées, à une absence de compte-rendu d'entretien préjudiciable, à un surcroît de travail, avec une pression constante, des consignes contradictoires et de nombreuses heures supplémentaires, tandis que, dans le même temps, la procédure, menée à son terme, de licenciement de Madame [O] pour inaptitude et impossibilité de reclassement, ne révèle pas des agissements susceptibles d'être qualifiés de harcèlement moral à l'égard de celle-ci.

Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater, à l'examen des pièces visées par ses soins, que Madame [U] n'établit pas la matérialité de faits permettant, pris dans leur ensemble, de présumer l'existence d'un harcèlement moral, le jugement entrepris n'étant pas critiqué de manière fondée par l'appelante à cet égard.

Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame [U] de ses demandes au titre d'un harcèlement moral et les demandes en sens contraire seront rejetées.

Sur les demandes liées au licenciement

Liminairement, la cour ne peut constater que dans le dispositif de ses écritures énonçant les prétentions sur lesquelles la cour est tenue de statuer en vertu de l'article 954 du code de procédure civile, Madame [U] ne forme aucune demande de nullité du licenciement, au titre d'une inaptitude consécutive à des actes de harcèlement moral subi par la salariée, de sorte que la cour n'a pas à examiner cet aspect.

Il sera utilement observé, ensuite, que le régime protecteur, conféré aux salariés victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle par les articles L1226-10 et suivants du code du travail, n'a pas à s'appliquer à la situation de Madame [U], faute de mise en évidence d'une inaptitude de la salariée ayant, au moins partiellement, pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle, et d'une connaissance par l'employeur de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Parallèlement, l'article L1233-15 du code du travail, concernant les licenciements économiques, est inutilement invoqué par Madame [U], à l'appui de sa contestation de son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Les règles applicables sont donc celles des articles L1226-2 et suivants du code du travail (que vise d'ailleurs également Madame [U] dans ses écritures).

En vertu de l'article L1226-2 du code du travail, dans sa version applicable aux données de l'espèce, lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Il est admis, quelle que soit l'étendue de l'inaptitude du salarié, l'employeur doit chercher à le reclasser parmi les emplois disponibles dans l'entreprise ou l'intérieur du groupe auquel appartient le cas échéant la société.

Le périmètre de reclassement au sein d'un groupe s'entend des entreprises du groupe dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel ou la possibilité d'exercer des fonctions comparables.

L'entreprise doit procéder à une recherche loyale et sérieuse de reclassement en tenant compte des conclusions du médecin du travail, étant relevé qu'il s'agit d'une obligation de moyens renforcée.

La lettre de licenciement datée du 29 juin 2015, qui ne sera pas reprise au présent arrêt, conclut à un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Madame [U] fait valoir, en premier lieu, à l'appui de ses demandes liées au licenciement sans cause réelle et sérieuse, que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement.

Il n'est pas contesté que compte tenu de l'inaptitude de Madame [U] à son poste et à tout poste au sein de France 3 Via Stella (inaptitude reconnue par décision devenue désormais définitive, suite à rejet de la requête devant la juridiction administrative), l'employeur avait l'obligation de rechercher un reclassement, ce au sein de l'entreprise, à savoir la S.A. France Télévisions, faute de démonstration de l'existence d'un groupe de reclassement.

Or, l'employeur n'opère pas cette démonstration. Si est produit une note à l'attention des DRH et RRH de France télévisions le 16 mars 2015 ayant comme objet une 'recherche de reclassement pour Madame [N] [U]', il n'est pas démontré de son envoi, ni a fortiori des réponses obtenues. Dans le même temps, si l'employeur justifie avoir consulté la médecine du travail, par courrier adressé dès le 16 mars 2015, destiné non à l'interroger sur les capacités résiduelles de la salariée, mais sur une proposition de poste de reclassement (comptable générale à la direction comptable siège située à Paris), avec réponse favorable de la médecine du travail par courrier en date du 26 mars 2015, proposition à l'égard de laquelle la salariée, interrogée sur ce point par courrier adressé par l'employeur, dès le 17 mars 2015 (soit après un jour après la note susvisée et avant même la réponse de la médecine du travail), n'a pas émis de réponse favorable, ne sont pas produits l'organigramme de l'entreprise, ni le registre complet du personnel de l'époque, ni plus globalement de pièce permettant d'apprécier le profil des postes au sein de l'entreprise. Par suite, ne peuvent être vérifiés l'état des postes existants et la disponibilité de postes appropriés aux capacités de la salariée et aussi comparables que possible à l'emploi précédemment occupé, fût ce par mutations, transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. Il ne peut ainsi être conclu que le poste de reclassement proposé était le seul disponible, conforme aux préconisations concernant Madame [U].

Dans ces conditions, sans qu'il y ait lieu d'aller plus en avant dans l'examen de l'argumentation des parties, un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement ne peut qu'être constaté et le licenciement sera, après infirmation du jugement à cet égard, dit dépourvu de cause réelle et sérieuse. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

Au moment de la rupture du contrat de travail, Madame [U] avait plus de deux ans d'ancienneté dans la société, qui comptait onze salariés et plus. Le barème de l'article L1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance n°2017-1386, n'est pas applicable à la date du licenciement.

Au regard de l'origine non professionnelle de l'inaptitude, de l'ancienneté de la salariée, de son âge (pour être née en 1968), des conditions dans lesquelles la rupture est intervenue, de l'absence de justificatifs sur sa situation postérieure, des dispositions de l'article L1235-3 dans sa version applicable aux données de l'espèce, Madame [U], qui ne justifie pas d'un plus ample préjudice, se verra allouer, après infirmation du jugement sur ce point, des dommages et intérêts à hauteur de 26.000 euros et sera déboutée du surplus de sa demande, non justifié. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

Par application de l'article L1235-4 du code du travail, sera ordonné d'office le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage éventuellement versées par le Pôle emploi dans la limite de six mois.

Madame [U] critique de manière fondée jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre d'une indemnité compensatrice de préavis. En effet, le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse du fait du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, Madame [U] a droit, après infirmation du jugement en ses dispositions querellées à ces égards, à une indemnité compensatrice de préavis, peu important qu'elle n'ait pas été en mesure de l'effectuer, indemnité de 7.971,80 euros, somme exprimée nécessairement en brut (correspondant à un préavis de deux mois, tel que sollicité par ses soins, tenant compte du salaire brut mensuel que la salariée aurait reçu si elle avait travaillé pendant le délai de préavis, soit de 3.985,90 euros brut et non pas de 4.861 euros brut, comme revendiqué par la salariée au titre d'un salaire de groupe 9 sollicité par ses soins), outre une somme de 797,18 euros, somme exprimée nécessairement en brut, au titre des congés payés sur préavis, Madame [U] étant déboutée du surplus de ses demandes sur ces aspects, non justifié. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

Le chef du jugement du conseil de prud'hommes d'Ajaccio afférent à la condamnation de Madame [U] aux dépens de première instance n'a pas été déféré à la cour, en l'absence d'appel principal ou incident sur ce point, étant observé qu'une annulation du jugement n'a pas été demandée et qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité du litige. Ce chef est donc devenu irrévocable et il n'y a pas lieu à statuer le concernant.

La S.A. France Télévisions, succombant principalement, sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel.

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions querellées au titre des frais irrépétibles de première instance.

L'équité commande de prévoir la condamnation de la S.A. France Télévisions à verser à Madame [U] une somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.

Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe le 6 juillet 2022

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 8 septembre 2020, tel que déféré, sauf :

-en ce qu'il a débouté Madame [U] de ses demandes tendant à dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamner la S.A. France Télévisions à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à une indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés sur préavis,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que les dispositions du jugement rendu le 8 septembre 2020 par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio ayant débouté Madame [U] de sa demande au titre de la discrimination, qui n'ont pas été déférées à la cour par l'appel, sont donc devenues irrévocables et qu'il n'y a pas lieu à statuer les concernant,

DIT que le licenciement dont Madame [N] [U] a été l'objet de la part de la S.A. France Télévisions est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la S.A. France Télévisions, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Madame [N] [U] les sommes suivantes :

-26.000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-7.971,80 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-797,18 euros brut au titre des congés payés sur préavis,

ORDONNE, par application de l'article L1235-4 du code du travail, le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage éventuellement versées par le Pôle emploi à Madame [N] [U] dans la limite de six mois,

DEBOUTE la S.A. France Télévisions de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE la S.A. France Télévisions, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Madame [N] [U] une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,

DIT que le chef du jugement rendu le 8 septembre 2020 par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio au titre des dépens de première instance, qui n'a pas été déférée à la cour par l'appel, est donc devenu irrévocable et qu'il n'y a pas lieu à statuer le concernant,

CONDAMNE la S.A. France Télévisions, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens d'appel,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIÈRE P/ LE PRÉSIDENT EMPECHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00196
Date de la décision : 06/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-06;20.00196 ?
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