ARRET No
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17 Avril 2019
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R No RG 18/00101 - No Portalis DBVE-V-B7C-BYRF
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SARL FIDUCIAIRE DU VALINCO
C/
R... T...
----------------------Décision déférée à la Cour du :
23 mars 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO
16/00211
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COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : DIX SEPT AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF
APPELANTE :
SARL FIDUCIAIRE DU VALINCO, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège social [...]
Représentée par Me Brigitte NICOLAI, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIMEE :
Madame R... T...
[...]
[...]
[...]
Représentée par Me Livia FERRANDI, substituant Me Anna Maria SOLLACARO, avocats au barreau d'AJACCIO,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 février 2019 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président
GREFFIER :
Mme COMBET, Greffier lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 17 avril 2019
ARRET
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre faisant fonction de président et par Mme COMBET, Greffier présent lors de la mise à disposition de la décision.
***
EXPOSE DU LITIGE
Madame R... T... a été embauchée par la S.A.R.L. Fiduciaire du Valinco en qualité de secrétaire, catégorie aide comptable, coefficient 160, suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel à effet du 1er juin 2009. Son ancienneté a été reprise à compter du 23 octobre 2008.
Dans le dernier état de la relation de travail, la durée de travail était à temps plein.
Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale des cabinets d'experts comptables et de commissaire aux comptes.
Suite à entretien préalable du 25 mai 2016, Madame T... s'est vue notifier la rupture du contrat de travail pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 31 mai 2016.
Madame R... T... a saisi le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio, par requête reçue le 6 juillet 2016, de diverses demandes.
Selon jugement du 23 mars 2018, le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio a :
- dit que le licenciement de Madame R... T... était intervenu sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la S.A.R.L. Fiduciaire du Valinco, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Madame R... T... les sommes suivantes :
* 3 651,48 euros d'indemnité de préavis et 365,14 euros au titre des congés payés sur préavis,
* 2 799 euros d'indemnité légale de licenciement,
* 15 000 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouté la demanderesse de toutes ses autres demandes,
- débouté la S.A.R.L. Fiduciaire du Valinco prise en la personne de son représentant légal de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la S.A.R.L. Fiduciaire du Valinco prise en la personne de son représentant légal aux dépens.
Par déclaration enregistrée au greffe le 17 avril 2018, la S.A.R.L. Fiduciaire du Valinco a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de Madame T... était intervenu sans cause réelle et sérieuse, l'a condamnée à verser à Madame T... les sommes suivantes : 3651,48 euros d'indemnité de préavis, 365,14 euros au titre des congés payés sur préavis, 2799 euros d'indemnité légale de licenciement, 15000 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'a déboutée de sa demande tendant à dire que les faits reprochés étaient constitutifs d'une faute grave et le licenciement causé et l'a condamnée aux dépens.
Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 5 novembre 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A.R.L. Fiduciaire du Valinco a sollicité :
- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il :
* a dit que le licenciement de Madame T... était intervenu sans cause réelle et sérieuse,
* l'a condamnée à verser à Madame T... les sommes suivantes : 3 651,48 euros d'indemnité de préavis, 365,14 euros au titre des congés payés sur préavis, 2 799 euros d'indemnité légale de licenciement, 15 000 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- de dire et juger que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse et que les faits reprochés étaient constitutifs d'une faute grave,
- de débouter Madame T... de l'ensemble de ses demandes,
- de condamner Madame T... à lui verser une somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle a fait valoir :
- que la mission de Madame T... en tant qu'aide comptable était d'enregistrer les différentes pièces comptables, d'effectuer le pointage des clients, d'établir les états de rapprochement bancaire et de procéder au contrôle de cohérence des opérations comptables, avant que le dossier ne soit transmis à un autre collaborateur en vue de l'élaboration des comptes annuels, son travail impliquant une relation directe avec les clients du cabinet avec lesquels elle échangeait par divers moyens (téléphone, courriers, rendez-vous),
- que le licenciement pour faute grave était régulier (au regard du respect du délai de deux mois à partir du moment où l'employeur avait connaissance des faits fautifs) et fondé, en l'état des multiples manquements de la salariée à ses obligations, persistants (malgré avertissement notifié le 13 janvier 2016), rendant impossible son maintien dans l'entreprise, au regard du risque de perte de sa clientèle et d'engagement de sa responsabilité professionnelle, étant observé que chacun des six griefs de la lettre de licenciement constituait à lui seul un motif de licenciement pour faute grave (non tenue du dossier travail, prévu dans le cadre du respect des normes "qualités" de l'ordre des experts comptables ; défaut d'organisation de son travail ; erreurs comptables à répétition ; saisie des temps erronée ; comportement de la salariée objet de plaintes des clients ; défaut de traitement du dossier 163),
- que les attestations de clients produits par la salariée émanaient de personnes qui n'étaient plus clientes de l'entreprise à la date des faits reprochés, tandis que le coefficient apparu sur les fiches de paie à compter de septembre 2015 étant une pure erreur matérielle dont la salariée ne pouvait tirer argument,
- que les heures supplémentaires non rémunérées, dont la salariée alléguait l'existence pour justifier de son comportement, ne correspondaient à aucune réalité, au regard des pièces probantes du dossier, et n'avaient d'ailleurs fait l'objet d'aucune demande de paiement, y compris dans le cadre de la présente instance,
- que la salariée avait émis des assertions injustifiées s'agissant du chèque de 750 euros remis par l'employeur en octobre 2014 (qui s'avérait être une aide ponctuelle au titre des oeuvres sociales de l'entreprise et non un règlement d'heures supplémentaires non déclarées) et avait produit une attestation n'émanant pas de Monsieur P..., client du cabinet d'expertise comptable, ce qu'une pièce produite par l'employeur en cause d'appel, démontrait,
- que la salariée ne rapportait pas la preuve d'un préjudice subi à l'appui de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- que la salariée ne justifiait pas, à l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, des propos vexatoires et humiliants dont elle se prévalait, ni d'un épuisement professionnel, contredit par son propre aveu judiciaire dans ses écritures de première instance, ni plus globalement d'un lien de causalité entre une faute commis par l'employeur et un préjudice subi.
Aux termes des écritures, d'intimé et d'appelant incident, de son conseil transmises au greffe en date du 12 octobre 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame R... T... a demandé :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* dit que son licenciement était intervenu sans cause réelle et sérieuse,
* condamné la S.A.R.L. Fiduciaire du Valinco, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Madame T... les sommes suivantes :
* 3 651,48 euros d'indemnité de préavis et 388,14 euros au titre des congés payés sur préavis,
* 2 799 euros d'indemnité légale de licenciement,
- d'infirmer le jugement entrepris pour le surplus,
- de condamner l'employeur à payer les sommes de :
* 20 000 euros pour préjudice moral,
* 31 908,88 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- de condamner la S.A.R.L. Fiduciaire du Valinco à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle a exposé :
- qu'en sa qualité d'aide comptable, sa mission consistait à procéder à la saisine de pièces comptables, objet d'une transmission au comptable, ce dernier se chargeant d'analyser les incohérences de chiffres,
- que l'avertissement adressé en janvier 2016 était irrégulier, au regard de la date des faits,
- que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, dans la mesure où :
* en l'état des divers griefs allégués, la salariée n'était pas en mesure de connaître la cause première et déterminante du licenciement, comme exigé par la jurisprudence, et la lettre de licenciement ne comportait que des numéros de dossiers, manquait de précisions et ne permettait pas un contrôle,
* les faits invoqués n'étaient pas réels, la salariée ayant toujours eu un comportement irréprochables auprès des clients de la société et s'étant efforcée de remplir ses fonctions correctement (sans formation sur des tâches complémentaires), l'employeur ne pouvant lui reprocher de ne pas exécuter correctement des tâches qui excédaient ses missions et l'étape de vérification des saisies relevant du comptable ou chef comptable, l'absence de vérification ne pouvant donc être imputable à la salariée, qui relevait du coefficient 175 et non du coefficient 220 comme indiqué sur les bulletins de paie à compter de septembre 2015,
* les diverses attestations produites par l'employeur étaient de pure complaisance,
* le licenciement était en fait en lien avec le refus de la salariée à compter de 2015 de continuer à effectuer des heures supplémentaires, refus qui avait généré une dégradation des relations de travail, étant observé que la réalité des heures supplémentaire n'était pas contestable, au regard même des pièces produites par l'employeur, du chèque de 750 euros remis en octobre 2014,
- que dès lors, des dommages et intérêts substantiels étaient justifiés au regard du préjudice subi du fait de sa précarité financière, outre les indemnités de rupture, mais aussi des dommages et intérêts pour préjudice moral distinct, généré par le comportement de l'employeur et les circonstances vexatoires du licenciement, à l'origine d'une dégradation de son état de santé
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 8 janvier 2019, et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 12 février 2019, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 17 avril 2019.
MOTIFS
1) Sur les demandes afférentes au licenciement
Attendu que l'article L 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à une cause réelle et sérieuse ; qu'en application de l'article L 1235-1 du code du travail, lorsqu'il est saisi du bien fondé d'une mesure de licenciement, le juge se détermine au vu des éléments qui lui sont fournis par les parties, le doute devant profiter au salarié ; qu'il est néanmoins admis qu'il appartient à l'employeur d'établir de façon certaine la réalité des faits et de fournir au juge des éléments permettant de caractériser leur caractère suffisamment sérieux pour légitimer le licenciement ;
Attendu qu'il convient donc, en premier lieu, d'apprécier la réalité des faits énoncés par la lettre de licenciement fixant de manière irrévocable les limites du litige, puis le sérieux du motif invoqué ; que ce n'est que dans un second temps, lorsque la légitimité du licenciement est tenue pour acquise que l'employeur peut chercher à s'exonérer des indemnités de rupture en invoquant la faute grave du salarié, étant précisé que la charge de la preuve de la gravité de la faute incombe exclusivement à l'employeur ; que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ;
Attendu que sur le fond, la lettre de licenciement datée du 31 mai 2016, qui fixe les limites du litige, ne sera pas reprise dans le présent arrêt, compte tenu de sa longueur ; Qu'elle fait état de six griefs et conclut à un licenciement pour faute grave, privatif d'indemnités de préavis et licenciement ;
Qu'avoir rappelé que les faits invoqués dans la lettre de licenciement n'ont pas nécessairement à être datés et que la lettre de licenciement n'a pas besoin, pour être suffisamment motivée, de faire ressortir une cause première, déterminante du licenciement, il convient d'observer que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement sont suffisamment précis pour permettre au juge d'en apprécier le caractère réel et sérieux, contrairement à ce qu'énonce l'intimée ; que la désignation par numéros des dossiers clients concernés par les griefs visés dans la lettre de licenciement n'est pas un obstacle à cette appréciation, puisqu'une table de correspondance est fournie par l'employeur dans ses pièces (avec le nom du dossier client accolé au numéro de dossier visé dans la lettre de licenciement), table de correspondance dont la salariée n'a pas contesté le bien fondé dans ses écritures ; qu'en outre, Madame T... salariée de l'entreprise depuis de nombreuses années, connaissant parfaitement les noms des clients concernés par les dossiers visés dans la lettre de licenciement, a été en mesure de pouvoir s'expliquer et présenter une défense sur ce point depuis l'origine ;
Qu'il convient donc d'apprécier la réalité des faits énoncés s'agissant de ces six griefs ;
Qu'à titre liminaire, il convient d'observer que Madame T... ne produit pas de pièces à même de démontrer que les griefs invoqués ne correspondent pas aux motifs réels du licenciement et que le licenciement a en réalité une cause distincte, liée à son refus d'accomplissement d'heures supplémentaires, heures pour lesquelles la salariée n'a formé aucune demande dans le cadre de la présente instance, et pour lesquelles aucun paiement (hors mention figurant sur des bulletins de paie) n'est démontré, au vu des éléments versés aux débats, le chèque du 24 octobre 2014 de 750 euros pouvant correspondre, au vu des explications détaillées de l'employeur et pièces afférentes, à un règlement autre ; que les attestations émises par Messieurs H... et D..., respectivement ex-époux et compagnon de Madame T..., ne peuvent qu'être écartées de chef en l'absence de certitude sur l'impartialité de chacun de ces attestants, compte tenu de leurs liens avec Madame T..., tandis que le courrier de celle-ci du 25 avril 2016 ne fait que relater ses dires ; que parallèlement, le certificat médical du 18 mars 2016 du Docteur M... ne contient pas d'élément permettant de démontrer d'une cause réelle de licenciement distincte de celle énoncée dans la lettre de licenciement ;
Qu'à l'appui des griefs, l'employeur verse aux débats diverses pièces, notamment :
- des fiches de métier d'aide comptable,
- un dossier de travail numéro 182 à titre d'exemple de dossier travail correctement renseigné et le dossier de travail client numéro 174,
- des attestations au nom de Madame O..., Madame B..., Monsieur Q...,
- des pièces comptables des dossiers clients no 123, 92, 198, 112, 59, 163,
- des saisies temps client concernant les dossiers clients no181, 123, 174, 169, 91, 11, 143, 183,
- les courriers et attestations de Madame W... (S.A.R.L. Sez, client no72), de Madame V... (client no87), de Monsieur F... (Société Arba Barona, client no163), de Monsieur G... (Société Nilopoma, client no92), de Madame X... (client no118), de Monsieur L... (S.A.R.L. L... Travaux Spéciaux, client no82), de Madame K... (S.A.R.L. Résidence du Valinco, client no13), de Monsieur A... (S.A.R.L. Enk client no50), de Monsieur et Madame U... (S.A.R.L. Newport@snacking, client no93),
- les normes de maîtrise de la qualité et le guide mission de présentation ;
Qu'à l'examen attentif des pièces versées par l'employeur aux débats :
- concernant le grief d'absence de tenue correcte du travail, la réalité des faits est établie uniquement pour le dossier no174, étant observé que Madame T... ne produit aucune pièce objective, justifiant de l'inanité du grief invoqué par l'employeur, ou faisant peser un doute suffisant sur ledit grief ; qu'en revanche, la réalité des faits n'est pas établie pour les dossiers no82, 84, 91, 144, 225, en l'absence de pièces produites par l'employeur relatives à ces cinq derniers dossiers ;
- s'agissant du grief de défaut d'organisation de travail, la Cour ne peut que constater que les attestations au nom de Madame O..., Madame B..., Monsieur Q... ne comportent aucune pièce d'identité, de sorte qu'elles doivent être écartées ; que l'employeur, qui ne vise pas d'autres pièces à l'appui de ce grief, ne justifie donc pas de la réalité de ces faits,
- concernant le grief d'erreurs comptables à répétition, résultant essentiellement du refus de suivre les consignes et de non-respect des indications et ordres donnés, de même que de l'absence de sollicitations de la hiérarchie, la réalité des faits est établie pour les dossiers client no92 et 93, au regard des pièces produites, étant observé que Madame T... ne produit aucune pièce objective, justifiant de l'inanité du grief invoqué par l'employeur, ou faisant peser un doute suffisant sur ledit grief ; qu'au vu de ses attributions (aide comptable, employé coefficient 175, coefficient sur lequel s'accordent la salariée et l'employeur, en indiquant que le coefficient de 220 figurant sur certains bulletins de paie à compter d'octobre 2015 constituait une pure erreur matérielle), Madame T... ne peut prétendre que les erreurs comptables reprochées dans la lettre de licenciement pour les dossiers no92 et 93 excédaient ses compétences, acquises depuis plus de sept années, puisque les tâches afférentes, constituées par l'enregistrement correct de données comptables, relevaient bien de travaux d'exécution ne nécessitant pas d'initiative professionnelle individuelle, tel que prévu pour le coefficient 175 de la grille générale des emplois, attachée à la convention collective applicable, sans qu'une formation de mise à niveau ne soit nécessaire ; que la réalité des faits objet du grief n'est pas par contre pas établie pour les autres dossiers, no04, 59, 112, 123, 174, 198, en l'absence de pièces fournies pour le dossier no04 et en l'absence de pièces suffisantes produites pour les dossiers 59, 112, 123, 174, 198, pour lesquels les faits ne se déduisent pas du contenu des pièces, les seules mentions manuscrites apposées a posteriori par l'employeur ou un membre de l'entreprise, sur les pièces comptables afférentes à ces dossiers, ne pouvant suffire ;
- que s'agissant du grief de saisie des temps de travail (par dossier) erronée (au travers d'anomalies ou incohérences de ces temps), la réalité des faits est établie pour les dossiers 123, 169, 181, les temps de travail saisis par la salariée étant nettement supérieurs au temps pouvant être attendu au regard des tâches effectuées, étant observé que Madame T... ne produit aucune pièce objective, justifiant de sa méconnaissance du logiciel, ni de l'inanité du grief invoqué par l'employeur, ou faisant peser un doute suffisant sur ledit grief ; que la réalité des faits n'est en revanche pas établie pour les dossiers 11, 91, 143, 174, en l'absence d'éléments suffisants à cet égard, puisqu'il ne peut se déduire des pièces produites que la salariée a saisi des temps erronés pour ces quatre derniers dossiers ;
- que concernant le grief de mécontement grandissant des clients (dû à des relances excessives et non justifiées, pour des informations déjà transmises, à un traitement non sérieux du dossier, et à une attitude désobligeante, insolente de la salariée à leur égard), les courriers attestations (avec pièces d'identité annexées) versés aux débats, émanant de neuf clients de la S.A.R.L. Fiduciaire du Valinco viennent corroborer les faits énoncés dans la lettre de licenciement ; que les témoignages susvisés n'émanent pas de témoins indirects, mais directs, et sont suffisamment détaillés pour que la réalité des faits, énoncés de manière convergente, ne soit pas remise en cause ; que les trois attestations, dont seules deux peuvent rapportées à la période des faits visés par la lettre de licenciement, produites par Madame T... sont très nettement insuffisantes pour contredire les multiples attestations adverses ; que la réalité du grief est donc établi ;
- que pour ce qui est du défaut de traitement du dossier no163, le courrier et l'attestation de Monsieur F..., dirigeant de la Société Arba Barona, vient corroborer la réalité des faits énoncés "Je vous confirme [..] mon agacement concernant Madame H... [ancien nom d'épouse de Madame T...] R... [...] Ma mère m'aide dans tout ce qui est classement de ma comptabilité et prend soin de répondre à votre employée le plus rapidement et clairement possibles. Ci-joint pour attester mes dires les mails du 15 mars dont les réponses sont sur lignées en orange !... J'ai donc été très étonné et mécontent que les réponses attendues par votre employée n'ait pas été traitées avant le 4 mai, soit un mois et demi après. Je n'ai pas apprécié ni la légèreté avec laquelle mon dossier a été traité, et encore moins que ce bilan soit de ce fait établi en retard."; que Madame T... ne produit aucune pièce objective, justifiant de l'inanité du grief invoqué par l'employeur, ou faisant peser un doute suffisant sur ledit grief ; que la réalité des faits objet du grief est établie ;
Attendu qu'au vu de ce qui précède, du caractère fondé de plusieurs griefs, au moins en partie, de leur nature, le caractère réel et sérieux du motif de licenciement de Madame T... par la S.A.R.L. Fiduciaire du Valinco, est établi et Madame T... sera donc déboutée de sa demande de condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 31 908,88 à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement entrepris sera infirmé à ces égards ;
Qu'en revanche, l'employeur ne rapporte pas la preuve de ce que les faits imputables à la salariée, ayant plus de sept ans d'ancienneté (au vu de l'ancienneté reprise à compter du 23 octobre 2008, suivant les bulletins de paie) et ayant uniquement subi une sanction disciplinaire préalable (dont l'annulation n'a pas été sollicitée, de sorte que la Cour n'a pas à statuer sur ce point, ni sur sa régularité), aient constitué une violation des obligations du contrat de travail telle qu'elle ait rendu impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise pendant la durée du préavis, étant en sus observé qu'aucune mise à pied conservatoire n'est intervenue entre la convocation à entretien préalable et le licenciement quelques semaines plus tard ;
Que le licenciement de Madame R... T... sera donc considéré comme fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave ;
Que le licenciement n'étant pas fondé sur une cause grave et l'inexécution du préavis étant imputable à l'employeur, il sera octroyé à la salariée, tel qu'elle le sollicite, les sommes suivantes, dont l'employeur ne conteste pas le quantum :
- à titre d'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 3651,48 euros (correspondant à deux mois de préavis), somme exprimée nécessairement en brut, le jugement entrepris étant confirmé à cet égard,
- au titre des congés payés sur préavis, la somme de 365,14 euros, somme exprimée nécessairement en brut, le jugement entrepris (qui ne vise pas une somme de 388,84 euros, contrairement à ce qui est énoncé par l'intimée) étant confirmé à cet égard,
- à titre d'indemnité légale de licenciement, la somme de 2 799 euros (tenant compte de l'ancienneté de la salariée, reprise à compter du 23 octobre 2008, suivant les bulletins de paie), le jugement étant confirmé à cet égard ;
2) Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral
Attendu que Madame T... sollicite une somme de 20 000 euros de dommages et intérêts au regard des circonstances abusives et vexatoires du licenciement, ayant généré un préjudice moral ; que toutefois, il convient de constater que Madame T... ne justifie pas, au travers des pièces produites, des conditions abusives et vexatoires du licenciement dont elle allègue l'existence, étant rappelé que l'attestation de Monsieur D..., compagnon de Madame T..., ne peut qu'être écartée de chef en l'absence de certitude sur l'impartialité de l'attestant, et que le certificat médical versé est antérieur de près de deux mois à la procédure de licenciement ;
Qu'elle sera ainsi déboutée de sa demande de ce chef, le jugement entrepris étant confirmé à cet égard ;
3) Sur les autres demandes
Attendu que la S.A.R.L. Fiduciaire du Valinco, succombant principalement à l'instance, sera condamnée aux dépens de première instance (le jugement étant confirmé sur ce point) et de l'instance d'appel ;
Que l'équité ne commande pas de prévoir de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Que les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards ;
PAR CES MOTIFS
L A C O U R,
Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 23 mars 2018, tel que déféré, sauf en ce qu'il a :
- dit que le licenciement de Madame T... est intervenu sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la S.A.R.L. Fiduciaire du Valinco, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Madame T... la somme de 15 000 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que le licenciement dont Madame R... T... a été l'objet de la part de la S.A.R.L. Fiduciaire du Valinco est fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave,
DEBOUTE Madame R... T... de sa demande de condamnation de la S.A.R.L. Fiduciaire du Valinco à lui verser des dommages et intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE la S.A.R.L. Fiduciaire du Valinco, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de l'instance d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT