ARRET No
-----------------------
19 Juin 2019
-----------------------
R No RG 18/00197 - No Portalis DBVE-V-B7C-BZHD
-----------------------
SARL I MULINAGHJI CORSI
C/
T... M...
----------------------Décision déférée à la Cour du :
04 juillet 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO
R 18/00036
------------------
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : DIX NEUF JUIN DEUX MILLE DIX NEUF
APPELANTE :
SARL I MULINAGHJI CORSI, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité audit siège.
No SIRET : 451 [...]
Représentée par Me Dominique REMITI-LEANDRI, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIME :
Monsieur T... M...
[...]
[...]
Représenté par Me Cécile PANCRAZI-LANFRANCHI de la SCP LANFRANCHI PANCRAZI, avocat au barreau d'AJACCIO
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/2049 du 27/09/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 avril 2019 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président
GREFFIER :
Mme COMBET, greffier lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 19 juin 2019
ARRET
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, pour le président empêché et par Mme COMBET, greffier présent lors de la mise à disposition de la décision.
***
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur T... M... a été embauché par la S.A.R.L. I Mulinaghji Corsi en qualité de manutentionnaire, suivant contrat de travail à durée déterminée du 12 septembre 2016, puis suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet du 12 octobre 2016.
Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale de la meunerie.
Suite à convocation à entretien préalable, le salarié s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 24 mars 2018.
Monsieur T... M... a saisi la formation de référé du Conseil de prud'hommes d'Ajaccio, par requête reçue le 18 mai 2018, de diverses demandes.
Selon ordonnance du 4 juillet 2018, la formation de référé du Conseil de prud'hommes d'Ajaccio a :
- ordonné la remise des documents de fin de contrat,
- ordonné à la S.A.R.L. I Mulinaghji Corsi en son représentant légal de payer à Monsieur T... M... la somme de 2500 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- ordonné à la S.A.R.L. I Mulinaghji Corsi en son représentant légal de verser à Monsieur T... M... la somme de 750 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté Monsieur T... M... du surplus de ses demandes et renvoyé les parties à mieux se pourvoir sur le fond,
- mis les dépens à la charge de la S.A.R.L. I Mulinaghji Corsi en son représentant légal.
Par déclaration enregistrée au greffe le 13 juillet 2018, la S.A.R.L. I Mulinaghji Corsi a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu'elle lui a ordonné de payer à Monsieur T... M... la somme de 2500 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et la somme de 750 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 26 février 2019 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A.R.L. I Mulinaghji Corsi a sollicité :
- de réformer l'ordonnance en ses dispositions querellées,
-de débouter Monsieur T... M... de son appel incident et de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- de condamner Monsieur T... M... à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens et au remboursement du timbre fiscal.
Elle a fait valoir :
- que le salarié ne justifiait pas du préjudice allégué au soutien de sa demande de dommages et intérêts et du lien de causalité entre les quelques jours de retard et les difficultés financières rencontrées, étant précisé :
* que l'employeur avait immédiatement remis au salarié son attestation Pôle emploi et n'avait pu être mesure de régler les sommes afférentes à la rupture uniquement en raison d'une erreur de calcul dans la détermination de ces sommes,
* que le délai de carence appliqué par le Pôle emploi ne compensait pas les indemnités légales de licenciement, de sorte que la seule erreur dans le montant de l'indemnité de congés payés avait pu éventuellement prolonger le délai de carence de quelques jours et non de plusieurs mois,
* qu'elle avait régularisé la situation avant le 8 juin 2018, en versant l'intégralité des sommes à devoir et délivrant l'attestation Pôle emploi rectifiée,
- que la condamnation au titre des frais irrépétibles était inéquitable, le salarié ayant privilégié une action judiciaire (qui aurait pu être évitée) plutôt qu'amiable.
Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 4 février 2019 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur T... M... a demandé :
- de débouter la S.A.R.L. I Mulinaghji Corsi prise en la personne de son représentant légal de l'ensemble de ses demandes,
- de confirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a condamné la S.A.R.L. I Mulinaghji Corsi au paiement de dommages et intérêts, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de l'infirmer pour le surplus,
- de condamner la S.A.R.L. I Mulinaghji Corsi prise en la personne de son représentant légal au paiement des sommes suivantes :
* 5 000 euros de dommages et intérêts en raison du préjudice subi,
* 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner la S.A.R.L. I Mulinaghji Corsi prise en la personne de son représentant légal aux entiers dépens de l'instance.
Il a exposé :
- que suivant le licenciement, l'employeur ne lui avait remis que l'attestation Pôle emploi (non exacte) et que les documents rectifiés n'avaient été adressés que postérieurement à l'audience devant le Conseil de prud'hommes, tandis que le règlement des indemnités (de licenciement et congés payés) n'étaient intervenues qu'après l'introduction de l'instance prud'homale,
- qu'il avait subi un préjudice du fait du comportement de l'employeur, s'étant trouvé un temps privé de toute ressource et n'ayant bénéficié que tardivement d'une indemnisation Pôle emploi, ce qui avait généré des difficultés financières,
- qu'il s'était efforcé, avant d'entamer une action judiciaire, d'obtenir de son employeur une régularisation de la situation, en vain.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 5 mars 2019 et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 16 avril 2019, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 19 juin 2019.
MOTIFS
Attendu qu'il y a lieu, à titre liminaire, de rappeler que la Cour, saisie d'un appel d'une ordonnance de référé, doit statuer dans le cadre contraint fixé par les articles R 1455-5 et suivants du code du travail ;
Qu'en vertu des articles R 1455-5 du code du travail, dans tous les cas d'urgence, la formation en référé peut, dans la limite de la compétence du conseil des prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ; que l'article R 1455-7 du code du travail dispose que dans le cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire ;
Que l'article R 1455-6 du code du travail dispose en outre que la formation en référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Attendu que selon les articles L1234-19 et L1234-20 du code du travail, à l'expiration du contrat de travail, l'employeur délivre au salarié un certificat de travail et un solde tout de compte ;
Qu'en vertu de l'article R 1234-9 du code du travail, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, l'employeur doit délivrer au salarié une attestation Pôle emploi qui lui permette de faire valoir ses droits à l'assurance chômage ;
Attendu qu'il ressort des pièces produites que l'attestation Pôle emploi délivrée par l'employeur le 29 mars 2018, à l'issue du contrat de travail, comportait des mentions inexactes s'agissant des indemnités perçues par le salarié, notamment l'indemnité compensatrice de congés payés, dont le montant était nettement surévalué ; que l'employeur n'a procédé à la rectification de l'attestation Pôle emploi que postérieurement à la saisine de la juridiction prud'homale, par document, dont la date mentionnée est le 8 juin 2018, mais qui, en réalité, n'était pas finalisé au jour de l'audience devant le Conseil de prud'hommes le 27 juin 2018, comme la formation de référé l'a relevé ; que dans le même temps, il convient de constater que le certificat de travail et le solde de tout compte n'ont été établis que de manière tardive, comme étant datés du 8 juin 2018, alors que Monsieur M... avait réclamé ces documents à la S.A.R.L. I Mulinaghji Corsi, par courrier de mise en demeure du 18 avril 2018 ; que parallèlement, il est constant que, suite au licenciement notifié au salarié par lettre du 24 mars 2018, avec effet immédiat, l'employeur a réglé les indemnités de rupture au salarié avec retard, puisque le versement a été effectué par chèques datés du 8 juin 2018, alors ces indemnités doivent être versées à l'échéance du contrat, versement donnant lieu à l'établissement d'un bulletin de salaire conformément à l'article L3243-2 du code du travail et à un solde de tout compte au visa de l'article L1234-20 du code du travail ; que ce retard dans la délivrance des documents sociaux, exacts, et dans le versement des indemnités de rupture n'est pas justifié par l'employeur, qui est tenu de satisfaire à ses obligations légales, dans les délais textuels ;
Que dans ces conditions, au regard du différé d'indemnisation, non sérieusement contestable (notamment au regard de l'erreur de l'attestation Pôle emploi initiale, concernant le montant de l'indemnité compensatrice de congés payés), mais également de la privation de Monsieur M... de ses indemnités de rupture pendant plusieurs semaines, l'existence d'un préjudice subi par le salarié est établi, qui sera chiffré au regard des données du dossier, à la somme de 2 000 euros ;
Que le salarié sera débouté du surplus de sa demande de dommages et intérêts faute de justifier d'un préjudice plus ample ;
Que la S.A.R.L. I Mulinaghji Corsi sera donc condamnée à verser à Monsieur T... M... une somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts, somme ayant nécessairement un caractère provisionnel, dans le cadre d'une instance de référé ;
Que l'ordonnance entreprise sera infirmée, uniquement s'agissant du quantum retenu et de l'absence de mention relative au caractère provisionnel de la condamnation ;
Attendu que si l'appel incident vise à l'infirmation des dispositions de l'ordonnance déférée autres que celles relatives au principe de la condamnation à des dommages et intérêts et aux frais irrépétibles, il ressort des écritures transmises à la Cour que l'appelant incident ne motive pas une infirmation de la disposition de l'ordonnance, ayant ordonné la remise des documents de fin de contrat, disposition parallèlement non querellée par l'appelant principal ; que ce chef de l'ordonnance sera donc confirmé ;
Attendu que la S.A.R.L. I Mulinaghji Corsi sera condamnée aux dépens de première instance (l'ordonnance entreprise étant confirmée sur ce point) et de l'instance d'appel, à laquelle elle succombe ;
Que l'équité commande de prévoir la condamnation de la S.A.R.L. I Mulinaghji Corsi à verser à Monsieur M... une somme de 750 euros au titre des frais irrépétibles de première instance (l'ordonnance entreprise étant confirmée sur ce point) et 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Que les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards ;
PAR CES MOTIFS
L A C O U R,
Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
CONFIRME l'ordonnance rendue par la formation de référé du Conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 4 juillet 2018, telle que déférée, sauf s'agissant du montant de la condamnation au titre des dommages et intérêts et de l'absence de mention relative au caractère provisionnel de la condamnation,
Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la S.A.R.L. I Mulinaghji Corsi, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur T... M... la somme provisionnelle de 2000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi,
CONDAMNE la S.A.R.L. I Mulinaghji Corsi, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur T... M... la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la S.A.R.L. I Mulinaghji Corsi, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de l'instance d'appel,
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LE PRESIDENT