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19/06/2019 | FRANCE | N°17/003644

France | France, Cour d'appel de Bastia, 04, 19 juin 2019, 17/003644


ARRET No
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19 Juin 2019
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R No RG 17/00364 - No Portalis DBVE-V-B7B-BXS4
-----------------------
EURL JDP
C/
L... P...
----------------------Décision déférée à la Cour du :
20 novembre 2017
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'AJACCIO
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : DIX NEUF JUIN DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANTE :

EURL JDP, prise en la personne de son représentant légal,
No SIRET : 494 446 784 00014
U CEPPU
[...]
R

eprésentée par Me Richard ALEXANDRE, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIMEE :

Madame L... P...
[...]
[...]
Représentée par Me Evelyne ...

ARRET No
-----------------------
19 Juin 2019
-----------------------
R No RG 17/00364 - No Portalis DBVE-V-B7B-BXS4
-----------------------
EURL JDP
C/
L... P...
----------------------Décision déférée à la Cour du :
20 novembre 2017
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'AJACCIO
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : DIX NEUF JUIN DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANTE :

EURL JDP, prise en la personne de son représentant légal,
No SIRET : 494 446 784 00014
U CEPPU
[...]
Représentée par Me Richard ALEXANDRE, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIMEE :

Madame L... P...
[...]
[...]
Représentée par Me Evelyne SKILLAS-MAYER, avocat au barreau de MARSEILLE et Me Fanny GANAYE VALLETTE, avocat au barreau d'AJACCIO,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 avril 2019 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président

GREFFIER :

Mme COMBET, greffier lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 19 juin 2019

ARRET

Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, pour le président empêché et par Mme COMBET, greffier présent lors de la mise à disposition de la décision. ***

EXPOSE DU LITIGE

Madame L... P... a été liée à l'E.U.R.L. Jdp -Société Portelaise de Distribution dans le cadre d'une relation de travail à durée indéterminée en qualité de responsable caissière niveau III B. Dans le dernier état de la relation de travail, elle était employée en qualité de responsable de magasin niveau 4 B.

Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers.

La salariée s'est vue notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 29 janvier 2015.

Madame L... P... a saisi le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio, par requête du 13 juillet 2015 reçue le 17 juillet 2015, de diverses demandes.

Selon jugement du 20 novembre 2017, le Juge départiteur près le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio a :
- rejeté la fin de non recevoir soulevée par l'employeur et telle que tirée d'une prescription de l'action de Madame L... P... épouse A...,
- constaté qu'au regard des fonctions et responsabilités occupées par Madame L... P... épouse A..., celle-ci devait bénéficier de la classification "niveau 7" de la convention collective nationale des commerces de détail de fruits et légumes, épicerie et produits laitiers pour sa rémunération et non le "niveau 4B", tel qu'il a été appliqué sur tous ses bulletins de paie et qui correspond en principe à une fonction de "vendeur qualifié",
- jugé que le salaire de Madame L... P... épouse A... sur la période de juillet 2012 à février 2014 devait être fixé en conséquence de la véritable classification à la somme mensuelle brute de 3094,95 euros,
- condamné en conséquence la Société Portelaise de Distribution prise en la personne de son représentant légal à payer à Madame L... P... épouse A... les sommes suivantes :
16 862,85 euros à titre de rappel de salaires conformément au taux conventionnel applicable à son exacte qualification pour la période de juillet 2012 à février 2014,
1 686,28 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance du 13 juillet 2015,
- condamné la Société Portelaise de Distribution prise en la personne de son représentant légal à faire toute déclaration rectificative de droit auprès de toute administration, tout organisme de sécurité sociale et tout organisme de prévoyance, notamment au bénéfice du régime de retraite des cadres, prenant en compte la reclassification ainsi prononcée sur la période précitée de juillet 2012 à février 2014 et au vu de la rémunération ainsi fixée à la somme mensuelle brute de 3094,95 euros,
- condamné la Société Portelaise de Distribution prise en la personne de son représentant légal à rectifier en conséquence dans les termes du jugement tous les bulletins de paie pour la période de juillet 2012 à février 2014,
- condamné la Société Portelaise de Distribution prise en la personne de son représentant légal à ces deux obligations de faire dans le délai de quatre mois à compter de la signification du présent jugement et à en justifier auprès de la salariée, et, passé ce délai, sous l'astreinte provisoire d'une somme journalière de 50 euros par jour de retard,
- rappelé que cette astreinte, par nature provisoire s'agissant d'une première fixation, sera liquidée le cas échéant devant le juge départiteur près le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio et est en tout état de cause valable jusqu'au 1er décembre 2018, date à laquelle il appartiendra à la partie demanderesse d'en solliciter le cas échéant la reconduction,
- débouté Madame L... P... épouse A... de l'intégralité de ses demandes plus amples,
- condamné la Société Portelaise de Distribution prise en la personne de son représentant légal à verser à Madame L... P... la somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la Société Portelaise de Distribution prise en la personne de son représentant légal aux entiers dépens de l'instance,
- débouté les parties de l'intégralité de leurs demandes plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration enregistrée au greffe le 19 décembre 2017, l'E.U.R.L. Jdp a interjeté appel de ce jugement en sollicitant :
- son infirmation en ce qu'il a rejeté sa fin de non recevoir au titre de la prescription biennale, a admis les demandes de reclassification de la salariée et de toutes les condamnations corollaires, l'a condamnée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- sa confirmation en ce qu'il a rejeté les demandes afférentes aux heures supplémentaires et à la validation du licenciement.

Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 20 février 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, l'E.U.R.L. Jdp a sollicité :
- de dire et juger recevable et bien fondé son appel,
- d'infirmer le jugement, à l'égard du chef de dispositif querellé,
- de dire et juger prescrites par deux ans les prétentions de Madame L... P... portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail,
- de rejeter la demande de reclassification,
- de rejeter les demandes subséquentes de paiement d'heures supplémentaires, de travail dissimulé et d'inexécution d'une obligation patronale,
- de valider le licenciement en cause,
- de débouter Madame P... de toutes ses prétentions plus amples ou contraires,
- de condamner reconventionnellement Madame L... P... au paiement de la somme de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle a fait valoir :
- que les demandes de salariée étaient soumises à la prescription biennale et que le point de départ du délai de prescription était le 1er janvier 2012, date à laquelle l'emploi de responsable de magasin a été occupé par la salariée ; qu'or, la salariée avait saisi la juridiction prud'homale le 4 août 2015 de sa requête du 13 juillet 2015 ; que le premier juge avait dénaturé le litige en retenant que dans la mesure où l'employeur n'avait pas remis à la salariée un contrat écrit décrivant précisément ses fonctions et attributions, il s'était lui-même privé d'un moyen juridique futur, tendant à la prescription de l'action,
- que sur le fond, une reclassification professionnelle n'était pas justifiée, la salariée, qui n'avait jamais formé de réclamations de ce chef durant son contrat, n'ayant nullement la qualité de cadre, ni n'étant responsable de l'approvisionnement, de la distribution, de la commercialisation et de la gestion administrative, fonctions assurées par Messieurs X... , ce que démontraient les différentes pièces produites,
- que s'agissant des heures supplémentaires, les tableaux produits par la salariée étaient irréalistes et faux, et les attestations versées imprécises ou de pure complaisance, au regard des jours d'ouverture de l'entreprise, de prise de congés payés (non mentionnés par la salariée, par exemple pour les mois de janvier et octobre 2013 et octobre 2014, pour lesquels elle réclamait pourtant des heures supplémentaires) et surtout de l'effectif quintuplé de l'entreprise au cours de l'été ; qu'un contrôle Urssaf sur l'année 2012 avait conclu à une parfaite régularité en la matière,
- que la demande au titre du travail dissimulé devait être rejetée, en l'absence d'heures supplémentaires non réglées par l'employeur et de tout caractère intentionnel,
- que l'employeur avait respecté ses obligations et n'avait pas commis d'agissements responsables d'une dégradation de l'état de santé de la salariée, dégradation ayant des motifs strictement personnels à Madame P...,
- qu'aucun manquement à son obligation de reclassement ne pouvait être reproché, en l'état de l'avis du médecin de travail (excluant toute possibilité de reclassement et ne suggérant pas de poste de reclassement), de l'absence d'obligation pour l'employeur de solliciter les conclusions écrites du médecin du travail, de la recherche par l'employeur de possibilités de reclassement et de l'absence de venue de la salariée (qui ne pouvait se prévaloir de sa propre turpitude) à l'entretien fixé avec l'employeur pour étude de postes et de réponse aux offres de reclassement, l'employeur n'étant pas responsable du fait que la salariée n'avait pas retiré la lettre recommandée afférente,
- que l'employeur ne réclamait pas de répétition de l'indu au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, ayant réglé spontanément celle-ci bien qu'elle n'était pas due, en raison de l'impossibilité pour la salariée d'exécuter ce préavis.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 29 juin 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame L... P... a demandé :
- de dire et juger qu'elle aurait dû bénéficier de la classification niveau 7 de la classification collective nationale applicable,
- de condamner la Société Jdp à rectifier en conséquence les bulletins de salaire sur les trois années précédant la saisine du Conseil, ceci emportant toutes conséquences de droit auprès des organismes sociaux et de prévoyance,
- de condamner la Société Jdp à faire toute déclaration rectificative de droit auprès de toute administration, tout organisme de sécurité sociale et tout organisme de prévoyance, notamment au bénéfice du régime de retraite des cadres,
- de dire et juger que les bulletins de salaire des trois années précédant la saisine du conseil seront rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- de fixer le salaire de base mensuel moyen à 3094,35 euros,
- de condamner la Société Jdp à lui verser :
16 862,85 euros de rappel de salaire conformément au taux conventionnel applicable pour la période de juillet 2012 à février 2014,
1 686,28 euros d'indemnité de congés payés afférente,
30 403,95 euros de rappel de salaire sur heures supplémentaires effectuées et non payées pour la période de juillet 2012 à février 2014, outre 3 040,39 euros d'indemnité de congés payés afférente, ou subsidiairement, 18 383,72 euros de rappel de salaire sur heures supplémentaires effectuées et non payées pour la période de juillet 2012 à février 2014, outre 1 838,37 euros de congés payés afférents,
- de dire et juger que les bulletins de salaire des trois années précédant la saisine du conseil seront rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- de condamner la Société Jdp à lui verser :
15 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de santé et de sécurité de résultat,
18 566,70 euros d'indemnité pour travail dissimulé,
- de dire et juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- de condamner la Société Jdp à lui verser :
30 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
4 332,23 euros de rappel de salaire (article L1226-4), outre 433,22 euros de congés payés afférents,
3 094,45 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de mentions légales de la lettre de licenciement,
- d'ordonner la remise des documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi, certificat de travail, solde de tout compte) conformes et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document,
- de se réserver le droit de procéder à la liquidation de l'astreinte,
- d'ordonner les intérêts de droit à compter de la demande,
- d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la demande,
- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel,
- de condamner la Société Jdp à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

Elle a exposé :
- qu'au jour de la saisine du Conseil de prud'hommes, ses demandes au titre de la reclassification et rappels de salaire afférents n'étaient pas prescrites, même en prenant pour point de départ la date du 1er janvier 2012, qui lui était la plus défavorable, puisqu'elle avait nécessairement eu connaissance de ses droits bien plus tard ; qu'en effet, la durée totale de prescription était de trois ans et six mois et n'excédait pas le délai de cinq ans applicable antérieurement à la loi du 14 juin 2013,
- que sur le fond, les demandes afférentes à la reclassification était fondée, puisque la salariée occupait les fonctions de responsable de magasin, ce qu'elle démontrait, et aurait du se voir appliquer le niveau 7 de la classification, ainsi que la rémunération afférente ; que les attestations produites par l'employeur ne respectaient pas les dispositions des articles 202 et 203 du code de procédure civile, impactant leur force probante, et manquaient d'objectivité,
- que concernant les heures supplémentaires, elle étayait sa demande en fournissant un décompte, précis, détaille et chiffré des heures supplémentaires effectuées depuis juillet 2012 (au regard des horaires et jours d'ouverture de l'entreprise, amplifiés durant l'été), et diverses attestations ; que la pièce produite par l'employeur visait un contrôle de l'Urssaf pour la période de 2009 à 2011, soit antérieure à la prise de fonctions de Madame P..., comme responsable de magasin,
- que l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé était due, dès lors que des bulletins de paie ne faisaient figurer aucune heure supplémentaire, de manière intentionnelle, alors que l'employeur n'ignorait pas l'accomplissement de ses heures, en exigeant de la responsable de magasin qu'elle soit présente durant toutes les heures d'ouverture au public de son commerce,
- que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité de résultat, en ne respectant pas les dispositions de la convention collective relative aux repos et en lui faisant accomplir un grand nombre d'heures supplémentaires non rémunérées engendrant une dégradation de son état de santé, conséquence directe du comportement fautif de l'employeur ; que la salariée n'avait jamais été destinataire de la lettre du 17 décembre 2014, ni d'exemplaire complet du courrier de propositions de reclassement du 17 décembre 2014,
- que le licenciement pour inaptitude était dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'employeur n'ayant pas respecté son obligation de rechercher de reclassement, n'ayant accompli aucune diligence auprès de la médecine du travail relative à un éventuel reclassement, et n'ayant pas convoqué la salariée à un entretien préalable au licenciement (la convocation adressée le 3 décembre 2014 ne constituant pas une telle convocation), avant de rompre le contrat par lettre de licenciement du 29 janvier 2015, après le courrier de la salariée du 20 janvier 2015, où celle-ci précisait n'avoir pas été destinataire d'offres de reclassement ; qu'au surplus, l'inaptitude de la salariée était directement liée aux agissements fautifs de son employeur, rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- que consécutivement, des dommages et intérêts substantiels devaient lui être alloués au regard de son ancienneté, et de sa situation actuelle, outre un rappel de salaire et de congés payés afférents pour la période du 18 décembre 2014 au 28 janvier 2015 non réglée par l'employeur alors qu'il devait reprendre le paiement des salaires à défaut de licenciement, ainsi que des dommages et intérêts pour défaut de mention de la portabilité des garanties de prévoyance au moment de la rupture du contrat.

Suivant ordonnance du 8 janvier 2019, le conseiller de la mise en état a notamment :
- déclaré recevables les conclusions de l'intimée transmises le 21 mai 2018 (et ré-adressées le 23 mai 2018), et par suite du bordereau et pièces afférentes,
- constaté que des conclusions récapitulatives de l'intimée ont été transmises le 29 juin 2018, dans les formes et antérieurement à l'audience de mise en état du 3 juillet 2018,
- dit que les dépens de l'incident suivront ceux de l'instance au fond,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 5 mars 2019 et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 16 avril 2019, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 19 juin 2019.

MOTIFS

1) Sur la recevabilité de l'appel

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas discutée et l'E.U.R.L. Jdp sera déclarée recevable en son appel, tel qu'elle le sollicite ;

2) Sur les limites de l'appel

Attendu que l'annulation du jugement entrepris n'est sollicitée, tandis qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité de l'appel ;

Qu'au regard de l'appel principal, les dispositions du jugement afférentes au débouté de Madame P... de ses demandes plus amples relatives au travail dissimulé, au non-respect de l'obligation de santé et de sécurité de résultat, aux rappels de salaire et congés payés au titre de l'article L1226-4 du code du travail, aux intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, à la remise de documents sociaux conformes avec astreinte réservée, n'ont pas été déférées à la Cour ;

Qu'il convient de constater que dans le dispositif de ses écritures devant la Cour d'appel, énonçant les prétentions sur lesquelles la Cour doit statuer en vertu de l'article 954 du code de procédure civile, Madame P... ne sollicite pas d'infirmation ou de réformation à ses égards ;

Que dès lors, n'ont pas été déférées à la Cour les dispositions précitées du jugement rendu par le Juge départiteur près le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 20 novembre 2017 ayant débouté Madame P... de l'intégralité de ses demandes plus amples, relatives au travail dissimulé, au non respect de l'obligation de santé et de sécurité de résultat, aux rappels de salaire et congés payés au titre de l'article L1226-4 du code du travail, aux intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, à la remise de documents sociaux conformes avec astreinte réservée ;

Que ces dispositions, non déférées à la Cour, sont devenues irrévocables et il n'y a pas lieu à statuer les concernant ;

3) Sur les demandes liées à la classification

Attendu que les dispositions de la loi no2013-504 du 14 juin 2013, réduisant à trois ans (salaires) ou deux ans (exécution et rupture du contrat de travail) les délais de prescription, s'appliquent aux prescriptions qui sont en cours à compter de la promulgation de la loi, soit le 17 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit une prescription quinquennale ;

Que suivant l'article L 1471-1 du code du travail dans sa version applicable aux données de l'espèce, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ;

Que selon l'article L 3245-1 dans sa version applicable aux données de l'espèce, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ;

Attendu que l'irrecevabilité, pour cause de prescription, des demandes de Madame P... liées à la classification est invoquée par l'appelante ;

Que le raisonnement du juge départiteur ne peut être suivi, en ce que le fait que les parties n'aient pas conclu de contrat écrit, ou d'avenant, afférent à la relation de travail et aux fonctions exercées par Madame P..., n'a pas d'incidence sur la faculté pour l'employeur d'invoquer une prescription des demandes de la salariée liées à la classification ;

Qu'en outre, la Cour dispose des éléments permettant de fixer le jour où la salariée a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit, puisqu'il est acquis au dossier qu'à compter du mois de janvier 2012, Madame P... s'est vue attribuer une classification du niveau 4 B (alors que, jusque là, elle avait successivement occupé des postes de niveau III B et 4 A) et que le bulletin de salaire mentionnant la classification appliquée lui a été délivré au terme du mois de janvier, soit au plus tard le 31 janvier 2012 ;

Que la Cour constate que la question de la classification au niveau 7 de la convention collective ne constitue pas une demande autonome, mais est le support nécessaire de la demande de rappel de salaires et congés payés, formée par Madame P..., respectivement à hauteur de 16 862,85 euros pour la période de juillet 2012 à février 2014, et de 1 686,28 euros à titre de congés payés afférents, et des demandes corollaires de fixation de salaire, de rectification et de régularisation ;

Que dès lors, une prescription biennale n'est pas applicable, seule la prescription triennale pouvant être appliquée ; qu'or, au regard des dispositions susvisées, la prescription, ayant commencé à courir le jour où l'intéressé avait connaissance de ses droits ou aurait du les exercer, n'était pas acquise au jour de la saisine du conseil de prud'hommes, soit le 17 juillet 2015, s'agissant des créances au titre de la période de juillet 2012 à février 2014, et les nouveaux délais prévus par ce texte ont couru à compter l'entrée en vigueur de la loi, sans excéder la durée prévue par la loi antérieure ;

Que par suite, la fin de non recevoir soulevée par l'appelante sera rejetée et les demandes de Madame P... liées à la classification seront dites recevables ;

Que sur le fond, les dispositions de la convention collective afférentes à la classification des emplois prévoient s'agissant du niveau 7 correspondant au poste de "chef de magasin" : "Cadre qui assure seul ou en second la direction d'un point de vente. Responsable de l'approvisionnement, de la distribution, de la commercialisation et de la gestion administrative d'une entreprise sur des objectifs prédéterminés" ;

Que Madame P... ne justifie pas, au regard des pièces qu'elle produit, avoir exercé de telles fonctions au sein de l'entreprise ; que l'attestation de Monsieur Q..., simple client du magasin durant l'été 2012, est insuffisamment précise et ne permet pas de caractériser la réalisation par Madame P... des tâches attachées au niveau 7 selon les termes de la convention collective susvisés ; que s'agissant des bulletins de salaire, avis d'inaptitude et documents sociaux, il ne font pas figurer de fonctions de "chef de magasin", mais de "responsable magasin" ; que compte tenu de la configuration sociétale ressortant des éléments produits, il n'est aucunement mis en évidence que ces fonctions de responsable magasin exercées par Madame P... ressortent du niveau 7, celle-ci n'étant notamment responsable que d'une partie limitée de l'approvisionnement et non responsable de la distribution, de la commercialisation et de la gestion administrative d'une entreprise sur des objectifs prédéterminés ;

Que dans ces conditions, Madame P... sera déboutée de sa demande de condamnation au titre de rappel de salaires à hauteur de 16 862,85 euros pour la période de juillet 2012 à février 2014, et de 1 686,28 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents, ainsi que des demandes corollaires de fixation de salaire, de rectification et régularisation, avec astreinte, demandes uniquement basées sur le fait qu'elle aurait dû bénéficier de la classification niveau 7 de la convention collective nationale applicable ;

Que le jugement entrepris sera infirmé à ces égards ;

4) Sur les autres demandes afférentes à la relation de travail

Attendu que s'agissant des dispositions du jugement afférentes au débouté de Madame P... de ses demandes plus amples relatives aux heures supplémentaires, congés payés sur heures supplémentaires, rectification de bulletins de salaire à cet égard, au licenciement sans cause réelle et sérieuse et irrégulier, il convient de constater que dans le dispositif des écritures des parties devant la Cour d'appel, énonçant les prétentions sur lesquelles la Cour doit statuer en vertu de l'article 954 du code de procédure civile, n'est pas sollicité d'infirmation à ces égards ;

Qu'en l'absence de demande d'infirmation formée sur ces points, ces dispositions du jugement ne peuvent qu'être confirmées ;

5) Sur les demandes accessoires

Attendu que Madame P..., partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant infirmé sur ce point) et de l'instance d'appel ;

Que l'équité ne commande pas de prévoir de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance (le jugement entrepris étant infirmé à cet égard) et d'appel ;

Que la demande d'exécution provisoire est sans objet en cause d'appel ;

Que les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards ;

PAR CES MOTIFS

L A C O U R,

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

DIT l'E.U.R.L. Jdp recevable en son appel,

CONSTATE que l'annulation du jugement entrepris n'est sollicitée, tandis qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité de l'appel,

CONSTATE que les dispositions du jugement rendu par le Juge départiteur près le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 20 novembre 2017 afférentes au débouté de Madame L... P... de ses demandes plus amples relatives au travail dissimulé, au non-respect de l'obligation de santé et de sécurité de résultat, aux rappels de salaire et congés payés au titre de l'article L1226-4 du code du travail, aux intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, à la remise de documents sociaux conformes avec astreinte réservée, n'ont pas été déférées à la Cour,

DIT que ces dispositions, non déférées à la Cour, sont devenues irrévocables et il n'y a pas lieu à statuer les concernant,

Statuant dans les limites de l'appel,

REJETTE la fin de non recevoir pour prescription soulevée par l'appelante et DIT recevables en la forme les demandes de Madame P... liées à la classification,

INFIRME le jugement rendu par le Juge départiteur près le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 20 novembre 2017 uniquement en ce qu'il a :
- constaté qu'au regard des fonctions et responsabilités occupées par Madame L... P... épouse A..., celle-ci devait bénéficier de la classification "niveau 7" de la convention collective nationale des commerces de détail de fruits et légumes, épicerie et produits laitiers pour sa rémunération et non le "niveau 4B", tel qu'il a été appliqué sur tous ses bulletins de paie et qui correspond en principe à une fonction de "vendeur qualifié",
- jugé que le salaire de Madame L... P... épouse A... sur la période de juillet 2012 à février 2014 devait être fixé en conséquence de la véritable classification à la somme mensuelle brute de 3094,95 euros,
- condamné en conséquence la Société Portelaise de Distribution prise en la personne de son représentant légal à payer à Madame L... P... épouse A... les sommes suivantes :
16 862,85 euros à titre de rappel de salaires conformément au taux conventionnel applicable à son exacte qualification pour la période de juillet 2012 à février 2014,
1 686,28 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance du 13 juillet 2015,

- condamné la Société Portelaise de Distribution prise en la personne de son représentant légal à faire toute déclaration rectificative de droit auprès de toute administration, tout organisme de sécurité sociale et tout organisme de prévoyance, notamment au bénéfice du régime de retraite des cadres, prenant en compte la reclassification ainsi prononcée sur la période précitée de juillet 2012 à février 2014 et au vu de la rémunération ainsi fixée à la somme mensuelle brute de 3094,95 euros,
- condamné la Société Portelaise de Distribution prise en la personne de son représentant légal à rectifier en conséquence dans les termes du jugement tous les bulletins de paie pour la période de juillet 2012 à février 2014,
- condamné la Société Portelaise de Distribution prise en la personne de son représentant légal à ces deux obligations de faire dans le délai de quatre mois à compter de la signification du présent jugement et à en justifier auprès de la salariée, et, passé ce délai, sous l'astreinte provisoire d'une somme journalière de 50 euros par jour de retard,
- rappelé que cette astreinte, par nature provisoire s'agissant d'une première fixation, sera liquidée le cas échéant devant le juge départiteur près le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio et est en tout état de cause valable jusqu'au 1er décembre 2018, date à laquelle il appartiendra à la partie demanderesse d'en solliciter le cas échéant la reconduction,
- condamné la Société Portelaise de Distribution prise en la personne de son représentant légal à verser à Madame L... P... la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la Société Portelaise de Distribution prise en la personne de son représentant légal aux entiers dépens de première instance,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DEBOUTE Madame L... P... de ses demandes, fondées sur le fait qu'elle aurait dû bénéficier de la classification niveau 7 de la classification collective nationale applicable, tendant à condamner la Société Jdp à rectifier en conséquence les bulletins de salaire sur les trois années précédant la saisine du Conseil, ceci emportant toutes conséquences de droit auprès des organismes sociaux et de prévoyance, condamner la Société Jdp à faire toute déclaration rectificative de droit auprès de toute administration, tout organisme de sécurité sociale et tout organisme de prévoyance, notamment au bénéfice du régime de retraite des cadres, dire et juger que les bulletins de salaire des trois années précédant la saisine du conseil seront rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, fixer le salaire de base mensuel moyen à 3 094,35 euros, condamner la Société Jdp à lui verser :

16 862,85 euros de rappel de salaire conformément au taux conventionnel applicable pour la période de juillet 2012 à février 2014,
1 686,28 euros d'indemnité de congés payés afférente,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

CONDAMNE Madame L... P... aux dépens de première instance et de l'instance d'appel,

DIT sans objet en cause d'appel, la demande de Madame L... P... relative à l'exécution provisoire de la décision,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 17/003644
Date de la décision : 19/06/2019
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2019-06-19;17.003644 ?
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