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11/05/2022 | FRANCE | N°19/00322

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale, 11 mai 2022, 19/00322


ARRET N°

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11 Mai 2022

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N° RG 19/00322 - N° Portalis DBVE-V-B7D-B5M6

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[T] [U]

C/

[D] [I] [F]



I.F. :

S.E.L.A.R.L. BRMJ





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Décision déférée à la Cour du :



01 octobre 2019

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BASTIA

17/00189

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COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU : ONZE

MAI DEUX MILLE VINGT DEUX





APPELANT :



Monsieur [T] [U]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Olivier CARDI, avocat au barreau de BASTIA substitué par Me Stella LEONI, avocat au barreau de BASTIA



INTI...

ARRET N°

-----------------------

11 Mai 2022

-----------------------

N° RG 19/00322 - N° Portalis DBVE-V-B7D-B5M6

-----------------------

[T] [U]

C/

[D] [I] [F]

I.F. :

S.E.L.A.R.L. BRMJ

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

01 octobre 2019

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BASTIA

17/00189

------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : ONZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

APPELANT :

Monsieur [T] [U]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Olivier CARDI, avocat au barreau de BASTIA substitué par Me Stella LEONI, avocat au barreau de BASTIA

INTIME :

Monsieur [D] [I] [F]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Claudine CARREGA, avocat au barreau de BASTIA

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/000212 du 27/02/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)

INTERVENANT FORCE :

S.E.L.A.R.L. BRMJ représentée par Maître [L] [P] ès-qualités de commmissaire à l'exécution du plan de redressement de Monsieur [T] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

non représentée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 février 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre,

Madame COLIN, Conseillère

Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 11 mai 2022

ARRET

- Réputé Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

***

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d'une relation de travail avec Monsieur [T] [U], Monsieur [D] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Bastia, par requête reçue le 26 décembre 2017, de diverses demandes.

Suivant jugement du tribunal de commerce de Bastia du 11 décembre 2018, a été ouverte une procédure de redressement judiciaire à l'égard de Monsieur [T] [U], avec désignation comme mandataire judiciaire de la S.E.L.A.R.L. BRMJ, représentée par Maître [L] [P].

Selon jugement du 1er octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Bastia a :

-dit que Monsieur [D] [F] bénéficiait d'un contrat de travail à durée indéterminée auprès de Monsieur [T] [U],

-dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur [D] [F] devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamné Monsieur [T] [U] à payer à Monsieur [D] [F] les sommes suivantes :

*1.491,36 euros au titre de l'indemnité de congés payés,

*2.982,72 euros au titre de l'indemnité de préavis,

*1.466,51 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

*1.491,36 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*1.491,36 euros au titre de l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,

*1.491,36 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

-condamné Monsieur [T] [U] à payer à Monsieur [D] [F] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonné à Monsieur [T] [U] de remettre à Monsieur [D] [F] les bulletins de paye de 2014 à juillet 2017, l'attestation Pôle emploi portant la mention 'licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse', le certificat de travail et la lettre de licenciement, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement ; passé ce délai fixé une astreinte de 30 euros par jour de retard et ce durant trois mois,

-débouté Monsieur [D] [F] de ses autres chefs de demande,

-mis hors de cause le CGEA AGS,

-condamné Monsieur [T] [U] aux dépens.

Par déclaration du 19 novembre 2019 enregistrée au greffe, Monsieur [T] [U], intimant uniquement Monsieur [D] [F], a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

-dit que Monsieur [D] [F] bénéficiait d'un contrat de travail à durée indéterminée auprès de Monsieur [T] [U],

-dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur [D] [F] devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamné Monsieur [T] [U] à payer à Monsieur [D] [F] les sommes suivantes :

*1.491,36 euros au titre de l'indemnité de congés payés,

*2.982,72 euros au titre de l'indemnité de préavis,

*1.466,51 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

*1.491,36 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*1.491,36 euros au titre de l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,

*1.491,36 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

*500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonné à Monsieur [T] [U] de remettre à Monsieur [D] [F] les bulletins de paye de 2014 à juillet 2017, l'attestation Pôle emploi portant la mention 'licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse', le certificat de travail et la lettre de licenciement, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement ; passé ce délai fixé une astreinte de 30 euros par jour de retard et ce durant trois mois,

-condamné Monsieur [T] [U] aux dépens.

Aux termes des dernières écritures de son conseil avant la clôture initiale, transmises au greffe en date du 29 mai 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur [T] [U] a sollicité : de dire et juger que Monsieur [F] ne démontrait pas l'existence d'un contrat de travail et les conditions dudit contrat qu'il aurait conclu avec Monsieur [U], en conséquence, d'infirmer le jugement déféré en ses chefs critiqués, de débouter Monsieur [F] de l'intégralité de ses demandes, de condamner Monsieur [F] au paiement d'une somme de 1.800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes des dernières écritures de son conseil avant la clôture initiale, transmises au greffe en date du 17 janvier 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur [D] [F] a demandé : de confirmer le jugement du 1er octobre 2019 du conseil de prud'hommes de Bastia en ce qu'il a : dit que Monsieur [D] [F] bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée auprès de Monsieur [T] [U], dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur [D] [F] devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné Monsieur [T] [U] à payer à Monsieur [D] [F] les indemnités de congés payés, indemnité de préavis, indemnité de licenciement, indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, indemnité pour non respect de la procédure de licenciement et indemnité forfaitaire pour travail dissimulé découlant de la rupture du contrat de travail, ordonné à Monsieur [U] de remettre à Monsieur [F] les bulletins de paie de 2014 à juillet 2017, l'attestation Pole emploi portant la mention 'licenciement dépourvu de cause réelle sérieuse', le certificat de travail et la lettre de licenciement, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement ; passé ce délai fixé une astreinte de 30 euros par jour de retard et ce durant trois mois, d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bastia en ce qu'il a jugé que toute action portant sur le paiement des salaires se prescrit par 3 ans et que les salaires perçus s'élevaient en 2015 à 1.800 euros, en 2016 à 16.900 euros et en 2017 à 11.500 euros et qu'en application de la rémunération du contrat de travail produit Monsieur [D] [F] a bénéficié d'un trop perçu de 1.017,84 euros, d'infirmer le jugement sur le quantum des sommes allouées et par nouveau juger : de dire et juger que le salaire de Monsieur [D] [F] est de 2.400 euros, de condamner Monsieur [T] [U] à payer à Monsieur [D] [F] les sommes suivantes : rappel de salaire pour la période de 2014 à 2017 : 30.170 euros, se décomposant comme suit : 7.770 euros pour l'année 2014, 7.600 euros pour l'année 2015, 9.500 euros pour l'année 2016, 5.300 euros pour l'année 2017, indemnité de congés payés : 2.400 euros, indemnité de préavis : 4.800 euros, indemnité de licenciement : 3.000 euros, indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 14.400 euros, indemnité pour non respect de la procédure de licenciement : 2.400 euros, indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 14.400 euros, article 700 du CPC : 2.000 euros, de condamner Monsieur [T] [U] aux entiers dépens

La clôture initiale de l'instruction a été ordonnée le 2 juin 2020, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 12 janvier 2021.

Par conclusions postérieures à la clôture de l'instruction initiale, transmises au greffe le 23 juillet 2020,auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur [D] [F] a demandé : d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture du 2 juin 2020 afin d'admettre la pièce numéro 27, de maintenir la date de plaidoirie au 12 janvier 2021 à 14 heures.

Les parties ont été avisées le 8 décembre 2020 de la décision d'examiner l'affaire conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n°2020-1400 du 18 novembre 2020. Opposition a été formée dans les délais.

L'affaire a été appelée à l'audience du 12 janvier 2021 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 7 avril 2021.

Par arrêt du 7 avril 2021, la cour a :

-rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture, afin d'admettre la pièce n° 27, formée par Monsieur [D] [F],

-révoqué d'office l'ordonnance de clôture du 2 juin 2020 et ordonné la réouverture des débats,

-renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 7 avril 2021, aux fins d'inviter les parties à procéder à une régularisation de la procédure, et de leur permettre, si besoin en était, de modifier leurs moyens et demandes dans leurs écritures,

-dit que la présente décision valait convocation à cette audience de mise en état,

-réservé les dépens.

Aux termes des dernières écritures de son conseil avant la clôture transmises au greffe en date du 2 septembre 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur [T] [U] a sollicité : de dire et juger que Monsieur [F] ne démontrait pas l'existence d'un contrat de travail et les conditions dudit contrat qu'il aurait conclu avec Monsieur [U], en conséquence, d'infirmer le jugement déféré en ses chefs critiqués, débouter Monsieur [F] de l'intégralité de ses demandes, de condamner Monsieur [F] au paiement d'une somme de 1.800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes des dernières écritures de son conseil avant la clôture transmises au greffe en date du 2 octobre 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur [D] [F] a demandé : de confirmer le jugement du 1er octobre 2019 du conseil de prud'hommes de Bastia en ce qu'il a : dit que Monsieur [D] [F] bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée auprès de Monsieur [T] [U], dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur [D] [F] devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné Monsieur [T] [U] à payer à Monsieur [D] [F] les indemnités de congés payés, indemnité de préavis, indemnité de licenciement, indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, indemnité pour non respect de la procédure de licenciement et indemnité forfaitaire pour travail dissimulé découlant de la rupture du contrat de travail, ordonné à Monsieur [U] de remettre à Monsieur [F] les bulletins de paie de 2014 à juillet 2017, l'attestation Pole emploi portant la mention 'licenciement dépourvu de cause réelle sérieuse', le certificat de travail et la lettre de licenciement, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement ; passé ce délai fixé une astreinte de 30 euros par jour de retard et ce durant trois mois ; d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bastia en ce qu'il a jugé que toute action portant sur le paiement des salaires se prescrit par 3 ans et que les salaires perçus s'élevaient en 2015 à 18.800 euros, en 2016 à 16.900 euros et en 2017 à 11.500 euros et qu'en application de la rémunération du contrat de travail produit Monsieur [D] [F] a bénéficié d'un trop perçu de 1.017,84 euros, d'infirmer le jugement sur le quantum des sommes allouées et par nouveau juger : de dire et juger que le salaire de Monsieur [D] [F] est de 2.400 euros, de condamner Monsieur [T] [U] à payer à Monsieur [D] [F] les sommes suivantes : rappel de salaire pour la période de 2014 à 2017 : 30.170 euros, se décomposant comme suit : 7.770 euros pour l'année 2014, 7.600 euros pour l'année 2015, 9.500 euros pour l'année 2016, 5.300 euros pour l'année 2017, indemnité de congés payés : 2.400 euros, indemnité de préavis : 4.800 euros, indemnité de licenciement : 3.000 euros, indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 14.400 euros, indemnité pour non respect de la procédure de licenciement : 2.400 euros, indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 14.400 euros, article 700 du CPC : 2.000 euros, de condamner Monsieur [T] [U] aux entiers dépens, à titre subsidiaire, de juger que le mandataire judiciaire devra inscrire au passif de Monsieur [U] les créances de Monsieur [D] [F], de déclarer opposables aux AGS les condamnations de Monsieur [T] [U].

Suivant acte d'huissier délivré le 27 septembre 2021, a été délivrée (à personne morale) une assignation en intervention forcée (incluant copie du jugement, la déclaration d'appel, des dernières conclusions des parties ainsi que de l'arrêt avant dire droit précité) à la S.E.L.A.R.L. BRMJ, représentée par Maître [L] [P], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement judiciaire de Monsieur [T] [U], désigné à cet effet par jugement du Tribunal de commerce de Bastia du 10 mars 2020, aux fins d'entendre statuer sur le mérite de l'appel principal et de la présente assignation, ainsi que toute demande, prétention ou moyen soumis à la cour, de voir déclarer commun et opposable à la partie requise l'arrêt de la cour, de statuer ce que de droit sur les dépens.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 7 décembre 2021, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 8 février 2022, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 11 mai 2022.

MOTIFS

Au visa de l'article 555 du code de procédure civile, il y a lieu de déclarer recevable l'intervention forcée de la S.E.L.A.R.L. BRMJ, représentée par Maître [L] [P], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement judiciaire de Monsieur [T] [U], l'évolution du litige impliquant de l'appeler dans la cause d'appel.

Sur le fond, au visa des articles 1315 du code civil dans sa version antérieure au 1er octobre 2016 et L1222-1 du code du travail, il est admis que s'il appartient en principe à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en établir l'existence et le contenu, la règle est inversée en présence d'un contrat de travail apparent. En effet, en présence d'un tel contrat, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.

En l'occurrence, la cour constate qu'un contrat de travail à temps complet et à durée indéterminée a été signé entre Monsieur [F] et Monsieur [U] (confiant au salarié des fonctions de tailleur de pierre) à effet du 1er septembre 2012, contrat qui ne constitue donc pas une simple promesse d'embauche. Monsieur [U] n'argue, ni a fortiori ne démontre d'aucune condition suspensive contenue dans ledit contrat (au travers d'une clause, ou d'une mention expresse, claire et non équivoque) quant à sa prise d'effet. En l'état d'un contrat de travail apparent, c'est à celui qui se prévaut de la fictivité dudit contrat d'en rapporter la preuve. Or, Monsieur [U] produit aucune pièce de nature à démontrer une fictivité. Les attestations de Messieurs [G] [U], [V] [U] et [D] [W], versées aux débats par l'appelant, Monsieur [U], ne peuvent être prises en compte par la cour, qui apprécie souverainement la valeur et la portée des éléments qui lui sont soumis, faute de certitude sur l'impartialité de ces attestants compte tenu de leur lien familial proche avec Monsieur [U] (dont ils sont respectivement le frère, le neveu et le beau-frère). L'attestation de Monsieur [Z] produite par l'employeur vient en contradiction avec elle précédemment émise par le même attestant au profit de Monsieur [F], de sorte que la cour ne peut en tirer de conséquence déterminante s'agissant d'une démonstration d'une fictivité du contrat de travail précité. Pour ce qui de l'attestation de Monsieur [B], également transmise par Monsieur [U], il indique uniquement ne pas avoir vu ou croisé Monsieur [F] sur le chantier de son habitation, énonciation qui n'a donc qu'un caractère restreint, ce dont la cour ne peut déduire que Monsieur [F] n'a jamais travaillé pour Monsieur [U] et que le contrat susvisé était fictif. Il résulte de ce qui précède que la fictivité du contrat de travail liant les parties n'est pas mise en évidence ; observation qui est cohérente avec les éléments produits parallèlement par Monsieur [F] (notamment l'attestation de [J] exposant avoir travaillé avec Monsieur [F] de 2014 à 2016 pour l'entreprise de Monsieur [U], ou encore les diverses copies de chèques de Monsieur [U] à l'ordre de Monsieur [F] datant de 2012).

Dès lors, le jugement entrepris ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a dit que Monsieur [D] [F] bénéficiait d'un contrat de travail à durée indéterminée auprès de Monsieur [T] [U]. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

Sont sans objet comme ne portant que sur des motifs du jugement et non sur des chefs du dispositif du jugement, les demandes de Monsieur [F] 'd'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bastia en ce qu'il a jugé que toute action portant sur le paiement des salaires se prescrit par 3 ans et que les salaires perçus s'élevaient en 2015 à 18.800 euros, en 2016 à 16.900 euros et en 2017 à 11.500 euros et qu'en application de la rémunération du contrat de travail produit Monsieur [D] [F] a bénéficié d'un trop perçu de 1.017,84 euros'.

Dans le même temps, au visa des articles 542 et 954 du code de procédure civile, il y a lieu d'observer que, dans le dispositif de ses écritures, énonçant les prétentions sur lesquelles la cour doit statuer, Monsieur [F], qui ne tire pas de conséquence de la critique du jugement formulée dans le corps de ses écritures, ne forme aucune demande d'annulation, ni de réformation ou d'infirmation du chef du jugement afférent au débouté de Monsieur [F] de son chef de demande relatif au rappel de salaires. Les dispositions textuelles précitées du code de procédure civile sont applicables au litige, claires et ne nécessitent pas d'interprétation, et la portée donnée à ces articles n'a rien d'imprévisible, s'agissant d'une simple combinaison de ceux-ci. Il n'est pas en outre mis en évidence de charge procédurale nouvelle à ces égards, découlant des dispositions du décret n°2017-891 du 6 mai 2017. En effet, l'ancien article 954 (non applicable à l'espèce) prévoyait déjà depuis le 1er janvier 2011 : 'La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif', termes qui ont été repris par l'article 954 en vigueur depuis le 1er septembre 2017. Parallèlement, l'ancien article 542 (non applicable au litige) disposait depuis le 1er janvier 1976 : 'L'appel tend à faire réformer ou annuler par la cour d'appel un jugement rendu par une juridiction du premier degré' tandis que l'article 542 en vigueur depuis le 1er septembre 2017 prévoit : 'L'appel, tend par la critique du jugement rendu par une juridiction de premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel', soit des dispositions particulièrement proches, qui insistent sur la nécessité pour l'appel de tendre à la réformation ou l'annulation du jugement. Dès lors, l'application combinée des articles 542 et 954 (dans leur version applicable depuis le 1er septembre 2017), dans l'instance d'appel en cause ne peut être considérée comme aboutissant à priver Monsieur [F] d'un procès équitable au sens de l'article 6 paragraphe 1 de la CESDH Il n'y a donc pas lieu de reporter cette application au prononcé d'un arrêt publié par la cour de cassation.

En réalité, le chef du jugement afférent au débouté de Monsieur [F] de son chef de demande relatif au rappel de salaires n'a pas été déféré à la cour par l'appel, en l'absence d'appel principal ou incident à cet égard, étant observé qu'une annulation du jugement n'a pas été demandée et qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité du litige, ni de ce que ce chef dépende de ceux expressément critiqués. Cet autre chef du jugement est donc devenu irrévocable et il n'y a pas lieu à statuer le concernant, ni à statuer sur la demande en appel de Monsieur [F] tendant à condamner Monsieur [U] à des rappels de salaire pour la période de 2014 à 2017 à hauteur de 30.170 euros.

Il ressort du dossier soumis à l'appréciation de la cour que pour la rupture de la relation de travail liant les parties, en juillet 2017, l'employeur n'a pas énoncé dans un écrit, valant lettre de licenciement, une cause réelle et sérieuse de licenciement et n'a pas respecté une procédure de licenciement dans l'entreprise comptant moins de onze salariés. La cour ne dispose en revanche pas des éléments lui permettant de retenir que les dispositions des articles L8252-1 et suivants du code du travail sont applicables au litige, faute de justification de ce qu'un salarié étranger a été employé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L8251-1 dudit code.

Au soutien de sa demande d'infirmation du jugement en ses chefs relatifs au caractère sans cause réelle et sérieuse de la rupture, à l'indemnité de licenciement, à l'indemnité de préavis, à l'indemnité de congés payés, Monsieur [U] ne développe pas de moyens autres que ceux afférents à l'inexistence de la relation de travail, dont la cour n'a pas retenu précédemment le bien fondé. Dès lors, ses demandes d'infirmation du jugement en ses dispositions querellées à ces égards et de débouté de Monsieur [F] de ses prétentions ne peuvent prospérer.

Dans le même temps, le bien fondé de l'appel incident de Monsieur [F] relatif aux sommes allouées au titre de l'indemnité de congés payés, de l'indemnité de préavis, de l'indemnité de licenciement, ne ressort pas des éléments du débat, faute de mise en évidence de ce que la base de calcul desdites indemnités devait être opéré sur un montant mensuel de salaire de 2.400 euros net, tel allégué par l'appelant incident sans démonstration au travers des pièces produites.

Parallèlement, pour ce qui est des appels, formés à titre principal et incident au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, tant Monsieur [U] que Monsieur [F] ne développent pas de critique utile du jugement, en l'état de préjudices certes justifiés par Monsieur [F] comme ayant été subis, au vu des éléments produits par ses soins, du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse d'une part et du licenciement irrégulier d'autre part, sans pour autant que Monsieur [F] ne démontre, au travers des pièces produites aux débats, de préjudices plus amples que ceux respectivement retenus par les premiers juges au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et du licenciement irrégulier.

Après avoir rappelé qu'il est admis que lorsque dans le cadre d'une instance en cours devant la juridiction prud'homale à la date du jugement d'ouverture d'une procédure collective avec organes de la procédure dans la cause, il appartient à la juridiction saisie de se prononcer d'office sur l'existence et le montant des créances alléguées par le salarié en vue de leur fixation au passif, peu important que les conclusions du salarié aient tendu à une condamnation au paiement, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur [D] [F] devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, prévu des montants de 1.491,36 euros au titre de l'indemnité de congés payés, 2.982,72 euros au titre de l'indemnité de préavis, 1.466,51 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 1.491,36 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1.491,36 euros au titre de l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, sauf à préciser que ces différentes sommes feront l'objet d'une fixation de créances au passif du redressement de Monsieur [U], s'agissant de créances antérieures au jugement d'ouverture, conformément à la jurisprudence applicable en la matière, restant soumises, même après l'approbation d'un plan de redressement, au régime de la procédure collective. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

En application de l'article L8223-1 du code du travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans le cadre du travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité égale à six mois de salaire. Si le paiement d'une telle indemnité n'est pas subordonné à l'existence d'une décision pénale déclarant l'employeur coupable du délit de travail dissimulé, le salarié doit cependant démontrer la mauvaise foi ou l'intention frauduleuse de l'employeur.

Au soutien de sa demande d'infirmation du jugement en son chef relatif à l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, Monsieur [U], en dehors des moyens afférents à l'inexistence de la relation de travail dont la cour n'a pas retenu précédemment le bien fondé, se prévaut d'une absence de démonstration d'une intention frauduleuse et d'un préjudice. Toutefois, en l'absence de mise en évidence de toute déclaration auprès de l'Urssaf préalable à l'embauche de Monsieur [F], cette abstention ne peut être considérée comme étant une simple erreur, ou omission de bonne foi, de la part de Monsieur [U], qui, en sa qualité d'employeur, avait nécessairement connaissance de son obligation de déclaration, et dont l'intention est ainsi caractérisée. Dans le même temps, la juridiction saisie ne dispose pas de pouvoir modérateur s'agissant du montant de l'indemnité forfaitaire, égale à six mois de salaire. Pour ce qui est de l'appel incident de Monsieur [F] sur le quantum de cette indemnité, après avoir rappelé que la cour ne dispose pas des éléments lui permettant de retenir que les dispositions des articles L8252-1 et suivants du code du travail sont applicables au litige, il y a lieu de constater que le quantum retenu par les premiers juges est utilement critiqué par Monsieur [F], en ce qu'il ne peut s'élever uniquement à 1.491,36 euros, pour ne pas correspondre à six mois de salaire. Par contre, le montant de l'indemnité forfaitaire sera fixé à 8.948,16 euros, ne pouvant atteindre 14.400 euros tel que réclamé par Monsieur [F], au regard du salaire mensuel qui n'atteint pas 2.400 euros net comme l'affirme, mais uniquement 1.491,36 euros brut. Après avoir rappelé qu'il est admis que lorsque dans le cadre d'une instance en cours devant la juridiction prud'homale à la date du jugement d'ouverture d'une procédure collective avec organes de la procédure dans la cause, il appartient à la juridiction saisie de se prononcer d'office sur l'existence et le montant des créances alléguées par le salarié en vue de leur fixation au passif, peu important que les conclusions du salarié aient tendu à une condamnation au paiement, le jugement entrepris sera infirmé et une créance de 8.948,16 euros sera fixée au passif du redressement de Monsieur [U], s'agissant de créance antérieure au jugement d'ouverture, conformément à la jurisprudence applicable en la matière, restant soumise, même après l'approbation d'un plan de redressement, au régime de la procédure collective. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

Monsieur [U] ne développe pas de moyen utile au soutien de sa demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a ordonné à Monsieur [T] [U] de remettre à Monsieur [D] [F] les bulletins de paye de 2014 à juillet 2017, l'attestation Pôle emploi portant la mention 'licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse', le certificat de travail et la lettre de licenciement, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement ; passé ce délai fixé une astreinte de 30 euros par jour de retard et ce durant trois mois. En l'absence de moyen relevé d'office, le jugement entrepris sera ainsi confirmé à cet égard, comme sollicité par Monsieur [F].

Compte tenu des succombances respectives, il convient de prévoir que chaque partie conservera la charge des ses propres dépens de première instance (le jugement entrepris étant infirmé sur ce point) et d'appel, lesquels seront supportés conformément aux règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.

L'équité ne commande pas de prévoir de somme au titre des frais irrépétibles de première instance (le jugement étant infirmé en ses dispositions querellées à cet égard) et des frais irrépétibles d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le chef du jugement afférent à la mise hors de cause du CGEA AGS n'a pas été déféré à la cour, en l'absence d'appel principal ou incident à cet égard, étant observé qu'une annulation du jugement n'a pas été demandée et qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité du litige, ni de ce que ce chef dépende de ceux expressément critiqués. Cet autre chef du jugement est donc devenu irrévocable et il n'y a pas lieu à statuer le concernant, ni à statuer sur une demande de Monsieur [F] tendant à déclarer opposables aux AGS les condamnations de Monsieur [U].

Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe le 11 mai 2022,

DECLARE recevable l'intervention forcée à l'instance d'appel de la S.E.L.A.R.L. BRMJ, représentée par Maître [L] [P], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement judiciaire de Monsieur [T] [U],

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bastia le 1er octobre 2019, tel que déféré, sauf :

-à préciser concernant les sommes au titre de l'indemnité de congés payés, de l'indemnité de préavis, de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, qu'elles seront fixées au passif du redressement de Monsieur [T] [U],

-s'agissant de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

-en ce qu'il a condamné Monsieur [T] [U] à payer à Monsieur [D] [F] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-en ce qu'il a condamné Monsieur [T] [U] aux dépens de première instance,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT sans objet comme ne portant que sur des motifs du jugement et non sur des chefs du dispositif du jugement, les demandes de les demandes de Monsieur [D] [F] 'd'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bastia en ce qu'il a jugé que toute action portant sur le paiement des salaires se prescrit par 3 ans et que les salaires perçus s'élevaient en 2015 à 18.800 euros , en 2016 à 16.900 euros et en 2017 à 11.500 euros et qu'en application de la rémunération du contrat de travail produit Monsieur [D] [F] a bénéficié d'un trop perçu de 1.017,84 euros',

DIT que les dispositions du jugement rendu le 1er octobre 2019 par le conseil de prud'hommes de Bastia, ayant débouté de Monsieur [F] de son chef de demande relatif au rappel de salaires et ayant mis hors de cause le CGEA AGS, qui n'ont pas été déférées à la cour, sont devenues irrévocables et qu'il n'y a pas lieu à statuer les concernant, ni à statuer sur les demandes de Monsieur [F] tendant à condamner Monsieur [U] à des rappels de salaire pour la période de 2014 à 2017 à hauteur de 30.170 euros et tendant à déclarer opposables aux AGS les condamnations de Monsieur [U],

FIXE la créance de Monsieur [D] [F] à inscrire au passif du redressement de Monsieur [T] [U] (dont la S.E.L.A.R.L. BRMJ, représentée par Maître [L] [P], est commissaire à l'exécution du plan, plan en date du 10 mars 2020 faisant suite à un redressement judiciaire ordonné le 11 décembre 2018), tel que suit :

-8.948,16 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

DEBOUTE Monsieur [D] [F] de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que chaque partie conservera la charge des ses propres dépens de première instance et d'appel, lesquels seront supportés conformément aux règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/00322
Date de la décision : 11/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-11;19.00322 ?
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