La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2019 | FRANCE | N°18/002394

France | France, Cour d'appel de Bastia, 04, 10 juillet 2019, 18/002394


ARRET No
-----------------------
10 Juillet 2019
-----------------------
No RG 18/00239 - No Portalis DBVE-V-B7C-BZNU
-----------------------
SARL GARAGE SAINT NICOLAS
C/
Me L... D... - Mandataire liquidateur de SARL PLEIN SUD AUTO, K... C..., Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE MARSEILLE

----------------------Décision déférée à la Cour du :
05 juillet 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO
17/00257
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : DIX JUILLET DEUX MILLE DIX NEUF<

br>
APPELANTE :

SARL GARAGE SAINT NICOLAS Représentée par son liquidateur amiable M B... E...
No SIRET : 414 364 8...

ARRET No
-----------------------
10 Juillet 2019
-----------------------
No RG 18/00239 - No Portalis DBVE-V-B7C-BZNU
-----------------------
SARL GARAGE SAINT NICOLAS
C/
Me L... D... - Mandataire liquidateur de SARL PLEIN SUD AUTO, K... C..., Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE MARSEILLE

----------------------Décision déférée à la Cour du :
05 juillet 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO
17/00257
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : DIX JUILLET DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANTE :

SARL GARAGE SAINT NICOLAS Représentée par son liquidateur amiable M B... E...
No SIRET : 414 364 851 00017
[...]
Représentée par Me Marie Dominique BOLELLI, avocat au barreau d'AJACCIO
No SIRET : 414 364 851 00017

INTIMES :

Me L... D... - Mandataire liquidateur de SARL PLEIN SUD AUTO
[...]
Défaillant

Madame K... C...
[...]
[...]
Représentée par Me Stéphanie LAURENT, avocat au barreau d'AJACCIO

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE MARSEILLE association déclarée représentée par son directeur Mr N...
[...]
Représentée par Me Pierre henri VIALE, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mai 2019 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président

GREFFIER :

Mme COMBET, greffier lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2019

ARRET

Réputé contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par M. EMMANUELIDIS, Conseiller, pour le président empêché et par Mme COMBET, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *
EXPOSE DU LITIGE

Madame K... C... a été embauchée par la Société Plein Sud Auto, en qualité de secrétaire échelon 6, suivant contrat à durée indéterminée du 21 juin 2010 à temps partiel, puis suivant contrat à durée indéterminée en date du 1er janvier 2011, en qualité de secrétaire - catégorie employée échelon 7, à temps partiel dix mois sur douze et à temps plein uniquement pour les mois de juillet et août.

Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile.

Par courrier du 11 mars 2015, la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas, représentée par son liquidateur amiable, a donné congé à la Société Plein Sud Auto pour reprise du fonds de commerce d'achat vente et réparation exploité [...] , à effet du 1er juin 2016.

Le 7 juillet 2016, Madame K... C... a adressé à la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas un courrier de prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

Se prévalant d'un transfert de son contrat de travail auprès de la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas, Madame K... C... a saisi le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio, par requête du 27 juillet 2016 de diverses demandes.

Par décision du Tribunal de commerce du 26 juin 2017, la Société Plein Sud Auto a été placée en liquidation judiciaire, Maître L... D... étant désigné comme mandataire liquidateur.

Selon jugement du 5 juillet 2018, le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio a :
- déclaré l'AGS hors de cause,
- dit que le contrat de travail de Madame K... C... en date du 20 juillet 2010 a été transféré à la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas bailleur Monsieur E... B... lors de la reprise du fonds de commerce au 1er juin 2016 et requalifié la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse à la charge de la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas en la personne de B... E... en ce qui concerne les créances salariales,
- condamné la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas en son représentant légal B... E... à payer à Madame K... C... les sommes suivantes :

*1779,63 euros brut au titre des salaires de juin juillet 2016,
*2902 euros brut de congé payé afférent,
*1742 euros brut au titre de l'indemnité légale et conventionnelle de licenciement,
*2903 euros brut au titre du préavis et 290 euros au titre des CP,
*4354,50 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*2500 euros au titre du préjudice financier,

- ordonné la remise des documents sous astreinte de 30 euros par jour de retard et par document,
- condamné la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas en son représentant légal B... E... à payer à Monsieur F... S... la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas en son représentant légal B... E... aux entiers dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe le 27 juillet 2018, la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas, représentée par son liquidateur amiable, Monsieur B... E..., a interjeté appel de ce jugement, en chacune de ses dispositions.

Suite à avis du greffe du 28 septembre 2018, l'appelant a fait signifier à la S.A.R.L. Plein Sud Auto, représentée par son mandataire liquidateur Maître L... D..., intimé défaillant, la déclaration d'appel et ses conclusions par acte d'huissier du 23 octobre 2018.

Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 22 octobre 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas, représentée par son liquidateur amiable, Monsieur B... E... a sollicité :
- de la recevoir en son appel,
- de réformer le jugement rendu en ses dispositions querellées par ses soins et statuant à nouveau :

*de dire n'y avoir lieu à mettre hors de cause le C.G.E.AGS,
*de débouter le salarié de toutes ses demandes, fins et conclusions à son encontre,
- d'allouer à l'appelant la somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle a exposé :

- que le locataire gérant la Société Plein Sud Auto n'avait pas restitué le fonds de commerce, n'ayant transmis au terme du congé fixé ni les livres comptables, fiscaux, sociaux, ni le fichier de clientèle, et les deux bâtiments loués ayant été rendus au bailleur entièrement vides et avec des dettes, sans que la publication ait été effectuée dans un journal d'annonces légales afin d'informer les tiers de la fin de la location gérance, alors que cette publicité était nécessaire pour mettre fin à sa responsabilité concernant le paiement des dettes fiscales et sociales,
- que dès lors, la Société Plein Sud Auto restait par cette seule absence de publication légalement tenu au paiement des charges fiscales et sociales, dont les deux contrats de travail dont le transfert était sollicité,
- que les conditions cumulatives fixées à l'article L1224-1 du code du travail, pour un transfert du contrat de travail, n'étaient pas réunies, la Société Plein Sud Auto continuant son activité, conservant clientèle (à laquelle elle donnait rendez-vous dans d'autres locaux), marque et un transfert du fonds de commerce au bailleur n'étant pas intervenu ; qu'elle n'avait donc pas repris l'activité de la Société Plein Sud, ni aucune activité propre étant en liquidation,
- qu'une confusion était commise entre Monsieur E..., liquidateur de la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas et l'indivision E..., propriétaire des locaux donnés simplement à bail et non plus en accessoire à une location gérance,
- que par suite, la demande de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse de la prise d'acte du 7 juillet 2016, alors que le contrat de travail n'avait pas été transféré au bailleur, était dénuée de fondement, de même que la demande subsidiaire de résiliation judiciaire du contrat de travail au 13 novembre 2016,
- que la salariée, qui avait retrouvé un travail très rapidement, ne démontrait pas d'un préjudice supérieur à quelques mois d'inactivité et qui était au surplus imputable à la Société Plein Sud Auto.

Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 3 janvier 2019 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame K... C... a demandé :

- avant dire droit, d'ordonner à la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas la communication de l'avis adressé par le greffe de la Cour et à défaut de dire et juger caduque la déclaration d'appel de la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas,
- principalement :

*de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf concernant le quantum de l'indemnité pour licenciement abusif,
*de manière incidente, de condamner la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas à lui verser la somme de 17421,60 euros d'indemnité pour licenciement abusif,
-à titre extraordinaire :

*de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail au 13 novembre 2016 aux torts de la S.A.R.L. Plein Sud Auto,
*de condamner la S.A.R.L. Plein Sud Auto à lui verser les sommes suivantes: 7888,12 euros brut au titre des salaires de juin à novembre 2016, 2929 euros brut d'indemnité de congés payés, 2795,50 euros brut d'indemnité légale et conventionnelle de licenciement, 2903,60 euros brut d'indemnité compensatrice de préavis et 290,36 euros au titre des congés payés sur préavis, 17412,60 euros d'indemnité pour licenciement abusif,
*d'ordonner à la S.A.R.L. Plein Sud Auto de remettre les bulletins de salaire des mois de juin à novembre 2016, ainsi que la remise des documents de fin de contrat et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la date de signification de la décision à intervenir,
*de dire et juger que l'AGS garantira les condamnations prises à l'encontre de la S.A.R.L. Plein Sud Auto,

- en tout état de cause, de condamner tout succombant à lui verser une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

Elle a indiqué :

- que l'appelant devait produire avant dire droit l'avis adressé par le greffe avant de démontrer qu'il ne devait pas signifier sa déclaration d'appel à Madame C... préalablement à sa constitution ; qu'à défaut, sa déclaration d'appel devait être déclarée caduque,
- que le transfert du contrat de travail n'était pas contestable, la location gérance du fonds de commerce (comprenant la clientèle, l'achalandage et le droit à jouissance des lieux, mais non le matériel objet d'une cession le 9 mai 2007 entre la Société Garage Saint Nicolas et la Société Plein Sud, ni l'enseigne, la location gérance étant postérieure à la résiliation le 4 avril 2007 par la Société Ford des contrats de service de réparateur agréé) ayant pris fin le 1er juin 2016, suite au congé plus d'un an plus tôt par la Société Garage Saint Nicolas, congés dont les termes qui témoignaient de la volonté de ne pas reprendre le fonds de commerce ; que l'appelante ne produisait aucun élément permettant de démontrer qu'elle avait demandé au préalable de la reprise le moindre élément auprès de son locataire, ni répondu au courrier du conseil de la salariée du 12 mai 2016, étant en outre précisé que lors de la remise des clés, Monsieur E... avait indiqué pour l'instant, il ne souhaitait pas continuer l'activité, précisant aux salariés que cela serait décidé prochainement ; qu'en tout état de cause, le Société Plein Sud Auto n'avait plus eu d'activité depuis la reprise du fonds par l'appelante et n'avait pas détourné la clientèle, ayant simplement fixé son siège à une autre adresse ; que l'activité commerciale était pérenne et aucun détournement de clientèle n'avait été réalisé, la poursuite de l'entité était possible et viable, ainsi que le maintien des emplois,
- que la prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, au regard des manquements de l'employeur à ses obligations (pas de salaires versés à compter du 1er juin 2016 et caducité du contrat de mutuelle et de prévoyance pour non paiement des cotisations), appelant des dommages et intérêts substantiels pour licenciement abusif alloués, au delà du quantum prévu par les premiers juges,

- subsidiairement :

*une résiliation du contrat de travail aux torts de la S.A.R.L. Plein Sud Auto devait être prononcée à compter du 13 novembre 2016 (une embauche dans un autre emploi étant intervenue le 14 novembre 2016), au regard du manquement d'une gravité suffisante par son employeur à ses obligations ; que dans ces conditions, le versement des salaires et de diverses indemnités de rupture, outre des dommages et intérêts substantiels pour licenciement abusif alloués,
*l'A.G.S. ne pouvait être mise hors de cause et devait garantie les condamnations prises.

Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 28 décembre 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, l'Unedic Délégation AGS C.G.E.A. de Marseille a sollicité :

- à titre principal, la confirmation du jugement,
- très subsidiairement de :
*limiter l'indemnisation pour licenciement abusif au préjudice subi en application de l'article L1235-5 du code du travail,
*dire les sommes allouées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile hors garantie A.G.S.,
*dire et juger que la décision sera déclarée opposable à l'A.G.S. intervenant à titre subsidiaire dans les limites légales de la garantie prévue à l'article L 3253-17 du Code du travail, étant précisé que sont plafonnées toutes créances avancées pour le compte du salarié à l'un des trois plafonds définis par l'article D 3253-5 du Code du travail,
*fixer les sommes en quittances ou deniers,
*condamner qui il plaira aux dépens sauf le C.G.E.A.

Il a précisé :

- que le contrat de location gérance avait été résilié et les salariés transférés à la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas, propriétaire du fonds loué, en application de l'article L1224-1 du code du travail,
- que subsidiairement, l'entreprise ayant moins de onze salariés, l'indemnisation de Madame C... devait être limitée à un préjudice qu'il lui appartenait de démontrer,
- que les sommes allouées au titre des frais irrépétibles n'entraient pas dans sa garantie.

La S.A.R.L. Plein Sud Auto, représentée par son mandataire liquidateur Maître L... D..., n'a pas constitué avocat.

Suivant ordonnance d'incident du 5 février 2019, le conseiller de la mise en état a :

- constaté le défaut d'exécution provisoire, dans les limites fixées par les articles R 1454-14 et R 1454-28 du code du travail, de la décision rendue par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 5 juillet 2018, par la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas, représentée par son liquidateur amiable, Monsieur B... E...,
- constaté toutefois que l'appelante justifie, en l'état des pièces produites, de l'impossibilité d'exécuter la décision rendue,
- rejeté dès lors les demandes de Madame K... C... aux fins :

*d'ordonner la radiation de l'affaire enregistrée sous le numéro RG 18/00239 et son retrait du rang des affaires en cours,
*de dire et juger que l'affaire pourra être réinscrite au rôle après contrôle de la juridiction qui s'assurera de l'exécution complète par la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas, appelante, des condamnations prononcées par le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio au profit de Madame K... C...,
- débouté Madame K... C... de sa demande de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens de l'incident suivront ceux de l'instance au fond,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties,
- dit que l'affaire sera rappelée à l'audience de mise en état du 5 mars 2019.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 5 mars 2019, et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 14 mai 2019, où l'affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 10 juillet 2019.

MOTIFS

1) Sur la recevabilité de l'appel

Attendu que la recevabilité de l'appel principal n'est pas discutée et la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas, représentée par son liquidateur amiable, sera déclarée recevable en son appel, tel qu'elle le sollicite ;
Qu'il convient en sus d'observer que la recevabilité de l'appel incident de Madame C... n'est pas contestée ;

2) Sur la demande avant dire droit

Attendu que Madame C... sollicite, avant dire droit, d'ordonner à la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas la communication de l'avis adressé par le greffe de la Cour et à défaut de dire et juger caduque la déclaration d'appel de la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas ;
Que cette demande avant dire droit sera rejetée, l'avis transmis par le greffe le 28 septembre 2018 figurant au dossier de la Cour ;
Que consécutivement à ce rejet, est sans objet la demande de Madame C..., tendant, à défaut de production, de dire et juger caduque la déclaration d'appel de la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas ;

3) Sur les demandes liées au transfert de contrat de travail

Attendu que selon l'article L1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ;
Que ces dispositions ne s'appliquent qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et poursuit son activité ; que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre ;
Que si à l'expiration d'un contrat de location-gérance, le contrat de travail subsiste en principe avec le bailleur, c'est à la condition que la même entreprise continue à fonctionner et fasse retour dans la patrimoine de celui-ci ;

Attendu qu'en l'espèce, il est constant au dossier que suivant contrat de location-gérance à effet du 1er juin 2007, pour une durée de cinq années, renouvelable par tacite reconduction par période annuelle, la SA.R.L. Garage Saint Nicolas a donné en location gérance à la S.A.R.L. Plein Sud Auto "la branche d'activité d'achat vente et réparation de voitures dépendant du fonds de commerce exploité à [...]. Ledit fonds comprenant :
- la clientèle, l'enseigne et l'achalandage y attachés,
- le droit à la jouissance des lieux dans lesquels il est exploité ainsi qu'il sera dit ci-après,
- le mobilier commercial servant à son exploitation dont un état est annexé aux présentes";
que l'état du mobilier et matériel annexé au contrat comportait la mention "néant" ;

Que ce contrat a été dénoncé par la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas, à effet du 1er juin 2016 ;
Qu'au vu des éléments produits aux débats (notamment procès-verbal de constat d'huissier du 1er juin 2016, courriels adressés par la S.A.R.L. Plein Sud Auto au liquidateur amiable de la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas entre le 31 mai et le 7 juin 2016, procès-verbal de constat d'huissier du 7 juin 2016), il se déduit que le locataire gérant n'a restitué à la fin du contrat que des locaux vides et quelques pièces afférentes aux contrats de travail en cours (bulletins de salaire, appel de cotisations mutuelle et convocation à la médecine du travail), à l'exclusion des fichiers et documents comptables, fiscaux et administratifs (fichier clientèle) nécessaires à l'exploitation de la clientèle, mais également que ce locataire gérant avait donné rendez-vous à la clientèle dans d'autres locaux, de sorte qu'il ne peut être considéré que le fonds de commerce est revenu à son propriétaire, la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas, dont la liquidation judiciaire a été clôturée par jugement du 7 juillet 2014 et qui était le 1er juin 2016 représentée par le liquidateur amiable, désigné aux termes dudit jugement ; qu'il convient d'observer en sus que la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas n'a pas manifesté de volonté claire, précise et non équivoque de reprendre les contrats de travail; que la photographie, non datée et non localisée, versée aux débats par Madame C... ne permet pas d'étayer une argumentation suivant laquelle dès juin 2016, le fonds était loué par la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas à une autre société; par suite, sans qu'il y ait d'examiner le surplus des moyens développés par les parties à cet égard, il convient de dire que les conditions d'application des dispositions de l'article L1224-1 ne sont pas réunies, et le contrat de travail de Madame C... n'a pas été transféré à la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas ; que dès lors, Madame K... C... sera déboutée de ses demandes liées au transfert du contrat de travail, en ce compris celle formée au titre de l'appel incident ;

Que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a :

- dit que le contrat de travail de Madame K... C... en date du 20 juillet 2010 a été transféré à la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas bailleur Monsieur E... B... lors de la reprise du fonds de commerce au 1er juin 2016 et requalifié la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse à la charge de la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas en la personne de B... E... en ce qui concerne les créances salariales,

- condamné la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas en son représentant légal B... E... à payer à Madame K... C... les sommes suivantes :
*1779,63 euros brut au titre des salaires de juin juillet 2016,
*2902 euros brut de congé payé afférent,
*1742 euros brut au titre de l'indemnité légale et conventionnelle de licenciement,
*2903 euros brut au titre du préavis et 290 euros au titre des CP,
*4354,50 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*2500 euros au titre du préjudice financier,
-ordonné la remise des documents sous astreinte de 30 euros par jour de retard et par document;

4) Sur les demandes au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail

Attendu qu'il est admis qu'en cas d'inexécution de ses obligations contractuelles par l'employeur, le salarié peut saisir le conseil de prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur ;
Que lorsque les manquements sont établis et sont d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou d'un licenciement nul notamment si elle est fondée sur des faits de harcèlement moral, de discrimination ou lorsque le contrat est suspendu à la suite d'un accident du travail ;
Que lorsqu'au jour du prononcé de la résiliation, le contrat n'a pas été formellement rompu mais que les parties ont mis fin, dans les faits, à leur collaboration, et que le salarié a été embauché par un autre employeur, la rupture prendra effet rétroactivement à la date de signature du nouveau contrat de travail ;

Attendu que Madame C... forme en cause d'appel diverses demandes subsidiaires au titre d'une résiliation judiciaire du contrat de travail la liant à la S.A.R.L. Plein Sud Auto ; que la recevabilité de ces demandes nouvelles n'est pas contestée, étant observé que l'instance prud'homale a été introduite avant le 1er août 2016 ;
Que sur le fond, il convient d'observer qu' en l'absence de transfert du contrat de travail, Madame C... est demeurée salariée de la S.A.R.L. Plein Sud Auto; que pour autant, cet employeur n'a pas

respecté ses obligations à l'égard de celle-ci, notamment, à compter de juin 2016, en ne lui versant pas de salaires et en ne réglant plus les cotisations nécessaires au régime de prévoyance obligatoire ; que la S.A.R.L. Plein Sud Auto, non représentée à l'instance, n'argue, ni ne démontre que la salariée a refusé d'exécuter son travail ou ne s'est pas tenu à disposition, ni ne fait valoir de motif légitime de non paiement des salaires et cotisations ;
Que ce manquement de l'employer est d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, à effet du 13 novembre 2016, Madame C... ayant signé le 14 novembre 2016 un contrat de travail auprès d'un nouvel employeur ;
Qu'au moment de la rupture du contrat de travail, Madame K... C... avait plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise, qui comptait moins de onze salariés ;
Qu'au regard de son ancienneté, des conditions dans lesquelles la rupture est intervenue, Madame C..., qui ne justifie aucunement d'un plus ample préjudice, au travers des éléments versés aux débats, se verra allouer des dommages et intérêts à hauteur de 2500 euros et sera déboutée du surplus de sa demande dont elle ne démontre pas du bien fondé ;
Que s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, toujours due dans le cadre d'une résiliation judiciaire, compte tenu de l'ancienneté, sera prévue une somme de 2903,60 euros brut (correspondant à deux mois) ; qu'une somme de 290,36 euros brut sera fixée au titre des congés payés sur préavis ;
Qu'au titre de l'indemnité légale de licenciement, qui n'est pas moins favorable que l'indemnité conventionnelle de licenciement, sera allouée une somme de 1863,14 euros, tenant compte de l'ancienneté de la salariée et de la moyenne de salaire la plus favorable au sens de l'article R1234-4 du code du travail, dans sa version applicable aux données de l'espèce ; que Madame C... sera déboutée du surplus de sa demande à cet égard, dont elle ne justifie pas du bien fondé ;
Qu'au titre des salaires de juin 2016 au 13 novembre 2016, est due une somme de 7888,12 euros brut ;
Qu'une somme de 2929 euros brut sera fixée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, au vu du nombre de jours de congés payés subsistants à la date de rupture du contrat (au vu des bulletins de salaire de mai 2016 et des jours correspondant à la période du 1er juin au 13 novembre 2016) ;
Attendu qu' il convient d'opérer requalification d'office des demandes de Madame C... , en ce que la S.A.R.L. Plein Sud Auto, en liquidation judiciaire, ne peut être condamnée à lui verser diverses sommes au titre des créances salariales et rupture contractuelle antérieure au jugement de liquidation judiciaire, les demandes de Madame K... C... ne pouvant tendre qu'à une fixation de sommes au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Plein Sud Auto ;

Que les sommes précitées seront donc fixées comme créances au passif de la S.A.R.L. Plein Sud Auto, représentée par son liquidateur judiciaire, Maître L... D... ;

5) Sur les autres demandes

Attendu qu'il sera ordonné à la S.A.R.L. Plein Sud Auto, représentée par son mandataire liquidateur Maître L... D..., de remettre les bulletins de paie des mois de juin 2016 au 13 novembre 2016, conformément au présent arrêt, et ce dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;
Que le prononcé d'astreintes n'est pas indispensable en l'espèce et la demande de Madame C... sur ce point sera rejetée ;
Qu'au vu des développements précédents, l'Unedic Délégation AGS C.G.E.A. de Marseille n'a pas à être mise hors de cause, le jugement entrepris étant infirmé sur ce point ;
Que le présent arrêt sera déclaré opposable à l'Unedic Délégation AGS C.G.E.A. de Marseille, dans les limites légales de sa garantie fixées par les articles L 3253-6 et L 3253-8 et suivants du Code du travail, avec avance des créances visées aux articles L 3253-6 et L 3253-8 et suivants du Code du travail uniquement dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15, L 3253-18 à L 3253-21, L3253-17 et D 3253-5 du Code du travail ;
Que sera ordonné l'emploi des dépens de première instance (le jugement entrepris étant infirmé sur ce point) et de l'instance d'appel en frais privilégiés de la procédure collective de la S.A.R.L. Plein Sud Auto, représentée par son mandataire liquidateur, Maître L... D... ;
Que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance (le jugement entrepris étant infirmé sur ce point) et d'appel ;
Que les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière prud'homale, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe le 10 juillet 2019,

DIT la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas, représentée par son liquidateur amiable, Monsieur B... E..., recevable en son appel principal,

CONSTATE que la recevabilité de l'appel incident de Madame K... C... n'est pas contestée,

REJETTE la demande avant dire droit de Madame K... C... tendant à ordonner à la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas la communication de l'avis adressé par le greffe de la Cour et DIT consécutivement sans objet la demande de Madame K... C..., tendant, à défaut de production, de dire et juger caduque la déclaration d'appel de la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas,

INFIRME le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 5 juillet 2018, tel que déféré, en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT qu'il n'y a pas eu de transfert du contrat de travail de Madame K... C... entre la S.A.R.L. Plein Sud Auto et la S.A.R.L. Garage Saint Nicolas, au sens des dispositions de l'article L1224-1 du code du travail,

DEBOUTE Madame K... C... de l'ensemble de ses demandes liées au transfert du contrat de travail, en ce compris celle formée au titre de l'appel incident,

PRONONCE la résiliation judiciaire, aux torts de l'employeur, du contrat de travail liant Madame K... C... à la S.A.R.L. Plein Sud Auto à effet du 13 novembre 2016,

RAPPELLE que la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

FIXE les créances de Madame K... C... au passif de la S.A.R.L. Plein Sud Auto, représentée par son mandataire liquidateur Maître L... D..., aux sommes suivantes :

- 7888,12 euros brut au titre des salaires du 1er juin au 13 novembre 2016,
- 2500 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2903,60 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 290,36 euros brut au titre des congés payés sur préavis,
- 1863,14 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 2929 euros brut sera fixée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

ORDONNE à la S.A.R.L. Plein Sud Auto, représenté par son mandataire liquidateur Maître L... D..., de remettre les bulletins de paie des mois de juin 2016 au 13 novembre 2016, conformément au présent arrêt, et ce dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision,

REJETTE la demande de Madame K... C... de prononcé d'astreinte de 150 euros par jour de retard,

DECLARE le présent arrêt opposable à l'Unedic Délégation AGS C.G.E.A. de Marseille dans les limites légales de sa garantie fixées par les articles L 3253-6 et L 3253-8 et suivants du Code du travail, avec avance des créances visées aux articles L 3253-6 et L 3253-8 et suivants du Code du travail uniquement dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15, L 3253-18 à L 3253-21, L3253-17 et D 3253-5 du Code du travail,

DEBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

ORDONNE l'emploi des dépens de l'entière instance en frais privilégiés de la procédure collective de la S.A.R.L. Plein Sud Auto,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 18/002394
Date de la décision : 10/07/2019
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2019-07-10;18.002394 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award