ARRET No
-----------------------
17 Avril 2019
-----------------------
R No RG 17/00360 - No Portalis DBVE-V-B7B-BXSU
-----------------------
B... D...
C/
SARL LEANDRI DI SCALA
----------------------Décision déférée à la Cour du :
17 novembre 2017
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO
16/00289
------------------
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : DIX SEPT AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF
APPELANTE :
Madame B... D...
[...]
[...]
Représentée par Me Philippe GAILLOT-BARTOLI, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIMEE :
SARL LEANDRI DI SCALA, prise en la personne de son représentant légal,
No SIRET : 478 029 234
[...]
[...]
Représentée par Me Sophie HUDEC, avocat au barreau de PARIS et Me Sigrid FENEIS, avocat au barreau d'AJACCIO, en visioconférence depuis AJACCIO,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 février 2019 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président
GREFFIER :
Mme COMBET, Greffier lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 17 avril 2019
ARRET
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre faisant fonction de président et par Mme COMBET, Greffier présent lors de la mise à disposition.
***
EXPOSE DU LITIGE
Madame B... D... a été embauchée par la S.A.R.L. Leandri di Scala, en qualité de vendeuse, à effet du 20 octobre 2015, contrat régularisé par écrit à durée indéterminée daté du 1er mars 2016. Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie.
Selon courrier en date du 6 juin 2016, la S.A.R.L. Leandri di Scala a convoqué la salariée à un entretien préalable fixé au 17 juin 2016, avec mise à pied conservatoire et Madame D... s'est vue notifier un licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 23 juin 2016.
Madame B... D... a saisi le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio, par requête reçue le 7 novembre 2016 de diverses demandes dirigées contre la S.A.R.L. Leandri di Scala.
Selon jugement du 17 novembre 2017, le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio a :
- rejeté l'ensemble des demandes de Madame B... D... comme infondées,
- débouté la S.A.R.L. Leandri di Scala de sa demande au titre de l'amende civile et aux dommages et intérêts,
- condamné Madame B... D... à payer à la S.A.R.L. Leandri di Scala la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné Madame B... D... aux dépens.
Par déclaration enregistrée au greffe le 15 décembre 2017, Madame B... D... a interjeté appel total de ce jugement.
Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 2 mars 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame B... D... a sollicité :
- de condamner l'employeur aux sommes suivantes :
1 472,71 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
14 727,10 euros brut au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
10 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,
10 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice économique,
25 000 euros pour harcèlement moral,
10 000 euros pour non-respect par l'employeur de l'obligation de sécurité de résultat pesant sur l'employeur en matière de prévention d'actes de harcèlement moral,
8 836,26 euros pour travail non payé et non déclaré,
10 000 euros pour la non mise en place d'élection de délégué du personnel,
- subsidiairement, de surseoir à statuer le temps que la gendarmerie ait mené son enquête dans l'affaire K.../D...,
- en tout état de cause de condamner l'employeur à lui verser la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle a fait valoir :
- que le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes, non motivé, devait être infirmé totalement,
- que les griefs reprochés dans le cadre du licenciement n'étaient que des prétextes pour évincer la salariée, ayant refusé d'effectuer des heures supplémentaires, ayant été placée en maladie et ayant dénoncé auprès de la Direccte une rupture conventionnelle en raison de la contrainte exercée sur elle,
- que le licenciement pour faute grave était dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'employeur ne rapportant aucune preuve au soutien des griefs invoqués,
- que dès lors, outre les indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis équivalente à un mois), des dommages et intérêts substantiels devaient lui être alloués, compte tenu des circonstances de la rupture et de sa situation postérieure,
- que des dommages et intérêts pour préjudice moral et économique devaient lui être alloués, au regard de l'attitude de l'employeur ayant rompu brutalement le CDI, lui ayant causé un préjudice direct, la salariée étant à ce jour sans emploi,
- qu'un harcèlement moral était existant, au regard des termes de la lettre de rupture destinée à nuire à son avenir professionnel et portant atteinte aux droits et à la dignité de la salariée, de même que de l'absence de respect d'un délai de prévenance s'agissant des horaires, des horaires effectués, et de l'attitude plus générale de l'employeur, incluant le paiement aléatoire des heures supplémentaires,
- que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité de résultat s'agissant de la prévention du harcèlement moral,
- que les différentes pièces produites par ses soins démontraient l'existence d'un travail dissimulé, appelant l'allocation d'une indemnité forfaitaire,
- que l'employeur, ayant franchi le seuil de onze salariés, n'avait pas mis en place des instances représentatives du personnel, lui causant un préjudice, puisqu'elle n'avait pu bénéficier de l'assistance d'un délégué du personnel dans le cadre de sa procédure de licenciement,
- que subsidiairement, un sursis à statuer pouvait être fondé le temps que la gendarmerie ait mené son enquête dans l'affaire K.../D....
Par ordonnance d'incident du 6 novembre 2018, le Conseiller de la mise en état a :
- constaté que la déclaration d'appel de Madame B... D... du 15 décembre 2017 n'a pas été régularisée dans les formes,
- rejeté la demande de Madame B... D... tendant à dire l'appel non pourvu de nullité et régularisé par les conclusions de l'appelante,
- déclaré irrecevable la demande de la S.A.R.L. Leandri di Scala tendant à prononcer la nullité de la déclaration d'appel,
- dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes de la S.A.R.L. Leandri di Scala tendant à :
* constater que l'appel est dépourvu de son effet dévolutif et que la Cour n'est pas saisie sur le fondement de l'article 562 du code de procédure civile, en conséquence, de dire que la Cour n'est pas en mesure de statuer sur les demandes et conclusions de l'appelante,
* ordonner le rejet des pièces de l'appelante qui n'auraient pas été communiquées en cause d'appel et en temps utile pour l'organisation de la défense de l'intimé,
ces demandes relevant la compétence exclusive de la Cour d'appel statuant au fond,
- déclaré l'appel de Madame B... D... recevable,
- dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de Madame B... D... tendant à dire et juger le litige au fond, demande ne pouvant prospérer au stade de la mise en état,
- débouté les parties de leurs demandes de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens de l'incident suivront ceux de l'instance au fond,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties.
Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 7 janvier 2019, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A.R.L. Leandri di Scala a demandé :
- à titre principal, in limine litis : de constater que l'appel est dépourvu de son effet dévolutif et que la Cour n'est pas saisie sur le fondement de l'article 562 du code de procédure civile ; en conséquence, de dire que le jugement devait être confirmé en toutes ses dispositions,
- subsidiairement, si la Cour estimait que l'effet évolutif de l'appel avait opéré :
* d'écarter les pièces No1 à 46 de l'appelante du débat dès lors qu'elles n'ont pas été communiquées régulièrement à l'intimé,
* de confirmer le jugement rendu,
* de dire n'y avoir lieu à surseoir à statuer, la demande ne relevant pas de la compétence de la Cour,
- au surplus en cause d'appel :
* de condamner Madame D... sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile à verser :
3 000 euros d'amende civile,
5 000 euros de dommages et intérêts à la Société Leandri di Scala,
* de condamner Madame D... à lui verser une somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux dépens éventuels.
Elle a exposé :
- que l'appelante avait procédé à un appel total sans aucune indication des chefs du jugement expressément critiqués et qu'aucune régularisation de la déclaration d'appel n'était intervenue dans les trois mois,
- que les conclusions de l'appelante ne répondaient au surplus pas aux exigences de l'article 954 du code de procédure civile, ne comportant pas de paragraphe distinct sur la critique des chefs de jugement,
- que l'appel était dépourvu de son effet dévolutif et la Cour non saisie sur le fondement de l'article 562 du code de procédure civile, de sorte que le jugement devait être confirmé en toutes ses dispositions,
- que l'appelante n'avait pas régulièrement communiqué à l'intimée ses pièces no1 à 46, qui devaient donc être écartées des débats,
- que subsidiairement :
* le licenciement pour faute grave de la salariée était fondé, au regard des faits reprochés (ouverture anticipée de la boutique, sans considération des consignes d'ouverture et de sécurité, comportement irrévérencieux et agressif envers un client, vol des données bancaires de la gérante et utilisation frauduleuse de celles-ci) ayant rendu impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis, fait s établis au regard des différentes pièces produites par l'employeur,
* la salariée ne versait aux débats aucune élément permettant d'apprécier du préjudice allégué à l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou pour préjudice moral distinct,
* Madame D... ne rapportait aucun fait matériel au soutien du prétendu harcèlement,
* le non-respect du délai de prévenance, qui avait pu survenir parfois en raison des impératifs d'organisation du service, n'était pas une cause de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, tandis que la santé de la salariée n'avait jamais été remise en cause du fait du travail et aucun harcèlement moral n'était établi,
* étant employée pour un horaire hebdomadaire de 39 heures, elle avait été réglée des heures supplémentaires contractuellement prévues et ne produisait pas de décompte au titre des heures supplémentaires non réglées invoqués, au soutien de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, étant précisé que les bulletins de salaire émis étaient conformes aux horaires effectués,
* la demande de sursis à statuer était dilatoire et ne relevait pas de la compétence de la Cour au moment des plaidoiries, sans élément nouveau motivant une telle demande,
* les documents produits par l'appelante ne justifient pas d'un dépassement du seuil de déclenchement des instances représentatives du personnel, ni d'un préjudice subi,
- qu'il était légitime de sanctionner Madame D... au titre d'une action en justice abusive et dilatoire.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 8 janvier 2019, avec appel de l'affaire à l'audience de plaidoirie du 12 février 2019, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 17 avril 2019.
MOTIFS
1) Sur l'effet dévolutif de l'appel
Attendu que suivant l'article 562 du code de procédure civile l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ;
Que la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ;
Attendu qu'en l'espèce, la déclaration d'appel porte uniquement la mention "appel total" ; que l'appel ne tend pas à l'annulation du jugement et il n'est pas argué d'une indivisibilité du litige ;
Que l'appelante n'a pas délimité son appel dans l'acte d'appel, en précisant les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, et n'a pas opéré de régularisation de la déclaration d'appel ;
Qu'aucun appel incident n'est intervenu ;
Que dès lors, l'effet dévolutif ne peut jouer ; qu'ainsi, la Cour n'est pas saisie des chefs du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 17 novembre 2017 et il n'y a donc pas lieu de statuer les concernant ;
Qu'il convient d'observer de manière superfétatoire, qu'aucune demande de réformation du jugement n'était en tout état de cause formée par l'appelante ;
2) Sur les autres demandes
Attendu que l'intimée, qui sollicite, de manière distincte de ses demandes subsidiaires, et au titre de l'instance d'appel, la condamnation de Madame B... D... à verser : 3 000 euros d'amende civile et 5 000 euros de dommages et intérêts à la Société Leandri di Scala, ne justifie toutefois de l'existence d'une procédure abusive ou dilatoire de Madame B... D... ;
Qu'elle sera donc déboutée de sa demande à cet égard ;
Attendu que Madame B... D..., partie perdante au procès, sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel (en ce compris les dépens de l'incident de mise en état) et sera déboutée de sa demande en sens contraire ;
Que l'équité commande de dire n'y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles d'appel, les parties étant déboutées de leurs demandes en sens contraire ;
PAR CES MOTIFS
L A C O U R,
Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
CONSTATE que l'appel interjeté par Madame B... D... est dépourvu d'effet dévolutif,
DIT dès lors que la Cour n'est pas saisie des chefs du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 17 novembre 2017 et qu'il n'y a donc pas lieu à statuer les concernant,
DEBOUTE la S.A.R.L. Leandri di Scala de sa demande, au titre de l'instance d'appel, de condamnation de Madame B... D... à verser : 3 000 euros d'amende civile et 5000 euros de dommages et intérêts à son égard,
DEBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE Madame B... D... aux dépens de l'instance d'appel (en ce compris les dépens de l'incident de mise en état),
DEBOUTE Madame B... D... de sa demande de condamnation de la S.A.R.L. Leandri di Scala aux dépens de l'instance d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT