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10/07/2019 | FRANCE | N°18/002304

France | France, Cour d'appel de Bastia, 04, 10 juillet 2019, 18/002304


ARRET No
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10 Juillet 2019
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No RG 18/00230 - No Portalis DBVE-V-B7C-BZKY
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R... V...
C/
SELAS PHARMACIE C...

----------------------Décision déférée à la Cour du :
28 mai 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BASTIA
16/00167
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COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : DIX JUILLET DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANT :

Monsieur R... V...
[...]
[...]
Représenté par Me Christelle ELGART, avocat au barrea

u de BASTIA

INTIMEE :

SELAS PHARMACIE C... prise en la personne de son représentant légal en exercice demeurant ès qualité audit siège...

ARRET No
-----------------------
10 Juillet 2019
-----------------------
No RG 18/00230 - No Portalis DBVE-V-B7C-BZKY
-----------------------
R... V...
C/
SELAS PHARMACIE C...

----------------------Décision déférée à la Cour du :
28 mai 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BASTIA
16/00167
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : DIX JUILLET DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANT :

Monsieur R... V...
[...]
[...]
Représenté par Me Christelle ELGART, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEE :

SELAS PHARMACIE C... prise en la personne de son représentant légal en exercice demeurant ès qualité audit siège.
No SIRET : 819 696 337
[...]
Représentée par Me Josette CASABIANCA CROCE, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mai 2019 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président

GREFFIER :

Mme COMBET, greffier lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2019

ARRET

Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par M. EMMANUELIDIS, Conseiller, pour le président empêché et par Mme COMBET, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur R... V... a été embauché par Madame W... C... en qualité de préparateur en pharmacie, dans le cadre de contrats à durée déterminée de remplacement de salarié à effet du 1er juillet 2009. Il a été ensuite embauché suivant contrat à durée indéterminée à effet du 1er mai 2011, conservant l'ancienneté acquise depuis le 1er juillet 2009.

Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale de la pharmacie d'officine.

Selon courrier en date du 16 avril 2016, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à licenciement économique fixé au 26 avril 2016.
Monsieur V... s'est vu notifier un licenciement pour motif économique par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 6 mai 2016. Il a signé un contrat de sécurisation professionnelle.

Monsieur R... V... a saisi le Conseil de prud'hommes de Bastia, par requête reçue le 3 juin 2016, de diverses demandes.

Selon jugement du 28 mai 2018, le Juge départiteur près le Conseil de prud'hommes de Bastia a :

- débouté Monsieur R... V... de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la S.A.S. Phamarcie C... de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur R... V... aux dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe le 23 juillet 2018, Monsieur R... V... a interjeté appel de ce jugement, en ce qu'il a rejeté ses demandes tendant à dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et à lui verser les sommes suivantes : 50000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 19 décembre 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur R... V... a sollicité :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a estimé fondé son licenciement économique et statuant à nouveau :

*de dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, faute de difficultés économiques le justifiant,
*de condamner l'intimée à lui verser une somme de 50000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- subsidiairement, d'infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas retenu la faute de légèreté blâmable de l'employeur et statuant à nouveau :

*de dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison de la faute de légèreté blâmable de l'employeur,
*de condamner l'intimée à lui verser une somme de 50000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la S.E.L.A.S. Pharmacie C... à lui verser 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il a fait valoir :

- que les relations avec son employeur s'étaient dégradées à partir de 2015, avant d'aboutir à son licenciement économique en 2016,
- que le licenciement économique ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, puisque :

*les difficultés économiques, invoquées de manière imprécise dans la lettre de licenciement, ne présentaient pas un caractère suffisamment important et durable, et le chiffre d'affaires restait important,
*les résultats du second trimestre 2016 n'étaient pas mentionnés,
*la situation favorable de l'entreprise avait obligé l'entreprise en 2014 à avoir deux pharmaciens à plein temps, de sorte qu'il était peu vraisemblable qu'un licenciement d'un salarié en 2016 soit nécessaire,
*qu'un salarié aurait été embauché dans l'entreprise depuis le licenciement,
*subsidiairement, une légèreté blâmable de l'employeur était mise en évidence compte tenu de l'embauche dans l'entreprise en septembre 2015 du fils de Madame C... comme pharmacien, constituant une charge financière importante pour la structure, alors que des difficultés économiques existantes depuis l'exercice 2014 étaient évoquées dans la lettre de licenciement,
- que l'employeur n'avait pas respecté, dans les choix de restriction budgétaire intervenus en 2016 (licenciement économique et réduction de la durée de travail d'un autre salarié), l'ordre d'ancienneté et charges de famille, étant rappelé qu'il était le salarié dont la charge financière était la moins importante,
- que compte tenu de son licenciement, des circonstances de celui-ci et du préjudice en résultant, une indemnité substantielle était justifiée.

Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 17 janvier 2019 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.E.L.A.S. Pharmacie C..., venant aux droits de l'employeur initial, a demandé :

- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- de débouter Monsieur R... V... de toutes ses demandes, fins et prétentions,
-de condamner Monsieur R... V... au paiement d'une somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

Elle a exposé :

- que le licenciement n'avait pas de causes personnelles et que le licenciement économique était fondé dans la mesure où :

*des difficultés économiques importantes et manifestement durables, exactement décrites par le départiteur, étaient existantes dans l'entreprise depuis 2014, et s'inscrivaient dans un contexte économique défavorable, accentué par l'installation de deux pharmacies dans un secteur géographique restreint,
*une réorganisation de l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité était nécessaire au travers de diverses mesures (délocalisation de la pharmacie, baisse des charges salariales), relevant de la seule appréciation de l'employeur,
*Madame C... avait baissé sa rémunération propre de 2000 euros pour permettre à son fils d'intégrer l'entreprise en septembre 2015, de sorte que les salaires et prélèvements pour l'année 2016 avaient baissé de 10000 euros par rapport à 2015, malgré l'embauche de son fils, étant rappelé que dans le cadre d'une S.E.L.A.S. (créée pour permettre la transmission de l'entreprise à son fils, permettant de maintenir l'activité à terme de la structure et de pérenniser plusieurs emplois), deux ans d'exercice étaient obligatoires sans possibilité de retrait et cession de ses droits pendant la période,
*il n'était pas démontré que l'embauche de Monsieur S... C... en tant que pharmacien adjoint avait été déterminante dans les difficultés rencontrées, comme relevé par le juge départiteur,
*le reclassement était impossible au sein de l'entreprise et le reclassement, facultatif, en externe n'avait pu aboutir, comme relevé par le premier juge,
- que les critères d'ordre, parmi les trois préparateurs en pharmacie présents dans la structure, ont été respectés,
- que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devaient correspondre à un préjudice subi, que le salarié, qui avait rapidement retrouvé un emploi (contrat devenu à durée indéterminée en 2017), ne justifiait pas au delà d'un mois de salaire.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 5 mars 2019, et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 14 mai 2019, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 10 juillet 2019.

MOTIFS

1) Sur la rupture pour motif économique

Attendu qu'il est admis qu'un salarié ayant accepté une contrat de sécurisation professionnelle n'est pas pour autant privé de la possibilité de contester la cause économique de la rupture ou le respect par l'employeur de son obligation de reclassement ;
Que dès lors que la rupture a un motif économique, il doit être vérifié par le juge que ce motif existe et qu'il donne à la rupture de la relation de travail une cause réelle et sérieuse ;
Que pour être justifié, le motif économique invoqué par l'employeur doit réunir deux éléments cumulatifs, au sens de l'article L1233-3 du Code du travail, dans sa version applicable aux données de l'espèce :
- l'élément matériel qui consiste soit en la suppression ou la transformation d'emploi, soit en une modification d'un élément essentiel du contrat de travail,
- l'élément causal, la loi citant notamment les difficultés économiques ou les mutations technologiques auxquelles il convient de rajouter les motifs jurisprudentiels, admis à l'époque du licenciement concerné, afférents à la réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité ainsi qu'à la cessation d'activité ;
Que la cause économique s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient ; que le périmètre du groupe à prendre à considération à cet effet est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L2331-1 du Code du travail, sans qu'il y ait lieu réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national;
Qu'en outre, il y a lieu de rappeler que, quel que soit le motif économique invoqué, l'employeur est tenu de rechercher, dans l'entreprise ou l'intérieur du groupe auquel appartient le cas échéant la société, toutes les possibilités de reclassement existantes et de proposer au salarié un emploi de même catégorie ou à défaut de catégorie inférieure, fut ce par voie de modification du contrat de travail, en assurant au besoin une simple formation d'adaptation du salarié à une évolution de son emploi ;
Que le périmètre de reclassement au sein d'un groupe s'entend des entreprises du groupe dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel ou la possibilité d'exercer des fonctions comparables ;
Que l'entreprise doit procéder à une recherche loyale et sérieuse de reclassement, étant relevé qu'il s'agit d'une obligation de moyens renforcée ;

Attendu qu'à titre liminaire, il convient d'observer que Monsieur V... produit pas de pièces à même de démontrer que le licenciement est en réalité fondé sur un motif personnel et non économique ;

Attendu sur le fond, qu'en l'absence d'élément nouveau, la cour estime que le premier juge, par des motifs qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des données de l'espèce, en considérant comme réel et sérieux le motif économique invoqué de difficultés économiques de l'entreprise, appréciées au moment de la rupture, nécessitant une suppression d'emploi, avant de conclure que le respect par l'employeur de son obligation de reclassement n'était pas contestable ;

Que s'agissant du motif économique, il convient d'ajouter que l'embauche d'un salarié en 2015, dans les conditions décrites au dossier, ne suffit pas à elle seule à caractériser une légèreté blâmable de l'employeur et il n'est, en outre, pas mis en évidence que les difficultés économiques procèdent de ce seul mode de gestion ; que de plus, les différents moyens de l'appelant contestant les choix opérés par l'employeur ne sont pas opérants puisque la juridiction n'a pas la faculté d'apprécier les choix opérés par l'employeur, en matière de gestion, et concernant les solutions à apporter aux difficultés économiques connues par l'entreprise ;
Qu'enfin, il y a lieu d'observer qu'aucune pièce du dossier ne démontre de l'embauche de nouveau salarié depuis la rupture du contrat de travail de Monsieur V... ;
Que Monsieur V... sera donc débouté de ses demandes principales et subsidiaires, tendant à dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, puis condamner la S.A.S. Phamarcie C... à lui verser une somme de 50000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Que le jugement entrepris sera confirmé à ces égards ;

2) Sur les autres demandes

Attendu qu'il convient d'observer que les dispositions du jugement initial ayant condamné Monsieur V... aux dépens de première instance n'ont pas été visées dans l'appel ; que l'annulation du jugement n'est sollicitée, tandis qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité de l'appel ; que par suite, ces dispositions, non déférées à la Cour, sont devenues irrévocables et il n'y a pas lieu à statuer les concernant ;
Que Monsieur V... sera condamné aux dépens de l'instance d'appel, à laquelle il succombe principalement ;
Que l'équité ne commande pas de prévoir de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance (le jugement entrepris étant confirmé sur ce point) et d'appel ;
Que les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière prud'homale, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe le 10 juillet 2019,

Statuant dans les limites de l'appel,

CONFIRME le jugement rendu par le Juge départiteur près le Conseil de prud'hommes de Bastia le 28 mai 2018, tel que déféré, en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

DEBOUTE Monsieur R... V... de ses demandes subsidiaires,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,

RAPPELLE que le chef du jugement du Conseil de prud'hommes de Bastia afférent à la condamnation de Monsieur R... V... aux dépens de première instance n'a pas été déféré à la Cour,

DIT dès lors que cette disposition est devenue irrévocable et qu'il n'y a pas lieu à statuer la concernant,

CONDAMNE Monsieur R... V... aux dépens de l'instance d'appel,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 18/002304
Date de la décision : 10/07/2019
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2019-07-10;18.002304 ?
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