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15/05/2019 | FRANCE | N°17/003324

France | France, Cour d'appel de Bastia, 04, 15 mai 2019, 17/003324


ARRET No 122
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15 Mai 2019
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R No RG 17/00332 - No Portalis DBVE-V-B7B-BXO3
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Association A CORSICA TV CAP RADIO
C/
Z... G...
----------------------Décision déférée à la Cour du :
02 novembre 2017
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BASTIA
15/00019
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : QUINZE MAI DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANTE :

Association A CORSICA TV CAP RADIO prise en la personne de son représentant l

égal
[...] Chez M. S... [...]
Me Angeline TOMASI, avocat au barreau de BASTIA,

INTIMEE :

Mademoiselle Z... G...
[...]
Rep...

ARRET No 122
-----------------------
15 Mai 2019
-----------------------
R No RG 17/00332 - No Portalis DBVE-V-B7B-BXO3
-----------------------
Association A CORSICA TV CAP RADIO
C/
Z... G...
----------------------Décision déférée à la Cour du :
02 novembre 2017
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BASTIA
15/00019
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : QUINZE MAI DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANTE :

Association A CORSICA TV CAP RADIO prise en la personne de son représentant légal
[...] Chez M. S... [...]
Me Angeline TOMASI, avocat au barreau de BASTIA,

INTIMEE :

Mademoiselle Z... G...
[...]
Représentée par Me Nathalie SABIANI, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/000415 du 22/02/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 mars 2019 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président

GREFFIER :

Mme POIRIER, lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 15 mai 2019

ARRET

Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre faisant fonction de président et par Mme POIRIER, présent lors de la mise à disposition de la décision.

***
EXPOSE DU LITIGE

Madame Z... G... a été liée dans le cadre d'une relation de travail avec l'Association A Corsica Tv Cap Radio entre le 1er juin et le 30 novembre 2014, pour un travail d'une durée hebdomadaire de trente-cinq heures.

Madame Z... G... a saisi le Conseil de prud'hommes de Bastia, par requête reçue le 20 janvier 2015 de diverses demandes.

Selon jugement du 2 novembre 2017, le Juge départiteur près le Conseil de prud'hommes de Bastia a :
- requalifié le contrat de travail en contrat à durée indéterminée,
- dit que Madame Z... G... était employée par l'Association A Corsica Tv Cap Radio en qualité de monteuse, relevant de la catégorie B, filière F, niveau III A de la convention collective de la production audiovisuelle no3346,
- dit que la procédure de licenciement n'a pas été respectée et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- débouté Madame Z... G... de sa demande d'indemnité relative à un travail dissimulé,
- condamné l'Association A Corsica Tv Cap Radio à payer à Madame Z... G... les sommes de:
* 2 344 euros d'indemnité de requalification assortie des intérêts légaux à compter de la signification de la présente décision,
* 4 099 euros de rappel de salaires versés entre le 1er juin et le 30 novembre 2014 assortis des intérêts légaux à compter de la signification de la présente décision,
* 736 euros au titre des heures supplémentaires effectuées mais non rémunérées assortis des intérêts légaux à compter de la signification de la présente décision,
* 1 523 euros au titre des congés non effectués et non rémunérés assortis des intérêts légaux à compter de la signification de la présente décision,
* 2 444 euros au titre de l'irrégularité de la procédure,
* 2 344 euros d'indemnité compensatrice de préavis assortis des intérêts légaux à compter de la signification de la présente décision,
* 2 500 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse assortis des intérêts légaux à compter de la signification de la présente décision,
- rappelé que les créances salariales devaient être recouvrées déduction faite des charges sociales,
- ordonné la rectification des bulletins de salaire, de l'attestation Pôle emploi et des certificats de travail pour tenir compte de la véritable qualification et des véritables salaires de Madame Z... G..., et ce sous astreinte de trente euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, pendant un délai de trois mois,
- dit n'y avoir lieu à se réserver le contentieux de liquidation de l'astreinte,
- débouté Madame Z... G... du [mot manquant] de ses prétentions,
- débouté l'Association A Corsica Tv Cap Radio de ses prétentions, et notamment de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'Association A Corsica Tv Cap Radio aux dépens,
- rappelé l'exécution provisoire de droit des articles R 1454-14 et 1454-28 du code du travail,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus.

Par déclaration enregistrée au greffe le 4 décembre 2017, l'Association A Corsica Tv Cap Radio a interjeté appel partiel de ce jugement, en ce qu'il a :
- requalifié le contrat de travail en contrat à durée indéterminée,
- dit que Madame Z... G... était employée par l'Association A Corsica Tv Cap Radio en qualité de monteuse, relevant de la catégorie B, filière F, niveau IIIA de la convention collective de la production audiovisuelle no3346,
- dit que la procédure de licenciement n'a pas été respectée et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- condamné l'Association A Corsica Tv Cap Radio à payer à Madame Z... G... les sommes de:
* 2 344 euros d'indemnité de requalification assortie des intérêts légaux à compter de la signification de la présente décision,
* 4 099 euros de rappel de salaires versés entre le 1er juin et le 30 novembre 2014 assortie des intérêts légaux à compter de la signification de la présente décision,
* 736 euros au titre des heures supplémentaires effectuées mais non rémunérées assortie des intérêts légaux à compter de la signification de la présente décision,
* 1 523 euros au titre des congés non effectués et non rémunérés assortie des intérêts légaux à compter de la signification de la présente décision,
* 2 444 euros au titre de l'irrégularité de la procédure,
* 2 344 euros d'indemnité compensatrice de préavis assortie des intérêts légaux à compter de la signification de la présente décision,
* 2 500 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse assortie des intérêts légaux à compter de la signification de la présente décision,
- ordonné la rectification des bulletins de salaire, de l'attestation Pôle emploi et des certificats de travail pour tenir compte de la véritable qualification et des véritables salaires de Madame Z... G..., et ce sous astreinte de trente suros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, pendant un délai de trois mois,
- débouté l'Association A Corsica Tv Cap Radio de ses prétentions, et notamment de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'Association A Corsica Tv Cap Radio aux dépens.

Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 5 février 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, l'Association A Corsica Tv Cap Radio a sollicité :
- d'infirmer le jugement en ses tous ses chefs critiqués,
- de débouter Madame G... de ses demandes d'indemnité de requalification du contrat de travail à hauteur de 2344,13 euros, d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement de préavis s'élevant toutes deux à hauteur de 1445,42 euros, ainsi qu'au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'heures supplémentaires effectuées entre le 1er juin et le 30 novembre 2014 à hauteur de 736 euros, de rappel de salaire à hauteur de 4099 euros et de congés payés à hauteur de 1523 euros, de sa demande de rectification des bulletins de salaire, de l'attestation Pôle emploi et de tous les documents afférents à la fin du contrat de travail sous astreinte, de sa demande d'assortir les condamnations des intérêts légaux,
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame G... au titre des autres chefs de demande (travail dissimulé du 18 avril au 31 mai 2014, non-renouvellement du contrat de travail),
- de condamner Madame G... à payer une somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens d'instance.

Elle a fait valoir :
- qu'elle portait depuis le 1er juin 2013 un atelier chantier d'insertion conventionné par l'Etat pour l'emploi de six personnes en difficulté sociale et professionnelle, étant précisé qu'elle était guidée par la Direccte et Pôle emploi qui supervisait les formalités d'embauche et de suivi,
- que pour les embauches intervenues avant le 1er juillet 2014, dans le cadre de contrat unique d'insertion, le seul Cerfa "CUI demande d'aide" faisait office de contrat de travail, ce que confirmait l'analyse de l'Inspectrice du travail, non liée à l'employeur, et que les articles L5134-19-1 et L 5134-24 du code du travail n'exigeaient pas la signature d'un contrat de travail en sus du Cerfa,
- qu'en tout état de cause, toutes les mentions énumérées par l'article L 1242-3 du code du travail et exigées par la jurisprudence figuraient dans le document Cerfa,
- que dès lors, une requalification en contrat à durée indéterminée était injustifiée, de même que les demandes d'indemnités de requalification à hauteur de 2344,13 euros, de préavis et pour irrégularité de la procédure de licenciement, à hauteur chacune de 1445,42, et liées à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, puisque le contrat a pris fin à l'arrivée du terme fixé, sans qu'il ait été nécessaire d'engager une procédure de licenciement,
- que s'agissant des heures invoquées, la salariée produisait des éléments vagues et l'employeur produisait des pièces pour démontrer de l'absence d'heures supplémentaires,
- qu'aucun rappel de salaire n'était justifié puisque :
* la convention collective de la production audiovisuelle visée par le premier juge ne s'appliquait pas au cas d'espèce,
* seule la convention collective des ateliers et chantiers d'insertion étant applicable,
* le recrutement s'était effectué, comme le confirmait l'Inspection du travail, en qualité de salarié polyvalent, avec une rémunération basée sur le SMIC, étant rappelé que Madame G... était sans emploi depuis 2009,
* la salariée avait été rémunérée pour la classification et le salaire prévus,
- que dans ces conditions, la demande rectification des bulletins de salire et documents sociaux ne pouvait prospérer,
- que le premier juge avait à juste titre rejeté les demandes de Madame G..., dont appel n'était pas relevé.

Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 3 mai 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame Z... G... a demandé :
- de confirmer l'intégralité du jugement de départage prononcé le 2 novembre 2017,
- de débouter l'Association A Corsica Tv Cap Radio de l'intégralité de ses demandes,
- de condamner l'Association A Corsica Tv Cap Radio aux entiers dépens.

Elle a exposé :
-q ue la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée était parfaitement motivée, dans la mesure où:
* si l'imprimé Cerfa avait été signé le 27 mai 2014, le contrat à durée déterminée qu'il visait n'avait jamais été établi, ni signé,
* contrairement à ce qu'affirmait l'employeur, dès avant juillet 2014, le contrat de travail devait être annexé à l'imprimé en question, qui nécessitait des éléments sur la nature et durée du contrat, preuve que le contrat à durée déterminée devait bien être établi, la loi ne prévoyant pas de dérogation pour ce type de dispositif, ce que rappelait un guide à l'attention de l'employeur émis par la Direccte Ile de France,
* l'objectivité de l'Inspectrice du travail mentionnée par l'employeur n'évait pas établie, au regard de ses liens avec l'employeur,
* le contrat unique d'insertion était soumis aux dispositions de l'article L1242-12 et L5134-19-1 et L 5134-24 du code du travail ; qu'or, l'imprimé Cerfa signé ne faisait pas figurer diverses mentions obligatoires, à peine de requalification en contrat à durée indéterminée,
- que les rappels de salaire étaient fondés, en l'état d'une rémunération ne correspondant pas aux fonctions réellement occupées, à savoir : chef monteuse productrice, régies par la convention collective de la production audiovisuelle, correspondant sur la grille des salaires à la catégorie B filière J niveau IIIA ; qu'elle démontrait avoir effectué d'autres tâches que celles figurant sur l'imprimé Cerfa susvisé,
- que le renouvellement de la convention autorisant l'employeur à gérer un tel chantier d'insertion ne prenait effet que le 1er juillet 2014, de sorte qu'elle n'aurait pas du être employée dans le cadre d'un tel chantier avec un salaire au SMIC,
- que sa demande au titre des heures non rémunérées était étayée par la production de diverses pièces (courriers adressés à son employeur, décomptes horaires où figuraient ces heures, attestations), tandis que l'employeur ne rapportait pas de pièces au dossier de nature à les contester,
- que la procédure de licenciement n'avait pas été respectée et la rupture du contrat irrégulièrement signifiée sans cause réelle et sérieuse, appelant le versement de diverses indemnités (de requalification, pour procédure irrégulière, de préavis, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse), étant observé en sus que l'employeur avait eu une attitude abusive et dénigrante,
- que du fait de l'inertie de l'employeur à l'issue du contrat, son dossier Pôle emploi avait été constitué tardivement et sur la base d'éléments erronés, appelant la condamnation sous astreinte à la remise de documents rectifiés (bulletins de salaire, documents de fin de contrat).

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 2 octobre 2018, avec appel de l'affaire à l'audience de plaidoirie du 15 janvier 2019, où un renvoi a été accordé à l'audience du 12 mars 2019, en raison d'un mouvement de grève du barreau.

A l'audience du 12 mars 2019, l'affaire a été appelée et la décision mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 15 mai 2019.

MOTIFS

1) Sur les limites de l'appel

Attendu que l'appel interjeté par l'Association A Corsica Tv Cap Radio ne vise pas les dispositions du jugement rendu par le Juge départiteur près le Conseil de prud'hommes de Bastia ayant :
- débouté Madame Z... G... de sa demande d'indemnité relative à un travail dissimulé,
- rappelé que les créances salariales devaient être recouvrées déduction faite des charges sociales,
- dit n'y avoir lieu à se réserver le contentieux de liquidation de l'astreinte,
-d ébouté Madame Z... G... du [mot manquant] de ses prétentions,
- rappelé l'exécution provisoire de droit des articles R 1454-14 et 1454-28 du code du travail,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus ;

Que l'annulation du jugement entrepris n'est pas sollicitée, tandis qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité de l'appel ;

Qu'aucun appel incident n'est intervenu ;

Que les dispositions précitées du jugement rendu le 2 novembre 2017 par le Juge départiteur près le Conseil de prud'hommes de Bastia, non déférées à la Cour, sont devenues irrévocables et il n'y a pas lieu à statuer les concernant ;

2) Sur les demandes relatives à la classification de la salariée et salaires afférents

Attendu que Madame G... forme des demandes au titre de sa classification et de salaires afférents, estimant qu'elle était employée par l'Association A Corsica Tv Cap Radio en qualité de monteuse, relevant de la catégorie B, filière F, niveau IIIA de la convention collective de la production audiovisuelle no3346, convention collective dont l'Association A Corsica Tv Cap Radio conteste l'application à la relation de travail en cause ;

Qu'il convient de constater que Madame G... ne démontre pas que la convention collective invoquée par ses soins était applicable en l'espèce, et plus précisément que l'activité principale de l'employeur entraînait sa soumission à la convention collective de la production audiovisuelle, étant rappelé que la charge de la preuve de l'activité réelle incombe à celui qui invoque l'application d'une convention collective déterminée ;

Que dès lors, Madame G... sera déboutée de demandes au titre de sa classification et de salaires afférents ;

Que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a :
- dit que Madame Z... G... était employée par l'Association A Corsica Tv Cap Radio en qualité de monteuse, relevant de la catégorie B, filière F, niveau IIIA de la convention collective de la production audiovisuelle no3346,
- condamné l'Association A Corsica Tv Cap Radio à payer à Madame Z... G... une somme de 4099 euros de rappel de salaires versés entre le 1er juin et le 30 novembre 2014 assortie des intérêts légaux à compter de la signification de la présente décision ;

3) Sur la demande au titre des heures non réglées

Attendu qu'en vertu de l'article L 3171-4 du code du travail, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; que si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;

Attendu qu'il est admis en outre que le juge ne peut pas extrapoler sur les données fournies par le salarié ; que celui-ci ne peut pas fournir d'éléments relatifs à une période déterminée pour demander le paiement d'heures effectuées au cours d'une autre période, sans apporter d'éléments relatifs à cette dernière période ;

Attendu que le juge forme sa conviction au vu des éléments du débat relatif aux heures effectuées, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que Madame G... était assujettie à une durée hebdomadaire de travail de trente-cinq heures ;

Que Madame G... affirme avoir effectué des heures qui n'ont pas été correctement réglées par l'employeur (soit 40,5 heures le dimanche correspondant à 338,98 euros non réglés, 10,5 heures de nuit correspondant à 43,94 euros non réglés, en juin première semaine 2,5 heures de nuit correspondant à 4,18 euros non réglés, en juin deuxième semaine 27 heures supplémentaires correspondant à 308,01 euros non réglés, en juin quatrième semaine 10,10 heures supplémentaires correspondant à 41 euros non réglés) ;

Que pour étayer sa demande, Madame G... produit, outre les bulletins de salaire émis, un document informatisé établi par ses soins, décomptant les heures sur la période du 20 avril au 31 juillet 2014, ainsi que des attestations et des courriels ;
Que si les attestations et courriels produits sont insuffisamment précis pour étayer sa demande, l'autre pièce produite par la salariée est de nature à étayer, de manière suffisamment précise, ses prétentions et à permettre ainsi à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, hormis en ce qui concerne les sept heures du dimanche pour la période antérieure au 1er juin 2014, en l'absence de contrat de travail ayant lié les parties avant cette date ;

Que pour sa part, l'Association A Corsica Tv Cap Radio ne verse aux débats aucun élément objectif, par exemple un registre horaire, des fiches de pointage, ou tout autre document horaire individuel afférent aux heures travaillées par Madame G... sur la période de juin et juillet 2014, alors qu'il incombe à l'employeur, détenteur du pouvoir de direction et de contrôle dans l'entreprise, de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que les seules attestations de Monsieur R... et de Monsieur H..., insuffisamment précises sur les horaires de travail concernés, ne permettent pas de remettre en cause le décompte versé par Madame G... ;

Qu'au regard de ce qui précède, des majorations applicables aux heures effectuées non correctement réglées, il sera fait droit à la demande de Madame G... tendant à la condamnation de l'Association A Corsica Tv Cap Radio à lui verser une somme de 667,52 euros, exprimée nécessairement en brut, au titre d'heures non réglées pour la période de juin à juillet 2014 ; que Madame G... sera déboutée du surplus de sa demande ;

Que le jugement sera infirmé, uniquement s'agissant du quantum de la condamnation ;

4) Sur les demandes afférentes à la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et au licenciement sans cause réelle et sérieuse

Attendu que suivant l'article L5134-19-1 du code du travail, dans sa version applicable aux données de l'espèce, le contrat unique d'insertion est un contrat de travail conclu entre un employeur et un salarié dans les conditions prévues à la sous-section 3 des sections II et V du présent chapitre, au titre duquel est attribuée une aide à l'insertion professionnelle dans les conditions prévues à la sous-section 2 des mêmes sections II et V ;

Que l'article L5134-19-3 du même code dispose que le contrat unique d'insertion prend la forme pour les employeurs du secteur non marchand mentionnés à l'article L5134-21, du contrat d'accompagnement dans l'emploi défini par la section II ;

Que l'article L5134-24 du code du travail précise que le contrat de travail, associé à une aide à l'insertion professionnelle attribuée au titre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi, est un contrat de travail de droit privé, soit à durée déterminée, conclu en application de l'article L1242-3, soit à durée indéterminée ;

Que parallèlement, en application de l'article L 1245-2 du Code du travail, lorsque le juge fait droit à une demande de requalification de contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, il doit condamner l'employeur à verser au salarié une indemnité ne pouvant être inférieure à un mois de salaire, à moins que la requalification découle du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle de travail après l'échéance de son terme ;

Attendu qu'en l'espèce, n'est pas produit au dossier de contrat à durée déterminée, mais uniquement le formulaire Cerfa de "demande d'aide" dans le cadre d'un "contrat unique d'insertion", signé le 27 mai 2014, dont l'Association A Corsica Tv Cap Radio estime qu'il vaut contrat de travail à durée déterminée ;

Qu'or, comme l'a exactement relevé le juge départiteur, l'embauche réalisée dans le cadre d'un contrat unique d'insertion-contrat d'accompagnement dans l'emploi ne déroge pas aux règles de rédaction d'un contrat de travail, en l'occurrence, à durée déterminée, dans les formes prévues par le code du travail, plus particulièrement celles de l'article L1242-12, disposant que le contrat à durée déterminée est établi par écrit et comporte une définition précise de son motif, outre certaines mentions, faute de quoi il est réputé conclu à durée indéterminée ;

Que contrairement à ce qu'affirme l'appelante, le formulaire Cerfa précité, n'a pas vocation à se substituer au contrat de travail, à durée déterminée, que doivent formaliser séparément les parties ;

Que dès lors, le formulaire, édité pour signature le 27 mai 2014, même s'il comporte certaines mentions afférentes à la relation de travail (pour laquelle l'aide est demandée) ne matérialise pas l'accord des parties pour une relation de travail et ne peut constituer le contrat de travail à durée déterminée liant les parties, à effet du 1er juin 2014;

Que par suite, en l'absence de contrat de travail à durée déterminée écrit, le contrat de travail ayant lié les parties sera requalifié comme étant à durée indéterminée et l'Association A Corsica Tv Cap Radio déboutée de sa demande en sens contraire, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point ;

Qu'au regard de la requalification opérée, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné l'Association A Corsica Tv Cap Radio à verser à Madame G... une indemnité de requalification ; qu'en l'absence de reclassification et d'un préjudice supérieur démontré, cette indemnité ne peut toutefois être fixée à une somme de 2344 euros, mais uniquement à une somme de 1 445,42 euros ; que Madame G... sera déboutée du surplus de sa demande ; que le jugement sera infirmé sur le quantum retenu ;

Qu'il est constant que l'employeur n'a pas respecté, pour la rupture du contrat de travail ayant lié les parties, la procédure de licenciement, ni n'a énoncé dans une lettre de licenciement une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Que Madame G..., qui avait moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise, qui comptait moins de onze salariés, est bien fondée à solliciter les sommes suivantes:
* 1 445,42 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier, au regard du préjudice subi justifié,
* 1 445,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, somme exprimée nécessairement en brut, au regard de son ancienneté telle que retenue par le juge départiteur (élément non contesté par l'employeur) et salaire de base,
* 1 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée ne justifiant pas d'un préjudice plus ample ;

Qu'elle sera déboutée du surplus de ses demandes non fondées ;

Que le jugement sera infirmé uniquement s'agissant des quanta retenus, étant notamment observé que le premier juge ne pouvait allouer à la salariée plus que celle-ci ne sollicitait au titre des indemnités de préavis et pour irrégularité de la procédure de licenciement ;

5) Sur la demande au titre des congés payés

Attendu que l'Association A Corsica Tv Cap Radio, qui sollicite l'infirmation du jugement qui l'a condamnée à verser à Madame G... une somme de 1523 euros, au titre du paiement des congés non effectués et non rémunérés sur la période travaillée, ne développe aucun moyen à l'appui de sa demande d'infirmation ;

Que le jugement entrepris ne pourra donc qu'être confirmé sur ce point ;

6) Sur les autres demandes

Attendu que le jugement entrepris ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a prévu d'assortir d'intérêts au taux légal les condamnations prononcées au titre de l'indemnité de requalification, des heures effectées mais non rémunérées, des congés payés, de l'indemnité de préavis, des dommages et interêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'Association A Corsica Tv Cap Radio ne développant pas de moyen à l'appui de sa demande d'infirmation ;

Attendu qu'au regard des développements précédents, il y a lieu d'ordonner la rectification par l'Association A Corsica Tv Cap Radio de l'attestation Pôle emploi, certificat de travail et bulletins de salaire, conformément au présent arrêt, ce dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision ; que le prononcé d'une astreinte n'est pas nécessaire et Madame G... sera déboutée de sa demande à ce titre ;

Que le jugement entrepris sera infirmé à ces égards ;

Attendu que l'Association A Corsica Tv Cap Radio succombant principalement à l'instance, sera condamnée aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant confirmé sur ce point) et de l'instance d'appel ;

Que l'équité ne commande pas de prévoir de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance (le jugement entrepris étant confirmé sur ce point) et d'appel ;

Que les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards ;

PAR CES MOTIFS

L A C O U R,

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Statuant dans les limites de l'appel,

CONSTATE que l'annulation du jugement entrepris n'est pas sollicitée, tandis qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité de l'appel,

CONSTATE qu'aucun appel incident n'est intervenu,

DIT dès lors que les dispositions du jugement rendu le 2 novembre 2017 par le Juge départiteur près le Conseil de prud'hommes de Bastia (ayant débouté Madame Z... G... de sa demande d'indemnité relative à un travail dissimulé, rappelé que les créances salariales devaient être recouvrées déduction faite des charges sociales, dit n'y avoir lieu à se réserver le contentieux de liquidation de l'astreinte, débouté Madame Z... G... du [mot manquant] de ses prétentions, rappelé l'exécution provisoire de droit des articles R 1454-14 et 1454-28 du code du travail, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus), qui n'ont pas été déférées à la Cour, sont devenues irrévocables et qu'il n'y a pas lieu à statuer les concernant,

CONFIRME le jugement rendu le 2 novembre 2017 par le Juge départiteur près le Conseil de prud'hommes de Bastia, tel que déféré, sauf s'agissant :
- des dispositions disant que Madame Z... G... était employée par l'Association A Corsica Tv Cap Radio en qualité de monteuse, relevant de la catégorie B, filière F, niveau IIIA de la convention collective de la production audiovisuelle no3346,
- des dispositions condamnant l'Association A Corsica Tv Cap Radio à verser à Madame Z... G... une somme de 4099 euros à titre de rappel sur les salaires versés entre le 1er juin 2014 et le 30 novembre 2014 assortie des intérêts légaux à compter de la signification de la décision,
- des montants de condamnation de l'Association A Corsica Tv Cap Radio au titre des heures effectuées mais non rémunérées, au titre de l'indemnité de requalification, au titre de l'indemnité pour licenciement irrégulier, au titre de l'indemnité de préavis, au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- des dispositions relatives à la rectification de l'attestation Pôle emploi, certificat de travail et bulletins de salaire,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DEBOUTE Madame Z... G... de ses demandes tendant à dire qu'elle était employée par l'Association A Corsica Tv Cap Radio en qualité de monteuse, relevant de la catégorie B, filière F, niveau IIIA de la convention collective de la production audiovisuelle no3346, et à condamner l'Association A Corsica Tv Cap Radio à lui verser une somme de 4099 euros à titre de rappel sur les salaires versés entre le 1er juin 2014 et le 30 novembre 2014 assortie des intérêts légaux à compter de la signification de la décision,

CONDAMNE l'Association A Corsica Tv Cap Radio, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Madame Z... G... :
- une somme de 667,52 euros brut au titre d'heures non réglées pour la période de juin à juillet 2014, avec intérêts légaux tels que prévus par le juge départiteur,
- une somme de 1 445,42 euros à titre d'indemnité de requalification,
- une somme de 1 445,42 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,
- une somme de 1 445,42 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts légaux tels que prévus par le juge départiteur,
- une somme de 1 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts légaux tels que prévus par le juge départiteur,

ORDONNE la rectification par l'Association A Corsica Tv Cap Radio de l'attestation Pôle emploi, certificat de travail et bulletins de salaire, conformément au présent arrêt, ce dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision,

DEBOUTE l'Association A Corsica Tv Cap Radio de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE l'Association A Corsica Tv Cap Radio, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de l'instance d'appel,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 17/003324
Date de la décision : 15/05/2019
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2019-05-15;17.003324 ?
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