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08/06/2022 | FRANCE | N°21/00300

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile section 1, 08 juin 2022, 21/00300


Chambre civile

Section 1



ARRET N°



du 8 JUIN 2022



N° RG 21/00300 N° Portalis DBVE-V-B7F-CAZ2 MB - C



Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AJACCIO, décision attaquée en date du 03 Décembre 2020, enregistrée sous le n° 19/00034



S.A. SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT

R URAL DE LA CORSE



C/



[T]

Commune de [Localité 10]





Copies exécutoires délivrées aux avocat

s le









COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE CIVILE



ARRET DU



HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX







APPELANTE :



S.A. SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL DE LA...

Chambre civile

Section 1

ARRET N°

du 8 JUIN 2022

N° RG 21/00300 N° Portalis DBVE-V-B7F-CAZ2 MB - C

Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AJACCIO, décision attaquée en date du 03 Décembre 2020, enregistrée sous le n° 19/00034

S.A. SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT

R URAL DE LA CORSE

C/

[T]

Commune de [Localité 10]

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU

HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

APPELANTE :

S.A. SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL DE LA CORSE - SAFER

prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Paul EON, avocat au barreau de BASTIA

INTIMES :

M. [J] [T]

[Adresse 11]

[Localité 6]

Représenté par Me Myriam CARTA, avocat au barreau de BASTIA

COMMUNE DE [Localité 10]

représentée par son maire en exercice demeurant en ses bureaux en la mairie de [Localité 10]

Mairie

[Localité 10]

Représentée par Me Louis BUJOLI, avocat au barreau d'AJACCIO, plaidant en visioconférence

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 4 avril 2022, devant François RACHOU, Premier président, et Micheline BENJAMIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

François RACHOU, Premier président

Françoise LUCIANI, Conseillère

Micheline BENJAMIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Cécile BORCKHOLZ.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 8 juin 2022

ARRET :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par François RACHOU, Premier président, et par Françoise COAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant un acte administratif du 10 décembre 2013, la commune de [Localité 10], représentée par M. [D] [H], en qualité de maire de ladite commune, a vendu à M. [J] [T], une parcelle de terre située à [Localité 10] cadastrée section D n° [Cadastre 3] lieudit '[Localité 8]' d'une contenance de 10 hectares, moyennant le prix de 11.000 euros.

Le 29 juin 2018, Me [V], notaire, a notifié à la Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural de la Corse (SAFER) de la Corse, une déclaration d'intention d'aliéner portant sur un projet de vente par M. [J] [T] à M. et Mme [M] et [E] [Z], l'épouse née [W], de plusieurs parcelles de terre situées sur la commune de [Localité 6], ainsi que de la parcelle de terre située à [Localité 10] cadastrée section D n° [Cadastre 3], ci-dessus désignée, au prix total de 300.000 euros.

A cette occasion la SAFER de la Corse, après des échanges avec le notaire sur l'origine de propriété de la parcelle de terre située à [Localité 10] cadastrée section D n° [Cadastre 3], qui l'a informé de l'acte administratif de vente 10 décembre 2013,

considérant que cette vente a été passée en fraude de ses droits en l'absence de déclaration d'intention d'aliéner, a, par acte d'huissier du 19 décembre 2018, assigné devant le tribnal de grande instance d'Ajaccio, M. [T] et la commune de [Localité 10] en nullité et substitution de la vente passée suivant l'acte administratif du 10 décembre 2013, sus-visé.

Par jugement contradictoire du 03 décembre 2020, le tribunal judiciaire

d'Ajaccio a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'assignation pour défaut de publication formée par la commune de [Localité 10] ;

- déclaré l'action formée par la SAFER de la Corse irrecevable pour être forclose ;

- condamné la SAFER à payer à la commune de [Localité 10] et à M. [J] [T] la somme de 2.000 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAFER de la Corse aux dépens ;

- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires fondées par les parties ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration reçue le 21 avril 2021, la SAFER de la Corse a interjeté appel à l'encontre de M. [T] et de la commune de [Localité 10], en précisant les chefs critiqués de ce jugement.

Par ses conclusions notifiées le 20 juillet 2021, l'appelante demande à la cour, textuellement :

'Vu les dispositions des articles 1.143-1, L143-8, L412-8, L4l2-10, L412-12, R143-4, RI43-8, Rl43-9 du code rural et de la pêche

maritime ;

- Infirmer le jugement du Tribunal judiciaire d'Ajaccio du 3 décembre 2020 qui a déclaré prescrite l'action de la SAFER.

Faisant droit aux demandes de cette dernière :

- Prononcer l'annulation de l'acte administratif de vente du 10 décembre 2013, publié au bureau des hypothèques d'[Localité 4] le 24 décembre 2013 volume 2013 P n° 7875, par lequel la commune de [Localité 10] a vendu à Monsieur [J] [T] une parcelle cadastrée section D n° [Cadastre 3] sur la commune de [Localité 10] d'une superficie de 10 hectares moyennant un prix de 11 000 €.

- Dire et juger que la SAFER sera substituée à [J] [T] dans l'acquisition de ce bien aux mêmes charges et conditions que celles stipulées dans l'acte annulé.

- Renvoyer la commune de [Localité 10] devant le notaire choisi par la concluante pour régulariser l'acte de vente.

- Assortir cette obligation d'une astreinte de 500 € par jour de retard, un mois après la convocation du représentant de la commune par le notaire par lettre recommandée avec accusé de réception

- Condanmer solidairement les intimés à payer à la SAFER la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Les condamner aux dépens.'

Par ses conclusions notifiées le 13 octobre 2021, la commune de [Localité 10] demande à la cour, textuellement :

'VU l'article 30 du décret N° 55-22 du 04/01/1955

VU les articles R 143-10 et suivants du code rural applicables au présent litige

VU les articles 31 et 32 du code de procédure civile

VU l'article 1315 du code civil ancien applicable en l'espèce

VU l'article 1311-13 du code général des collectivités territoriales

- Donner acte à la concluante de ce qu'elle déclare s'en remettre à la sagesse de la Cour sur le bien fondé du jugement dont appel, déclarant forclose l'action de la SAFER.

Toutefois, dans l'hypothèse où la Cour infirmerait le jugement sur ce motif :

- Confirmer le jugement dont appel par les motifs suivants :

- Constater que l'assignation introductive d'instance n'a pas fait l'objet d'une publication à la Conservation des Hypothèques.

- Constater que la SAFER ne produit pas le pouvoir du Président du Conseil d'Administration de la SAFER et de son habilitation par le Conseil d'Administration pour exercer la procédure.

- Constater que la SAFER est dépourvue de l'intérêt pour agir en nullité de l'acte administratif de vente faute de disposer du droit de préemption.

En conséquence :

- Dire l'action de la SAFER irrecevable.

A titre subsidiaire

- Constater que la vente n'est pas soumise aux dispositions de la Loi 2014-1170 du 13/10/2014 dénommée « Loi d'avenir pour l'agriculture ».

- Constater qu'au jour de la vente, la notification de la déclaration d'aliéner n'était prévue qu'au profit du bénéficiaire du droit de préemption, savoir l'acquéreur.

- Constater que la demande de nullité de la vente est fondée sur l'absence de notification de l'intention d'aliéner.

- Constater que la Loi applicable antérieurement au 13/10/2014 ne prévoit pas la possibilité de solliciter la nullité de la vente pour absence de déclaration de l'intention d'aliéner.

- Constater par ailleurs que la vente a été consentie au preneur en place depuis plus de 3 ans.

En conséquence :

- Dire la demande de nullité de la vente en application des dispositions du code rural et de la pêche infondée.

- Constater que la demande de substitution de la SAFER, fondée sur la violation de l'information n'a été prévue que par la Loi N° 2014-1170 du 13/10/2014.

- Constater en outre que la SAFER n'a pas motivé sa décision de substitution.

En conséquence :

- Débouter purement et simplement la SAFER de ses demandes d'annulation et de substitution.

En toute hypothèse :

- Dire la demande d'annulation de l'acte infondée, la nullité invoquée par la SAFER n'étant prévue par aucun texte.

- Dire que le défaut de déclaration de l'intention d'aliéner, non obligatoire au jour de l'acte n'est, en toute hypothèse, pas constitutif d'une fraude.

En conséquence :

- Débouter la SAFER de ses demandes fins et conclusions injustes et infondées.

Reconventionnellement

- Constater que la demande de la SAFER n'a pas été précédée d'une demande de résolution amiable du litige.

- Constater que la SAFER n'a même pas motivé sa demande de substitution alors qu'elle était en pleine connaissance de ce qu'elle ne bénéficiait pas du droit de préemption.

En conséquence :

- Dire la demande de la SAFER abusive.

- La condamner à payer à la Commune de [Localité 10] la somme de 5000 € (cinq mille €) en réparation du préjudice occasionné.

- La condamner aux entiers dépens ainsi qu'à 4000 € (quatre mille €) au titre des frais irrépétibles.'

Par ses conclusions notifiées le 19 octobre 2021, M. [T], demande à la cour, au visa des articles L 141-1-1 et L 143-6 du Code Rural et de la pêche, de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- débouter la SAFER de la Corse de sa demande de nullité de la vente du 10 décembre 2013 du fait de l'irrecevabilité de celle-ci et de la forclusion de son action.

Subsidiairement,

- débouter la SAFER de la Corse de ses demandes de nullité ou substitution, faute de base légale applicable,

- débouter la SAFER de la Corse de ses fins et demandes en ce sens,

- la débouter en outre de toutes ses conclusions plus amples ou contraires,

- la condamner à lui payer la somme de 4.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été ordonnée au 02 février 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions sus-visées et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle que les 'constater', ainsi que les 'dire que' formulés dans les dispositifs de conclusions des parties, ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert, hormis les cas prévus par la loi, il n'y a donc pas lieu de répondre à celles-ci.

Sur la forclusion

Le tribunal a rappelé les dispositions des articles L 412-12 et L141-1 du code rural et de la pêche maritime et a relevé qu'en l'espèce, la publication de la vente consentie par acte administratif du 10 décembre 2013 avait été effectuée à la conservation des hypothèques d'Ajaccio le 24 décembre 2013.

Il a retenu que la SAFER disposait d'un droit d'action de six mois à compter du 24 décembre 2013, soit jusqu'au 24 juin 2014 et a considéré que l'action introduite plus de 5 après cette date était forclose.

Devant la cour, l'appelante conteste la décision du premier juge qui a considéré que le délai de 6 mois de l'article L412-12 du code rural devait courir à compter du jour de la publication à la conservation des hypothèques de l'acte administratif de vente, en faisant valoir qu'il ne pouvait se dispenser, sous couvert de forclusion, se dispenser d'examiner ses moyens d'annulation, dans la mesure où la date de la vente litigieuse n'a jamais été effectivement portée à sa connaissance.

La SAFER invoque un arrêt de la Cour de Cassation du 12 mai 2016, aux termes duquel il a été jugé que « ...la publication de l'acte de vente à la conservation des hypothèques ne fait pas, à elle seule, courir le délai de forclusion prévu par le texte susvisé, lequel suppose, de la part du titulaire du droit de préemption méconnu, la connaissance effective de la date de la vente... ''.

Elle souligne que dans cette espèce le titulaire du droit de préemption avait eu connaissance de la vente passée en fraude de ses droits au moment de l'affichage en mairie de la décision de rétrocession du bien et n'avait pas agi dans les six mois de cet affichage.

Elle ajoute que la Cour de Cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Lyon ayant déclaré l'action en annulation forclose en indiquant textuellement « ...sans caractériser la connaissance de cette date (celle de la vente) qui ressortirait de la

réception par M. [C] [P]...du relevé parcellaire ou de l'affichage en mairie de la décision de rétrocession qui ne fait pas à lui seul courir le délai de six mois contre une personne à qui la décision qu'elle entend contester n 'a pas été notifiée, la Cour d'appel n 'a pas donné de base légale à sa décision ; ''.

L'appelante précise, en outre, qu'en l'espèce le titulaire d'un bail rural reprochait à son propriétaire d'avoir vendu à une SAFER sans purger son droit de préemption et la Cour de cassation a jugé qui ni la publication de la vente à la conservation des hypothèques ni l'affichage de la proposition de rétrocession puis de la rétrocession elle-même, n'avaient fait courir le délai de six mois de l'article L412-12 du code rural.

De son côté, M. [T] soulève à nouveau la forclusion de l'action formée par la SAFER de la Corse, en reprenant ses moyens et arguments de première instance, retenus par le premier juge.

L'intimé se prévaut des dispositions de l'article L 141-1-1 du code rural et de la pêche maritime et affirme que l'appelante avait un délai de 6 mois à compter de la publicité de la vente pour agir en nullité ;

Il précise que l'acte litigieux a été oublié à la conservation des hypothèques d'[Localité 4] le 24 décembre 2013, volume 2013P n° 7875 et affirme qu'en conséquence, la SAFER disposait d'un délai de 6mois à compter de cette date, soit jusqu'au 24 juin 2014.

Répliquant à l'appelante qui oppose une jurisprudence de la Cour de Cassation du 12 mai 2016, M. [T] souligne qu'en l'espèce, c'est le titulaire d'un bail rural qui reprochait à son propriétaire d'avoir vendu à une SAFER sans purger son droit de préemption et non le contraire.

Il ajoute que le droit de préemption de la SAFER ne primant pas sur celui du preneur à bail rural, cette jurisprudence ne trouve pas à s'appliquer dans cette instance car celui-ci pourrait se prévaloir de cette jurisprudence en sa qualité de preneur à bail rural qui exploite depuis plus 3 ans.

La commune de [Localité 10] déclare s'en remettre à la sagesse de la cour sur le bien fondé du jugement dont appel, déclarant forclose l'action de l'appelante.

La cour relève qu'il convient de retenir, comme la jurisprudence de la Cour de Cassation, laquelle, au surplus a jugé en ce sens postérieurement à l'arrêt du 12 mai 2016, invoqué par l'appelante, que le délai de six mois, accordé au preneur en place ou à la SAFER pour agir en nullité d'une opération intervenue en méconnaissance de leur droit de préemption, aux termes de l'article L. 412-12 du code rural et de la pêche maritime, court du jour où ils ont eu une connaissance effective de sa date.

En l'espèce, pour déclarer l'action de la SAFER irrecevable, le tribunal a considéré que la publicité foncière avait pour finalité de rendre les actes de ventes immobilières à

la connaissance des tiers et par là opposable en ce compris la SAFER, et retenu qu'en conséquence, cette dernière disposait d'un droit d'action de 6 mois à compter de la date de publication de la vente litigieuse à la conservation des hypothèques.

Or, en statuant ainsi, alors que la publication de l'acte de vente à la conservation des hypothèques (aujourd'hui service de la publicité foncière) ne fait pas, à elle seule, courir le délai de forclusion prévu par l'article L 412-12 précité, qui suppose, de la part du titulaire du droit de préemption méconnu, la connaissance effective de la date de la vente.

Au vu des éléments et pièces versés aux débats, la SAFER a eu connaissance de la vente du 10 décembre 2013 à l'occasion de la notification que lui a adressée le notaire, Me [V], le 29 juin 2018, du projet d'aliénation par M. [T] aux époux [Z]/[W] de la parcelle litigieuse, sur laquelle la SAFER étant titulaire d'un droit de préemption, ainsi qu'il est justifié par la production de la déclaration d'aliéner et de la lettre de Me [V] à la SAFER CORSE du 24 août 2018.

En outre, il résulte, de l'article R 143-8 du code rural et de la pêche maritime, que l'obligation de notification préalable de l'intention de vendre s'applique, aux ventes intervenant sans le concours d'un notaire, donc, à défaut de dispositions contraires, à la vente litigieuse consentie par la commune de [Localité 10].

Par ailleurs, l'article R 143-9 2°, du même code, prévoit que 'les aliénations consenties au profit des bénéficiaires de droit de préemption primant celui de la société en application des articles L 143-6 et L 143-8, doivent également faire l'objet d'une déclaration d'intention d'aliéner adressée préalablement à la SAFER, par 'le notaire ou la personne chargée de dresser l'acte d'aliénation', comme stipulé au 1er alinéa de l'article précité, de sorte que M. [T] ne peut valablement opposer le droit de préemption primant celui de la SAFER, en alléguant de sa qualité de preneur à bail, ce qui ne dispensait pas le maire de la commune de [Localité 10] de respecter les dispositions rappelées ci-dessus.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'action en nullité de la SAFER de la Corse, introduite par assignation signifiée le 19 décembre 2018, tant à M. [T] qu'à la commune de [Localité 10], soit avant l'expiration du délai légal de six mois, n'est pas forclose.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris sur ce point.

Sur le défaut de publication de l'assignation

Le tribunal a, au vu des dispositions des articles 771 et 73 du code de procédure civile, retenu que la demande de nullité de l'assignation pour défaut de publication devait être considérée comme une exception de procédure, relevant de la compétence du juge de la mise en état.

Il a relevé qu'en l'espèce, la commune de [Localité 10] n'avait pas saisi le juge de la mise en état d'une éventuelle demande de nullité de l'assignation et que dès lors,

l'exception tendant à obtenir l'irrecevabilité de l'assignation devant le tribunal était irrecevable.

En cause d'appel, la commune de [Localité 10] soulève à nouveau l'irrecevabilité de l'assignation pour défaut de publication, en se fondant sur les dispositions du décret n°55-22 du 04 janvier 1955.

Elle souligne une contradiction entre les motifs et le dispositif du jugement entrepris, le défaut de publication étant qualifié dans les motifs, comme étant une exception de procédure, alors que le dispositif la définie comme une fin de non-recevoir.

L'intimée fait valoir que l'article 789 du code de procédure civile a été modifié par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 et donne compétence au juge de la mise en état jusqu'à son dessaisissement, pour statuer sur les fins de non-recevoir, toutefois, l'article 55 de ce décret prévoit que le nouvel article 789 ne s'applique qu'aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, alors que le présent litige a été introduit suivant assignation du 19 décembre 2018.

Au vu de leurs écritures, les autres parties ne formulent pas d'observations particulières sur ce moyen.

La cour rappelle qu'aux termes du paragraphe 5 de l'article 30

du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, portant réforme de la publicité foncière, '5. Les demandes tendant à faire prononcer la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision de droits résultant d'actes soumis à publicité ne sont recevables devant les tribunaux que si elles ont été elles-mêmes publiées conformément aux dispositions de

l'article 28-4°, c, et s'il est justifié de cette publication par un certificat du service chargé de la publicité foncière ou la production d'une copie de la demande revêtue de la mention de publicité'.

Il est aussi relevé que, d'une part, le défaut de publication de l'assignation en demande de nullité d'une vente immobilière constitue une fin de non-recevoir, d'autre part, cette formalité peut être régularisée à tout moment jusqu'a ce que le juge statue.

Or, en l'espèce, l'appelante produit (pièce 9), une copie de son assignation du 19 décembre 2018, revêtue de la mention de publicité foncière, aux termes de laquelle, cette formalité a été effectuée le 29 septembre 2020 au Service de Publicité Foncière et de l'Enregistrement (SPFE) sous les références volume 2404P31 2020 P n° 6223.

Au vu du jugement entrepris, l'audience des débats s'est tenue le 01 octobre 2020 et le juge a statué le 03 décembre 2020, soit postérieurement à la date de la régularisation de la formalité de publication au service de la publicité foncière, de l'assignation du 10 décembre 2013.

Dans ces conditions, l'intimée ne peut valablement se prévaloir d'une fin de non-recevoir de la demande de nullité de la vente litigieuse pour défaut de publication de l'assignation dont s'agit.

Il y a donc lieu de confirmer, par substitution de motifs, le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté cette fin de non-recevoir formée par la commune de [Localité 10].

En outre, s'agissant des représentants légaux de la SAFER de la Corse dans cette assignation, il convient de relever que la SAFER produit (pièce 8), une délibération n° 17/004 SC du 09 juin 2017 du conseil d'administration réuni cette date, confirmant la nomination du Directeur Général Délégué de la SAFER de Corse avec le renouvellement à ce dernier des pouvoirs énumérés, dont au 12 ème point, la représentation de la société en justice et l'exercice de toutes actions judiciaires.

Sur la nullité de la vente du 10 décembre 2013

La SAFER sollicite à nouveau, l'annulation de l'acte administratif de vente du 10 décembre, en invoquant, des moyens et arguments se rapportant, d'une part à l'acte administratif lui-même, d'autre part, à la fraude portée à ses droits de la SAFER.

Sur la vente par un acte administratif, elle rappelle que cette procédure est autorisée par l'article Ll2l 2-1 du code général de la propriété des personnes publiques, lequel confère aux maires des attributions d'ordre notarial en leur permettant de rédiger eux-mêmes un acte en la forme administrative.

Elle précise que quand un maire authentifie un acte, la commune partie à l'acte est représentée, lors de la signature de l'acte par un adjoint, en effet le maire, officier

ministériel, joue le rôle du notaire et reçoit les deux parties à l'acte, à savoir, la commune, représentée par l'adjoint désigné par la délibération, et le cocontractant, le preneur.

Elle fait valoir qu'en l'espèce, cette obligation n'a pas été remplie puisque le maire est intervenu à la fois comme signataire de l'acte au nom de la commune et comme autorité authentifiant l'acte administratif du 10 décembre 2013 lequel apparaît donc irrégulier et soutient que cet acte est de ce seul fait, nul et de nullité absolue.

Sur la fraude à ses droits, la SAFER expose que le dispositif légal prévu par les articles L 143-1 du code rural et de la pêche maritime, instituant un droit de préemption de la SAFER, L 412-8, R 143-4, R 143-8, R 143-9, L 412-10, L 412-12 du même code, applicable au jour de la vente du 10 décembre 2013, vise non seulement à permettre à la SAFER d'exercer son droit de préemption dans les cas où celui-ci n'était pas contesté mais également dans les hypothèses où il serait allégué d'une

exemption qu'elle entendrait contester.

Elle fait valoir que la vente au titulaire d'un bail à ferme, dont le droit de préemption prime celui de la SAFER, doit être préalablement notifiée à cette dernière avec tous les justificatifs nécessaires.

Elle précise que celle-ci dispose alors d'un délai de deux mois, durant lequel elle peut procéder à diverses vérifications, avant de faire connaître sa position, si elle ne fait valoir aucune observation elle est réputée admettre la réalité de l'exemption qui lui a été

notifiée en l'espèce de la qualité d'agriculteur et titulaire d'un bail à ferme sur le bien vendu, à l'inverse si elle estime pouvoir contester l'exemption elle notifie à la personne chargée de rédiger l'acte de vente, en 1'espèce le maire de la commune, sa décision d'exercer son droit de préemption.

La SAFER soutient qu'en l'espèce celle-ci a été mise dans l'impossibilité d'exercer ce contrôle et de prendre une décision en connaissance de cause, en soulignant que les SAFER assurent une mission de service public et pour cela, disposent de prérogatives leur permettant d'être informées de toutes les aliénations de biens à vocation agricoles même lorsque ces aliénations sont supposées échapper à leur droit de préemption.

Elle ajoute que dans le cas d'espèce celle-ci aurait dû pouvoir exercer un contrôle sur la situation réelle de l'acheteur, M. [J] [T], au moment de la vente afin de vérifier si ce dernier bénéficiait réellement d'un droit de préemption primant celui de la SAFER.

L'appelante souligne qu'il résulte des pièces produites que M. [T] est né le 2 octobre 1932 et était donc âgé de 81 ans au jour de la vente, le l0 décembre 2013.

Elle relève que dans l'extrait des délibérations du conseil municipal du 2 mars 2013, il est précisé que M. [T] a cédé son cheptel à un autre agriculteur ce qui suppose qu'il a cessé son activité.

Elle relève aussi qu'il résulte du renouvellement de bail de 1996, communiqué à la SAFER par le notaire, Me [V], que M. [T] était titulaire d'un bail rural sur le bien vendu jusqu'à l'année 2005.

La SAFER ajoute qu'elle a interrogé la MSA pour connaître la situation de M. [T] au jour de la vente et elle rapporte la réponse :

« Suite à votre demande du 26/09/2019 relative à la situation de monsieur [T] [J], né le 02/10/1932 nous vous informons que monsieur [T] a été affilié comme chef d'exploitation pour la période allant du 01/01/1974 au 30/09/1997.

Titulaire de son avantage retraite, sans conservation de parcelle de subsistance depuis le 01/1]/1997.'

Elle fait valoir qu'il résulte de cette réponse que M. [T] n'était plus agriculteur en 2005, lorsque son bail à ferme est arrivé à expiration et que ce bail à ferme n'a pas pu être renouvelé, comme le laissent entendre les intimés, et être encore en vigueur en 2013, au moment de la vente.

Elle ajoute que celle-ci aurait donc pu exercer son droit de préemption, M. [T] ne pouvant plus se présenter comme preneur en place et soutient qu'il importe peu que ce dernier, qui n'était plus agriculteur actif, se soit maintenu dans les lieux puisque le bail n'avait plus de caractère rural et que seul le preneur à bail rural dispose d'un droit de préemption primant celui de la SAFER.

De son côté, M. [T] conclut sur la forme de l'acte administratif, qu'aucune irrégularité ne peut être relevée en se prévalant de la délibération du conseil municipal de la commune de [Localité 10] du 05 octobre 2013, qui prévoit la rédaction d'un acte administratif.

L'intimé réplique qu'il est normal à voir un maire représenter sa commune et que la loi donne la faculté de rédiger des actes translatifs de propriété immobilière en leur conférant la même force probante qu'un acte authentique.

Il ajoute que lorsqu'un acte est passé par un représentant, le seul élément à considérer pour la validité de l'acte, est la qualité du mandant, à savoir la personne qui a donné l'habilitation et le pouvoir.

Il précise n'avoir aucun lien de parenté avec le maire en place à l'époque.

Sur le fond, M. [T] réplique, d'une part, que si la déclaration d'intention d'aliéner n'a pas été adressée à la SAFER, aucune sanction n'est prévue en l'absence d'accomplissement de cette formalité, d'autre part, l'appelante ne peut bénéficier d'un droit de préemption, faute de pouvoir primer les droits d'un preneur, au visa de l'article L 143-6 du code rural et de la pêche maritime.

L'intimé soutient qu'il était preneur à bail rural au moment de la vente et se prévaut de sa qualité d'exploitant agricole, en s'appuyant sur les pièces versées aux débats, un bail

du 31 juillet 1978, renouvelé le 19 décembre 1996 pour 9 années en exécution d'une délibération du conseil municipal de la commune de [Localité 10] du 12 octobre 1996, moyennant une redevance de 1180 francs/an.

Il se prévaut aussi d'éléments de faits, pour apporter la preuve de sa qualité d'ancien exploitant agricole, notamment, de pièces attestant la réalité des paiements pour la période concernée (copie de chèques de fermage 2010, 2011 et 2012, relevés de comptes, attestation de la trésorerie de Vico-Evisa), ainsi que des attestations de 9 agriculteurs sur place, pour prouver sa présence en tant qu'agriculteur.

La commune de [Localité 10] soutient que les demandes de la SAFER basées sur l'absence de notification de déclaration d'intention d'aliéner instituée par la loi du 13 octobre 2014 sont infondées au motif que cette dernière ne bénéficiait pas du droit de préemption.

Elle fait valoir qu'avant la loi du 13 octobre 2014 la déclaration d'aliéner ne devait être notifiée à la SAFER que si celle-ci bénéficiait du droit de préemption, la vente litigieuse étant postérieure à cette loi.

L'intimée soutient aussi que la SAFER ne pouvait exercer son droit de préemption en présence d'un preneur en place, en faisant valoir que M. [T], preneur en place depuis plus de 3 ans, était bénéficiaire d'un bail rural d'origine en date du 31 juillet 1979, puis renouvelé en 1996 et poursuivi par tacite reconduction jusqu'à la vente litigieuse.

Elle ajoute que le fait que le preneur ait pris sa retraite n'a pas pour conséquence d'empêcher le renouvellement du bail et que le preneur en place qui a atteint l'âge de la retraite peut décider de l'exploitation ou de résilier son bail, en rappelant les dispositions des articles L 411-33 et L 411-64 du code rural.

Elle fait valoir que la sanction du défaut d'information au visa de l'article L 141-1 non applicable en l'espèce, lorsque la SAFER ne bénéficie pas du droit de préemption est une amende et non la nullité de la vente.

Sur la demande de substitution, elle conclut, d'une part, que la demande de nullité de la vente n'étant pas fondée, la SAFER ne saurait solliciter sa substitution à l'acquéreur, d'autre part, l'article L 412-10 n'autorise en aucune façon la substitution pour une violation de l'obligation d'information.

Elle invoque aussi l'absence de motivation de la décision de substitution, au visa de l'article L 143-3 du code rural.

Sur la nullité de l'acte de vente administratif, l'intimée soutient que cette demande est irrecevable, indépendamment de l'irrecevabilité de l'assignation et en outre infondée.

Elle invoque le défaut d'intérêt de la SAFER en l'absence de droit de préemption et fait valoir que l'acte de vente a été passé en la forme administrative en vertu d'une

délibération du 05 octobre 2013 versé aux débats, même si une délibération antérieure avait prévu une vente par devant notaire.

Elle soutient aussi le fait que la commune doive être représentée par un adjoint n'a pour finalité que de permettre d'observer la neutralité du maire et donc la satisfaction d'un intérêt privé.

L'intimée fait valoir que seules les parties à l'acte peuvent en bénéficier et l'invoquer, la SAFER ne saurait donc se prévaloir des dispositions de l'article 1311-13 du code général des collectivités territoriales.

Sur la fraude alléguée par la SAFER, elle réplique que les affirmations de cette dernière ne repose que sur des suppositions et démontrent que celle-ci est dans l'impossibilité de rapporter la preuve d'une quelconque fraude, en soutenant à nouveau, notamment, que la preuve de la qualité du preneur est rapportée, le bail renouvelé en 1996 n'ayant jamais fait l'objet d'une résiliation avant la vente.

Elle invoque l'absence de spéculation de la commune et l'abus de droit de la SAFER, au motif, notamment, que celle-ci avait pleine connaissance qu'elle ne disposait pas d'un droit de préemption en présence d'un preneur en place depuis plus de 3 ans.

Au vu des moyens et arguments présentés par les intimés, se prévalant de la qualité de preneur à bail rural de M. [T], il convient de statuer sur la question du bail rural.

Sur le bail rural

Il est rappelé qu'aux termes des dispositions de l'alinéa 1de l'article L 2241-1 du code général de la propriété des personnes publiques 'Le conseil municipal délibère sur la gestion des biens et les opérations immobilières effectuées par la commune, sous réserve, s'il s'agit de biens appartenant à une section de commune, des dispositions des articles L. 2411-1 à L. 2411-19", de sorte que tous actes de gestion domaniale, notamment la location des biens communaux. doivent être précédées d'une délibération autorisant le maire à cet effet.

En l'espèce, il est relevé que s'il est versé aux débats, une délibération du conseil municipal de la commune de [Localité 10] du 12 octobre 1996, acceptant le renouvellement pour une durée de NEUF ANS, du bail à ferme consenti à M. [J] [T], en date du 31 juillet 1978 arrivant à expiration, les intimés ne produisent aucune délibération du conseil monopole postérieur autorisant une nouvelle reconduction ou un nouveau bail à ferme au profit de M. [J] [T].

En outre, il résulte de l'examen du renouvellement du bail à ferme fait le 1er août 1996, entre MM. [L] et [J] [T], que ce contrat ne contient aucune clause de reconduction tacite et stipule une durée de neuf années qui se sont terminées le 1er août 2005.

Par ailleurs, l'acte administratif litigieux, d'une part, ne fait état, dans aucun de ses paragraphes, de l'existence d'un bail rural et, au surplus, stipule au paragraphe PROPRIETE-JOUISSANCE que la partie acquéreur 'aura la jouissance à partir ce jour par la prise de possession réelle', de sorte qu'il en est déduit que l'acquéreur n'occupait pas la parcelle objet de la vente préalablement à la mutation à son profit.

Comme souligné, à juste titre par l'appelante, au vu de la lettre de la Mutualité Sociale Agricole MSA de la région Corse du 3 octobre 2019, adressée à l'appelante, M. que M. [J] [T] était 'Titulaire de son avantage retraite, sans conservation de parcelle de subsistance depuis le 01 novembre 1997.

La cour relève aussi que les neuf attestations de témoins produites par M. [T] (pièces 8 à 16), outre quelles sont toutes établies avec des termes identiques, en déclarant 'avoir vu M. [J] [T] exercer son activité d'exploitant agricole en état présent sur ses terrains, lieux-dits [Localité 5], [Localité 7], [Localité 12], [Localité 9], [Localité 8], jusqu'à l'été 2018 sans discontinuer', n'établissent pas que ce dernier était titulaire d'un bail rural sur la parcelle de terre concernée et au moment de la vente en 2013, de même, notamment, que les 3 copies de chèques, respectivement du 04 mars 2010, 22 mars 2011 et 08 mars 2012.

Au vu de l'ensemble de ces éléments et pièces, les intimés ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un bail rural au profit de M. [T].

Sur la vente par acte administratif

A titre liminaire, en l'absence de toute contestation, la cour rappelle la compétence exclusive du juge judiciaire en matière de ventes immobilière et relève, au vu de l'acte administratif du 10 décembre 2013, que la parcelle de terre litigieuse objet de la vente par la commune de [Localité 10], faisait partie de son domaine privé.

En outre, il convient se souligner que, si en vertu de l'article L. 1212-1 du code général de la propriété, les collectivités territoriales peuvent recourir à la procédure de l'acte en la forme administrative pour vendre, acquérir ou échanger des biens immobiliers, cette procédure suppose néanmoins le respect d'un formalisme strict lors de la rédaction de l'acte, notamment des dispositions de l'article L1311-13 du code général des collectivités territoriales.

Aux termes de l'article L1311-13 précité, en vigueur du 01 janvier 2013, 'Les maires, les présidents des conseils généraux et les présidents des conseils régionaux, les présidents des établissements publics rattachés à une collectivité territoriale ou regroupant ces collectivités et les présidents des syndicats mixtes sont habilités à recevoir et à authentifier, en vue de leur publication au fichier immobilier, les actes concernant les droits réels immobiliers ainsi que les baux, passés en la forme administrative par ces collectivités et établissements publics.

Lorsqu'il est fait application de la procédure de réception et d'authentification des actes mentionnée au premier alinéa, la collectivité territoriale ou l'établissement public partie à l'acte est représenté, lors de la signature de l'acte, par un adjoint ou un vice-président dans l'ordre de leur nomination.'

Or, en l'espèce, l'examen de l'acte administratif de vente du 10 décembre 2013 permet d'établir que, d'une part, la commune de [Localité 10] est représentée par 'Monsieur [D] [Y] [H], pris en qualité de maire de ladite commune', d'autre part, cet acte, signé par deux personnes, l'acquéreur M. [T] ('L'Aquereur') et M. [D] [Y] [H] ('Le maire'), a été reçu par ce dernier.

Au vu de ces éléments, le maire est intervenu à la fois au nom de la commune et comme autorité authentifiant l'acte administratif, en violation des dispositions de l'article L1311-13 précité, dès lors, le non-respect de ces dispositions légales, rappelées ci-dessus et dont se prévaloir la SAFER, contrairement aux allégations de l'intimée, une cause de nullité de cet acte de vente, comme le relève à juste titre l'appelante.

Sur la fraude aux droits de la SAFER

Comme rappelé ci-dessus en vertu des dispositions des articles R 143-8 et R 143-9 du code rural et de la pêche maritime, le maire de la commune de [Localité 10] avait l'obligation, préalablement à la vente du 10 décembre 2013, de notifier à la SAFER la vente projetée de la parcelle de terre dont s'agit à M. [T], ainsi que fournir à la SAFER les informations et justificatifs prévus par l'article R143-9 précité, dans le cas ou cette

aliénation serait consentie au profit des bénéficiaires de droit de préemption primant celui de la SAFER.

Or, en l'espèce, cette obligation légale n'a pas été respectée par la commune de [Localité 10], de sorte que la SAFER de la Corse n'a pu exercer ses prérogatives lui permettant de contrôler et vérifier la réalité de l'exemption de son droit de préemption alléguée par les intimés.

En outre, ainsi qu'il résulte de l'examen ci-dessus, des pièce versés aux débats, les intimés ne justifient pas de la qualité de preneur à bail rural de M. [J] [T], qui ne démontre pas être titulaire d'un bail rural écrit ou verbal, sur la parcelle de terre dont s'agit à la date de la vente, soit le 10 décembre 2013, et donc droit de préemption en qualité de preneur à bail rural pouvant primer celui de la SAFER à ce titre.

Au vu de ces éléments, l'appelante aurait donc pu exercer son droit de préemption légal sur la parcelle de terre objet de la vente réalisée par l'acte administratif du 10 décembre 2013, en fraude aux droits de la SAFER.

Il y a lieu, en conséquence, de prononcer l'annulation de cet acte et, comme peut le prétendre la SAFER, en vertu des dispositions de l'article L 412-10 du code rural et de la pêche maritime, de substituer cette dernière à M. [T] en qualité d'acquéreur aux conditions stipulés dans l'acte administratif du 10 décembre 2013.

A l'effet de régulariser cette vente, la commune de [Localité 10] sera renvoyée devant le notaire de l'appelante et au vu de l'ancienneté de cette affaire, il sera fait droit à la demande d'astreinte de cette dernière, dans la limite de 300 euros par jour de retard.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la SAFER de le Corse, le jugement entrepris sera donc infirmé en ses dispositions à ce titre et les intimés seront condamnés solidairement à payer à l'appelante, la somme de 4.000 euros, sur ce même fondement.

Les intimés, parties perdantes, supporteront solidairement, les entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré l'action formée par la SAFER de la Corse irrecevable pour être forclose ;

- condamné la SAFER à payer à la commune de [Localité 10] et à M. [J] [T] la somme de 2.000 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAFER de la Corse aux dépens.

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déboute M. [J] [T] de sa fin de non-recevoir tirée de la forclusion ;

Prononce l'annulation de l'acte administratif du 10 décembre 2013, de vente par la commune de [Localité 10] à M. [J] [T], d'une parcelle cadastrée située [Localité 10], cadastrée section D n° [Cadastre 3] lieudit '[Localité 8]' pour une superficie de 10 hectares, moyennant le prix de onze mille euros (11 000 €), ledit acte publié à la conservation des hypothèques d'[Localité 4] le 24 décembre 2013 volume 2013 P n° 7875 ;

Déclare que la SA Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural (SAFER) de la Corse sera substituée à M. [J] [T] dans l'acquisition de parcelle cadastrée située [Localité 10], cadastrée section D n° [Cadastre 3] lieudit '[Localité 8]' aux mêmes charges et conditions que celles stipulées dans l'acte administratif du 10 décembre 2013, annulé ;

Renvoie la commune de [Localité 10] devant le notaire choisi par la SAFER de la Corse, pour régulariser cet acte de vente ;

Assortit cette obligation d'une astreinte de trois cents euros (300 €) par jour de retard, un mois après la convocation du représentant de la commune par le notaire par lettre recommandée avec accusé de réception ;

Y ajoutant,

Condamne solidairement la commune de [Localité 10] et M. [J] [T] à payer à la SAFER de la Corse, la somme de quatre mille euros (4 000 €), au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les procédures de première instance et d'appel ;

Déboute les parties de tous autres chefs de demandes ;

Condamne solidairement la commune de [Localité 10] et M. [J] [T] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile section 1
Numéro d'arrêt : 21/00300
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;21.00300 ?
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