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08/06/2022 | FRANCE | N°20/00070

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale, 08 juin 2022, 20/00070


ARRET N°

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08 Juin 2022

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R N° RG 20/00070 - N° Portalis DBVE-V-B7E-B6LK

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[O] [B]

C/

S.A.S. SOCIETE D'EXPLOITATION DE CARRIERES ET AGREGATS

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Décision déférée à la Cour du :



14 février 2020

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO

18/00210

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COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU : HUIT JUIN DEUX MILLE

VINGT DEUX





APPELANT :



Monsieur [O] [B]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Sigrid FENEIS, avocat au barreau d'AJACCIO



INTIMEE :



S.A.S. SOCIETE D'EXPLOITATION DE CAR...

ARRET N°

-----------------------

08 Juin 2022

-----------------------

R N° RG 20/00070 - N° Portalis DBVE-V-B7E-B6LK

-----------------------

[O] [B]

C/

S.A.S. SOCIETE D'EXPLOITATION DE CARRIERES ET AGREGATS

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

14 février 2020

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO

18/00210

------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

APPELANT :

Monsieur [O] [B]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Sigrid FENEIS, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIMEE :

S.A.S. SOCIETE D'EXPLOITATION DE CARRIERES ET AGREGATS (S.E.C.A.)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean pierre PICAVET de la SCPA LEX-UP, avocat au barreau de GRASSE et Me Jean jacques CANARELLI, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 mars 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre,

Madame COLIN, Conseillère

Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 1er juin 2022 puis prorogé au 08 juin 2022

ARRET

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- Signé par Madame BETTELANI, vice-présidente placée auprès M. Le premier président, pour Monsieur JOUVE, Président de chambre empêché et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [O] [B] a été embauché par la S.A.S. Société d'exploitation de carrières et agrégats (S.E.C.A.) en qualité de pilote d'installation, suivant contrat de travail à durée déterminée du 21 mai 2013, puis contrat à durée déterminée à effet du 1er septembre 2013, avant que la relation de travail ne se poursuive à durée indéterminée.

Selon courrier en date du 19 décembre 2016, la S.A.S. Société d'exploitation de carrières et agrégats a convoqué le salarié à un entretien préalable à un licenciement fixé au 29 décembre 2016, et celui-ci s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 6 janvier 2017.

Monsieur [O] [B] a saisi le conseil de prud'hommes d'Ajaccio, par requête reçue le 1er août 2017, aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et se voir payer diverses indemnités en conséquence.

Selon jugement du 14 février 2020, le conseil de prud'hommes d'Ajaccio a :

- débouté Monsieur [O] [B] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la S.A.S. SECA de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Monsieur [O] [B] aux dépens.

Monsieur [O] [B] a interjeté appel de ce jugement, par déclaration du 2 mars 2020 enregistrée au greffe ; cet appel enregistré sous le numéro de RG 20/00066 a été déclarée caduc par le conseiller de la mise en état suivant ordonnance sur incident du 6 janvier 2021.

Par déclaration du 6 mars 2020 enregistrée au greffe sous le numéro de RG 20/00070, Monsieur [O] [B] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes qui étaient les suivantes : de juger que le licenciement pour faute grave de Monsieur [B] est sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, de condamner la SECA à verser à Monsieur [B] les sommes suivantes : dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (art.L.1235-3 c.trav.) :24.600 euros, indemnité de préavis : 2.050 euros, indemnité de congés payés afférents :205 euros, indemnité de licenciement : 1.435 euros, rappel de salaire : 2.507,64 euros, indemnité de congés payés afférents : 250,76 euros, dommages et intérêts pour préjudice moral : 4.100 euros, d'ordonner la remise des documents de fin de contrat de travail conformes au jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision, le conseil se réservant expressément le pouvoir de liquider l'astreinte (art. L.131-3 CPCE), de dire que les intérêts au taux légal courront à compter de la saisine du conseil de prud'hommes (art. 1231-7 C.civ.), d'ordonner la capitalisation des intérêts (art.1343-2 C.civ.), d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir (art. 515 CPC), de condamner la SECA à 2.000 euros au titre de l'article 700 CPC, de condamner la SECA aux entiers dépens.

Aux termes des dernières écritures de son conseil avant la clôture, transmises au greffe en date du 29 janvier 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur [O] [B] a sollicité :

- d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 14 février 2020 en ce qu'il a débouté Monsieur [B] de l'intégralité de ses demandes,

- de juger que le licenciement de Monsieur [B] est sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la Société SECA à verser à Monsieur [B] les sommes suivantes : dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (art.L.1235-3 c.trav.) : 24.600 euros, indemnité compensatrice de préavis : 2.050 euros, indemnité de congés payés afférents : 205 euros, indemnité non respect de la procédure : 2.050 euros, indemnité légale de licenciement :1.435 euros, à titre subsidiaire, rappel de salaire : 3.748,42 euros, à titre subsidiaire indemnité de congés payés afférents: 374,84 euros, dommages et intérêts pour préjudice moral: 4.100 euros,

- d'ordonner la remise des documents de fin de contrat de travail modifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement,

- intérêts au taux légal courront à compter de la saisine du conseil de prud'hommes (art. 1231-7 C.civ.),

- capitalisation des intérêts (art.1343-2 C.civ.)

- article 700 CPC: 2.000 euros

- dépens de première instance et d'appel.

Aux termes des dernières écritures de son conseil avant la clôture, transmises au greffe en date du 28 janvier 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A.S. S.E.C.A. a demandé :

- à titre liminaire : de déclarer irrecevable la seconde déclaration d'appel formée par Monsieur [B] le 6 mars 2020 (RG 20/00070),

- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour venait à juger recevable l'appel interjeté :

de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 14 février 2020, en conséquence, de dire et juger que le licenciement intervenu est parfaitement justifié, de débouter Monsieur [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- de condamner Monsieur [B] à verser la somme de 4.000 euros à la société SAS SECA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner Monsieur [B] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 2 février 2021, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 12 octobre 2021.

Le 29 septembre 2021, la S.A.S. S.E.C.A. a transmis au greffe des conclusions, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, aux fins : à titre liminaire : de déclarer irrecevable la seconde déclaration d'appel formée par Monsieur [B] le 6 mars 2020 (RG 20/00070), à titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour venait à juger recevable l'appel interjeté: de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 14 février 2020, en conséquence, de dire et juger que le licenciement intervenu est parfaitement justifié, de débouter Monsieur [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, de condamner Monsieur [B] à verser la somme de 4.000 euros à la société SAS SECA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner Monsieur [B] aux entiers dépens.

À l'audience du 12 octobre 2021, la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 15 décembre 2021.

Suivant arrêt avant dire droit du 15 décembre 2021, la cour a :

- déclaré irrecevables les conclusions au fond de la S.A.S. S.E.C.A. transmises le 29 septembre 2021, postérieurement à l'ordonnance de clôture du 2 février 2021,

- ordonné la réouverture des débats à l'audience du 8 mars 2022 à 14 heures devant la chambre sociale de la cour d'appel de Bastia, afin de recueillir les observations écrites des parties (ce qui n'implique pas l'émission de nouvelles conclusions au fond) sur la recevabilité, au visa de l'article 914 du code de procédure civile, de la demande de la S.A.S. S.E.C.A. tendant à déclarer irrecevable la seconde déclaration d'appel formée par Monsieur [B] le 6 mars 2020 (RG 20/00070), alors que le conseiller de la mise en état n'en a pas été saisi et que n'est pas invoquée une cause survenue ou révélée postérieurement au dessaisissement dudit conseiller,

- dit que la présente décision vaut convocation à cette audience,

- réservé les dépens.

La S.A.S. S.E.C.A. a transmis au greffe des conclusions le 5 mars 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie.

Monsieur [B], a transmis ses observations écrites au greffe le 7 mars 2022, observations écrites auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé.

L'affaire a été appelée à l'audience du 8 mars 2022 et la décision mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 1er juin 2022, prorogé au 8 mars 2022.

MOTIFS

À titre liminaire, il convient d'observer que la cour, en ordonnant la réouverture des débats, n'a pas entendu révoquer l'ordonnance de clôture, aucune mention ne figurant d'ailleurs en ce sens dans l'arrêt avant dire droit du 15 décembre 2021.

Dès lors, concernant la S.A.S. S.E.C.A., ses écritures transmises le 5 mars 2022 seront uniquement prises en compte en leurs aspects relatifs à la recevabilité, au visa de l'article 914 du code de procédure civile, de la demande de la S.A.S. S.E.C.A. tendant à déclarer irrecevable la seconde déclaration d'appel formée par Monsieur [B] le 6 mars 2020 (RG 20/00070), les demandes et moyens sur le fond de la S.A.S. S.E.C.A. ayant été déjà développés dans ses dernières écritures adressées avant la clôture de l'instruction.

La S.A.S. S.E.C.A. demande de déclarer irrecevable la seconde déclaration d'appel formée par Monsieur [B] le 6 mars 2020 (RG 20/00070), dans le cadre de la présente instance.

Toutefois, au visa de l'article 914 du code de procédure civile, cette demande de la S.A.S. S.E.C.A. n'est pas recevable puisque le conseiller de la mise en état n'en a pas été saisi et que n'est pas invoquée une cause survenue ou révélée postérieurement au dessaisissement dudit conseiller. Contrairement à ce qu'expose la S.A.S. S.E.C.A. à l'appui de la recevabilité de sa demande, les écritures transmises au greffe le 27 novembre 2020 ne constituent pas des conclusions spécialement adressées au conseiller de la mise en état (auxquelles celui-ci aurait été tenu de répondre si tel avait été le cas), mais des écritures adressées à la cour (comportant les mentions 'Plaise à la Cour' et 'il est demandé à la Cour de [...]' dans leur dispositif) alors que l'ordonnance de clôture n'était pas rendue et que l'instruction était toujours en cours.

Dès lors, sera déclarée irrecevable la demande de la S.A.S. S.E.C.A. tendant à déclarer irrecevable la seconde déclaration d'appel formée par Monsieur [B] le 6 mars 2020 (RG 20/00070).

Sur le fond, Monsieur [B] critique le jugement rendu par les premiers juges en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes.

Concernant les demandes afférentes au licenciement sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu de rappeler que l'article L1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à une cause réelle et sérieuse. En application de l'article L1235-1 du code du travail, lorsqu'il est saisi du bien fondé d'une mesure de licenciement, le juge se détermine au vu des éléments qui lui sont fournis par les parties, le doute devant profiter au salarié. Il est néanmoins admis qu'il appartient à l'employeur d'établir de façon certaine la réalité des faits et de fournir au juge des éléments permettant de caractériser leur caractère suffisamment sérieux pour légitimer le licenciement.

Il convient donc, en premier lieu, d'apprécier la réalité des faits énoncés par la lettre de licenciement, fixant de manière irrévocable les limites du litige, puis le sérieux du motif invoqué. Ce n'est que dans un second temps, lorsque la légitimité du licenciement est tenue pour acquise que l'employeur peut chercher à s'exonérer des indemnités de rupture en invoquant la faute grave du salarié, étant précisé que la charge de la preuve de la gravité de la faute incombe exclusivement à l'employeur. La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

Il convient d'observer en premier lieu que Monsieur [B] ne produit pas de pièces à même de démontrer d'un licenciement verbal de l'employeur opéré le 29 novembre 2016. Si l'attestation de Madame [S], infirmière, (dont le fait qu'elle ne réponde pas intégralement au formalisme exigé par l'article 202 du code de procédure civile n'empêche pas toutefois qu'en soit apprécié le contenu) , attestation dont le caractère complaisant, invoqué par la S.A.S. S.E.C.A., n'est pas mis en évidence, relate des propos tenus par le salarié téléphoniquement le 27 novembre 2016 suivant lesquels l'employeur lui aurait dit 'rentre chez toi', ces propos de l'employeur n'ont pas été personnellement constatés par l'attestante, tandis que les échanges relatés le 29 novembre 2016, notamment intervenus entre Madame [S] et Monsieur [L], sont équivoques, la cour ne pouvant déterminer si le départ souhaité du salarié en Bulgarie manifestait la volonté de l'employeur de licencier, ou simplement le fait, tel qu'invoqué par l'employeur dans la lettre de licenciement (et confirmé par une attestation de Monsieur [H], responsable d'exploitation dans l'entreprise, attestation dont le fait qu'elle ne réponde pas intégralement au formalisme exigé par l'article 202 du code de procédure civile n'empêche pas toutefois qu'en soit apprécié le contenu), de permettre à Monsieur [B] de prendre quelques jours de congés pour se ressaisir, de sorte que la cour ne dispose pas des éléments nécessaires pour lui permettre de conclure à une manifestation claire et non équivoque de la volonté de l'employeur de rompre le contrat de travail du salarié. Monsieur [B] ne se prévalant pas d'un licenciement verbal postérieur au 29 novembre 2016, la cour n'a pas à examiner des aspects afférents à des faits postérieurs (concernant le bungalow et les affaires de Monsieur [B]). Le fait que des congés payés (congés figurant sur les bulletins de paie de novembre et décembre 2016 comme pris sur la période du 28 novembre au 4 décembre 2016) aient été imposés par l'employeur au salarié sans accord préalable, comme allégué par Monsieur [B] ne permet pas en lui-même de conclure à un licenciement verbal le 29 novembre 2016.

La lettre de licenciement, datée du 6 janvier 2017, dont l'envoi par courrier recommandé par l'employeur au dernier domicile connu du salarié est justifié au travers des pièces produites au dossier, ne sera pas reprise in extenso dans le présent arrêt, compte tenu de sa longueur.

Aux termes de cette lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la S.A.S. S.E.C.A., qui se place sur le terrain disciplinaire, reproche à Monsieur [B] divers faits, tenant à une dégradation de son comportement, sur laquelle ses collègues ont alerté la direction, avec des réactions disproportionnées ou intempestives, des attitudes menaçantes envers ses collègues, et de provocation pour en venir aux mains, un comportement inquiétant et dangereux (errance dans la carrière en treillis, armé et le crâne rasé), faits constituant un manquement à ses obligations dans le cadre de la relation de travail.

Avoir rappelé que les faits invoqués dans la lettre de licenciement n'ont pas nécessairement à être datés, il convient d'observer que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement sont suffisamment précis pour permettre au juge d'en apprécier le caractère réel et sérieux, contrairement à ce que énonce l'appelant.

À l'appui des faits reprochés dans la lettre de licenciement, l'employeur produit plusieurs pièces (notamment des attestations de Monsieur [H], Monsieur [K] [I], Monsieur [X], Monsieur [D], Madame [M], salariés de l'entreprise, dont le fait qu'elles ne répondent pas intégralement au formalisme exigé par l'article 202 du code de procédure civile n'empêche pas toutefois qu'en soit apprécié le contenu ; un écrit daté du 12 octobre 2017 signé de Madame [M], Monsieur [D], Monsieur [F] et Monsieur [Z], accompagné de copies de pièces afférentes à leur identité, écrit afférent au comportement de Monsieur [B] et à la demande opérée par ces salariés auprès de la direction de l'entreprise ; des photos ; un écrit de Monsieur [H] du 19 avril 2019 relatif à l'attitude de Monsieur [B]; un document décrit comme extrait de la charte des risques psycho-sociaux de l'entreprise). Il n'est pas démontré par Monsieur [B] que ces attestations produites par l'employeur soient de complaisance, les date et lieu auxquels elles ont été émises n'étant pas à cet égard déterminants. De plus, les témoignages susvisés n'émanent pas de témoins indirects, mais directs (et ayant pu être en contact avec Monsieur [B], contrairement à ce qu'il affirme), et sont suffisamment détaillés pour que la réalité des faits, énoncés de manière convergente, ne soit pas remise en cause au vu du lien de subordination entre les attestants et la S.A.S. S.E.C.A.. Ces éléments viennent confirmer la réalité des faits énoncés dans la lettre de licenciement, hormis pour les faits d'errance dans la carrière en treillis et le crâne rasé.

Monsieur [B], quant à lui, ne produit, hormis ses propres déclarations ou énonciations, aucune pièce objective, justifiant de l'inanité des faits reprochés, ou faisant peser un doute suffisant sur lesdits faits, l'attestation de Madame [S] ne se rapportant pas aux faits visés dans la lettre de licenciement.

Dans ces conditions, la réalité des faits visés dans la lettre de licenciement est établie, hormis pour les faits d'errance dans la carrière en treillis et le crâne rasé.

Au vu de ce qui précède, du caractère établi de plusieurs des faits reprochés, de leur nature, la cour observe que ceux-ci sont suffisamment sérieux pour, sans disproportion, fonder un licenciement de Monsieur [B], nonobstant l'absence de sanction disciplinaire antérieure.

L'employeur, auquel il ne peut être reproché d'avoir pris un temps nécessaire pour apprécier la gravité de la faute, justifie, au travers des éléments qu'il produit, de la nature des faits ayant fondé le licenciement, de leur multiplicité, de l'obligation de sécurité auquel il est tenu vis à vis des salariés de l'entreprise, qu'il était impossible d'envisager le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis, l'absence de mise à pied conservatoire préalable n'étant pas déterminante.

Le licenciement pour faute grave de Monsieur [B] par la S.A.S. S.E.C.A. est ainsi justifié et est privatif des indemnités de rupture.

Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [B] de ses demandes tendant à juger que le licenciement de Monsieur [B] est sans cause réelle et sérieuse, à condamner la Société SECA à verser à Monsieur [B] les sommes suivantes : dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 24.600 euros, indemnité compensatrice de préavis : 2.050 euros, indemnité de congés payés afférents : 205 euros, indemnité légale de licenciement:1.435 euros, ce avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et capitalisation de intérêts, à ordonner la remise des documents de fin de contrat de travail modifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

Monsieur [B] forme une demande en cause d'appel à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, demande dont la recevabilité ne peut être contestée au visa des articles 564 et suivants du code de procédure civile, notamment 566 dudit code. Au regard des éléments soumis à l'appréciation de la cour, il n'est pas mis en évidence de remise ou d'envoi effectif de la lettre de convocation à entretien préalable au licenciement de Monsieur [B], mais uniquement d'envoi de la lettre de licenciement. Cette irrégularité appelle l'allocation d'une somme de 1.500 euros à titre au de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, en vertu de l'article L1235-2 du code du travail dans sa version applicable aux données de l'espèce (le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise qui comptait onze salariés et plus), au regard du préjudice subi par Monsieur [B], ayant été privé du droit d'être entendu et de se défendre dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée à son encontre. La condamnation de la S.A.S. S.E.C.A. au titre des dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision, et non à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, compte tenu de son caractère indemnitaire, ce sans capitalisation, dont les conditions ne sont pas réunies. Monsieur [B] sera débouté du surplus de ses demandes, non fondé, étant rappelé que l'indemnité équivalant à un mois de salaire ne constitue qu'un maximum.

Concernant les demandes afférentes à des rappels de salaire et congés payés afférents, il est mis en évidence, au travers des pièces soumises à l'appréciation de la cour, que l'employeur a réglé Monsieur [B] de ses droits, le salarié absent, sans justification particulière, à compter du 5 décembre 2016 ne s'étant pas tenu à disposition de l'employeur, de sorte qu'aucun rappel sur salaire et congés payés afférents sur la période ayant couru du 5 décembre 2016 jusqu'à la rupture de la relation de travail n'est du au salarié.

Monsieur [B] sera donc débouté de ses demandes de ces chefs, le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions querellées à ces égards et les demandes en sens contraire rejetées.

Monsieur [B] ne justifie pas, au soutien de sa demande de condamnation de l'employeur à lui verser 4.100 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral, de conditions brutales ou vexatoires du licenciement, ni d'un préjudice moral lié causalement à un comportement fautif de l'employeur.

Il sera ainsi débouté de sa demande de ce chef, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point et les demandes en sens contraire seront rejetées.

La S.A.S. S.E.C.A., succombant principalement à l'instance, sera condamnée aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant infirmé sur ce point) et de l'instance d'appel.

L'équité commande de prévoir la condamnation de la S.A.S. S.E.C.A. à verser à Monsieur [B] une somme totale de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance (le jugement entrepris étant infirmé en ses dispositions querellées sur ce point) et d'appel.

Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe le 8 juin 2022,

DIT que les écritures, transmises postérieurement à la clôture de l'instruction par la S.A.S. S.E.C.A. le 5 mars 2022 seront uniquement prises en compte en leurs aspects relatifs à la recevabilité, au visa de l'article 914 du code de procédure civile, de la demande de la S.A.S. S.E.C.A. tendant à déclarer irrecevable la seconde déclaration d'appel formée par Monsieur [B] le 6 mars 2020 (RG 20/00070),

DECLARE irrecevable la demande de la S.A.S. S.E.C.A. tendant à déclarer irrecevable la seconde déclaration d'appel formée par Monsieur [B] le 6 mars 2020 (RG 20/00070)

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 14 février 2020, tel que déféré, sauf :

- en ce qu'il a débouté Monsieur [B] de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance

- en ses dispositions relatives aux dépens de première instance,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la S.A.S. S.E.C.A., prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur [O] [B] une somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

CONDAMNE la S.A.S. S.E.C.A., prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur [O] [B] une somme totale de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

DÉBOUTE la S.A.S. S.E.C.A. de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE la S.A.S. S.E.C.A., prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de première instance et de l'instance d'appel,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La greffièrePo / Le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00070
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;20.00070 ?
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