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08/06/2022 | FRANCE | N°21/00144

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale, 08 juin 2022, 21/00144


ARRET N°

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08 Juin 2022

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N° RG 21/00144 - N° Portalis DBVE-V-B7F-CBJ5

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[V] [F]

C/

INDIVISION [T] [C]





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Décision déférée à la Cour du :



20 mai 2021

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO

19/00237

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COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU : HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX



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APPELANTE :



Madame [V] [F]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Joëlle GUIDERDONI, avocat au barreau d'AJACCIO

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/001715 du 26/08/2021 accord...

ARRET N°

-----------------------

08 Juin 2022

-----------------------

N° RG 21/00144 - N° Portalis DBVE-V-B7F-CBJ5

-----------------------

[V] [F]

C/

INDIVISION [T] [C]

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

20 mai 2021

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO

19/00237

------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

APPELANTE :

Madame [V] [F]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Joëlle GUIDERDONI, avocat au barreau d'AJACCIO

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/001715 du 26/08/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)

INTIME :

INDIVISION [T] [C], représentée par M. [D] [C]

N° SIRET : 312 229 925 00010

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Marylène CAMMILLI-BUCQUET, avocat au barreau d'AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 mars 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre,

Madame COLIN, Conseillère

Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 01 juin et prorogé au 08 juin 2022

ARRET

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- Signé par Madame BETTELANI, vice-présidente placée auprès M. Le premier président, pour Monsieur JOUVE, Président de chambre empêché et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

***

EXPOSE DU LITIGE

Madame [V] [F] a été embauchée par Monsieur [D] [C], ès qualités de représentant de l'indivision [T] [C], en qualité de serveuse au café restaurant à enseigne 'Le Trou dans le Mur', suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet du 6 mars 2019.

Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants.

Selon ordonnance du 9 octobre 2019, la formation de référé du conseil de prud'hommes d'Ajaccio a :

-donné acte à Madame [F] de ce que l'indivision [C] [T] avait remis avant l'audience les bulletins de salaire de mars 2019 à septembre 2019 ainsi que la remise de l'attestation de salaire de la CPAM,

-l'y a condamnée en tant que de besoin,

-renvoyé les parties à se pourvoir devant le juge du fond pour le surplus des demandes et notamment la demande provisionnelle ainsi que sur la remise de bulletins de salaire pour la période antérieure au contrat à durée indéterminée,

-mis les dépens à la charge de la succession [C].

Madame [V] [F] a saisi le conseil de prud'hommes d'Ajaccio par requête reçue le 13 décembre 2019, de diverses demandes (dont une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail).

Après entretien préalable au licenciement fixé au 23 décembre 2020, Madame [V] [F] s'est vue notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 8 janvier 2021.

Selon jugement du 20 mai 2021, le conseil de prud'hommes d'Ajaccio a :

-débouté Madame [F] de l'intégralité de ses demandes,

-condamné Madame [F] aux entiers dépens.

Par déclaration du 16 juin 2021 enregistrée au greffe, Madame [V] [F] a interjeté appel de ce jugement, aux motifs qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes, et l'a condamnée aux entiers dépens.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 23 août 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame [V] [F] a sollicité :

-d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Ajaccio du 20 mai 2021 en ce qu'il a l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes,

-statuant de nouveau : de prononcer la résiliation du contrat de travail de Madame [F] aux torts de son employeur, l'indivision [C], et de le condamner à lui régler les sommes suivantes : 3.424,90 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1.712,15 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 428 euros à titre de congés payés sur préavis, 1.049,80 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, 428 euros à titre d'indemnité légale de licenciement (1 an d'ancienneté), 3.000 euros en réparation du préjudice distinct, 3.586,19 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, 10.274,70 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire et de l'amplitude horaire, remise de divers documents: attestation Pôle emploi et certificat de travail rectifiés ainsi que la notice d'information prévoyance et ce sous astreinte de 50 euros par jours de retard et par document, 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-de condamner l'employeur aux entiers dépens.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 21 octobre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, l'indivision [C] [T], représentée par Monsieur [D] [C], a demandé:

-de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes de Madame [F],

-de condamner Madame [V] [F] au règlement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 4 janvier 2022 et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 8 mars 2022, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 1er juin 2022, prorogé au 8 juin 2022.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de constater que la déclaration d'appel contient manifestement une pure erreur matérielle, afférente à l'intimée qui ne se dénomme pas Monsieur Indivision [C], mais l'indivision [T] [C], représentée par Monsieur [D] [C].

Sur le fond, s'il est constant aux débats que les parties ont été liées par un contrat de travail à durée indéterminée à effet du 6 mars 2019, elles s'opposent sur l'existence d'une relation de travail antérieure à compter du 18 novembre 2018.

Après avoir rappelé qu'un contrat de travail se définit habituellement comme une convention par laquelle une personne s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant rémunération, tandis qu'il est désormais admis qu'en présence d'une prestation de travail et d'un lien de subordination, le juge ne peut écarter l'existence d'un contrat de travail au seul motif d'une absence de rémunération, la cour constate que les éléments produits par Madame [F], notamment les diverses attestations (dont une seule, émanant de Monsieur [E], autre salarié de l'entreprise, sera écartée des débats par la cour, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments qui lui sont soumis, comme étant en complète contradiction avec celle émanant du même attestant, produite par l'intimée, attestation qui sera d'ailleurs également écartée), au soutien de l'existence d'une relation de travail à effet du mois de novembre 2018, sont contredits par les diverses attestations produites par l'indivision [T] [C], représentée par Monsieur [D] [C], faisant elles clairement état d'une relation de travail n'ayant débuté qu'en mars 2019. Dès lors, la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour considérer que Madame [F], qui se prévaut d'une relation de travail antérieure au contrat à durée indéterminée ayant lié les parties, en justifie, faute d'éléments, non contredits par la partie adverse, permettant de caractériser, au travers d'une existence d'une exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, une relation de travail à compter du 18 novembre 2018 pour le compte de l'indivision [T] [C], représentée par Monsieur [D] [C].

Suivant l'article L3171-4 du code du travail, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il est désormais établi qu'il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances s'y rapportant.

En l'espèce, Madame [F], à l'appui de sa critique du jugement l'ayant débouté de sa demande au titre d'heures supplémentaires, expose avoir effectué des heures supplémentaires au cours d'une période allant de novembre 2018 à avril 2019, non réglées par l'employeur, et sollicite une somme de 3.586,19 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires.

Madame [F] produit, outre ses bulletins de salaire, un décompte de ses horaires journaliers de travail sur la période considérée, avec mention du nombre d'heures effectuées par semaine, puis par mois et du nombre d'heures supplémentaires revendiquées.

Hormis pour la période courant de novembre 2018 au 5 mars 2019, pour laquelle une relation de travail entre les parties n'est pas établie comme exposé précédemment, de sorte qu'aucune demande au titre d'heures supplémentaires ne peut prospérer, Madame [F] présente, à l'appui de sa demande pour la période courant du 6 mars 2019 au 30 avril 2019, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Pour sa part, l'employeur ne verse aux débats aucun élément objectif, par exemple un registre horaire, des fiches de pointage, ou tout autre document horaire individuel afférent aux heures travaillées par Madame [F] sur la période du 6 mars 2019 au 30 avril 2019. L'employeur argue que la preuve d'une absence d'heures supplémentaires est impossible, s'agissant de l'existence d'un fait négatif, et s'assimilant en une probatio diabolica, argumentation qui ne peut prospérer, puisqu'il incombe à l'employeur, détenteur du pouvoir de direction et de contrôle dans l'entreprise, de fournir au juge les éléments de nature à justifier les heures effectivement réalisées par la salariée, et non de rapporter une preuve d'un fait négatif. L'existence d'un accord de l'employeur ne peut être contestée, celui-ci ayant nécessairement connaissance de ces heures, au vu de leur volume (caractérisant ainsi son accord implicite).

En revanche, l'employeur met en évidence de manière fondée le fait que certaines heures supplémentaires ont déjà été réglées (à hauteur de 15,20 heures et de 17,33 heures respectivement, pour les mois de mars et avril 2019), sans toutefois que cela corresponde à l'intégralité des heures supplémentaires réclamées par la salariée.

Au regard de tout ce qui précède, de l'absence d'heures supplémentaires faute de relation de travail sur la période courant de novembre 2018 au 5 mars 2019, de l'existence d'heures supplémentaires effectuées et non réglées par l'employeur sur la période du 6 mars 2019 au 30 avril 2019, des taux horaires et majorations applicables aux heures supplémentaires (et du calcul partiellement erroné de la salariée à cet égard, outre une absence de déduction de certaines heures supplémentaires déjà réglées), il convient, après infirmation du jugement à cet égard de prévoir la condamnation de l'indivision [T] [C], représentée par Monsieur [D] [C] à verser à Madame [F] une somme de 535,61 euros, somme exprimée nécessairement en brut, au titre de rappel d'heures supplémentaires accomplies sur la période du 6 mars 2019 au 30 avril 2019 et de débouter Madame [F] du surplus de sa demande, non fondé. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

En application de l'article L8223-1 du code du travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans le cadre du travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité égale à six mois de salaire. Si le paiement d'une telle indemnité n'est pas subordonné à l'existence d'une décision pénale déclarant l'employeur coupable du délit de travail dissimulé, le salarié doit cependant démontrer la mauvaise foi ou l'intention frauduleuse de l'employeur.

Au cas d'espèce, l'existence d'une période d'emploi courant de novembre 2018 au 5 mars 2019 n'est pas mise en évidence, comme exposé précédemment, de sorte qu'il ne peut être reproché un travail dissimulé sur cette période, tandis que pour la relation de travail à durée indéterminée à effet du 6 mars 2019, la mauvaise foi ou l'intention frauduleuse de l'employeur, quant à la dissimulation des heures supplémentaires non réglées susvisées, n'est pas démontrée par Madame [F], la seule connaissance de ces heures par l'employeur ne suffisant pas, et l'absence de système de décompte des heures de la salariée par l'employeur n'étant pas démonstratif d'une mauvaise foi ou intention frauduleuse de l'employeur.

Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté Madame [F] de ses demandes au titre d'un travail dissimulé et les demandes en sens contraires seront rejetées.

Pour ce qui est du repos hebdomadaire, tel que prévu conventionnellement, et de l'amplitude de travail, l'employeur, à qui il appartient de prouver qu'il a exécuté les obligations dont il est le débiteur, ne produit pas de pièces à même de démontrer du respect des dispositions applicables en matière de repos et amplitude de travail à l'égard de Madame [F]. Dans le même temps, le fait que Madame [F] n'ait pas émis de récriminations, observations ou demandes à ces égards immédiatement au cours de l'exécution du contrat de travail ne permet pas d'écarter sa demande. Un préjudice résultant du non-respect des règles afférentes au repos et à l'amplitude de travail est mis en évidence au travers du trouble dans la vie personnelle et risque engendré pour la santé de la salariée, qui sera chiffré en l'espèce à hauteur de 1.000 euros, un préjudice supérieur n'étant pas démontré. Après infirmation du jugement sur ce point, il convient donc de condamner l'indivision [T] [C], représentée par Monsieur [D] [C] à verser à Madame [F] une somme de 1.000 euros et de débouter Madame [F] du surplus de sa demande, non justifié. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

Concernant les demandes au titre de congés payés, l'employeur, justifie, au regard des éléments soumis à l'appréciation de la cour, avoir rempli la salariée de ses droits en matière de congés payés et d'indemnité afférente, étant rappelé que la réclamation de Madame [F] vise également une période antérieure au 6 mars 2019, ne pouvant être prise en compte faute de démonstration de l'existence d'une relation de travail avant cette date, tandis que pour la période courant à compter du 20 juin 2019, la salariée a été en arrêt maladie (la C.P.A.M. ayant notifié le 10 octobre 2019 un refus de prise en charge de l'accident déclaré au titre de la législation professionnelle, sans qu'une décision en sens contraire suite à recours devant la juridiction des affaires de Sécurité Sociale ne soit invoquée), générant une incidence sur l'ouverture du droit à congés payés alors que Madame [F] n'invoque pas l'existence de dispositions conventionnelles plus favorables que les dispositions légales. Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté Madame [F] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et les demandes en sens contraires rejetées.

Madame [F] critique également le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre de la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Il sera utilement rappelé qu'il est admis qu'en cas d'inexécution de ses obligations contractuelles par l'employeur, le salarié peut solliciter la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur.

Lorsque les manquements sont établis et sont d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvrant droit à toutes les indemnités de rupture, indemnité compensatrice de préavis y compris, peu important que le salarié ait été en arrêt de travail au moment de la rupture.

En revanche, si les manquements invoqués par le salarié ne sont pas établis ou ne présentent pas un caractère de gravité suffisante, le juge doit purement et simplement débouter le salarié de sa demande.

Lorsqu'un licenciement intervient en cours d'instance de résiliation, le juge doit examiner en premier lieu la résiliation et ce n'est que s'il considère cette demande injustifiée qu'il doit se prononcer sur le licenciement.

Madame [F], au soutien de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, invoque divers manquements de l'employeur, au titre de l'absence de déclaration de sa salariée du mois de novembre 2018 à fin février 2019, de la remise de bulletins de salaire et d'attestation CPAM, du non-respect du repos hebdomadaire, d'irrespect de règles au titre des congés payés, de l'absence de respect des règles en matière de complémentaire santé, mais aussi du non-paiement d'heures supplémentaires (ce qui ressort de la formulation même de ses écritures d'appel, en dehors du paragraphe plus spécifiquement dédié à la résiliation, ce qui n'est pas contesté par l'intimé, qui a conclu sur cet aspect des heures supplémentaires dans ses moyens développés concernant la résiliation judiciaire).

Au regard des développements précédents :

-l'existence de manquements de l'employeur au titre d'heures supplémentaires (partiellement non réglées sur la période du 6 mars au 30 avril 2019), du non-respect du repos hebdomadaire et amplitude de travail, est mise en évidence,

-dans le même temps, l'existence d'un travail dissimulé n'est pas démontrée, tandis qu'il est justifié par l'employeur de ce que la salariée a été remplie de ses droits au titre de l'octroi de congés payés et de l'indemnité compensatrice de congés payés.

Un retard de délivrance de bulletins de paie et de l'attestation destinée à la C.P.A.M. n'est pas contestable, au regard de la remise de bulletins de paie de mars à septembre 2019 et de ladite attestation avant l'audience prud'homale du 9 octobre 2019, élément constaté par la formation de référé du conseil de prud'hommes d'Ajaccio dans son ordonnance du 9 octobre 2019 ; dans le même temps, un défaut de délivrance d'autres bulletins de paie n'est pas mis en lumière au travers des éléments produits au débat.

Pour ce qui est de la complémentaire santé, il n'est pas justifié que l'employeur a pleinement satisfait à ses obligations, au travers des éléments visés aux débats.

Au regard de ce qui précède, la cour considère, s'agissant des seuls manquements, antérieurs à la rupture du contrat de travail, dont la réalité est établie :

-que pour ce qui est du retard de délivrance de bulletins de paie de mars à septembre 2019 et de l'attestation destinée à la C.P.A.M., ce manquement, qui a été régularisé, n'est pas d'une gravité suffisante pour empêcher une poursuite du contrat de travail,

-que l'irrespect par l'employeur de ses obligations en matière de complémentaire santé n'a manifestement pas empêché la poursuite du contrat de travail et n'est pas d'une gravité suffisante pour fonder une résiliation judiciaire du contrat de travail,

-qu'en revanche, le défaut de paiement de salaire au titre de certaines heures supplémentaires sur la période du 6 mars au 30 avril 2019 et le non-respect de règles au titre du repos hebdomadaire et d'amplitude de travail, manquements imputables à l'employeur, constituent des manquements d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail liant les parties.

Dans ces conditions, après infirmation du jugement, utilement critiqué à cet égard, il y a lieu de prononcer la résiliation judiciaire, aux torts de l'employeur, du contrat de travail liant Madame [F] à l'indivision [T] [C], représentée par Monsieur [D] [C], qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cette résiliation doit produire effet normalement au jour de l'envoi de la lettre de licenciement, soit en l'espèce le 8 janvier 2021.

Au regard de son ancienneté au moment de la rupture (une année complète), de son âge (pour être née en 1968) des conditions dans lesquelles la rupture est intervenue et de son aptitude à retrouver un emploi, des plafonds minimal et maximal en mois de salaire brut, Madame [F], qui ne démontre pas, par pièces produites aux débats, d'un plus ample préjudice (faute notamment de justifier de sa situation postérieure à la rupture), se verra allouer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 2.000 euros et sera déboutée du surplus de sa demande, non fondée. Le jugement entrepris sera infirmé à cet égard, l'indivision [T] [C], représentée par Monsieur [D] [C] étant condamnée à verser à Madame [F] une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et les demandes en sens contraire rejetées.

Compte tenu de la résiliation judiciaire du contrat de travail Madame [F] se verra également octroyer les sommes suivantes, après infirmation du jugement sur ces points :

-1.712,15 euros, somme exprimée nécessairement en brut, à titre d'indemnité compensatrice de préavis (correspondant à un mois de préavis), cette indemnité compensatrice de préavis étant due en matière de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur,

-171,22 euros, somme exprimée nécessairement en brut, au titre des congés payés sur indemnité compensatrice de préavis, le surplus de demande de Madame [F] n'étant pas justifié.

En revanche, Madame [F], qui doit apporter les éléments de fait et de droit nécessaires au succès de ses prétentions, ne démontre pas du bien fondé de sa demande au titre de l'indemnité légale de licenciement (demande non nouvelle en cause d'appel), compte tenu de l'absence de relation de travail avant le 6 mars 2019 et des modalités de calcul de l'ancienneté ininterrompue pour l'octroi de l'indemnité légale de licenciement (étant rappelé que la salariée a été en arrêt maladie à compter du 20 juin 2019), qui n'est donc pas la même que celle retenue pour l'évaluation des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera donc confirmé à cet égard.

Les demandes en sens contraires seront rejetées.

Il résulte des éléments du débat que les bulletins de paie de mars à septembre 2019, ainsi que l'attestation destinée à la C.P.A.M. ont été transmis avec retard par l'employeur à Madame [F]. Ce retard, singulièrement concernant l'attestation destinée à la C.P.A.M., a causé un préjudice à la salariée, privé un temps de ressources lui revenant de droit, ce qui a réduit ses moyens d'existence, préjudice, distinct de celui réparé au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui sera évalué, au vu des pièces produites, à un montant de 1.000 euros. Parallèlement, Madame [F] ne justifie pas d'un comportement fautif de l'employeur (au travers de calomnies, propos dévalorisants et dégradants), à l'origine d'un préjudice subi par ses soins, tel qu'elle l'allègue, ni d'un préjudice découlant effectivement de manquement de l'employeur en matière de complémentaire santé, ni même de la privation d'une potentialité, présentant un caractère de probabilité raisonnable, de survenance d'un événement positif ou de non-survenance d'un événement négatif, au travers d'une perte de droits. Dès lors, après infirmation du jugement entrepris à cet égard, sera uniquement prévue la condamnation de l'indivision [T] [C], représentée par Monsieur [D] [C], à verser à Madame [F] une somme de 1.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de la remise tardive de document et Madame [F] déboutée du surplus de sa demande, non fondé. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

Au vu des développements précédents, il sera ordonné, après infirmation du jugement à cet égard, à l'indivision [T] [C], représentée par Monsieur [D] [C], de remettre à Madame [F] une attestation Pôle emploi, rectifiée, conformément au présent arrêt, et ce dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, sans astreinte, inutile en l'espèce. Madame [F] sera déboutée du surplus de sa demande (en ce inclus celles afférentes au certificat de travail rectifié, et à la remise de la notice de prévoyance, insuffisamment justifiées). Les demandes en sens contraire seront rejetées.

L'indivision [T] [C], représentée par Monsieur [D] [C], succombant principalement, sera condamnée aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant infirmé sur ce point) et de l'instance d'appel, lesquels seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

L'équité ne commande pas de prévoir de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance (le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions querellées sur ce point) et d'appel.

Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe le 8 juin 2022,

CONSTATE à titre liminaire que la déclaration d'appel contient manifestement une pure erreur matérielle, afférente à l'intimée qui ne se dénomme pas Monsieur Indivision [C], mais l'indivision [T] [C], représentée par Monsieur [D] [C],

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 20 mai 2021, tel que déféré, sauf :

-en ce qu'il a débouté Madame [V] [F] de ses demandes au titre d'un travail dissimulé, au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, au titre de l'indemnité légale de licenciement, au titre des frais irrépétibles de première instance,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

PRONONCE la résiliation judiciaire, aux torts de l'employeur, du contrat de travail liant Madame [V] [F] à l'indivision [T] [C], représentée par Monsieur [D] [C], ce à effet du 8 janvier 2021 et DIT que cette résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE l'indivision [T] [C], représentée par Monsieur [D] [C], à verser à Madame [V] [F] les sommes suivantes :

- 535,61 euros brut, au titre de rappel d'heures supplémentaires sur la période du 6 mars 2019 au 30 avril 2019,

- 1.000 euros de dommages et intérêts au titre du non-respect du repos hebdomadaire et de l'amplitude de travail,

- 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.712,15 euros brut, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 171,22 euros brut, au titre des congés payés sur préavis,

- 1.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de la remise tardive de document,

ORDONNE à l'indivision [T] [C], représentée par Monsieur [D] [C], de remettre à Madame [V] [F] l'attestation Pôle emploi rectifiée, conformément au présent arrêt, et ce dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

REJETTE les demandes des parties, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE l'indivision [T] [C], représentée par Monsieur [D] [C], aux dépens de première instance et de l'instance d'appel, lesquels seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIERE PO/ LE PRESIDENT EMPECHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00144
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;21.00144 ?
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