ARRET No
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17 Avril 2019
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R No RG 18/00096 - No Portalis DBVE-V-B7C-BYPS
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Y... A...
C/
SARL TRANS B
----------------------Décision déférée à la Cour du :
06 février 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BASTIA
16/00068
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COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : DIX SEPT AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF
APPELANT :
Monsieur Y... A...
[...]
Représenté par Me Myriam CARTA, avocat au barreau de BASTIA,
INTIMEE :
SARL TRANS B prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualités audit siège No SIRET : 449 933 886 [...]
Représentée par Me Valérie VINCENTI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 février 2019 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président
GREFFIER :
Mme COMBET, Greffier lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 17 avril 2019
ARRET
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre faisant fonction de président et par Mme COMBET, Greffier présent lors de la mise à disposition de la décision.
***
EXPOSE DU LITIGE
Se prévalant d'une relation de travail avec la S.A.R.L. Trans B, Monsieur Y... A... a saisi le Conseil de prud'hommes de Bastia, par requête reçue le 19 mars 2015, de diverses demandes.
Selon jugement du 6 février 2018, le Conseil de prud'hommes de Bastia a :
- débouté Monsieur Y... A... de l'intégralité de ses demandes,
- débouté la S.A.R.L. Trans B de ses demandes reconventionnelles,
- dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens,
- condamné Monsieur Y... A... aux dépens.
Par déclaration enregistrée au greffe le 11 avril 2018, Monsieur Y... A... a interjeté appel partiel de ce jugement en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes, a dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens, a condamné Monsieur Y... A... aux dépens, a rejeté comme infondées ses demandes tendant à : condamner l'employeur à lui verser 7287,60 euros brut à titre de rappel de salaires du 15 novembre 2014 au 15 avril 2015, 10224 euros à titre de commissions sur les ventes réalisées par Monsieur A..., 664 euros d'indemnité de déplacement, 1750 euros au titre des congés payés, 1457,52 euros d'indemnité de préavis, 1457,52 euros d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, 4372,56 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive, 8745,12 euros au titre du travail dissimulé, ordonner à l'employeur de remettre sous astreinte de 200 euros par jour l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail et le solde de tout compte, ordonner l'exécution provisoire, condamner l'employeur à une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 10 juillet 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur Y... A... a sollicité :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,
- de le confirmer en ce qu'il a débouté la S.A.R.L. Trans B de ses demandes reconventionnelles,
- de condamner l'employeur à verser :
7 287,60 euros brut de rappel de salaire du 15 novembre 2014 au 15 avril 2015,
10 224 euros à titre de commissions sur les ventes réalisées par Monsieur A...,
664 euros d'indemnité de déplacement,
1 750 euros au titre des congés payés,
1 457,52 euros d'indemnité de préavis,
1 457,52 euros d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
4 372,56 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive,
8 745,12 euros au titre du travail dissimulé,
- d'ordonner à l'employeur de remettre sous astreinte de 200 euros par jour l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail et le solde de tout compte,
- d'ordonner l'exécution provisoire,
- de débouter la S.A.R.L. Trans B de l'ensemble de ses autres demandes,
- de condamner la S.A.R.L. Trans B à une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Il a fait valoir :
- que l'existence d'une relation commerciale antérieure entre les parties n'excluait aucunement l'existence d'une relation de travail,
- qu'il était effectivement inscrit au R.C.S en qualité de prestataire de service dans le cadre de son activité de coordination et pilotage de chantier mais pas dans le domaine de la vente de béton, et n'était pas gérant de la S.A.R.L. Tpbat,
- que l'existence de factures, émises par ses soins à l'égard de la S.A.R.L. Trans B pendant la période où il était employé, ne pouvait constituer une preuve de la nature uniquement commerciale de la relation entre les parties,
- qu'il n'était pas inscrit au registre spécial des agents commerciaux et ne pouvait donc n'être qu'un commercial salarié de la S.A.R.L. Trans B pour la vente de béton, étant observé qu'il disposait d'un listing des clients de la société, de l'ensemble des tarifs applicables, devait rendre compte à la direction concernant les ventes de béton, disposait d'un bureau au sein de l'entreprise et démarchait les sociétés du bâtiment, prenait ou transmettait les commandes de béton à la commerciale ou chef centrale, ce qui caractérisait le lien de subordination, étant observé que le fait d'être gérant d'une S.C.I. ne constituait pas un emploi à temps plein, contrairement aux assertions adverses,
- que dès lors, divers rappels de salaire lui étaient dus, outre des commissions de 4% sur l'ensemble des commandes qu'il avait permis de réaliser, des indemnités de déplacement et diverses indemnités au titre de la rupture abusive du contrat, de l'irrespect de la procédure de licenciement et une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- qu'il était sans emploi, s'était retrouvé sans ressources et dans l'impossibilité de s'inscrire à Pôle emploi durant plusieurs mois.
Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 4 octobre 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A.R.L. Trans B a demandé :
- de confirmer les dispositions du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Bastia,
- de débouter Monsieur A... de l'intégralité de ses demandes,
- de condamner Monsieur Y... A... à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle a exposé :
- être une société spécialisée dans la fabrication de béton prêt à l'emploi depuis treize ans,
- que Monsieur A..., ancien gérant de la S.A.R.L. Tp Bat, exerçait depuis le 7 mai 2012 une activité à titre personnel dans le domaine de la construction, comme cela ressortait du Kbis, et était inscrit au R.C.S. de Bastia dans le domaine de la construction tels que la vente et la suivi de chantier,
- qu'elle avait noué avec Monsieur A... des relations purement commerciales à compter de décembre 2014, celui-ci devant, suite à la vente de béton en provenance de la S.A.R.L. Trans B, s'assurer de la mise en place dudit béton sur les chantiers des clients démarchés pour le compte de cette dernière,
- que Monsieur A... avait ainsi transmis diverses factures (dont la dernière a été refusée par la société) et correspondances faisant état de ses prestations de service, preuves irréfutables de l'activité commerciale liant les parties,
- que Monsieur A... n'avait jamais été sous lien de subordination avec l'entreprise, ni eu de bureau ou d'adresse mail commune à la société, et ne produisait aucune pièce démontrant de l'existence d'une relation de travail à temps plein, au surplus impossible compte tenu de l'activité commerciale intense de Monsieur A... auprès de diverses entreprises, avec des factures émises à l'égard de ces dernières au titre de prestations de service, mais également de son activité de gérant d'une société de restauration rapide depuis mai 2013 et de gérant d'une S.C.I.,
- que s'agissant de l'attestation produite par Monsieur A..., il n'avait jamais eu de bureau attribué mais uniquement d'une autorisation, dans le cadre de sa prestation de service à l'égard de la S.A.R.L. Trans B, de recevoir les futurs clients dans un bureau le temps de présentation et régularisation des contrats.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 4 décembre 2018, et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 12 février 2019, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 17 avril 2019.
MOTIFS
1) Sur les limites de l'appel
Attendu que l'appel interjeté par Monsieur Y... A... est limité aux dispositions du jugement du Conseil de prud'hommes de Bastia l'ayant débouté de l'intégralité de ses demandes et ayant statué sur les dépens ;
Que l'annulation du jugement entrepris n'est pas sollicitée, tandis qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité de l'appel ;
Qu'aucun appel incident n'est intervenu ;
Que les autres dispositions du jugement du Conseil de prud'hommes de Bastia du 6 février 2018 (tenant au débouté de la S.A.R.L. Trans B de ses demandes reconventionnelles), non déférées à la Cour, sont devenues irrévocables et il n'y a pas lieu à statuer les concernant ;
2) Sur les demandes afférentes à une relation de travail
Attendu qu'un contrat de travail se définit comme une convention par laquelle une personne s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant rémunération ; Qu'en l'absence de contrat de travail écrit, il appartient au salarié, qui se prévaut de l'existence d'une relation de travail, d'en rapporter la preuve par tout moyen ; Que pour certaines catégories de personnes visées à l'article L8221-6 du code du travail, la loi instaure une personne de non-salariat qui peut être renversée s'il est démontré que l'intéressé fournit des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard d'un donneur d'ouvrages ;
Attendu que Monsieur Y... A... se prévaut, à l'appui de ses demandes, de l'existence d'une relation de travail l'ayant lié à la S.A.R.L. Trans B entre novembre 2014 et avril 2015, ce que la S.A.R.L. Trans B dénie ; Que suivant ses propres indications, Monsieur Y... A... est incrit au R.C.S. ; Qu'au vu du certificat d'inscription au répertoire des entreprises et des établissements produit, il exerce depuis le 7 mai 2012 une activité dans le secteur "des économistes de la construction" ;
Qu'il n'est aucunement justifié que cette activité se limite au seul domaine de coordination et pilotage de chantier et ne concerne pas d'autre domaine ; Que dans le même temps, force est de constater que Monsieur Y... A... ne produit pas d'éléments suffisants pour démontrer qu'il fournit des prestations dans des conditions qui le placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard d'un donneur d'ouvrages ; Que les différentes pièces produites ne font pas état d'une relation entre les parties, autre que commerciale, dans le cadre de laquelle Monsieur A... a émis diverses factures (no201419 le 31 décembre 2014, no201501 le 31 janvier 2015 et 201502 le 28 février 2015) à l'égard de la S.A.R.L. Trans B ; que la pièce extraite de l'agenda de Monsieur A... "pour la semaine 7" précise dans la rubrique observation "à faire semaine suivante" : "Il serait important de faire un contrat commercial entre TransB et Y... A..., afin d'éviter tout malentendu pour la suite de notre collaboration" ;
Que les éléments transférés (logo, liste clients, tarifs) par courriers de la S.A.R.L. Trans B à Monsieur A... à une adresse personnelle (psaes.msn.com) et non à une adresse Trans B ne révèlent pas un lien de subordination juridique avec celui-ci dans le cadre d'une relation de travail portant sur le domaine de vente de béton ; qu'il n'est pas justifié d'un compte rendu de Monsieur A... de ses activités semaine par semaine à la S.A.R.L. Trans B, le seul élément extrait de l'agenda étant celui précité, qui ne comporte pas de mentions relatives à des quantités de béton vendues par Monsieur A... pour le compte de la S.A.R.L. Trans B et évoque la nécessité d'un contrat commercial entre les deux parties ; qu'il en va de même des attestations produites par Monsieur A..., qui ne comportent pas de date précise s'agissant des faits qu'elles évoquent, et sont insuffisantes pour démontrer d'un lien de subordination juridique avec celui-ci dans le cadre d'une relation de travail autonome avec la S.A.R.L. Trans B portant sur le domaine de vente de béton ; que de plus, l'attestation de Monsieur N... ne mentionne pas que Monsieur Y... A... disposait d'un bureau propre au sein de la S.A.R.L. Trans B, mais simplement qu'une rencontre est intervenu dans lesdits locaux, ce que ne conteste pas la S.A.R.L. Trans B, qui évoque une mise à disposition ponctuelle de bureau dans le cadre de l'activité commerciale ;
Que s'agissant de la carte de visite produite, il n'est pas permis de déterminer si elle a été réalisée pendant la période visée ou ultérieurement ;
Que parallèlement, Monsieur A... ne produit aucun document ou courriel relatif à la transmission de commandes de béton à un commercial ou un membre de la S.A.R.L. Trans B ; Qu'aucun échange ou aucune réclamation de Monsieur A... relatifs à une rémunération salariale pour la période de novembre 2014 à avril 2015 ne sont versés aux débats ; Qu'il ne peut être déduit du seul fait que Monsieur A... ne soit pas inscrit au registre spécial des agents commerciaux qu'il ne pouvait intervenir qu'en qualité de commercial salarié de la S.A.R.L. Trans B ; Qu'enfin, les courriers de proposition tarifaires adressés par la S.A.R.L. Trans B à deux sociétés le 22 octobre 2014 (soit antérieur au 15 novembre 2014) et le 2 décembre 2014, ne sont aucunement démonstratives, en l'absence de toute mention ou référence à Monsieur A... , le seul nom mentionné pour la S.A.R.L. Trans B étant celui de Mandrichi ;
Attendu qu'en conséquence, faute d'une relation de travail démontrée entre les parties, il n'est pas nécessaire d'examiner la question de la capacité de cumul par Monsieur A... d'activités de gérant de sociétés et de salarié à temps plein ;
Que la Cour ne peut que confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur A... de ses demandes tendant à :
- condamner la S.A.R.L. Trans B au versement des sommes de : 7 287,60 euros brut de rappel de salaire du 15 novembre 2014 au 15 avril 2015, 10 224 euros à titre de commissions sur les ventes réalisées par Monsieur A..., 664 euros d'indemnité de déplacement, 1 750 euros au titre des congés payés, 1 457,52 euros d'indemnité de préavis, 1 457,52 euros d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, 4 372,56 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive, 8 745,12 euros au titre du travail dissimulé ;
- ordonner à l'employeur de remettre sous astreinte de 200 euros par jour l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail et le solde de tout compte ;
3) Sur autres demandes
Attendu qu'en cause d'appel, la demande de Monsieur A... aux fins d'ordonner l'exécution provisoire de la décision est sans objet ;
Attendu que Monsieur A..., partie perdante au procès, sera condamné aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant confirmé sur ce point et infirmé en ce qu'il a dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens, ce de manière contradictoire avec sa condamnation concomitante de Monsieur A... aux dépens) et aux dépens de l'instance d'appel ;
Que l'équité ne commande pas de prévoir de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance (le jugement entrepris étant confirmé sur ce point) et d'appel ;
Que les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards ;
PAR CES MOTIFS
L A C O U R,
Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Statuant dans les limites de l'appel,
CONSTATE que l'annulation du jugement entrepris n'est pas sollicitée, tandis qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité de l'appel,
CONSTATE qu'aucun appel incident n'est intervenu,
DIT dès lors que les dispositions du jugement rendu le 6 février 2018 par le Conseil de prud'hommes de Bastia (tenant au débouté de la S.A.R.L. Trans B de ses demandes reconventionnelles), qui n'ont pas été déférées à la Cour, sont devenues irrévocables et qu'il n'y a pas lieu à statuer les concernant,
CONFIRME le jugement rendu 6 février 2018 par le Conseil de prud'hommes de Bastia, tel que déféré, sauf en ce qu'il a dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens (ce de manière contradictoire avec sa condamnation concomitante de Monsieur A... aux dépens),
Et y ajoutant,
DEBOUTE les parties de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE Monsieur Y... A... aux dépens de l'instance d'appel,
DIT sans objet, en cause d'appel, la demande de Monsieur Y... A... tendant à ordonner l'exécution provisoire de la décision,
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LE PRESIDENT