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11/05/2022 | FRANCE | N°20/00209

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale, 11 mai 2022, 20/00209


ARRET N°

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11 Mai 2022

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N° RG 20/00209 - N° Portalis DBVE-V-B7E-B7O6

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[T] [K]

C/

S.A.S. SAS LAURIANNE ESTHETIQUE





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Décision déférée à la Cour du :



01 octobre 2020

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO

19/00152

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COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU : ONZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUXr>




APPELANTE :



Madame [T] [K]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Cécile PANCRAZI-LANFRANCHI, avocat au barreau d'AJACCIO substituée par Me Santa PIERI, avocat au barreau ...

ARRET N°

-----------------------

11 Mai 2022

-----------------------

N° RG 20/00209 - N° Portalis DBVE-V-B7E-B7O6

-----------------------

[T] [K]

C/

S.A.S. SAS LAURIANNE ESTHETIQUE

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

01 octobre 2020

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO

19/00152

------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : ONZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

APPELANTE :

Madame [T] [K]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Cécile PANCRAZI-LANFRANCHI, avocat au barreau d'AJACCIO substituée par Me Santa PIERI, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEE :

S.A.S. LAURIANNE ESTHETIQUE

N° SIRET : 791 489 719

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Camille SANTONI, avocat au barreau d'AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 février 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre,

Madame COLIN, Conseillère

Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 11 mai 2022

ARRET

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

***

EXPOSE DU LITIGE

Madame [T] [K] a été liée à la S.A.S. Laurianne Esthétique en qualité d'esthéticienne, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à effet du 1er août 2018, devant prendre normalement fin le 31 août 2019.

Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale de l'esthétique-cosmétique et de l'enseignement technique et professionnel lié aux métiers de l'esthétique et de la parfumerie.

Un protocole d'accord de rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée a été signé par les parties à effet du 11 mars 2019.

Madame [T] [K] a saisi le conseil de prud'hommes d'Ajaccio, par requête reçue le 22 juillet 2019, de diverses demandes.

Selon jugement du 1er octobre 2020, le conseil de prud'hommes d'Ajaccio a :

-débouté Madame [K] de l'intégralité de ses demandes,

-débouté la S.A.S. Laurianne Esthétique de ses demandes reconventionnelles,

-condamné Madame [K] aux entiers dépens.

Par déclaration du 18 novembre 2020 enregistrée au greffe, Madame [T] [K] a interjeté appel de ce jugement aux fins d'infirmation en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en date du 1er août 2018 en contrat de travail à durée indéterminée, déboutée de sa demande tendant à prononcer l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture du contrat de travail, déboutée de sa demande tendant à prononcer l'existence d'un travail dissimulé, déboutée de sa demande tendant constater l'existence de 3 heures supplémentaires non réglées, déboutée de sa demande de remboursement de frais kilométriques, débouté de ses demandes tendant au paiement des sommes suivantes : 1.513 euros au titre de la requalification de contrat de travail, 1.513 euros au titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, 2.023 euros au titre des indemnités kilométriques non réglées,1.482,74 euros au titre des heures supplémentaires réalisées et non réglées, 148,27 euros au titre des congés payés, 9.078 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé, 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du CPC, déboutée de sa demande de condamnation de la SAS Laurianne Esthétique tendant à rectifier l'intégralité des bulletins de paye portant le bon numéro de sécurité sociale de la salariée sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, condamnée aux entiers dépens de l'instance.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 6 septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame [T] [K] a sollicité :

-de juger recevable et le bien fondé l'appel interjeté,

-en conséquence, d'infirmer le jugement en ce qu'il : l'a déboutée de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en date du 1er août 2018 en contrat de travail à durée indéterminée, déboutée de sa demande tendant à prononcer l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture du contrat de travail, déboutée de sa demande tendant à déclarer que la rupture du contrat constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse, déboutée de sa demande tendant à voir constater un travail dissimulé, déboutée de ses demandes tendant au paiement des sommes suivantes : 1.513 euros au titre de la requalification de contrat de travail, 1.513 euros au titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, 2.023 euros au titre des indemnités kilométriques non réglées,1.482,74 euros au titre des heures supplémentaires réalisées et non réglées, 148,27 euros au titre des congés payés, 9.078 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé, 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du CPC, déboutée de sa demande de condamnation de la SAS Laurianne Esthétique tendant à rectifier l'intégralité des bulletins de paye portant le bon numéro de sécurité sociale de la salariée sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, condamnée aux entiers dépens de l'instance,

-de juger que le contrat de travail sera requalifié en contrat à durée indéterminée,

-de juger que la rupture intervenue constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamner en conséquence, la SAS Laurianne Esthétique prise en la personne de son représentant légal en exercice à lui régler les sommes suivantes :

*1.513 euros au titre de la requalification de contrat de travail

*1.513 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

*5.000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif

*2.023 euros au titre des indemnités kilométriques non réglées

*1.482,74 euros au titre des heures supplémentaires réalisées et non réglées

*148,27 euros au titre des congés payés

*9.078 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé

-de condamner la SAS Laurianne Esthétique prise en la personne de son représentant légal en exercice à rectifier l'intégralité des bulletins de paie portant véritable numéro de sécurité sociale sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir

-de confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté la SAS Laurianne Esthétique prise en la personne de son représentant légal en exercice de ses demandes,

-de condamner la SAS Laurianne Esthétique prise en la personne de son représentant légal en exercice à lui régler la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 29 octobre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A.S. Laurianne Esthétique a demandé :

-de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Ajaccio en date du 1er octobre 2020 en ce qu'il a : débouté Madame [K] de l'intégralité de ses demandes, condamné Madame [K] aux entiers dépens,

-sur l'appel incident :

*de la recevoir en son appel incident et y faire droit,

*d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Ajaccio en date du 1er octobre 2020 seulement en ce qu'il a : débouté la SAS Laurianne Esthétique de ses demandes reconventionnelles,

*statuant à nouveau : de condamner Madame [T] [K] à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi,

-de débouter Madame [T] [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

-de condamner Madame [T] [K] à verser à la SAS Laurianne Esthétique la somme de 4.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du C.P.C., outre aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 7 décembre 2021, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 8 février 2022, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 11 mai 2022.

MOTIFS

La recevabilité des appels, formés à titre principal et incident, n'est pas contestée et les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office. Ces appels, formés à titre principal et incident, seront donc déclarés recevables en la forme, tel que sollicité.

En vertu des dispositions de l'article L1242-12 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée doit comporter l'indication précise du motif pour lequel il a été conclu.

En cas de litige sur le motif du recours ou sur la persistance du motif du recours, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat à durée déterminée ou son avenant. A défaut, le contrat doit être requalifié en contrat à durée indéterminée, si le salarié le demande.

En application de l'article L1245-2 du code du travail, lorsque le juge fait droit à une demande de requalification de contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, il doit condamner l'employeur à verser au salarié une indemnité ne pouvant être inférieure à un mois de salaire, à moins que la requalification découle du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle de travail après l'échéance de son terme.

En l'espèce, le contrat à durée déterminée signé par les parties à effet du 1er août 2018 au 31 août 2019 précise en son article 3 'Objet et durée du contrat' que : 'Le salarié est engagé pour répondre à la nécessité de renforcer le personnel pour faire face à l'accroissement temporaire de l'activité habituelle de l'entreprise.'

Il est admis en la matière que l'accroissement temporaire d'activité doit correspondre à une augmentation temporaire de l'activité habituelle de l'entreprise, situation recouvrant les augmentations accidentelles ou cycliques de la charge de travail que l'entreprise ne peut absorber avec ses effectifs habituels. Il peut tout aussi bien résulter d'accroissements ponctuels inhérents à l'organisation de l'activité de l'entreprise que de surcharges normales dans le cadre de son activité permanente.

Le motif du recours au contrat à durée déterminée du 1er août 2018 est contesté par l'appelante. Force est de constater que l'employeur, sur lequel repose la charge de la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat, n'apporte pas d'éléments suffisants pour démontrer de celle-ci. En effet, les pièces visées à l'appui de sa démonstration du bien fondé du motif (à savoir le texto adressé par Madame Laurianne [V] à sa clientèle le 17 juillet 2018 ; le contrat de bail commercial entre Madame [V] et les consorts [E]/[U] à effet du 1er juillet 2018) ne permettent pas en elles-même de justifier de la réalité du motif d'accroissement temporaire d'activité énoncé dans le contrat de travail à durée déterminée liant Madame [K] à la S.A.S. Laurianne Esthétique. A rebours, il se déduit des éléments produits que la conclusion dudit contrat à durée déterminée répondait aux besoins d'une activité normale et permanente de l'entreprise, liée à l'ouverture d'un institut de beauté (censé s'inscrire dans la pérennité) alors que jusque là Madame [V], dirigeante de la S.A.S. Laurianne Esthétique travaillait à domicile, et non à un besoin de main d'oeuvre supplémentaire le temps de mise en place de l'institut ou le temps de l'état de grossesse de Madame [V], analyse que confirme la durée conséquente du contrat de travail à durée déterminée conclu (13 mois).

Dans ces conditions, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges sans analyse préalable de la réalité du motif du recours, le contrat de travail à durée déterminée du 1er août 2018 liant les parties doit être requalifié en contrat à durée indéterminée, après infirmation du jugement à cet égard.

Dans le même temps, au regard de la requalification opérée, de ce qui précède, il convient, après infirmation du jugement entrepris à cet égard, de condamner la S.A.S. Laurianne Esthétique à verser à Madame [K] une indemnité de requalification à hauteur de 1.513 euros, montant non critiqué par l'employeur.

Les demandes en sens contraire seront rejetées.

En vertu de l'article L 3171-4 du code du travail, la preuve des heures supplémentaire effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il est désormais établi qu'il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Dans l'hypothèse, où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances s'y rapportant.

Madame [K] critique le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de rappels de salaire au titre d'heures supplémentaires d'un montant de 1.482,74 euros et de congés payés afférents sur la période d'août 2018 à mars 2019.

Madame [K], en dehors de ses bulletins de paie, produit, pour la période concernée, des textos, une photo non datée, une fiche de remboursement de frais kilométriques établie par ses soins et une attestation émanant de Madame [W], cliente de l'entreprise. Force est de constater que les textos, photo et fiche ne permettent pas de retirer des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées réclamées, tandis que l'attestation de Madame [W] ne contient pas d'éléments précis sur les horaires effectués par Madame [K]. Aucun décompte ou document détaillant précisément ses horaires journaliers de travail n'est transmis, ni plus globalement aucune pièce permettant de distinguer les heures déjà rémunérées de celles réclamées par la salariée. Dans ces conditions, comme soutenu par l'employeur (qui, contrairement à ce qu'affirme la salariée, n'a pas émis de reconnaissance claire et non équivoque afférentes aux heures supplémentaires réclamées), il ne peut être considéré que Madame [K] présente, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Dès lors, sans que cela revienne à faire peser la charge de la preuve sur la seule salariée, ses demandes au titre des heures supplémentaires sur la période d'août 2018 à mars 2019 et des congés payés afférents ne peuvent qu'être rejetées, le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions querellées à ces égards. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

S'agissant des demandes afférentes à la rupture du contrat de travail, après avoir constaté que le contrat n'a pas été juridiquement rompu à l'initiative de la salariée contrairement à ce qu'expose l'employeur, il y a lieu d'observer que le contrat de travail requalifié n'a pas été rompu selon l'une des voies légalement prévues pour un contrat de travail à indéterminée, notamment par un licenciement, ou par une rupture conventionnelle au sens des articles L1237-11 et suivants du code du travail, homologuée par l'autorité administrative. Dès lors, comme soutenu par Madame [K], cette rupture ne peut s'analyser que comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, peu important la question d'une création ultérieure d'une entreprise par Madame [K] telle qu'invoquée par la S.A.S. Laurianne Esthétique.

Les dispositions de l'article L1235-3 du code du travail dans leur version issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, modifiée par la loi n°2018-217, sont normalement applicables au litige.

Madame [K] estime que les dispositions de l'article L1235-3 du code du travail ne sont pas conformes aux règles internationales.

Toutefois :

-s'agissant de la compatibilité de l'article L1235-3 du code du travail avec l'article 24 de la charte sociale européenne révisée, selon la partie II de ce dernier texte :
« Les Parties s'engagent à se considérer comme liées, ainsi que prévu à la partie III, par les obligations résultant des articles et des paragraphes ci-après.
[...]
Article 24 ' Droit à la protection en cas de licenciement
En vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaître :
a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service ;
b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.
A cette fin les Parties s'engagent à assurer qu'un travailleur qui estime avoir fait l'objet d'une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial ».

Eu égard à l'importance de la marge d'appréciation laissée aux parties contractantes par les termes précités de la charte sociale européenne révisée, rapprochés de ceux des parties I et III du même texte, les dispositions de l'article 24 de ladite charte ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers,

-parallèlement selon l'article 10 de la Convention internationale du travail n° 158 sur le licenciement de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui est d'application directe en droit interne : « Si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée. »

Le terme 'adéquat' doit être compris comme réservant aux Etats parties une marge d'appréciation.

Il se déduit que les dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, qui prévoient notamment, pour un salarié ayant zéro année complète d'ancienneté dans une entreprise employant moins de onze salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant minimal de salaire brut sans objet et maximal de 1 mois de salaire brut, qu'elles sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.

Plus globalement, ces dispositions de l'article L1235-3 du code du travail ne comportent pas de restriction disproportionnée par rapport à l'intérêt général poursuivi et le juge doit prendre en compte tous les éléments de préjudice. Dès lors, ces dispositions textuelles n'empêchent pas une réparation adéquate et appropriée et n'ont pas à être écartées.

Au regard de son ancienneté, de son âge (pour être née en 1977) des conditions dans lesquelles la rupture est intervenue et de son aptitude à retrouver un emploi, de l'absence de réintégration envisagée, des plafonds minimal (sans objet) et maximal en mois de salaire brut, Madame [K], qui ne justifie pas, par pièces produites aux débats, d'un plus ample préjudice se verra allouer, après infirmation du jugement à cet égard, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 1.500 euros et sera débouté du surplus de sa demande, non fondée. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

Comme observé par la S.A.S. Laurianne Esthétique, l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ne peut pas, au cas d'espèce, se cumuler avec les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté Madame [K] de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

S'agissant des indemnités kilométriques réclamées par Madame [K] pour un montant de 2.023 euros sur la période courant du 11 septembre 2018 au 5 mars 2019, l'appelante critique vainement le jugement. En effet, elle ne justifie pas, au travers des quelques pièces produites par ses soins, d'une utilisation de véhicule personnel, en l'occurrence du véhicule objet d'une acquisition le 7 décembre 2018 et immatriculé le 10 avril 2019, dans le cadre de déplacements exclusivement professionnels et nécessaires à l'entreprise. Dès lors, le jugement entrepris ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a débouté Madame [K] de sa demande de ce chef. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

En application de l'article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans le cadre du travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité égale à six mois de salaire. Si le paiement d'une telle indemnité n'est pas subordonné à l'existence d'une décision pénale déclarant l'employeur coupable du délit de travail dissimulé, le salarié doit cependant démontrer la mauvaise foi ou l'intention frauduleuse de l'employeur.

Madame [K] sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé à hauteur de 9.078 euros.

Au cas d'espèce, une intention frauduleuse de l'employeur, quant à une dissimulation d'heures dans le cadre de tournées ou à une dissimilation d'activité au travers d'un non-paiement d'indemnités kilométriques (heures supplémentaires et indemnités kilométriques non réglées dont l'existence n'a été pas été mise en évidence dans le cadre de la présente instance) n'est pas démontrée par Madame [K], tandis que l'absence de système de décompte des heures de la salariée par l'employeur n'est pas en soi démonstratif d'une mauvaise foi ou intention frauduleuse de l'employeur.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Madame [K] de sa demande à cet égard et les demandes en sens contraire rejetées.

La S.A.S. Laurianne Esthétique sollicite quant à elle l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5.000 euros au titre d'un manquement de Madame [K] à son obligation de loyauté. Toutefois, la cour, à instar des premiers juges, ne peut faire droit à cette demande, la S.A.S. Laurianne Esthétique ne rapportant pas la preuve d'un préjudice effectivement subi du fait d'un comportement déloyal de la salariée à son égard. En ce sens, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la S.A.S. Laurianne Esthétique de sa demande de ce chef. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

Madame [K] ne développe pas, dans ses écritures d'appel, de moyen à même de fonder sa demande d'infirmation du jugement s'agissant de la demande de rectification sous astreinte de bulletins de paie pour ce qui est du numéro de sécurité sociale. Elle sera déboutée sur ce point et le jugement entrepris confirmé en ses dispositions querellées à cet égard, les demandes en sens contraire étant rejetées.

La S.A.S. Laurianne Esthétique, succombant principalement, sera condamnée aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant infirmé à cet égard) et de l'instance d'appel.

L'équité commande de prévoir la condamnation de la S.A.S. Laurianne Esthétique à verser à Madame [K] une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance (le jugement entrepris étant à cet égard infirmé en ses dispositions querellées) et d'appel.

Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe le 11 mai 2022,

DECLARE recevables en la forme les appels, formés à titre principal et incident,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 1er octobre 2020, tel que déféré, sauf :

-en ce qu'il a débouté Madame [K] de ses demandes de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, d'indemnité de requalification, de ses demandes tendant à juger que la rupture intervenue constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à condamner la S.A.S. Laurianne Esthétique à lui verser des dommages intérêts pour licenciement abusif,

-en ce qu'il a débouté Madame [K] de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance,

-en ce qu'il a condamné Madame [K] aux entiers dépens de première instance,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

ORDONNE la requalification du contrat à durée déterminée du 1er août 2018 liant les parties en contrat à durée indéterminée,

DIT que la rupture à effet du 11 mars 2019 du contrat de travail liant les parties doit s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la S.A.S. Laurianne Esthétique, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Madame [T] [K] les sommes de :

- 1.513 euros à titre d'indemnité de requalification,

- 1.500 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DEBOUTE la S.A.S. Laurianne Esthétique de sa demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE la S.A.S. Laurianne Esthétique, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Madame [T] [K] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'entière instance,

CONDAMNE la S.A.S. Laurianne Esthétique, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de première instance et de l'instance d'appel,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00209
Date de la décision : 11/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-11;20.00209 ?
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