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10/07/2019 | FRANCE | N°18/001034

France | France, Cour d'appel de Bastia, 04, 10 juillet 2019, 18/001034


ARRET No
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10 Juillet 2019
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No RG 18/00103 - No Portalis DBVE-V-B7C-BYTS
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X... T...
C/
Jean Christophe A...

----------------------Décision déférée à la Cour du :
29 mars 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO
F 17/00179
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COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : DIX JUILLET DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANT :

Monsieur X... T...
[...]
Représenté par Me Sarah SENTENAC, avocat au barreau d'AJACCIOr>
INTIME :

Monsieur I... A...
[...]
Représentée par Me Joëlle GUIDERDONI, avocat au barreau d'AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR LORS DE...

ARRET No
-----------------------
10 Juillet 2019
-----------------------
No RG 18/00103 - No Portalis DBVE-V-B7C-BYTS
-----------------------
X... T...
C/
Jean Christophe A...

----------------------Décision déférée à la Cour du :
29 mars 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO
F 17/00179
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : DIX JUILLET DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANT :

Monsieur X... T...
[...]
Représenté par Me Sarah SENTENAC, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIME :

Monsieur I... A...
[...]
Représentée par Me Joëlle GUIDERDONI, avocat au barreau d'AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mai 2019 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président

GREFFIER :

Mme COMBET, greffier lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2019

ARRET

Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par M. EMMANUELIDIS, Conseiller, pour le président empêché et par Mme COMBET, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*
* *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur I... A... a été embauché par Monsieur X... T..., en qualité de cuisinier, suivant contrat à durée déterminée du 5 mai au 30 septembre 2015.

Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants.

Monsieur I... A... a saisi le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio, par requête, de diverses demandes.

Selon jugement du 29 mars 2018, le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio a :
- condamné Monsieur T... X... L... à verser Monsieur A... I... les sommes suivantes :
*11561 euros au titre des heures supplémentaires effectuées,
*3000 euros au titre du non respect du repos hebdomadaire,
*300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Monsieur A... de sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé prévue par l'article L8223-1,
- condamné Monsieur T... X... L... aux entiers dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions sur l'aide juridictionnelle.

Par déclaration enregistrée au greffe le 19 avril 2018, Monsieur X... T... a interjeté appel de ce jugement, en ce qu'il l'a condamné au paiement des sommes retenues au titre des heures supplémentaires, du non respect du repos hebdomadaire et de l'article 700.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 7 janvier 2019 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur X... T... a sollicité la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamné au paiement des sommes retenues au titre des heures supplémentaires, du non respect du repos hebdomadaire et de l'article 700, et statuant à nouveau :

- de dire et juger que Monsieur A... sera débouté de l'ensemble des demandes, fins et conclusions, non fondées,
- de condamner Monsieur A... à lui payer la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il a fait valoir :

- que le salarié avait été réglé des heures supplémentaires effectuées et qu'il échouait à rapporter un commencement de preuve suffisant pour justifier du bien fondé de sa demande (qui correspondait à un horaire augmenté de 3/4 par rapport aux heures travaillées, ce qui était irréaliste), un récapitulatif des horaires prétendument réalisés, rédigé par le salarié et non corroboré par d'autres éléments n'étant pas suffisant, d'autant qu'il ne tenait pas compte des variations saisonnières fortes (par exemple entre le mois de mai et celui d'août) ; que de plus, il ne démontrait aucunement que les heures supplémentaires avaient été exécutées à la demande de l'employeur,
- qu'en l'absence d'heures supplémentaires non réglées et d'intention de l'employeur, aucune indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ne pouvait s'envisager,
- que les salariés de l'entreprise (ayant travaillé à la même période que Monsieur A...) bénéficiaient de leur congé hebdomadaire d'une demi-journée, soit deux jours par mois.

Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 4 octobre 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur I... A... a demandé :

- de condamner Monsieur X... T... à lui verser 12631,67 euros au titre du rappel sur heures supplémentaires, 3000 euros au titre du non respect du repos hebdomadaire et 13461,36 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- de condamner Monsieur X... T... à lui verser une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il a exposé :

- qu'il étayait de manière suffisante sa demande d'heures supplémentaires au travers des décomptes détaillés produits par ses soins, tandis que l'employeur ne versait pas les éléments permettant de démontrer l'amplitude et le quantum des heures de travail de Monsieur A..., en violation des dispositions légales et conventionnelles ; que les horaires mentionnés par le salarié (9-15 h et 17h30-22h) n'étaient en rien fantaisistes, au regard de l'ouverture sept jours sur sept d'un restaurant situé sur une plage très touristique ; que dès lors, un rappel de salaire sur heures supplémentaires était justifié, avec majoration des heures supplémentaires à 25% pour les huit premières heures et 50% pour les suivantes,
- que l'employeur n'avait pas respecté les dispositions légales et conventionnelles en matière de durée maximale de travail et de repos hebdomadaire, en employant le salarié sept jours sur sept sur les deux services du midi et du soir et ne lui accordant que d'une à deux demi-journées de repos par mois, appelant l'allocation de dommages et intérêts en raison du préjudice généré admis par la jurisprudence,
- qu'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé devait être allouée au regard des heures dissimulées sur les bulletins de salaire suffisant pour établir l'intention.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 2 avril 2019, et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 14 mai 2019, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 10 juillet 2019.

MOTIFS

1) Sur les limites de l'appel

Attendu que l'appel interjeté par Monsieur T... est un appel limité, qui ne vise pas les dispositions du jugement du Conseil de prud'hommes d'Ajaccio ayant débouté Monsieur A... de sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé prévue par l'article L8223-1, condamné Monsieur T... X... L... aux entiers dépens de première instance et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions sur l'aide juridictionnelle.

Que l'annulation du jugement entrepris n'est pas sollicitée, tandis qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité de l'appel ;
Qu'aucun appel incident n'est intervenu, étant constaté que dans le dispositif des écritures de Monsieur A..., énonçant les prétentions sur lesquelles la Cour doit statuer en vertu de l'article 954 alinéa 4 du code de procédure civile, ne figure aucune demande de réformation ;
Que les dispositions du jugement déféré (tenant au débouté de Monsieur A... de sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé prévue par l'article L8223-1, à la condamnation de Monsieur T... X... L... aux entiers dépens de première instance recouvrés conformément aux dispositions sur l'aide juridictionnelle) sont donc devenues irrévocables et il n'y a pas lieu à statuer les concernant ;

2) Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Attendu qu'en vertu de l'article L 3171-4 du code du travail, la preuve des heures supplémentaires effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; que si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisées par le salarié, il appartient cependant au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;

Attendu qu'il est admis en outre que le juge ne peut pas extrapoler sur les données fournies par le salarié ; que celui-ci ne peut pas fournir d'éléments relatifs à une période déterminée pour demander le paiement d'heures effectuées au cours d'une autre période, sans apporter d'éléments relatifs à cette dernière période ;

Attendu que le juge forme sa conviction au vu des éléments du débat relatif aux heures supplémentaires, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Attendu que le contrat de travail liant les parties prévoit que le salarié "sera soumis à la durée légale de travail. Il pourra être amené à effectuer des heures supplémentaires selon les conditions légales et conventionnelles en vigueur" et que Monsieur A... "percevra une rémunération mensuelle brute de 2312,65 euros (avantage en nature nourriture en supplément le cas échéant) pour 169 heures de travail mensuel (dont 17,33 heures supplémentaires majorées de 10% selon la convention collective nationale) soit 39 heures hebdomadaires" ;

Que Monsieur A... expose avoir effectué des heures supplémentaires sur la période du 5 mai au 30 septembre 2015, non réglées par l'employeur, et sollicite la condamnation de Monsieur T... à ce titre ;
Que pour étayer sa demande, Monsieur A... produit, outre ses bulletins de salaire, des feuillets établis par ses soins détaillant ses horaires journaliers de travail sur la période considérée ;
Que ces pièces produites par le salarié sont de nature à étayer, de manière suffisamment précise, ses prétentions et à permettre ainsi à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;
Que pour sa part, Monsieur T... ne verse aux débats aucun élément objectif, par exemple un registre horaire, des fiches de pointage, ou tout autre document horaire individuel afférent aux heures travaillées par Monsieur A... du 5 mai au 30 septembre 2015, alors qu'il incombe à l'employeur, détenteur du pouvoir de direction et de contrôle dans l'entreprise, de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisées par le salarié; que le document manuscrit intitulé "décompte" versé au dossier ne mentionne pas le nom du salarié concerné, ne comporte aucune signature et ne peut être considéré comme un document horaire individuel afférent aux heures travaillées par Monsieur A... sur la période contractuelle; que de plus, contrairement à ce qu'énonce l'appelant, les horaires allégués par Monsieur A... ne sont pas strictement identiques sur la période contractuelle (leur durée étant supérieure de juillet à août 2015) ; que les termes du message téléphonique adressé le 2 octobre 2015 ne constituent aucunement un obstacle à la demande effectuée au titre des heures supplémentaires par voie de justice ;
Que parallèlement, l'employeur invoque l'absence d'accord préalable donné au salarié pour effectuer les heures revendiquées ; que néanmoins, il convient de rappeler que l'accord de l'employeur peut être implicite; qu'en l'espèce, l'employeur, qui ne pouvait ignorer le volume des heures effectuées par le salarié, compte tenu de sa présence régulière dans l'entreprise, ne s'est jamais opposé à la réalisation de celles-ci, caractérisant son accord implicite ;
Qu'au regard de ce qui précède, des heures supplémentaires déjà réglées mensuellement, des majorations applicables aux heures supplémentaires non réglées, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur T... à verser à Monsieur A... une somme de 11561 euros brut au titre

d'heures supplémentaires non réglées sur la période contractuelle, sous cette seule réserve que cette somme est exprimée nécessairement en brut ; qu'il convient d'ajouter que le sort de l'appelant ne peut être aggravé en l'absence d'appel incident, comme c'est le cas en l'espèce ;

3) Sur la demande au titre du non respect du repos hebdomadaire

Attendu que l'employeur ne justifie pas que le salarié ait intégralement bénéficié du repos hebdomadaire prescrit par les dispositions textuelles, plus particulièrement celles de la convention collective applicable ; que le document manuscrit intitulé "décompte" versé au dossier ne mentionne pas le nom du salarié concerné, ne comporte aucune signature et ne peut être considéré comme un document individuel concernant Monsieur A... sur la période contractuelle ; que les écrits produits par l'employeur (au nom de Madame B..., Monsieur E..., Monsieur R..., Madame P...) ne sont accompagnés d'aucune pièce d'identité et ne peuvent être prises en considération par la Cour, faute de certitude sur l'auteur desdits écrits ;
Que dans ces conditions, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a prévu la condamnation de Monsieur T... à verser à Monsieur A... à des dommages et intérêts au titre du non respect du repos hebdomadaire ; que le jugement entrepris sera uniquement infirmé sur le quantum retenu, dans la mesure où MonsieurA... ne démontre pas d'un préjudice supérieur à une somme de 2000 euros ; que Monsieur A... sera débouté du surplus de sa demande à cet égard ;

4) Sur les autres demandes

Attendu que Monsieur T... sera condamné aux dépens de l'instance d'appel, à laquelle il succombe principalement ;
Que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur T... à verser à Monsieur A... une somme de 300 euros au titre des frais irrépétibles de première instance; Que l'équité commande de condamner Monsieur T... à verser à Monsieur A... une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Que les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière prud'homale, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe le 10 juillet 2019,

CONSTATE que l'annulation du jugement entrepris n'est pas sollicitée, tandis qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité de l'appel,

DIT dès lors que les dispositions du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 29 mars 2018, qui n'ont pas été déférées à la Cour (tenant au débouté de Monsieur A... de sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé prévue par l'article L8223-1, à la condamnation de Monsieur T... X... L... aux entiers dépens de première instance recouvrés conformément aux dispositions sur l'aide juridictionnelle), sont devenues irrévocables et qu'il n'y a pas lieu à statuer les concernant,

Statuant dans les limites de l'appel,

CONFIRME, sous la seule réserve que la somme objet de la condamnation au titre des heures supplémentaires est exprimée nécessairement en brut, le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 29 mars 2018, tel que déféré, hormis:
- en ses dispositions relatives au quantum de la condamnation au titre des dommages et intérêts pour non respect du repos hebdomadaire,

Et statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur X... T... à verser à Monsieur I... A... une somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect du repos hebdomadaire,

CONDAMNE Monsieur X... T... à verser à Monsieur I... A... une somme de 500 euros, au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE Monsieur X... T... aux dépens de l'instance d'appel,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 18/001034
Date de la décision : 10/07/2019
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2019-07-10;18.001034 ?
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