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20/04/2022 | FRANCE | N°21/00030

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale, 20 avril 2022, 21/00030


ARRET N°

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20 Avril 2022

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N° RG 21/00030 - N° Portalis DBVE-V-B7F-CAA7

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[B] [X]

C/

S.A.S. RAFFALLI PAUL MATHIEU





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Décision déférée à la Cour du :

19 janvier 2021

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BASTIA

19/00050

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COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU : VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX





APPELANT :



Monsieur [B] [X]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Pasquale VITTORI, avocat au barreau de BASTIA





INTIMEE :



S.A.S. RAFFALLI PAUL MATHIEU prise en la personne de son...

ARRET N°

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20 Avril 2022

-----------------------

N° RG 21/00030 - N° Portalis DBVE-V-B7F-CAA7

-----------------------

[B] [X]

C/

S.A.S. RAFFALLI PAUL MATHIEU

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

19 janvier 2021

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BASTIA

19/00050

------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX

APPELANT :

Monsieur [B] [X]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Pasquale VITTORI, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEE :

S.A.S. RAFFALLI PAUL MATHIEU prise en la personne de son représentant légal, demeurant et domicilié es qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Philippe JOBIN, avocat au barreau de BASTIA

et par Me Jérôme ACHILLI, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 février 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre,

Madame COLIN, Conseillère

Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 20 avril 2022

ARRET

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.

- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [B] [X] a été embauché par la S.A.S. Raffalli Paul Mathieu en qualité de terrassier, suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet du 9 juillet 2007.

Monsieur [B] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Bastia, par requête reçue le 3 mai 2019, de diverses demandes.

Selon jugement du 19 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Bastia a :

-dit que Monsieur [W] [X] a été rempli de ses droits,

-débouté Monsieur [W] [X] de l'ensemble de ses demandes,

-débouté la S.A.S. Raffalli Paul Mathieu de ses demandes,

-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du CPC,

-condamné Monsieur [W] [X] aux dépens.

Par déclaration du 2 février 2021 enregistrée au greffe, Monsieur [B] [X] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a débouté des demandes suivantes : condamner l'employeur à verser les sommes suivantes : 662,20 euros à titre d'indemnité de repas de mai à septembre 2016, 7.611 euros à titre d'heures supplémentaires de mai 2016 à février 2017, 2.500 euros au titre de l'article 700 du CPC, ordonner la rectification de ses fiches de paie depuis mai 2016 sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ordonner la régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux et de retraite sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 20 avril 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur [B] [X] a sollicité :

-d'infirmer le jugement en date du 19 janvier 2021 en ce qu'il a débouté le salarié des demandes suivantes : condamner l'employeur à verser les sommes suivantes : 662,20 euros à titre d'indemnité de repas de mai à septembre 2016, 7.611 euros à titre d'heures supplémentaires de mai 2016 à février 2017, 2.500 euros au titre de l'article 700 du CPC, ordonner la rectification de ses fiches de paie depuis mai 2016 sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ordonner la régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux et de retraite sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

En conséquence :

-de condamner l'employeur à verser les sommes suivantes : 662,20 euros à titre d'indemnité de repas de mai à septembre 2016, 7.611 euros à titre d'heures supplémentaires de mai 2016 à février 2017, ordonner la rectification de ses fiches de paie depuis mai 2016 sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ordonner la régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux et de retraite sous astreinte de 100 euros par jour de retard

-au surplus : condamner l'employeur à verser la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du CPC.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 15 juillet 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A.S. Raffalli Paul Mathieu a demandé :

-de la recevoir en son appel incident.

-d'infirmer le jugement entrepris et : retenir irrecevable la demande de rappel de salaires exposée par Monsieur [B] [X] en ce qu'elle viole les dispositions prévues aux articles 15 et 16 du code de procédure civile, déclarer irrecevable, par voie de conséquence, Monsieur [B] [X] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, de débouter Monsieur [B] [X] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, en ce qu'elle est irrecevable,

-Il est demandé à la Cour de céans d'entrer en voie de confirmation du jugement entrepris et de : retenir que la demande de rappel de salaires qualifiée de demande de rappels d'heures supplémentaires n'est pas fondée, débouter par voie de conséquence Monsieur [B] [X] de ladite demande, retenir encore la demande de Monsieur [B] [X], qualifiée de demande de rappel d'indemnités de repas, infondée, débouter par voie de conséquence Monsieur [B] [X] de ladite demande, débouter Monsieur [B] [X] de sa demande portant sur la rectification de ses fiches de paie de mai 2016 à février 2017 sous astreinte de 100 euros par jour de retard, débouter Monsieur [B] [X] de sa demande portant sur la rectification de sa situation auprès des organismes sociaux et de retraite sous astreinte de 100 euros par jour de retard, débouter Monsieur [B] [X] de ses plus amples demandes.

-de condamner [B] [X] à payer à la SAS Raffalli Paul Mathieu la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 23 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a :

-constaté le désistement de la S.A.S. Raffalli Paul Mathieu de l'incident initié (par écritures du 15 juillet 2021) dans le cadre de l'instance d'appel,

-dit que les dépens de l'incident seront à la charge du désistant, la S.A.S. Raffalli Paul Mathieu,

-débouté la S.A.S. Raffalli Paul Mathieu de sa demande tendant à réserver les dépens de l'incident,

-dit que l'affaire sera rappelée à l'audience de mise en état du 7 décembre 2021 à 10h30.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 7 décembre 2021, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 8 février 2022, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 20 avril 2022.

MOTIFS

La recevabilité des appels, formés à titre principal et incident, n'est pas discutée et les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office. Ces appels seront dits recevables en la forme, tel que sollicité.

Sur les indemnités de repas

Monsieur [X] sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 662,20 euros à titre d'indemnités de repas (désignées par les premiers juges comme indemnités de paniers/repas, ce dont il ne peut être tiré de conséquence déterminante dans le cadre du présent litige d'appel) sur la période de mai à septembre 2016, et se prévaut au soutien de ses demandes des dispositions de la convention collective nationale (IDCC 1597) des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment non visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est-à-dire occupant plus de 10 salariés), exposant que les indemnités de repas de l'article 8.15, qui lui étaient dues puisque sur la période de mai à septembre 2016 il ne pouvait pas prendre ses repas à sa résidence habituelle, ne figuraient pas sur les bulletins de paie, contrairement à ce qu'avaient retenu les premiers juges (assimilant à tort indemnité de transport et de paniers/repas).

La S.A.S. Raffalli Paul Mathieu indique quant à elle que la convention collective nationale applicable à la relation de travail liant les parties est celle des ouvriers des travaux publics (IDCC1702) et que le salarié a bien perçu les indemnités repas y afférentes.

Le contrat de travail de Monsieur [X] indique en son article 10 'Statut Collectif Le présent contrat sera régi par les dispositions de la convention collective des Travaux Publics', tandis que les bulletins de paie produits au dossier mentionne une 'CC : Bâtiment et travaux publics' et le fait que Monsieur [X] appartient à la catégorie ouvriers.

Il ne peut être contesté, notamment au vu de l'activité principale de l'entreprise (liée à des travaux publics, notamment d'électrification, de canalisations souterraines et tous travaux annexes, ce qui est concordant avec l'extrait Kbis transmis), que les rapports entre Monsieur [X] et son employeur étaient effectivement soumis, sur la période concernée, à la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics (IDCC 1702).

Dès lors, après avoir rappelé que toute juridiction saisie, tenue de vérifier l'absence ou la réunion des conditions d'application des règles invoquées à l'appui de demandes, n'a pas à inviter préalablement les parties à formuler des observations sur ces aspects nécessairement dans le débat, la cour ne peut qu'observer que l'appelant, Monsieur [X], devant apporter les éléments de fait et de droit nécessaires au succès de ses prétentions, ne démontre pas que les dispositions de la convention collective des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment non visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est-à-dire occupant plus de 10 salariés), en ce inclus celles de l'article 8.15 fondant ses prétentions au titre des indemnités de repas sollicitées, étaient applicables, à l'époque concernée par sa demande, à la relation de travail liant les parties. Force est de constater qu'il ne forme pas de demande subsidiaire au titre des indemnités de repas en visant la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics (IDCC1702). Dès lors, il sera débouté de sa demande d'indemnités de repas, le jugement entrepris étant confirmé à cet égard. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

Sur les heures supplémentaires

En vertu de l'article L 3171-4 du code du travail, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il est désormais établi qu'il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de précise le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances s'y rapportant.

Il est admis, au visa des articles L3121-1 et L3121-4 du code du travail, s'agissant des trajets entre l'entreprise et un lieu de chantier, que ce temps de trajet d'un salarié ne peut constituer du temps de travail effectif que dès lors que le salarié a l'obligation (et non la simple faculté) de passer par le siège de l'entreprise avant de se rendre sur le chantier, se tenant ainsi à disposition de l'employeur et se conformant à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

La S.A.S. Raffalli Paul Mathieu se prévaut de l'existence d'une fin de recevoir, au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile, au motif que Monsieur [X] présente un décompte d'heures supplémentaires, qualifié par l'intimée de sommaire, ne répondant pas selon cette dernière aux dispositions des articles susvisés du code de procédure civile. Le jugement entrepris n'ayant pas statué sur ce point (omis dans l'exposé des prétentions, alors qu'il ressort des éléments figurant au dossier transmis par le conseil de prud'hommes, que l'irrecevabilité susvisée était bien sollicitée devant les premiers juges), il y a lieu de trancher cet aspect, de sorte que la demande d'infirmation de la S.A.S. Raffalli Paul Mathieu à cet égard est sans objet.

Outre le fait qu'aucune violation des articles 15 et 16 du code de procédure civile n'est mise en lumière, les parties s'étant fait connaître en temps utile les moyens et éléments de preuve sur lesquels elles fondaient leurs prétentions, permettant à chacune d'organiser leur défense et le principe du contradictoire ayant été respecté, la S.A.S. Raffalli Paul Mathieu ne démontre pas que le moyen dont elle se prévaut constitue une fin de non recevoir, s'agissant en réalité d'un moyen de fond, opposé à la demande de Monsieur [X] de rappel de salaire sur heures supplémentaires au titre d'heures de trajet.

Dès lors, ne peuvent qu'être rejetées les prétentions de la S.A.S. Raffalli Paul Mathieu afférentes à une irrecevabilité de la demande de rappel de salaires sur heures supplémentaires exposée par Monsieur [X] sur le fondement des dispositions prévues aux articles 15 et 16 du code de procédure civile.

Sur le fond, Monsieur [X] sollicite un rappel de salaire, à hauteur de 7.611 euros, relatif à des heures supplémentaires au titre d'heures de trajet effectuées et non rémunérées sur la période de mai 2016 à février 2017, exposant avoir effectué 385h40 de trajet dépôt-chantier entre mai et décembre 2016 et 122h10 de trajet entre janvier et février 2017, en sus des heures de travail effectives journalières (quant à elle rémunérées). Il ne ressort pas de ses écritures qu'il demande de rappel au titre de temps de déplacement à partir de son domicile, mais uniquement à partir du dépôt (siège de l'entreprise) jusqu'au chantier et du chantier jusqu'au dépôt. Sa réclamation portant sur l'existence ou le nombre d'heures de travail (effectuées selon lui en sus des 151,67 heures de base et des heures supplémentaires mensuelles déjà réglées), les dispositions de l'article L3171-4 du code du travail sont applicables et ne peuvent être écartées du débat, à rebours de ce qu'affirme la S.A.S. Raffalli Paul Mathieu.

Contrairement à ce qu'indique l'intimée, il peut être considéré que Monsieur [X] présente, au vu de ses bulletins de paie, du décompte détaillé produit et des données y étant visées, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l'employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre en fournissant ses propres éléments, étant observé que le débat entre les parties porte, en premier lieu sur le caractère de temps de travail effectif concernant ces heures de trajet, et en second lieu (ce qui suppose que, préalablement, ces heures soient considérées comme du temps de travail effectif) sur le décompte desdites heures de trajet (au titre d'heures supplémentaires) et la justification de leur nombre et des rappels de salaire y afférents.

Pour sa part, l'employeur, la S.A.S. Raffalli Paul Mathieu fait valoir inexactement, en se référant à l'article L3121-4 du code du travail, que les heures de trajet ne sont jamais considérées comme du temps de travail effectif, alors que les heures de trajet siège-chantier peuvent, dans un cadre juridique précis, constituer du temps de travail effectif, tel que précédemment rappelé, cadre juridique d'ailleurs invoqué par Monsieur [X] au soutien de son appel. Elle expose ensuite que percevant des indemnités de petits déplacements (se décomposant en indemnité de repas, indemnité de frais de transport, indemnité de trajet) au titre de dispositions conventionnelles afférentes aux ouvriers de travaux publics (en leurs articles 8.1 et suivants), Monsieur [X] n'est pas susceptible de réclamer que les heures de trajet soient décomptées comme du temps de travail effectif, ouvrant droit à des rappels de salaire. Or, il convient de rappeler que ces indemnités ont un caractère forfaitaire et ne sont pas liées à la gestion et à la rémunération du temps de travail effectif. Plus particulièrement, l'indemnité de frais de transport conventionnelle indemnise forfaitairement les frais de transport engagés quotidiennement par le salarié pour se rendre et revenir de son lieu de travail, tandis que l'indemnité de trajet a pour objet d'indemniser forfaitairement la sujétion que représente pour le salarié la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier. Il ne peut ainsi être opposé par l'employeur à Monsieur [X] que la perception d'indemnités conventionnelles, qui se situent sur un champ distinct de la question du temps de travail effectif, fait obstacle à sa demande de rappel de salaire d'heures supplémentaires sur heures de trajet effectuées. C'est donc à tort, comme exposé par Monsieur [X], que les premiers juges ont considéré ce moyen de l'employeur comme fondé.

Par contre, la S.A.S. Raffalli Paul Mathieu indique, de manière fondée, qu'il n'est pas mis en évidence, au travers des éléments du dossier, que l'employeur a imposé au salarié de passer systématiquement au siège de l'entreprise avant de se rendre au chantier et d'en revenir, ni que le salarié s'est tenu, durant des temps de trajet entre siège et chantier, à disposition de l'employeur, et s'est conformé à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. L'existence d'une obligation (et non d'une faculté) pour le salarié de passer par le siège de l'entreprise avant de se rendre ou de revenir d'un chantier ne ressort pas des pièces produites, et ne peut se fonder sur les seules affirmations en ce sens de salariés (qu'il s'agisse de celles écrites de Monsieur [S], autre salarié de l'entreprise, ou celles de Monsieur [X]) relatives à une institutionnalisation de ce fonctionnement dans l'entreprise jusqu'en février 2017. Les mentions des fiches de paie produites ne permettent pas une telle déduction. Dans le même temps, aucune reconnaissance, claire et non équivoque, par l'employeur d'une obligation pour le salarié de passer par le siège de l'entreprise avant de se rendre sur un chantier et d'en revenir n'est mise en lumière, ni l'existence d'un aveu judiciaire de l'employeur sur ce point, d'ailleurs non argués par Monsieur [X].

Il s'en déduit, en l'absence de mise en évidence d'une obligation imposée au salarié de passer systématiquement au siège de l'entreprise (dépôt) avant de se rendre au chantier et d'en revenir, que le salarié ne s'est pas tenu, durant des temps de trajet entre siège (dépôt) et chantier, à disposition de l'employeur, ni s'est conformé à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, contrairement à ce qu'allègue Monsieur [X] au soutien de sa demande de rappels de salaire sur heures supplémentaires. Aucun autre élément du débat ne permet d'assimiler ces heures de trajet à du temps de travail effectif, au sens de l'article L3121-1 du code du travail, en caractérisant le fait que le salarié s'est tenu, durant des temps de trajet entre siège (dépôt) et chantier, à disposition de l'employeur, et s'est conformé à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. Dès lors, ces heures de trajet ne constituent pas du temps de travail effectif et il ne peut ainsi être valablement reproché à la S.A.S. Raffalli Paul Mathieu employeur, détenteur du pouvoir de direction et de contrôle dans l'entreprise, de ne pas fournir au juge les éléments de nature à justifier les heures effectivement réalisées par le salarié, au travers d'éléments objectifs, par exemple un registre horaire, des fiches de pointage, ou tout autre document horaire individuel afférent aux heures travaillées par Monsieur [X]. En effet, faute pour ces heures de trajet de constituer des heures de travail, une telle production est inutile.

Au regard de ce qui précède, les heures de trajet n'étant pas du temps de travail effectif, elles ne sont a fortiori pas susceptibles de constituer des heures supplémentaires, en sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner les moyens respectifs des parties afférents à la quantification des heures supplémentaires revendiquées, les demandes de Monsieur [X] d'infirmation du jugement en son chef querellé à cet égard et de condamnation de la S.A.S. Raffalli Paul Mathieu à lui verser une somme de 7.611 euros de rappel d'heures supplémentaires au titre d'heures de trajet de mai 2016 à février 2017 seront rejetées, et le jugement entrepris confirmé sur ce point. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

Sur les autres demandes

Au vu des développements précédents, les demandes de Monsieur [X] (au regard d' indemnités de repas et d'heures supplémentaires non réglées), tendant à ordonner la rectification de ses fiches de paie depuis mai 2016 sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ordonner la régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux et de retraite sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ne sont pas fondées.

Parallèlement, s'agissant du fait également invoqué par Monsieur [X] suivant lequel les bulletins de paie depuis mai 2016 font figurer 'les indemnités de trajet ou de transport dans la partie brut de la fiche de paie', l'appelant, Monsieur [X], qui doit apporter les éléments de fait et de droit nécessaires au succès de ses prétentions, ne vise aucune disposition légale précise dans ses conclusions d'appel bien qu'il se prévale d'une illégalité des mentions sur les bulletins de paie, et plus globalement ne met pas en évidence que les bulletins de paie comportent des mentions problématiques afférentes auxdites indemnités, notamment compte tenu de leur nature (salariale pour les indemnités de trajet), ou des règles applicables en matière de limites d'exonération pour les indemnités de frais de transport.

Il sera donc débouté de ses demandes tendant à ordonner la rectification de ses fiches de paie depuis mai 2016 sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ordonner la régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux et de retraite sous astreinte de 100 euros par jour de retard, le jugement entrepris étant confirmé à cet égard et les demandes en sens contraire rejetées.

Monsieur [X], partie succombante, sera condamné aux dépens de l'instance d'appel.

L'équité ne commande pas de prévoir de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de frais irrépétibles de première instance (le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions querellées à cet égard) et de frais irrépétibles d'appel.

Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe le 20 avril 2022,

DIT recevables en la forme les appels formés à titre principal et incident,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bastia le 19 janvier 2021, tel que déféré,

Et y ajoutant,

DIT sans objet la demande de la S.A.S. Raffalli Paul Mathieu relative à l'infirmation du jugement au titre d'une fin de recevoir, au visa des articles 15 et 16 du code de procédure, en l'absence de chef du dispositif du jugement à cet égard,

REJETTE les prétentions de la S.A.S. Raffalli Paul Mathieu afférentes à une irrecevabilité de la demande de rappel de salaires sur heures supplémentaires exposée par Monsieur [X] sur le fondement des dispositions prévues aux articles 15 et 16 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE Monsieur [B] [X] aux dépens de l'instance d'appel,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00030
Date de la décision : 20/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-20;21.00030 ?
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