Chambre civile
Section 2
ARRET N°
du 25 MAI 2022
N° RG 20/00376 - N° Portalis DBVE-V-B7E-B64R SM - C
Décision déférée à la Cour :
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AJACCIO, décision attaquée en date du 29 Juin 2020, enregistrée sous le n° 18/00119
[U]
[M]
C/
Commune COMMUNE DE [Localité 10]
Syndic. de copro. SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE SIS [Adresse 7]
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT DEUX
APPELANTES :
Mme [D], [S], [X] [U]
née le 25 Novembre 1966 à[Localité 2])
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean pierre POLETTI, avocat au barreau de BASTIA
Mme [Y] [M] épouse [K]
née le 17 Octobre 1950 à [Localité 9]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Anne marie LEANDRI de la SCP LEANDRI LEANDRI, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIMEES :
COMMUNE DE [Localité 10]
prise en la personne de son maire en exercice domicilié ès qualités au dit siège
[Adresse 8]
[Localité 10]
Représentée par Me Sebastien LOVICHI, avocat au barreau d'AJACCIO
SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE SIS [Adresse 7]
Pris en la personne de son syndic bénévole en exercice, Madame [Y] [M] épouse [K]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Magali LIONS, avocat au barreau D'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 mars 2022, devant Stéphanie MOLIES, Conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Jean-Jacques GILLAND, Président de chambre
Judith DELTOUR, Conseillère
Stéphanie MOLIES, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Françoise COAT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 mai 2022
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Jean-Jacques GILLAND, Président de chambre, et par Françoise COAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
Suivant actes d'huissier des 10 et 11 mars 2015, Mme [Y] [M], épouse [K], a fait citer Mme [D] [U] et la commune de [Localité 10] devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio aux fins de démolition sous astreinte de l'escalier réalisé par la commune pour permettre l'accès à la parcelle appartenant à Mme [U], de condamnation in solidum à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre celle de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Par décision avant-dire droit du 8 juin 2017, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a :
- ordonné la réouverture des débats,
- invité les parties à s'exprimer sur les points suivants précisés dans la motivation :
- la compétence de l'ordre judiciaire pour l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de la commune de [Localité 10],
- la recevabilité de la demande de destruction formulée à l'encontre de la commune de [Localité 10],
- la recevabilité de la demande de démolition de l'empiétement fondée contre l'un des copropriétaires et non contre le syndicat des copropriétaires,
- l'absence d'alternative à la destruction de l'escalier afin de mettre fin à l'atteinte portée au droit de propriété de Mme [U], autrement que par la démolition de l'escalier litigieux,
- invité les parties y ayant intérêt à faite citer le syndicat des copropriétaires.
Suivant acte d'huissier du 8 janvier 2018, Mme [D] [U] a fait citer l'administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé à [Localité 10], [Adresse 7].
Le juge de la mise en état a ordonné la jonction des procédures suivant ordonnance du 4 avril 2018.
Par décision du 29 juin 2020, le tribunal judiciaire d'Ajaccio :
- s'est déclaré matériellement incompétent pour connaître de la demande de Mme [I] [M] épouse [K] dirigée à l'encontre de la commune de [Localité 10],
- a dit n'y avoir lieu à mettre en cause Mme [D] [U] au titre des travaux réalisés sur son fonds par la commune de [Localité 10],
- a renvoyé en conséquence Mme [I] [M] épouse [K] et Mme [D] [U] à mieux se pourvoir,
- a déclaré recevables les actions en revendication formées par Mme [D] [U] à l'encontre de Mme [I] [M] épouse [K] au titre de la partie privative de l'immeuble et du syndicat de copropriétaires de l'immeuble situé à [Localité 10], [Adresse 7] au titre de sa partie commune,
- l'en a débouté,
- a condamné Mme [D] [U] à supporter la charge intégrale des frais et honoraires de l'administration provisoire de l'immeuble situé à [Localité 10], [Adresse 7], soit la somme de 2 289,38 euros,
- a débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,
- a dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens,
- a rappelé que le présent jugement est exécutoire de droit à titre provisoire.
Suivant déclaration enregistrée le 31 juillet 2020, Mme [Y] [M] a interjeté appel de la décision susvisée en ce qu'elle :
- s'est déclaré matériellement incompétente pour connaître de la demande de Mme [I] [M] épouse [K] dirigée à l'encontre de la commune de [Localité 10],
- a dit n'y avoir lieu à mettre en cause Mme [D] [U] au titre des travaux réalisés sur son fonds par la commune de [Localité 10],
- a renvoyé en conséquence Mme [I] [M] épouse [K] et Mme [D] [U] à mieux se pourvoir,
- a débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,
- a dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.
Cette procédure a été enrôlée sous le RG n°20-376.
Suivant déclaration enregistrée le 27 août 2020, Mme [D], [S], [X] [U] a interjeté appel de la décision susvisée en ce qu'elle a :
Déclaré recevable les actions en revendication formées par Madame [D] [U] à l'encontre de Madame [I] [M] épouse [K] au titre de la partie privative de l'immeuble et du Syndicat de Copropriétaires de l'immeuble situé à [Localité 10], [Adresse 7] au titre de sa partie commune. Mais l'en a déboutée. Condamné Madame [D] [U] à supporter la charge intégrale des frais et honoraires de l'administration provisoire de l'immeuble situé à [Localité 10], [Adresse 7], soit la somme de 2.289,38 €. Débouté Madame [D] [U] de ses demandes plus amples ou contraires.
Cette procédure a été enregistrée sous le RG n°20-411.
Suivant ordonnance du 30 juin 2021, le conseiller chargé de la mise en état a :
- ordonné la jonction des procédures n°20-376 et 20-411 sous le n°20-376,
- ordonné le renvoi de l'affaire à la mise en état du 1er décembre 2021 pour clôture,
- dit que les dépens de l'incident suivront ceux du fond.
Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 1er février 2022, Mme [Y] [M] a demandé à la cour de :
RÉFORMER le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire d'AJACCIO le 29 juin 2020 en ce que le premier juge :
- S'est déclaré matériellement incompétent pour connaître de la demande de Madame [Y] [M] épouse [K] dirigée à l'encontre de la Commune de [Localité 10] ;
- a dit n'y avoir lieu à mettre en cause Madame [D] [U] au titre des travaux réalisés sur son fonds par la Commune de [Localité 10] ;
- a renvoyé en conséquence Madame [Y] [M] épouse [K] et Madame [D] [U] à mieux se pourvoir ;
- a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
ET STATUANT À NOUVEAU
Dire que la construction de l'escalier litigieux par la Commune de [Localité 10] sur le fonds de Madame [U] situé sur cette commune, cadastré I [Cadastre 6] est un travail privé ;
En conséquence, dire que le Tribunal Judiciaire d'AJACCIO était compétent pour statuer sur la demande de Madame [Y] [M] épouse [K] tendant à la condamnation de la Commune de [Localité 10] à démolir cet escalier sous astreinte ;
Évoquer le fond en application de l'article 88 du Code de Procédure Civile ;
Dire que cet escalier crée des vues illégales sur la terrasse de Madame [Y] [M] épouse [K] constituant le lot n°5 de l'ensemble immobilier situé [Adresse 7] à [Localité 10] ;
En conséquence, dire que la demande tendant à la condamnation de la Commune de [Localité 10] à démolir cet escalier sous astreinte en application des dispositions des articles 678, 679 et 1240 du Code Civil était bien fondée ;
Dire qu'il n'y avait pas lieu à mettre hors de cause Madame [D] [U] eu égard aux dispositions des articles 678 et 679 du Code Civil qui font interdiction au propriétaire d'un fonds d'avoir des vues droites ou obliques sur le fonds voisin à des distances inférieures à celles fixées par ces textes ;
Dire que la demande tendant à la condamnation de Madame [U] à démolir sous astreinte l'escalier litigieux était bien fondée en application des dispositions des articles 678 et 679 du Code Civil ;
EN CONSÉQUENCE,
Condamner in solidum la Commune de [Localité 10] et Madame [D] [U] à démolir cet escalier dans les quinze jours de la signification de l'arrêt à intervenir et passé ce délai sous astreinte de 200€ par jour de retard ;
Les condamner in solidum à payer à Madame [Y] [M] épouse [K] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à ce jour résultant des ouvertures illégales sur cette terrasse qui en ont contrarié la jouissance paisible ;
Confirmer les dispositions du jugement rendu le Tribunal Judiciaire d'AJACCIO le 29 juin 2020 qui ont fait l'objet d'un appel de Madame [D] [U] à l'exception de celles relatives à l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens ;
Condamner in solidum Madame [D] [U] et la Commune de [Localité 10] à payer à Madame [Y] [M] épouse [K] la somme de 15.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Les condamner in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 23 novembre 2021, Mme [D] [U] a demandé à la juridiction d'appel de :
Infirmer le jugement
Constater que la terrasse construite dans le prolongement de l'immeuble en copropriété sis à [Localité 10], [Adresse 7] empiète sur la parcelle figurant au cadastre de la commune sous la référence I [Cadastre 6], propriété de Madame [D] [U],
Condamner in solidum, ou l'un mieux que l'autre, Madame [Y] [M] épouse [K] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis à [Localité 10], [Adresse 7], représenté par son syndic Madame [Y] [M] épouse [K] , à démolir les ouvrages empiétant sur la parcelle I [Cadastre 6], propriété de Madame [D] [U], sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
À titre subsidiaire,
Confier à un géomètre expert la mission d'expertise suivante :
- se rendre sur les lieux,
- rechercher la ligne séparative entre les deux propriétés notamment d'après les titres, les bornages antérieurs, la possession, les marques extérieures, le relevé cadastral, les us et coutumes, en procédant si besoin, au mesurage et l'arpentage des fonds,
- dresser un plan des lieux avec les limites prétendues par les parties, celles des géomètres intervenus, celles cadastrales et celles que l'expert propose,
- mesurer la distance entre la limite séparative des propriétés,
préalablement, déterminée, et l'escalier litigieux, le décrire et le positionner sur un plan,
- préciser l'empiétement d'ouvrages pouvant être considérés comme des empiétements sur la propriété d'autrui, les décrire et les positionner sur un plan,
- donner son avis sur les solutions appropriées de démolition des éventuels empiétements et vues illicites.
Dire que la provision sur les frais d'expertise à consigner sera partagée par moitié entre Madame [U] et Madame [K]
Condamner Madame [I] [A] [M] épouse [K] à payer la somme de 5000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Condamner Madame [I] [A] [M] épouse [K] aux entiers dépens
(article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile)
Dire que les frais et honoraires de l'administrateur provisoire de la copropriété de l'immeuble sis à [Localité 10], [Adresse 7], resteront définitivement à la charge du syndicat des copropriétaires,
Condamner in solidum, ou l'un mieux que l'autre, Madame [Y] [M] épouse [K] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis à [Localité 10], [Adresse 7], représenté par son syndic [Y] [M] épouse [K] , à rembourser à Madame [D] [U] toutes les sommes avancées pour permettre à l'administrateur provisoire d'exécuter sa mission,
Débouter les parties intimées de leur appel incident.
Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 23 décembre 2020, la commune de [Localité 10] a demandé à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Ajaccio le 29 juin 2020,
- débouter Mme [M] épouse [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- la condamner au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 29 novembre 2021, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 7] à [Localité 10], représenté par Mme [Y] [M] épouse [K] en qualité de syndic, a demandé à la cour de :
' Confirmer le jugement du 29 juin 2020 en ce qu'il a débouté l'appelante de sa demande de démolition du mur de soutènement, partie commune ;
' Le confirmer en ce qu'il a condamné Madame [D] [U] à supporter la charge intégrale des frais et honoraires de l'administration provisoire de l'immeuble sis à [Localité 10], [Adresse 7] soit la somme de 2.289,38 € ;
' L'infirmer en ce qu'il a omis de condamner Madame [D] [U] à rembourser cette somme au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] à [Localité 10];
Y ajoutant
' Condamner Madame [D] [U] à rembourser cette somme au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] à [Localité 10] ;
' L'infirmer en ce qu'il a dit qu'à chacune des parties supporteraient la charge de ses dépens et débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande fondée sur l'article 700 du CPC ;
' Condamner Madame [D] [U] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] à [Localité 10] la somme de 5.000€ en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par ordonnance du 2 février 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de la procédure et fixé l'affaire à plaider devant le conseiller rapporteur au 17 mars 2022 à 8 heures 30.
Le 17 mars 2022, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 25 mai 2022.
La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.
SUR CE
A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger », « prendre ou donner acte » et les « constater » ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi.
En conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
Sur la compétence de le juridiction saisie
Mme [M] rappelle que le contentieux des travaux publics relève de la compétence exclusive des juridictions administratives, tandis que celui des travaux privés relève de la compétence exclusive des juridictions judiciaires.
Elle précise que pour être qualifiés de travaux publics, la finalité des travaux doit être l'intérêt général. Au contraire, des travaux, même exécutés par une personne publique, mais ayant pour but la satisfaction d'intérêts privés devraient recevoir la qualification de travaux privés.
L'appelante observe que l'escalier litigieux ne dessert que la parcelle de Mme [U]. Si une ouverture dans la clôture installée à l'extrémité Sud-Ouest avait été initialement installée, un portillon aurait ensuite été positionné, fermé par un cadenas et un antivol dont seule Mme [O] aurait les clefs. Elle ajoute que Mme [U] est devenue propriétaire par accession puisque l'escalier est construit sur son fonds.
Elle explique produire pour la première fois devant la cour un plan daté du mois d'octobre 2019 faisant apparaître l'ancien escalier, qui ne permettait aucun accès à la placette. Il résulterait par ailleurs d'une photographie que l'ancien escalier n'était pas construit ; Mme [M] en déduit que l'ancien escalier a été construit par la propriétaire de la parcelle I [Cadastre 6] et non par la commune de [Localité 10], de sorte que les travaux de reconstruction auraient dû être à la charge de la propriétaire.
Elle estime dès lors que la construction de l'escalier litigieux par la commune de [Localité 10] était un travail privé exécuté sur un fonds privé.
Elle relève que la commune de [Localité 10] ne peut se prévaloir d'un empiétement du mur de soutènement de la terrasse de Mme [M] sur le fonds de Mme [U] tout en prétendant ne pas être concernée par cette discussion et sans critiquer le jugement entrepris sur ce point.
Elle affirme que son fonds bénéficie d'une servitude légale de vue sur le fonds de Mme [U], alors que la servitude de vue créée sur la terrasse de Mme [M] par la construction du nouvel escalier serait illégale. Elle observe que l'ancien escalier était éloigné alors que le nouveau est construit à son garde-corps, au mépris des articles 678 et 679 du code civil, ce qui fonderait également la compétence du juge judiciaire.
Selon l'appelante, dès lors que Mme [U] est propriétaire du fonds d'où s'exercent les vues illégales sur celui de Mme [M], le tribunal aurait dû la condamner à démolir l'escalier litigieux sous astreinte.
En réponse, la commune de [Localité 10] indique avoir réalisé, courant 2013 et 2014, des travaux d'aménagement de voirie ainsi que de renforcement d'un mur de soutènement de la voie publique menaçant de s'effondrer, élevés au-dessus de la parcelle cadastrée section I n°[Cadastre 6]. Dans le cadre de ces travaux, un escalier donnant accès à la voie publique aurait été démoli puis reconstruit.
Elle soutient que la juridiction administrative est seule compétente pour connaître des actions tendant à la réparation des dommages de travaux publics.
Elle fait valoir que les travaux revêtent un caractère public de par leur nature. Elle ajoute que si dans le cadre de ces travaux, elle a été amenée à détruire et reconstruire l'escalier menant de la voie publique à la parcelle de Mme [U], ces travaux ne sauraient pour autant être qualifiés de travaux privés, alors que l'escalier fait partie intégrante du mur de soutènement de la voirie.
Ces travaux étant indissociables, ils ne sauraient revêtir à la fois un caractère d'intérêt général (pour le mur) et un caractère d'intérêt privé (pour l'escalier).
Mme [U] et le syndicat des copropriétaires ne formulent pas d'observation sur ce point.
Il convient de rappeler que le juge administratif est compétent par nature pour ordonner la suppression ou le déplacement d'un ouvrage public.
Il est par ailleurs constant qu'ont le caractère de travaux publics les travaux immobiliers répondant à une fin d'intérêt général et qui comportent l'intervention d'une personne publique, soit en tant que collectivité réalisant les travaux, soit comme bénéficiaire de ceux-ci.
La propriété privée de l'immeuble ne fait pas obstacle à la qualification de travaux publics, la maîtrise des travaux et la nature de la mission dans laquelle ils s'insèrent étant déterminantes.
En premier lieu, il sera observé que contrairement à ce qu'indique la commune de [Localité 10], l'appelante conteste le fait que l'ancien escalier était indissociable du mur de soutènement qui a été détruit puisqu'elle soutient que l'escalier ancien n'avait pas d'accès à la placette et qu'il a été construit non par la commune de [Localité 10], mais par la propriétaire de la parcelle I n°[Cadastre 6].
Or la commune de [Localité 10] et Mme [U] ne produisent aucun élément sur ce point.
Il est donc établi que dans le cadre des travaux de réfection du mur de soutènement, la commune de [Localité 10] a entendu reconstruire l'escalier appartenant à Mme [U] sur la parcelle de cette dernière et dans son intérêt exclusif puisqu'il résulte tant des photographies du portillon cadenassé versées au débat que de l'attestation de M. [V] [P] que l'escalier tend exclusivement à permettre au propriétaire de la parcelle I n°[Cadastre 6] d'accéder à la voie publique.
L'escalier ainsi construit ne peut dès lors recevoir la qualification d'ouvrage public, et la juridiction saisie sera donc déclarée compétente pour connaître de la demande de démolition de l'ouvrage litigieux, édifié dans l'intérêt exclusif de Mme [U].
Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur le bien-fondé de la demande de démolition
Mme [M] affirme, qu'en construisant l'escalier accolé au fonds voisin, la commune de [Localité 10] a créé des vues illégales sur son fonds.
Elle soutient que les premiers juges ne pouvaient mettre Mme [U] hors de cause alors que l'interdiction d'avoir des vues à des distances moindres que celles fixées par la loi s'adresse au propriétaire du fonds voisin.
Elle fait valoir que les vues droites et obliques à partir de l'escalier et de sa plate-forme sont directes et plongeantes sur sa terrasse.
En réponse, la commune de [Localité 10] explique que le mur sur lequel s'appuie l'escalier litigieux se situe en réalité sur la propriété de Mme [U]. Elle en déduit que ce mur construit illégalement ne peut servir de point de référence pour le calcul de la distance prévue par l'article 678 du code civil.
D'autre part, elle souligne que l'appelante dispose elle-même, depuis son fonds d'une vue identique à celle critiquée sur celui de Mme [U]. Cette réciprocité de vue ferait obstacle à l'application des dispositions de l'article 678 du code civil.
Elle ajoute par ailleurs que Mme [M] ne justifie d'aucun préjudice dès lors qu'une vue similaire existait déjà depuis l'escalier ancien. Elle fait valoir à ce propos qu'aucun élément ne permet de démontrer que le nouvel escalier a conduit à créer une vue différente de celle existant auparavant.
L'article 678 du code civil dispose qu'on ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin, s'il n'y a dix-neuf décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage, à moins que le fonds ou la partie du fonds sur lequel s'exerce la vue ne soit déjà grevé, au profit du fonds qui en bénéficie, d'une servitude de passage faisant obstacle à l'édification de constructions.
Au terme de l'article 679, on ne peut, sous la même réserve, avoir des vues par côté ou obliques sur le même héritage, s'il n'y a six décimètres de distance.
Il est constant que ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la situation des lieux rend possible une réciprocité de vue.
En l'espèce, il résulte des photographies versées au débat que les escaliers appartenant à Mme [U] d'une part et à Mme [M] d'autre part, construits chacun d'un côté du mur séparatif, offrent des vues réciproques sur le fonds voisin dans les mêmes conditions.
Mme [M] ne démontre par ailleurs aucunement la servitude légale de vue dont elle se prévaut, aucune servitude conventionnelle de vue n'étant au demeurant évoquée au terme des actes translatifs de propriété versés au débat.
Les articles 678 et 679 du code civil ne peuvent donc trouver application en l'espèce.
En outre, il ressort des éléments versés au débat qu'eu égard à la configuration des lieux, les vues préexistaient à la construction de l'escalier, tant depuis le jardin de Mme [U] que depuis la placette.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la demande de démolition sera rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts
Mme [M] explique être perturbée, depuis l'année 2014 au moins, dans son intimité familiale et sa vie privée lors de ses séjours dans sa maison de [Localité 10] par des regards indiscrets sur sa terrasse.
Mme [U], ne formule pas d'observation sur ce point.
Ainsi qu'il a été relevé ci-dessus, il ressort des photographies versées au débat que les vues sur la terrasse de Mme [M] préexistaient à la construction de l'escalier litigieux, tant à partir du jardin de Mme [U] que de la placette.
Aucun préjudice ne résulte par conséquent de la construction de l'escalier litigieux.
Dans ces conditions, Mme [M] sera déboutée de la demande d'indemnisation ainsi formulée.
Sur la prescription acquisitive
Mme [U] estime que les premiers juges ne peuvent retenir à la fois l'extension des emprises dans le temps par des travaux évolutifs et la prescription acquisitive pour la totalité de la terrasse, y compris la partie aménagée moins de trente années avant l'introduction de l'instance.
Elle soutient que la terrasse de Mme [M] a été réalisée au bénéfice d'empiétements sur le domaine public et sur sa propriété.
Elle fait valoir que les actes de propriété relatifs à la parcelle I [Cadastre 4] ne font état d'aucun terrain cédé aux consorts [M] ; la mention de la terrasse dans la donation-partage des 3 juillet et 12 août 2009 serait insuffisante à établir le droit de propriété de Mme [M] dès lors que cette terrasse n'était pas mentionnée dans les actes antérieurs.
L'empiétement serait également établi par les plans dressés par M. [B] et M. [Z], géomètres.
Me [E], huissier, aurait mis en évidence le vestige d'un mur désigné par Mme [M] comme l'ancien mur de séparation, situé au milieu de sa terrasse.
La date de construction du mur et des agrandissements de la terrasse sont fortement contestés par Mme [U] ; cette dernière affirme que les pièces produites par Mme [M] sont contredites par l'ensemble des pièces versées depuis le début de la procédure.
Elle rappelle que la charge de la preuve pèse sur la partie qui entend se prévaloir de la prescription acquisitive, de sorte qu'en l'état des attestations discordantes, la demande aurait dû être rejetée.
Elle explique diriger son action à la fois contre Mme [M] auteure des travaux ayant créé l'empiétement et propriétaire du lot bénéficiant de la jouissance privative de la terrasse, et contre le syndicat des copropriétaires dès lors que les ouvrages à l'origine de l'empiétement peuvent être considérés comme des parties communes de la copropriété.
En réponse, Mme [M] observe que Mme [U] ne revendique pas la propriété de la terrasse telle qu'elle résulte des actes notariés, mais prétend qu'elle empiète sur son fond.
Elle estime qu'il n'est pas nécessaire de rechercher l'existence d'un empiétement de sa terrasse, puisqu'en tout état de cause, elle soutient en avoir acquis la propriété par suite d'une usucapion.
Elle affirme que les vestiges constatés par Me [E] ne sont pas ceux d'un mur constituant la limite séparative des parcelles I [Cadastre 4] et I [Cadastre 6], mais ceux de fondations d'une
murette au bas du mur parallèle à la rue Pascialedda, qui a été détruite. Elle fait valoir qu'il ne peut s'agir d'un mur séparatif puisque ses fondations sont perpendiculaires au mur de soutènement existant, et non parallèles.
Elle relève que la commune de [Localité 10] n'a formulé aucune demande de démolition à son encontre s'agissant du mur la séparant de la rue Pascialedda.
L'appelante principale soutient que le mur de soutènement et la terrasse ont été construits en 1979-1980 et que la possession est demeurée continue, paisible et publique jusqu'à l'introduction de la présente instance, de sorte que la prescription acquisitive était déjà acquise dès l'année 2010.
Elle affirme que les attestations fournies par les parties intimées sont fausses.
Le syndicat des copropriétaires affirme qu'il résulte des pièces versées au débat par Mme [M] que le mur de soutènement sur lequel s'appuient les terrasses ne peut avoir été construit qu'en même temps que ces terrasses ou un peu avant, soit dans les années 1979-1980.
Il estime dès lors que c'est à bon droit que le tribunal a retenu la prescription acquisitive des coïndivisaires sur ce mur, un délai supérieur à trente ans s'étant écoulé avant l'introduction de la présente instance.
La commune de [Localité 10] et le syndicat des copropriétaires ne formulent pas d'observation sur ce point.
En l'espèce, il résulte des actes de vente des 17 mai 1926 et 6 janvier 1928 que M. [G] [M], auteur de Mme [M], a acquis une maison composée de deux étages, d'une cave et d'un grenier, sans mention d'une terrasse.
Il ne saurait toutefois être déduit de ces mentions l'existence d'un empiétement du fait de la création de deux terrasses au profit du fond appartenant à Mme [M] ; pour se prévaloir d'un empiétement, il convient en effet, au préalable, de déterminer les limites des parcelles.
Mme [U] se fonde tout d'abord sur deux plans établis respectivement en juin 2003 et août 2004 par M. [Z] et M. [B], géomètres. Il ressort néanmoins de ces documents que les géomètres se sont fondés sur les limites cadastrales pour démontrer l'existence d'empiétements.
Or il convient de rappeler que les informations issues de la documentation cadastrale, si elles servent de base pour le calcul des impôts locaux, sont dépourvues de valeur juridique et ont une simple valeur indicative pour la détermination des limites entre des parcelles contiguës.
Ces plans ne peuvent donc établir l'existence d'un empiétement.
La copie du procès-verbal de constat établi les 28 juillet et 18 août 2015 versée au débat est par ailleurs inexploitable au regard de sa médiocre qualité rendant certaines feuilles illisibles.
La même observation sera formulée à propos de la superposition des photographies aériennes au cadastre du site géoportail, inexploitable en raison de la mauvaise qualité des pièces fournies au débat. En toutes hypothèses, il sera rappelé que les limites cadastrales ne peuvent permettre d'établir la réalité d'un empiétement.
D'autre part, les photographies 2, 3 et 4 versées par Mme [U] sont prises depuis la placette et ne permettent pas d'appréhender la limite entre les fonds litigieux.
Les parties versent par ailleurs de nombreuses attestations ; si la plupart ont été établies par des membres de l'entourage familial ou amical des parties, il sera observé que ces liens leur ont permis d'être les témoins privilégiés de l'évolution de l'état des lieux et que cette seule circonstance n'est pas de nature à ôter la force probante des témoignages.
Certaines attestations peuvent apparaître contradictoires sur la date de réalisation des deux terrasses, notamment en ce que certains témoignages produits par Mme [U] font état d'une construction de la terrasse en deux étapes, dont l'une qu'ils situent après 1990, tandis que les témoignages produits par Mme [M] mentionnent l'existence de terrasses demeurées identiques depuis 1980.
Néanmoins, les témoignages humains étant faillibles par essence, il convient de privilégier les témoins ayant pris le soin d'annexer à leur attestation des photographies qu'ils datent à partir de l'âge des personnes présentes sur les images, puisqu'un élément objectif permet de corroborer leurs déclarations.
M. [J] [H] -pour lequel aucun élément ne permet d'établir un quelconque illettrisme- produit ainsi une photographie qu'il date de l'été 1982 car son fils né le 31 mars 1981 se trouve sur un vélo. [N] [M] le tient par les bras, et une autre photographie contemporaine de ce dernier passant le balai est produite.
Le mur séparatif est parfaitement visible derrière les personnes photographiées.
Ce dernier est en tous points identiques au mur séparatif existant actuellement :sa hauteur est de trois pierres, et les pierres utilisées sont parfaitement similaires. L'ensemble des photographies fait en effet apparaître une seconde pierre plus petite que les autres, en partant du garde-corps.
Il est donc démontré que le mur séparatif actuel existait déjà à l'été 1982, soit plus de trente années avant l'introduction de la présente instance.
La photographie annexée à l'attestation de Mme [L] [C] est pour sa part datée de l'année 1980, puisque le témoin affirme être âgée de sept années sur le cliché.
Les deux terrasses sont visibles alors que les travaux de terrassement sont en cours ; le sol n'est pas encore dallé.
La chronologie est tout à fait cohérente avec les clichés évoqués précédemment.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu une possession continue et non interrompue, paisible, publique et non équivoque à titre de propriétaire des terrasses par Mme [M] et ses auteurs, et rejeté par suite, la demande en revendication de Mme [U].
Mme [U] sera par ailleurs déboutée de sa demande d'expertise, sans objet dès lors que l'usucapion a été retenue.
Sur les frais et honoraires de l'administrateur provisoire
Eu égard à la présente décision, Mme [U] sera déboutée de sa demande visant à se voir rembourser toutes les sommes avancées pour permettre à l'administrateur provisoire d'exécuter sa mission ; le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [D] [U] à supporter la charge intégrale des frais et honoraires de l'administration provisoire de l'immeuble situé à [Localité 10], [Adresse 7], soit la somme de 2 289,38 euros.
Dès lors que le syndicat des copropriétaires justifie avoir versé cette somme à l'administrateur provisoire, le jugement sera complété afin de voir ordonner la condamnation de Mme [U] au paiement de ladite somme au syndicat des copropriétaires.
Sur les autres demandes
Il n'est pas équitable de laisser au syndicat des copropriétaires et à la commune de [Localité 10] les frais irrépétibles non compris dans les dépens ; Mme [M] sera par conséquent condamnée à payer à la commune de [Localité 10] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tandis que Mme [D] [U] sera condamnée à payer la somme de 3 000 euros au syndicat des copropriétaires sur le même fondement.
En revanche, il n'est pas inéquitable de laisser à Mme [M] et Mme [U] leurs frais irrépétibles non compris dans les dépens ; elles seront donc déboutées de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Enfin, Mme [U] et Mme [M] épouse [K], qui succombent, seront condamnées in solidum au paiement des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il :
- s'est déclaré matériellement incompétent pour connaître de la demande de Mme [I] [M] épouse [K] dirigée à l'encontre de la commune de [Localité 10],
- a dit n'y avoir lieu à mettre en cause Mme [D] [U] au titre des travaux réalisés sur son fonds par la commune de [Localité 10],
- a renvoyé en conséquence Mme [I] [M] épouse [K] et Mme [D] [U] à mieux se pourvoir,
Statuant à nouveau des chefs de jugement infirmés,
Déclare recevable la demande de démolition présentée par Mme [Y] [M], épouse [K],
Déboute Mme [Y] [M], épouse [K], de sa demande de démolition de l'escalier sous astreinte,
Y ajoutant,
Condamne Mme [D] [U] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 7] à [Localité 10], représenté par Mme [Y] [M], épouse [K], en qualité de syndic, la somme de 2 289,36 euros au titre des frais de l'administrateur provisoire,
Condamne [Y] [M], épouse [K], à payer à la commune de [Localité 10] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [D] [U] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 7] à [Localité 10], représenté par Mme [Y] [M], épouse [K], en qualité de syndic, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne in solidum Mme [Y] [M], épouse [K], et Mme [D] [U] au paiement des dépens.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT