Chambre civile
Section 2
ARRÊT N°
du 15 JUIN 2022
N° RG 21/00556
N° Portalis DBVE-V-B7F-CBTM JD - C
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BASTIA, décision attaquée en date du 09 Juillet 2021, enregistrée sous le n° 14/00859
[N]
C/
[N]
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
QUINZE JUIN DEUX-MILLE-VINGT-DEUX
APPELANT :
M. [T], [R] [N]
né le 10 Mai 1943 à [Localité 9]
[Adresse 11]
[Localité 2]
Représenté par Me Josette CASABIANCA CROCE, avocate au barreau de BASTIA substituée par Me Alexandra MOUSSET-CAMPANA, avocate au barreau de BASTIA
INTIMÉ :
M. [R], [V] [N]
né le 12 Février 1941 à [Localité 12]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Pierre LORENZI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 avril 2022, devant Judith DELTOUR, conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Jean-Jacques GILLAND, président de chambre
Judith DELTOUR, conseillère
Stéphanie MOLIES, conseillère
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Françoise COAT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 juin 2022.
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Françoise COAT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Suivant assignation du 13 mai 2014, M. [T] [N] a assigné M. [R] [N] pour obtenir l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession d'[J] [B], décédée le 14 janvier 1972, et d'[M] [N], décédé le 20 avril 1989, au visa de précédents jugements des 21 novembre 1985 et 21 septembre 1994 ayant déjà ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage mais non exécutés.
Par jugement du 12 avril 2016, le tribunal de grande instance de Bastia a notamment ordonné un complément d'expertise au rapport déposé le 20 octobre 1987, condamné M. [T] [N] au paiement d'une indemnité d'occupation dont le montant sera fixé à dire d'expert après évaluation du bien situé [Localité 2] (Haute-Corse) et renvoyé les parties devant notaire.
L'expertise a été déposée le 19 octobre 2017, suivant procès-verbal de carence du 21 juillet 2005, projet d'état liquidatif, procès-verbal de difficultés et conclusions d'incident, par ordonnance du 9 juillet 2021, le juge commis a :
- dit que les décisions suivantes ont un caractère définitif : "TGI-BASTIA 21 novembre 1985, TGI-PARIS 16 janvier 1985, TGI-BASTIA 19 juillet 1989,TGI-ALES 19 octobre 1994, Cour d'appe1 de BASTIA du 29 janvier 2004 et TGI-BASTIA12 avril 2016",
- dit qu'à défaut d'accord entre toutes les personnes intéressées le notaire n'a pas à tenir compte des biens dépendant de la communauté [N]- [E],
- dit que la question du rapport de la somme de 60 000 euros relève de la compétence du juge du fond mais que dans cette attente il appartiendra au notaire d'établir son projet sur le fondement d'un rapport de la somme de 9 194,94 euros,
- fixé au 12 avril 2016 le point de départ de l'indemnité d'occupation de l'immeuble G418 sis à [Adresse 8],
- condamné M. [T] [N] au paiement d'une indemnité d'occupation de l'immeuble G417 d'[Localité 2] de 541,62 euros par mois à compter du 6 décembre 2016,
- donné mission à Me [A] de faire établir l'état descriptif de division concernant le bien de [Localité 10] cadastré AE N° [Cadastre 7],
- dit que chacune des parties pourra se faire remettre une provision de 40 000 euros à valoir sur le montant de ses droits.
Par déclaration reçue le 20 juillet 2021, M. [T] [N] a interjeté appel de la décision en ce qu'elle a dit que la question du rapport de la somme de 60 000 euros relève de la compétence du juge du fond mais que dans cette attente il appartiendra au notaire d'établir son projet sur le fondement d'un rapport de la somme de 9 194,94 euros, a fixé au 12 avril 2016 le point de départ de l'indemnité d'occupation de l'immeuble G[Cadastre 5] sis à [Adresse 8], a condamné M. [T] [N] au paiement d'une indemnité d'occupation de l'immeuble G[Cadastre 4] d'[Localité 2] de 541,62 euros par mois à compter du 6 décembre 2016.
Par conclusions communiquées le 25 octobre 2021, M. [T] [N] a demandé :
- d'infirmer l'ordonnance rendue le 9 juillet 2021 par le juge commis du tribunal judiciaire
de Bastia,
Et statuant à nouveau,
- constater l'accord des parties pour la rectification de l'erreur matérielle affectant le numéro de référence cadastrale des deux pièces occupées par M. [T] [N] à [Localité 2],
- rectifier l'erreur matérielle commise par l'expert [S] dans son rapport d'expertise du 18 octobre 2017, reprise par le tribunal, et dire que les deux pièces occupées par M. [T] [N] sont situées dans la maison cadastrée G [Cadastre 4] sur la commune d'[Localité 2] au lieu de G [Cadastre 5],
- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par M. [T] [N] pour les deux pièces situées dans la maison G [Cadastre 4] sur la commune d'[Localité 2] à la somme 376,50 euros par an à titre provisionnel, à compter du 12 avril 2016,
- rejeter la demande d'indemnité d'occupation d'un montant de 541,62 euros par mois réclamée par M. [R] [N] pour le reste de la maison G [Cadastre 4] (10 pièces),
- donner mission à Me [A], notaire, d'établir un état liquidatif prenant en compte les deux possibilités, concernant le rapport du don manuel de la somme de 60 000 francs soit : celle d'un don manuel avec un rapport de la somme nominale de 9194,94 euros, soit celle d'un don manuel ayant servi à l'acquisition d'un appartement à Paris situé [Adresse 1], avec un rapport calculé selon la règle de l'article 860 du Code civil,
- enjoindre à M. [R] [N] de produire deux avis récents de valeur immobilière de son
appartement situé [Adresse 1], sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, afin de permettre au notaire d'effectuer le rapport à la date du partage,
- condamner M. [R] [N] au paiement de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.
Il a fait valoir l'existence d'une erreur sur la numérotation, que les deux pièces occupées se situaient sur la parcelle G[Cadastre 5], que l'indemnité d'occupation devait tenir compte de sa part dans l'indivision, qu'il n'y avait pas lieu à indemnité d'occupation pour le reste de la maison, que le notaire devait envisager les deux options relativement à la somme de
60 000 francs français donnée le 24 février 1981.
Par conclusions communiquées le 5 janvier 2022, M. [R] [N] a demandé de :
- confirmer l'ordonnance du juge commis,
- dire n'y avoir lieu à communication par l'intimé de quelque document que ce soit sous astreinte,
- condamner M. [T] [N] au paiement des dépens,
- condamner M. [T] [N] à lui payer 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a fait valoir l'existence d'une erreur matérielle sur la numérotation, que l'indemnité d'occupation de 753 euros devait être prise en compte, qu'une indemnité d'occupation complémentaire devait être mise à sa charge pour les autres pièces occupées de la maison, que la somme de 60 000 francs français n'a pas servi pour l'achat d'un appartement à Paris, que la preuve incombe au demandeur au rapport.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 mars 2022.
L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 14 avril 2022. L'affaire a été mise en délibéré pour être rendu par mise à disposition au greffe le 15 juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Pour statuer comme il l'a fait le premier juge a rappelé le caractère définitif de précédents jugements, estimé que la question du rapport de la somme de 60 000 francs français relevait du juge du fond, que le principe de la dette au titre de l'indemnité d'occupation est acquis depuis le 12 avril 2016, que M. [T] [N] occupe la maison et habite sur place et qu'il n'y a pas de confusion entre les deux indemnités d'occupation. L'ouverture des opérations de compte liquidation et partage a été ordonnée le 21 novembre 1985.
S'il existe effectivement un accord des parties pour constater l'existence d'une erreur matérielle affectant le numéro de référence cadastrale, cette erreur ne concerne que le numéro de parcelle qui supporte la maison située à [Adresse 8] occupée par M. [T] [N]. M. [R] [N] ne demande pas expressément la rectification.
M. [T] [N] entretient la confusion entre l'appartement où il vit dans la maison construite sur la parcelle G[Cadastre 4] et les deux pièces servant de débarras qui débordent sur la parcelle G[Cadastre 5]. L'appelant ne peut sérieusement et légitimement soutenir qu'il n'occupe que ces deux pièces sur la parcelle [Cadastre 5], alors que l'immeuble qui s'étend sur les parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5], occupe presque toute la parcelle [Cadastre 4] et que seules deux pièces (débarras) se trouvent sur la parcelle [Cadastre 5]. En effet, le tribunal a jugé de manière définitive qu'il occupait les deux pièces de l'immeuble G [Cadastre 4] et il s'agit en réalité des deux pièces situées sur la parcelle G[Cadastre 5]. Pour autant rectifier le jugement en ce sens, permettrait à l'appelant de soutenir qu'il paye deux indemnités d'occupation pour un même immeuble.
En effet, les photographies jointes au rapport d'expertise et le rapport lui-même mettent en évidence que les autres pièces de la maison (G[Cadastre 4]) sont occupées, puisqu'elles sont meublées, qu'elles sont prêtes à remplir leur usage (lits faits, tables propres, nappes, casseroles sur la gazinière, serviettes et tapis de bains dans la salle de bains, linge sur les fils, veste sur un dossier, provisions). Quoiqu'il en soit le jugement du 12 avril 2016 étant définitif, M. [T] [N] est condamné au paiement d'une indemnité d'occupation de l'appartement de deux pièces au premier étage de l'immeuble situé à [Adresse 8], cadastré G[Cadastre 4] après évaluation par l'expert.
D'ailleurs, s'il s'agissait d'une rectification d'erreur matérielle, elle ne saurait modifier les droits des parties et l'accord des parties est ainsi limité. Autrement dit, M. [T] [N] doit être débouté de sa demande tendant à réduire l'indemnité d'occupation mise à sa charge par le premier juge.
Quant à M. [R] [N], aucune demande tendant à l'augmentation de l'indemnité d'occupation ne figure dans le dispositif de ses conclusions. Le jugement du 12 avril 2016 est définitif y compris en ce qu'il limite de manière préjudiciable à M. [R] [N] et à la masse à partager, l'indemnité d'occupation due par M. [T] [N] à l'appartement du premier étage.
L'ordonnance a relevé, sans être contredite, cette erreur et le caractère définitif du jugement ; elle est confirmée en ce qu'elle a fixé au 12 avril 2016 le point de départ de
l'indemnité d'occupation de l'immeuble G418 situé à [Adresse 8] (les deux pièces) et en ce qu'elle a condamné M. [T] [N] au paiement d'une indemnité d'occupation de l'immeuble G[Cadastre 4] (l'appartement) d'[Localité 2] de 541,62 euros par mois à compter du 6 décembre 2016. Autrement dit, la décision est confirmée et M. [T] [N] qui habite dans la maison (parcelle G[Cadastre 4]) et occupe les deux pièces (parcelle G[Cadastre 5]) est débouté de ses demandes contraires. Il est de parfaite mauvaise foi puisque la maison litigieuse constitue son domicile - c'est son adresse.
Il n'est pas contesté que le sort de la somme de 60 000 francs français relève du juge du fond et le juge commis ne peut sans préjuger de la décision du juge du fond, comme sollicité, donner mission au notaire de procéder comme si elle avait servi à l'acquisition de l'immeuble sis [Adresse 1], donc comme si le juge du fond avait déjà tranché.
M. [T] [N] est débouté de cette demande.
L'appel est dilatoire.
M. [T] [N] qui succombe est condamné au paiement des dépens d'appel et d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il est débouté de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
- Confirme l'ordonnance déférée,
- Déboute M. [T] [N] de ses demandes,
- Condamne M. [T] [N] au paiement des dépens,
- Condamne M. [T] [N] à payer à M. [R] [N] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT