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18/05/2022 | FRANCE | N°19/01083

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile section 1, 18 mai 2022, 19/01083


Chambre civile

Section 1



ARRET N°



du 18 MAI 2022



N° RG 19/01083

N° Portalis DBVE-V-B7D-B5UY MB - C



Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 17 Septembre 2019, enregistrée sous le n° 18/00707



[W]



C/



[W]









Copies exécutoires délivrées aux avocats le





















>














COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE CIVILE



ARRET DU



DIX HUIT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX







APPELANT :



M. [V] [W]

né le 12 Juillet 1967 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 1]



Représenté par Me Jean-Pierre RIBAUT-PASQUALINI de la ...

Chambre civile

Section 1

ARRET N°

du 18 MAI 2022

N° RG 19/01083

N° Portalis DBVE-V-B7D-B5UY MB - C

Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 17 Septembre 2019, enregistrée sous le n° 18/00707

[W]

C/

[W]

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU

DIX HUIT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

APPELANT :

M. [V] [W]

né le 12 Juillet 1967 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Jean-Pierre RIBAUT-PASQUALINI de la SCP RIBAUT-PASQUALINI, avocat au barreau de BASTIA substitué par Me Laura VEGA, avocate au barreau de BASTIA, Me Hélène ROUSSEAU NATIVI, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

M. [Y] [W]

né le 29 Avril 1968 à [Localité 5]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Me Christian FINALTERI, avocat au barreau de BASTIA

substitué par Me Arnaud ROMESTAING-PARIGI, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 7 mars 2022, devant la Cour composée de :

François RACHOU, Premier président

Françoise LUCIANI, Conseillère

Micheline BENJAMIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Cécile BORCKHOLZ.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 mai 2022

ARRET :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par François RACHOU, Premier président, et par Françoise COAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant un acte notarié du 18 juin 2013, MM. [Y] et [V] [W], ont acquis en indivision, à concurrence de moitié chacun, une parcelle de terre située à [Localité 7], moyennant le prix de 57. 000 euros.

Par acte d'huissier du 28 mai 2018, M. [V] [W] a assigné son frère M. [Y] [W], devant le tribunal de grande instance de Bastia, en vue d'obtenir notamment, le partage de l'indivision conventionnelle exitant entre eux, la désignation d'un expert pour établir la valeur des biens indivis et le paiement d'une indemnité d'occupation par par le défendeur.

Par jugement contradictoire du 17 septembre 2019, le tribunal a :

- constaté qu'il n'existe aucune créance de M. [V] [W] à l'égard de l'indivision,

- constaté que M. [Y] [W] n'est redevable d'aucune indemnité d'occupation,

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision conventionnelle existant entre M. [V] [W] et M. [Y] [W],

- désigné pour y procéder, Me [J] [T], notaire à [Localité 3],

Avant dire droit

- ordonné une expertise et désigné, pour y procéder Mme [L] [F],

- rejeté toutes autres demandes,

- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation et partage.

Par déclaration d'appel reçue le 20 décembre 2019, M. [V] [W] a interjeté appel contre ce jugement, en précisant les chefs critiqués de cette décision.

Par ses conclusions notifiées le 23 décembre 2020, l'appelant demande à la cour de :

- confirmer purement et simplement le dispositif du jugement en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de l'indivision conventionnelle existant entre M. [V] [W] et M. [Y] [W], désigné un notaire pour y procéder et avant dire droit désigné un expert, missionné pour faire les comptes entre les parties,

- réformer le jugement en ce qu'il constate, d'une part, qu'il n'existerait aucune créance de celui-ci à l'égard de l'indivision et que, d'autre part, M. [Y] [W] ne serait redevable d'aucune indemnité d'occupation,

Statuant nouveau sur ces deux points,

- dire et juger qu'il existe une créance de celui-ci sur l'indivision telle qu'elle résulte des projets d'actes notariés qui font expressément référence à la relation de causalité avec le financement de la construction à hauteur de 60.000 € et que ces projets d'actes notariés ont été dictés par l'intimé [Y] [W] qui a donc admis que pour la réalisation de la construction commune, celui-ci avait financé cette construction à hauteur de ce montant,

- dire et juger que cette créance sur l'indivision sera valorisée au profit subsistant c'est-à-dire rapportée à la valeur de l'ensemble immobilier,

- dire et juger qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité de fait de jouir du bien dont il est indivisaire et dire et juger que M. [Y] [W] doit donc à l'indivision une indemnité d'occupation qu'il appartiendra à l'expert désigné de valoriser compte tenu des caractéristiques du terrain et de l'immeuble concerné et des recettes résultant de la location à des tiers du rez de jardin du bien commun,

- compléter la mission de l'expert désigné avant dire droit par le jugement en indiquant qu'il lui appartiendra de fournir au tribunal les éléments lui permettant d'établir et de calculer l'indemnité d'occupation du par un des indivisaires à l'indivision, notamment en établissement la valeur locative des biens, en tenant compte du fait, qu'une partie de l'immeuble est loué dans le cadre de locations à des tiers,

- condamner le coindivisaire [Y] [W] à régler un montant de 2.000 €, au titre de l'article 700 du CPC en appel et dire que les dépens de première instance et d'appel, y incluant les honoraires de postulation et les honoraires d'expertise, seront liquidés en frais de partage.

Par ses conclusions notifiées le 29 décembre 2020, l'intimé demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- constater l'omission de statuer affectant le jugement entrepris,

En conséquence,

- compléter ledit jugement ainsi que l'arrêt à intervenir,

- ordonner la rectification en marge de la minute dudit jugement rendu et des expéditions délivrées,

- condamner M. [V] [W] à lui régler la somme de 3.000,00 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens, en ce compris les dépens de première instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 03 mars 2021.

Puis par ses conclusions notifiées le 30 mai 2021, M. [V] [W] demande au conseiller de la mise en état ou le cas échéant à la cour, au visa des articles 907 et 803 du code de procédure civile :

- de révoquer l'ordonnance de clôture du 3 mars 2021,

- d'accueillir ses conclusions et les deux pièces versées aux débats,

- de réouvrir les débats, afin de permettre la discussion contradictoire sur ces pièces, sans modification de la date de plaidoirie.

Par des conclusions notifiées le 28 juin 2021, l'intimé demande au conseiller de la mise en état ou le cas échéant à la cour, au visa articles 803 et 907 du code de procédure civile de :

- dire n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture ;

En conséquence,

- débouter M. [V] [W] de l'ensemble de ses demandes fins, et conclusions pour les moyens exposés aux motifs ;

- le condamner à lui payer la somme de 1.000,00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens (article 696 du même code).

Par ses dernières conclusions notifiées le 29 juin 2021, M. [V] [W] demande au conseiller de la mise en état ou le cas échéant à la cour de :

- révoquer l'ordonnance de clôture du 3 mars 2021 et admettre la production des pièces 20 et 21,

- constater que le débat contradictoire sur ces pièces ayant eu lieu, elles peuvent être versées aux débats,

- rejeter en tout état de cause, la demande de condamnation formée par [Y] [W] fondée sur l'article 700 du CPC.

Par arrêt avant dire doit du 06 octobre 2021,la cour d'appel de Bastia a :

- prononcé la révocation de l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 3 mars 2021 ;

- ordonné la réouverture des débats ;

- renvoyé l'affaire à la mise en état

- débouté M. [Y] [W] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- réservé les dépens.

Par ses conclusions notifiées le 03 décembre 2021, l'appelant demande à la cour, textuellement :

' - Confirmer purement et simplement le dispositif du jugement en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de l'indivision conventionnelle existant entre M. [V] [W] et M. [Y] [W] et désignant un notaire pour y procéder et avant dire droit désignant un expert, missionné pour faire les comptes entre les parties.

- Réformer le jugement en ce qu'il constate d'une part qu'il n'existerait aucune créance de M. [V] [W] à l'égard de l'indivision et que d'autre part M. [Y] [W] ne serait redevable d'aucune indemnité d'occupation.

Statuant nouveau sur ces deux points,

- Dire et juger qu'il existe une créance de M. [V] [W] sur l'indivision telle qu'elle résulte des projets d'acte notariés qui font expressément référence à la relation de causalité avec le financement de la construction à hauteur de 60.000 € et que ces projets d'acte notariés ont été dictés par l'intimé [Y] [W] qui a donc admis que pour la réalisation de la construction commune son frère [V] avait financé cette construction à hauteur de ce montant.

- Dire et juger que cette créance sur l'indivision sera valorisée au profit subsistant c'est-à-dire rapportée à la valeur de l'ensemble immobilier.

- Dire et juger que M. [V] [W] s'est trouvé dans l'impossibilité de fait de jouir du bien dont il est indivisaire et dire et juger que M. [Y] [W] doit donc à l'indivision une indemnité d'occupation qu'il appartiendra à l'expert désigné de valoriser compte tenu des caractéristiques du terrain et de l'immeuble concerné et des recettes résultant de la location à des tiers du rez de jardin du bien commun.

- Compléter la mission de l'expert désigné avant dire droit par le jugement en indiquant qu'il lui appartiendra de fournir au tribunal les éléments lui permettant d'établir et de calculer l'indemnité d'occupation du par un des indivisaires à l'indivision, notamment en établissement la valeur locative des biens, en tenant compte du fait, qu'une partie de l'immeuble est loué dans le cadre de locations à des tiers.

- Condamner le coindivisaire [Y] [W] à régler un montant de 2.000 € au titre de l'article 700 du CPC en appel et Dire que les dépens de première instance et d'appel, y incluant les honoraires de postulation, et les honoraires d'expertise seront liquidés en frais de partage'.

L'intimé n'a pas conclu à nouveau, après l'arrêt avant dire droit.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 05 janvier 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions sus-visées et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la créance de M. [V] [W]

Le tribunal a, au visa de l'article 9 du code de procédure civile, considéré que l'existence d'une créance de 60.000 euros de M. [V] [W] à l'égard de l'indivision n'était pas établie.

S'agissant des pièces produites par ce dernier au soutien de sa demande, il a retenu, notamment, que, le premier document était un projet d'acte non signé et n'établissait pas que les 60.000 prêtées étaient en lien avec l'indivision et le second document laissait apparaître plusieurs chèques sans aucun lien démontré avec l'indivision.

Devant la cour, l'appelant réitère sa demande au titre d'une créance de 60.000 euros à l'égard de l'indivision, en reprenant ses moyens et arguments de première instance.

Au soutien de l'existence de sa créance, il invoque la réalité des versements qu'il a effectués au profit de l'intimé et/ou de sa famille à hauteur de 54.362,49 euros, en se référant à diverses pièces versées aux débats, notamment, un relevé chronologique des événements et versement, une facture de l'architecte M. [Z] du 08 mars 2013, le chèque de règlement et une liste des versements avec des pièces justificatives.

Il se prévaut aussi des projets d'actes notariés comprenant une reconnaissance de dette de 60.000 euros par l'intimé à son profit et fait état de la location saisonnière d'une partie du bien indivis effectuée par l'intimé, comme il est justifié.

L'appelant expose que les parties étaient revenues sur leur décision de faire construire ensemble sur le terrain indivis et que l'intimé a saisi un notaire, Me [A], qui a sa demande, pour sortir de l'indivision, a dressé un projet d'acte de vente et une reconnaissance de dette, ainsi qu'une procuration aux termes de laquelle sans aucune ambiguïté, que : « M. [V] [W] a prêté à M. [Y] [W] la somme de soixante mille euros (60.000 €) pour la réalisation d'un projet immobilier sur la parcelle objet des présentes» '.. »

Il soutient que, contrairement aux appréciations faites par les premiers juges, ces actes en projet et surtout la procuration qui les accompagnait, constituent indiscutablement l'aveu par l'intimé lui-même de la réalité des sommes qu'il lui a versées et le fait que ces sommes ont été versées pour les besoins de la construction sur le terrain indivis la somme de 60.000 € et qu'en celui-ci est bien titulaire d'une créance sur l'indivision, de ce même montant à valoriser au profit subsistant.

En s'appuyant sur les dispositions des articles 1358 et 1360 du code civil, il fait valoir que ces projets d'acte rédigés par le notaire constituent la preuve par tout moyen, en relevant que le notaire, rédacteur du projet n'a pas pu « inventer » la somme de 60.000 euros et n'a pas pu non plus « inventer » la relation de causalité de ce versement entre les mains de l'intimé avec la construction du projet immobilier et que le projet d'acte de prêt/reconnaissance de dette indique expressément que les parties « ont requis le notaire soussigné de donner l'authenticité aux conventions suivantes arrêtées directement entre eux sans le concours ni la participation du notaire soussigné »

De son côté, l'intimé conteste l'existence de la créance alléguée par l'appelant en reprenant ses moyens et arguments de première instance.

Il réplique que, d'une part, s'agissant des chèques établis entre le 7 juin et le 16 juillet 2013, pour un montant de 22.815,33 euros, les chèques produits ne sont pas libellés à son ordre mais à l'ordre de Mme [R] [I], étrangère au présent litige, d'autre part, la seule remise de fonds par l'appelant à lui-même s'élève à la somme de 2.000 euros et n'a pas profité à l'indivision.

En ce qui concerne le versement du chèque de 7.176 euros à M. [Z], architecte, l'intimé soutient que ce chèque ne peut constituer une créance envers l'indivision, ayant été effectué préalablement à l'achat du terrain indivis.

Il ajoute que l'appelant ne démontre pas de lien avec l'indivision, de même que pour l'achat de 'mobiles homes'.

Il souligne que l'attestation de sa propre fille produite par l'appelant n'apporte rien aux débats, celle-ci relatant uniquement une dispute entre frères en 2013, concernant la conduite d'un véhicule à une vitesse excessive et que, s'agissant de revenus locatifs dont il fait état, celui-ci ne démontre pas la matérialité des faits.

En ce qui concerne les projets de reconnaissance de dette, d'acte de prêt et d'acte de vente, l'intimé réplique que ces actes sont de simples projets rédigés à la demande de l'appelant et qu'en outre, ils se contredisent entre eux, le projet de procuration faisant référence à une prétendue somme de 60.000 euros déjà versée, alors que le projet d'acte de vente vise une somme dont le versement n'est pas encore intervenu.

L'intimé affirme en outre, qu'il a construit lui-même la maison litigieuse et a réglé seul à l'aide des fonds propres provenant de la vente de la maison située en Picardie dont il était propriétaire, la totalité des frais, notamment d'achat de divers matériaux, pour près de 80.000 euros.

La cour relève que l'appelant invoque une créance sur l'indivision existant entre les parties sur le fondement des articles 815 et suivants du code civil.

Il convient de rappeler, qu'aux termes des dispositions de l'article 815-13 du code civil, un indivisaire peut se prévaloir d'une créance à l'égard de l'indivision lorsqu'il a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis ou fait des dépenses nécessaires pour la conservation d'un bien indivis.

En l'espèce, les parties ont fait l'acquisition en indivision d'une parcelle de terre située à [Localité 7], suivant un acte notarié du 18 juin 2013, dont une copie est versée aux débats.

Or, il ressort de l'examen des pièces versées par l'appelant au soutien de sa demande, que tous les versements dont ce dernier fait état dans sa pièce 5 pour un montant total de 54.362,40 euros, sont antérieurs à la date 18 juin 2013 (15.800 € en 2011, 8.500 € en 2012 et 30.062,40 en 2013) et la seule facture postérieure à cette date, à savoir la facture de la SAS Brico Alistro à l'enseigne Weldom émise 28 juin 2013, d'un montant de 547 euros, d'une part est au nom de 'MR [W]' sans indication d'un prénom, d'autre part, ne constitue pas à celle une preuve de paiement par l'appelant, aucun chèque correspondant n'étant produit.

Ces versements, sans qu'il soit nécessaire d'en faire une plus ample analyse, ne peuvent donc être considérés comme ayant pu être effectuées pour améliorer un bien indivis ni comme des dépenses de conservation de ce bien indivis, en l'espèce, la construction de la maison édifiée sur le terrain acquis en indivision le 18 juin 2013, de sorte que l'appelant ne valablement se prévaloir d'une créance correspondant à ces versements à l'encontre de l'indivision, alors inexistante, seuls les bénéficiaires de ces versements peuvent en être les débiteurs, quelle que soit l'utilisation faite des sommes versées

En outre, il ressort des projets d'actes, notamment le projet d'acte de prêt/reconnaissance de dette dont fait état l'appelant, l'existence éventuelle d'une créance de 60.000 € de l'appelant à l'encontre de l'intimé, considéré comme le débiteur ou l'emprunteur de cette somme, mais ces documents ne permettent pas de démontrer l'existence d'une créance de l'appelant à l'encontre de l'indivision.

Au surplus, ces projets d'actes ne mentionne aucune précision sur la ou les dates de versement par l'appelant à l'intimé de la somme totale de 60.000 euros et aucun élément, au vu de ces projets d'actes, ni aucune pièce versée aux débats, ne permet d'établir que cette somme a été versée postérieurement à l'acte notarié du 18 juin 2013.

Il est souligné, au regard de l'estimation de la construction à 240.000 euros, par l'architecte M. [Z], sur sa facture d'honoraires sus-visée, que l'intimé ne justifie pas comme il l'affirme, avoir financé la construction sur le terrain indivis intégralement avec ses fonds personnels, étant relevé que le solde du prix de la vente de sa maison réalisée le 4 juin 2013, s'élevait à 109.112, 50 €, toutefois cet élément ne permet pas d'établir l'existence d'une créance de l'appelant à l'égard de l'indivision.

Il y a donc lieu de confirmer, par substitution de motifs, le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de M. [V] [W] au titre de sa créance de 60.000 euros.

Sur l'indemnité d'occupation

Le tribunal a relevé que M. [Y] [W] ne contestait pas occuper les lieux, mais a retenu que M. [B] [W] n'avait pas pris la peine de répondre au moyen de défense avancé par son frère, lequel relevait que celui-ci ne produisait aucun élément permettant d'établir une occupation privative et l'impossibilité de droit ou de fait d'user de la chose.

M. [V] [W] demande à la cour de dire que l'indivision est créancière d'une indemnité d'occupation due par l'intimé, dont l'expert sera chargé d'établir le quantum, en se fondant sur les dispositions de l'article 815-9 alinéa 2 du code civil, ainsi que sur la jurisprudence imposant de rechercher si l'occupation de l'immeuble par l'intimé excluait la même utilisation par son co-indivisaire et si la jouissance privative résultait de l'impossibilité de droit ou de fait, pour l'indivisaire, d'user de la chose.

Il soutient à nouveau que l'intimé use en totalité de l'immeuble à son seul profit et que celui-ci s'est trouvé dans l'impossibilité de fait de jouir du bien, en faisant valoir que l'élément factuel est son départ de la Corse pour la Bretagne suite à la mésentente avec son frère et pour éviter un drame familial irrémédiable.

Il invoque le caractère particulièrement violent et potentiellement dangereux de l'intimé, en se référant à la condamnation de ce dernier, dans le cadre d'une procédure de reconnaissance de culpabilité, pour des faits de violence aggravée dont l'une des victimes est sa propre compagne, ainsi que de détention d'armes et de munitions non déclarées, comme le justifient les pièces versées aux débats.

Il ajoute que l'intimé ne conteste pas la réalité de l'exploitation de l'immeuble par la location saisonnière, dont il demande également l'évaluation des produits

L'appelant précise avoir adressé une mise en demeure à l'intimé le 8 février 2016 lui indiquant qu'une indemnité d'occupation lui était due en raison de son impossibilité de jouir du bien et ajoute que celui-ci habite l'immeuble avec sa compagne et sans l'autorisation préalable de son coindivisaire, loue le rez-de-chaussée en location saisonnière via un site 'corse locations', en produisant une annonce de 'Corse location' avec des photos.

Il fait état d'un incident dans l'exercice par l'expert judiciaire de sa mission, résultant de la carence de l'appelant qui seul détenteur des clés, était absent le jour de l'expertise.

L'intimé ne conteste pas occuper le bien indivis et reprend ses moyens et arguments de première instance.

Il réplique que cette occupation résulte d'un accord entre les parties et que la construction occupée a été financée avec ses seuls deniers.

Il expose qu'à la fin de septembre l'appelant qui avait aménagé au sein du bien litigieux le 13 juin 2013 et partagé l'occupation de ce bien avec son épouse, décide de quitter la Corse pour aller s'installer en Bretagne au domicile de l'un de leur ami.

L'intimé fait valoir que son occupation n'a jamais été exclusive dans la mesure ou l'appelant n'a jamais été empêché d'occuper le bien indivis, comme retenu à juste titre par le tribunal dont il reprend la motivation.

La cour rappelle qu'aux termes de l'article 815-9 dernier alinéa du code civil, 'L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité'.

Ce texte, ni aucune autre disposition ne permet d'établir que le coindivisaire qui aurait financé seul l'immeuble indivis qu'il occupe à titre privatif, ne serait pas redevable d'une indemnité d'occupation.

En outre, conformément à l'article 9 du code de procédure civile, l'indivisaire qui se prévaut d'une convention contraire, comme prévu par l'article 815-9 précité, doit en apporter la preuve.

Or, en l'espèce l'intimé qui ne conteste occuper le bien immobilier indivis, ne produit aucune pièce permettant de constater l'accord de l'appelant dont il fait état, alors que ce dernier conteste et affirme, au contraire avoir été évincé du terrain commun, alléguant, au surplus, de la potentielle dangerosité et du caractère violent de l'intimé, même à l'égard de ses proches, comme il est justifié par les pièces versées aux débats.

Au surplus, il résulte de la lettre de mise en demeure du 8 février 2016, adressée par l'appelant à son frère, aux termes de laquelle celui-ci lui demande, notamment, de l'indemniser de sa quote-part sur 24 mois correspondant à un loyer mensuel de 1.200 euros divisé par deux pour une maison plus un studio, qu'il ne disposait pas de la jouissance de l'immeuble indivis.

En outre, la jouissance privative d'un immeuble résulte de l'impossibilité de droit ou de fait pour les coindivisaires d'user de la chose, or en l'espèce, au vu des éléments et pièces versés aux débats, seul l'intimé peut accéder à l'immeuble indivis et ai détenteur des clés, ce que ce dernier ne conteste pas et résulte, au surplus, de l'incident évoqué par l'appelant, causé dans l'exécution de la mission de l'expert judiciaire, par l'absence de M. [Y] [W] lors d'une convocation de toutes les parties pour visiter le bien.

S'agissant de la location saisonnière du rez-de-chaussée de cet immeuble, que justifie l'appelant par la production de l'annonce détaillée de l'annonce du site 'location vacances' de d'un appartement de l'immeuble indivis, indiquant 'votre hôte [Y]', l'intimé, au vu de ses conclusions taisantes sur ce point, ne conteste pas et ne formule aucune observation sur l'absence d'autorisation de son frère.

Au vu de l'ensemble de ces éléments et au regard de la demande formulée par l'appelant au dispositif, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de dire que l'intimé est redevable d'une indemnité d'occupation à l'égard de l'indivision qu'il appartiendra à l'expert judiciaire désigné, dont la mission sera compléter en conséquence, d'évaluer comme précisé au dispositif du présent arrêt.

Sur la créance de M. [Y] [W]

Le tribunal a relevé que M. [Y] [W] affirmait avoir financé la construction réalisée sur la parcelle indivise avec ses seuls deniers personnels, notamment, l'achat de divers matériaux pour près de 80.000 euros, outre les frais d'installation des réseaux d'eau et d'électricité.

Il a retenu que M. [V] [W] n'avait pas répondu sur ce point et que certaines des factures produisent par M. [Y] [W], établies au nom de ce dernier étaient suffisantes à établir l'existence d'une créance de ce dernier à l'égard de l'indivision.

Devant la cour, l'intimé invoque les dispositions des articles 463 et 561 du code de procédure civile et expose qu'en l'espèce, le tribunal, a omis de statuer dans son dispositif, sur sa demande de créance à l'encontre de l'indivision, en rapportant les motifs du jugement sur ce point.

Il ajoute que la simple mention 'Déterminer le montant des dépenses d'améliorations engagées par Monsieur [Y] [W] et l'indemnité due par Monsieur [V] [W] à ce titre' insérée dans le descriptif de la mission de l'expert désigné, n'est pas suffisante en ce qu'elle ne reconnaît pas précisément l'existence de ladite créance.

L'appelant, qui au vu de sa déclaration d'appel, n'a pas critiqué ce chef de disposition, n'a, dans ses conclusions, formulé aucune observation sur la demande de l'intimé sur ce point.

La cour relève que l'appel de M. [V] [W] ne porte pas sur l'existence de la créance de l'intimé à l'égard de l'indivision, de sorte que la juridiction n'est pas saisie sur ce chef de décision, l'appelant n'ayant en outre, formulé aucune observation sur ce point, dans ses conclusions.

Il convient aussi de rappeler, qu'aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Or, en l'espèce il ressort du dispositif des dernières conclusions de l'intimé, que ce dernier, s'il demande de 'Constater l'omission de statuer affectant le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bastia le 17 septembre 2019 sous le numéro RG n° 19/01083", ne fait pas état de sa créance à l'encontre de l'indivision.

La cour étant tenue dans les limites du dispositif des conclusions des parties, ne peut dans ses conditions faire droit à la demande de rectification d'omission de l'intimé.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les parties seront donc déboutées de leurs demandes respectives à ce titre.

Les parties supporteront chacune leurs dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a constaté que M. [Y] [W] n'était redevable d'aucune indemnité d'occupation,

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Dit que M. [Y] [W] doit une indemnité d'occupation à l'indivision ;

Dit que l'expert désigné, dont la mission est complétée à cet effet, déterminera le montant de l'indemnité d'occupation due par M. [Y] [W] à l'indivision, compte-tenu de la valeur locative de l'immeuble indivis et de la location saisonnière d'une partie de cet immeuble ;

Y ajoutant,

Vu l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile

Déboute M. [Y] [W] de sa demande de 'Constater l'omission de statuer affectant le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bastia le 17 septembre 2019 sous le numéro RG n° 19/01083' ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de tous autres chefs de demandes ;

Dit que les parties supporteront chacune leurs dépens d'appel.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile section 1
Numéro d'arrêt : 19/01083
Date de la décision : 18/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-18;19.01083 ?
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