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20/02/2019 | FRANCE | N°18/001534

France | France, Cour d'appel de Bastia, 04, 20 février 2019, 18/001534


ARRET No
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20 Février 2019
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R No RG 18/00153 - No Portalis DBVE-V-B7C-BY6E
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Communauté de communes DE L'ALTA ROCCA
C/
Me I... Q... - Mandataire liquidateur de l' Association OFFICE DU TOURISME COTE DES NACRES, U... O...
----------------------Décision déférée à la Cour du :
23 mai 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO
R18/00023
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF

APPE

LANTE :

Communauté de communes DE L'ALTA ROCCA prise en la personne de son président en exercice Monsieur M... V...
...

ARRET No
-----------------------
20 Février 2019
-----------------------
R No RG 18/00153 - No Portalis DBVE-V-B7C-BY6E
-----------------------
Communauté de communes DE L'ALTA ROCCA
C/
Me I... Q... - Mandataire liquidateur de l' Association OFFICE DU TOURISME COTE DES NACRES, U... O...
----------------------Décision déférée à la Cour du :
23 mai 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO
R18/00023
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANTE :

Communauté de communes DE L'ALTA ROCCA prise en la personne de son président en exercice Monsieur M... V...
No SIRET : 242 000 495 00018
[...]
Représentée par Me Grégoire LADOUARI,, substitué par Me Hakim DAIMALLAH, avocats au barreau de MARSEILLE, et Me Alexandra BALESI-ROMANACCE de la SCP CABINET RETALI etamp; ASSOCIES, avocat au barreau de BASTIA,

INTIMES :

Madame U... O...
[...]
[...]
Représentée par Me Arthur BOUCHAT, avocat au barreau de PARIS

Me I... Q... - Mandataire liquidateur de l' Association OFFICE DU TOURISME COTE DES NACRES
[...]
Représenté par Me Marie France SANTELLI-PINNA de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocats au barreau d'AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 décembre 2018 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président

GREFFIER :

Mme COMBET, Greffier lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 20 février 2019

ARRET

Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre faisant fonction de président et par Mme COMBET, Greffier présent lors de la mise à disposition de la décision.

***
EXPOSE DU LITIGE

Madame U... O... a été embauchée par l'Association Office du Tourisme Côte des Nacres en qualité de [...], suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet du 3 avril 2007. Par jugement du 17 avril 2018 du Tribunal de grande instance d'Ajaccio, l'Association Office du Tourisme Côte des Nacres a été placée en liquidation judiciaire, avec désignation de Maître I... Q... comme mandataire liquidateur.

Maître I... Q..., ès qualité de mandataire liquidateur, a adressé à Madame O... une lettre recommandée avec avis de réception le 27 avril 2018 précisant qu'elle ne vaudrait lettre de licenciement que si le transfert du contrat de travail, objet d'un litige prud'homal pendant, était confirmé et qu'à défaut, la présente procédure resterait sans effet.

Saisie par Madame U... O..., la formation de référé du Conseil de prud'hommes d'Ajaccio, par ordonnance du 23 mai 2018, a :
- ordonné l'application de l'article L 1224-3 du code du travail,
- ordonné le transfert du contrat de travail de droit privé de Madame U... O... à la Communauté de Commune de l'Alta Rocca,

- condamné la Communauté des Communes de l'Alta Rocca à verser à Madame U... O... la somme de 250 euros au titre des frais irrépétibles,
- mis les dépens à la charge de la Communauté des communes de l'Alta Rocca.

Par déclaration enregistrée au greffe le 8 juin 2018, la Communauté de Communes de l'Alta Rocca a interjeté appel de cette ordonnance en chacune de ses dispositions, aux fins d'annulation ou de réformation.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 13 août 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la Communauté de Communes de l'Alta Rocca a sollicité :
- d'annuler l'ordonnance de référé entreprise,
- d'infirmer à défaut l'ordonnance de référé entreprise,
- de rejeter les moyens et prétentions de Madame O...,
- de condamner Madame O... à lui verser une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle a fait valoir :
- à titre liminaire que la Communauté de communes de la Côte des Nacres (regroupant les communes de Solaro, Conca, Sari-Solenzara) avait disparu depuis le 1er janvier 2017, faute d'une population suffisante et que la commune de Solaro avait intégré la Communauté de communes de Fium'Orbu Castellu, tandis que les autres communes avaient rejoint celle de l'Alta Rocca,
- que l'ordonnance de référé dont appel devait être annulée en raison d'un défaut de motivation (ayant répondu à un moyen non invoqué et n'ayant pas répondu aux moyens, dont la contestation sérieuse, et pièces invoquées par la Communauté de communes) et d'une violation de l'article 12 du code de procédure civile, l'ordonnance étant fondée sur les dispositions des articles L 134-1 et 134-2 du code du tourisme non visées par Madame O... dans ses demandes, celle-ci sollicitant l'application de l'article L 1224-3 du code du travail dont la formation de référé n'avait pas cherché si les conditions d'application étaient réunies,
- que les dispositions des articles L 134-1 et 134-2 du code du tourisme s'adressaient essentiellement aux groupements intercommunaux, mais n'intéressaient nullement les employés des offices de tourisme,
- qu'elle n'avait pas repris des activités qui auraient été auparavant exercées pour son compte par l'Office du Tourisme Côte des Nacres, mais disposait d'un office de tourisme intercommunal propre, sous le statut de service public administratif doté d'une régie autonome, sur la commune de Levie, se consacrant exclusivement à l'accueil, l'information et la promotion touristique,

- que Madame O... n'alléguait ni n'établissait une telle reprise, ni l'exercice d'une activité par l'Office de Tourisme Côte des Nacres (qui exerçait des activités diversifiées mais consacrées pour l'essentiel à l'événementiel) sur le territoire de la Communauté de communes de l'Alta Rocca,
- que la compétence tourisme et l'autorité sur l'office de tourisme n'avaient pas été transférées de la Communauté de communes Côte des Nacres à la Communauté de communes de l'Alta Rocca, de sorte que Madame O... se prévalait à tort d'un transfert automatique de son contrat de travail, étant en sus observé que la commune de Sari-Solenzara ne possédait pas son propre office de tourisme avant la disparition de la Communauté de communes Côte des Nacres,
- que l'Office de Tourisme Côte des Nacres n'avait pas été transféré à la Communauté des communes de l'Alta Rocca, et les conditions d'application de l'article L 1224-3 du code du travail manquaient donc, faute d'existence d'une entité économique, autonome conservant son identité, transférée et poursuivie,
- qu'en effet, au regard des réponses adressées par l'Assemblée des communes de France et le Préfet de Corse du Sud, la reprise des agents de Communauté des communes de la Côte des Nacres ne s'imposait pas et une contestation sérieuse était par suite existante,
- que nonobstant le transfert automatique de compétence en vertu de l'article L 134-1 du code du tourisme en matière de promotion du tourisme, dont la création d'offices de tourisme, il ne pouvait être considéré que l'entité économique avait été transférée, dans la mesure où elle s'opérait au bénéfice de communes dont toutes n'avaient pas rejoint la Communauté de communes d'Alta Rocca.

Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 10 août 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Maître I... Q..., ès qualité de mandataire liquidateur de l'Office du Tourisme Côte des Nacres, a demandé :
- de dire et juger irrecevable la première partie des conclusions de l'appelante en ce qu'elle est relative à des chefs de jugement non intégrés à déclaration d'appel,
- à titre infiniment subsidiaire, de dire et juger l'ordonnance de référé régulière et suffisamment motivée,
- après avoir dit et jugé réunies les conditions d'application de l'article L 1224-3 du code du travail, de confirmer l'ordonnance de référé ordonnant le transfert du contrat de travail de Madame O... à la Communauté de communes de l'Alta Rocca,
- de condamner la Communauté de communes de l'Alta Rocca à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il a exposé:
- à titre liminaire, qu'un courrier de licenciement pour motif économique avait été adressé à Madame O... le 27 avril 2018, qui précisait que si le transfert de son contrat de travail était confirmé, la procédure de licenciement était sans effet et qu'inversement, ce courrier vaudrait lettre de licenciement,
- que l'appelante n'avait pas interjeté appel du chef de l'ordonnance dans lequel le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio se déclarait compétent pour statuer sur le litige, de sorte qu'était irrecevable la première partie des conclusions de l'appelante relative à l'irrégularité de l'ordonnance,
- que, subsidiairement, si la Cour déclarait les conclusions de l'appelante recevables, l'ordonnance de référé était régulière et motivée,
- que les conditions de l'article L 1224-3 du code du travail étaient réunies dans la mesure où :
* l'Office du Tourisme des Nacres était une entité économique gérant son activité conformément à ses statuts, disposant d'une autonomie budgétaire et comptable et de salariés de droit privé spécifiquement affectés à l'exercice d'une activité, tandis que la Communauté de communes de l'Alta Rocca disposait de la qualité de personne publique,
* conformément à l'article L 134-1 et L 134-2 du code du tourisme, l'activité de promotion du tourisme avait été transférée des offices communaux aux communautés de commune, en l'occurrence de l'Office du Tourisme Côte des Nacres, autrefois attaché à la commune de Sari-Solenzara, contraint de fusionner et de s'intégrer à la Communauté de communes de l'Alta Rocca désormais seule titulaire de la compétence relative à l'activité touristique,
* l'identité de l'activité transférée était conservée, la Communauté des communes exerçant une compétence et des missions identiques, avec les mêmes moyens utilisés, dans les mêmes locaux, l'Office du tourisme de la commune devenant un bureau d'information, étant précisé, en réponse au moyen adverse, que l'activité ayant été auparavant gérée par la commune de Sari-Solenzara, appartenant à l'Alta Rocca, l'activité était bien exercée dans l'Alta Rocca,
- que les conditions du transfert étant réunies, le contrat de travail devait repris par la Communauté de communes de l'Alta Rocca et transformé en contrat de travail de droit public, dès acceptation de celui-ci.

Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 16 août 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame U... O... a demandé :
-de confirmer l'ordonnance de référé dont appel,
-de condamner la Communauté des communes de l'Alta Rocca à verser à Madame O... les sommes de :
14 906,88 euros au titre des salaires non versés entre le mois de mai et le mois d'octobre 2018 en application de l'ordonnance objet de l'appel, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de huit jours suivant notification de l'arrêt à intervenir,
10 000 euros de dommages et intérêts provisionnels en réparation de ses préjudices de santé et moraux,
1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la Communauté des communes de l'Alta Rocca aux entiers dépens.

Elle a indiqué :
- à titre liminaire, que, par décision du 4 juin 2018, le Tribunal administratif de Bastia avait enjoint à la Communauté de communes de l'Alta Rocca de proposer un contrat de droit public aux salariés de l'Office de tourisme Côte des Nacres, dont Madame O..., décision assortie d'une astreinte par décision du 17 juillet 2018, sans que la Communauté de communes ne s'exécute,
- que la compétence tourisme avait été transférée à l'inter-communalité, suivant l'article L 134-1 du code du tourisme, l'Office de tourisme Côte des Nacres, autrefois situé sur la commune de Sari-Solenzara et agissant pour le compte de la Communauté de communes Côte des Nacres, devant ainsi s'intégrer dans la Communauté de communes de l'Alta Rocca, et devenir, en vertu de l'article L 134-2 du code du tourisme, l'un des bureaux d'information de son office de tourisme, lui même situé sur la commune de Levie,
- que ce transfert de compétence s'était accompagné du transfert de tous les moyens matériels et humains nécessaires à son exercice, conformément à l'article L 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales,
- que les conditions de l'article L 1224-3 du code du travail étaient réunies, l'activité touristique de l'entité économique Office de tourisme Côte des Nacres, association de droit privé, étant transférée dans le cadre d'un service public administratif par l'effet de la loi,
- par suite, tous les salariés, dont Madame O..., étaient transférés à la nouvelle personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise (sans qu'il puisse être opposé que le service n'était pas le même car il impliquait une réorganisation des structures de l'administration publique), la Communauté des communes devant ainsi continuer à rémunérer les salariées transférés jusqu'à ce qu'elle ait proposé aux salariés un contrat de droit public, appelant le versement d'un rappel de salaire (déduction faite des indemnités journalières perçues par Madame O...), sous astreinte, outre l'allocation de dommages et intérêts en réparation des préjudices moraux et de santé subis en raison de l'exécution déloyale du contrat de travail par la Communauté de communes de l'Alta Rocca,
- que l'appelante ne démontrait pas par pièces d'une scission au sein de la Communauté de communes Côte des Nacres, avec seules deux communes (sur trois) rejoignant la Communauté de communes de l'Alta Rocca,

- que subsidiairement, si une telle démonstration était opérée, conformément à l'article L 1224-1 du code du travail :
* le droit du transfert des contrats de travail s'appliquait pleinement en cas de démembrement d'entreprises, donc de collectivités territoriales, conformément à l'article L 1224-1 du code du travail
* le transfert était opérant en cas de scission d'activité entre deux personnes privées au motif que les salariés exerçaient l'essentiel de leur activité sur l'intégralité du territoire transféré, en application du même texte,
* les contrats étaient automatiquement transférés de personne publique à personne publique en cas de transfert de compétence, si le transfert de compétence avait eu lieu de commune à inter-communalité, ou d'inter-communalité à inte-rcommunalité en vertu de l'article L 5211-4-1 et de l'article L 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales,
* les salariés, dont Madame O..., étaient déjà dès janvier 2017 attachés à la nouvelle compétence tourisme passée de la Communauté de communes de la Côte des Nacres à la Communauté de communes de l'Alta Rocca, et avaient travaillé effectivement pour cette dernière,
* les locaux de l'Office du tourisme Côte des Nacres étaient déjà devenus un bureau d'information de l'Office du tourisme de l'Alta Rocca, embauchant du personnel et effectuant des missions identiques à celles autrefois dévolues à l'Office du tourisme Côte des Nacres,
- que les moyens de l'appelante étaient inopérants :
* l'existence d'une contestation sérieuse n'empêchait pas la formation de référé de prendre des mesures au visa de l'article R 1455-6 du code du travail, étant observé que le dommage imminent était existant en l'espèce, Madame O..., ayant été licenciée provisoirement par le liquidateur et n'ayant plus de revenus,
* le défaut de réponse à un moyen opérant n'était en tout état de cause pas caractérisé,
* le défaut d'étude des pièces versées aux débats n'était aucunement mis en évidence, et l'obligation de viser des pièces dans une décision ne constituait pas une obligation,
* la formation de référé avait bien recherché si l'article L 1224-3 était applicable, de sorte que l'article 12 du code de procédure civile n'avait pas été violé,
* les écrits de l'assemblée des communautés de France et de la préfecture n'avaient pas de valeur normative, et réservait pour l'un d'eux l'hypothèse d'une interprétation contraire du juge,
* que l'activité liée à l'événementiel invoquée par l'appelante n'était fondée sur une aucune pièce,

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 2 octobre 2018 et l'affaire appelée à l'audience de plaidoirie du 11 décembre 2018, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 20 février 2019.

MOTIFS

1) Sur l'annulation de l'ordonnance

Attendu que la Communauté de communes de l'Alta Rocca sollicite l'annulation de l'ordonnance rendue par la formation de référé du Conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 23 mai 2018 ;

Que Maître Q... soulève une fin de non recevoir, qui n'est toutefois pas opérante, dans la mesure où l'annulation de la décision entreprise est sollicitée et que la Cour est donc saisie de l'ensemble des chefs de l'ordonnance déférée ; que sera dès lors rejetée la demande de Maître Q..., ès qualité de mandataire liquidateur de l'Association Office du Tourisme Côte des Nacres, tendant à dire et juger irrecevable la première partie des conclusions de l'appelante en ce qu'elle est relative à des chefs de jugement non intégrés à déclaration d'appel ;

Que la Communauté de communes de l'Alta Rocca développe plusieurs moyens à l'appui de sa demande d'annulation, qu'il convient d'examiner successivement ;

Que s'agissant du défaut de motivation, la Cour constate que la formation de référé du Conseil de prud'hommes s'est efforcée de répondre dans sa décision au moyen soulevé par la Communauté de communes de l'Alta Rocca sur l'absence de compétence de la formation de référé saisie, en l'état d'une contestation sérieuse ; que le fait que la juridiction de référé ait mal interprété les termes du moyen soumis et ait ainsi répondu sur la compétence prud'homale et non spécifiquement sur la contestation sérieuse n'appelle pas d'annulation pour défaut de motivation ; que parallèlement, la Cour constate que la juridiction de référé a repris les moyens de la Communauté de communes de l'Alta Rocca dans l'ordonnance ; que l'absence de référence particulière à des pièces produites par la Communauté de communes de l'Alta Rocca ne constitue pas un défaut de motivation, étant au surplus rappelé que la juridiction saisie a statué par ordonnance de référé, dans des délais très contraints ;

Que concernant la violation de l'article 12 du code de procédure civile, il sera rappelé que suivant cet article, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposé, sans pouvoir toutefois changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendaient limiter le débat ; que contrairement à ce qu'affirme la Communauté de communes de l'Alta Rocca, Madame O... a bien fait référence aux articles L 134-1 et L 134-2 du code du tourisme à l'appui de sa démonstration fondée sur l'application de l'article L 1224-3 du code du travail, de sorte qu'il ne peut être reproché à la formation de référé d'avoir excédé les termes du débat judiciaire qui lui était soumis ; que la formation de référé a en outre visé clairement les dispositions de l'article L 1224-3 du code du travail dans ses motifs, dispositions qu'elle a reprises intégralement, avant de conclure à son application à la situation de Madame O... ; qu'aucune violation de l'article 12 du code de procédure civile n'est ainsi mise en évidence ;

Que dans ces conditions, au visa des articles 458,455 et 12 du code de procédure civile, la Cour rejette la demande, formée par la Communauté de communes de l'Alta Rocca, d'annulation de l'ordonnance rendue par la formation de référé du Conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 23 mai 2018, étant ainsi ajouté à la décision querellée.

2) Sur les demandes liées à l'application de l'article L 1224-3 et au transfert du contrat de travail

Attendu qu'il y a lieu, à titre liminaire, de rappeler que la Cour, saisie d'un appel d'une ordonnance de référé, doit statuer dans le cadre contraint fixé par les articles R 1455-5 et suivants du code du travail ; Qu'en vertu des articles R 1455-5 du code du travail, dans tous les cas d'urgence, la formation en référé peut, dans la limite de la compétence du conseil des prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ; que l'article R 1455-7 du code du travail dispose que dans le cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire ; Que l'article R 1455-6 du code du travail dispose en outre que la formation en référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Attendu que l'article L1224-3 du code du travail prévoit que lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires ; que sauf disposition légale ou conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu'elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération ; que les services accomplis au sein de l'entité économique d'origine sont assimilés à des services accomplis au sein de la personne publique d'accueil ; qu'en cas de refus des salariés d'accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit ; que la personne publique applique les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et par leur contrat ; Que ces dispositions ne s'appliquent qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et poursuit son activité ; que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre ; Que selon l'article L 134-1 du code du tourisme, l a communauté de communes, la communauté d'agglomération, la communauté urbaine, la métropole ou la métropole de Lyon exerce de plein droit, en lieu et place de ses communes membres, dans les conditions et sous les réserves prévues, respectivement, aux articles L 5214-16, L 5216-5, L 5215-20, L 5215-20-1, L 5217-2, L 3641-1 du code général des collectivités territoriales :
- la compétence en matière de création, d'aménagement, d'entretien et de gestion de zones d'activité touristique,
- la compétence en matière de promotion du tourisme, dont la création d'offices de tourisme ;

Attendu qu'en l'espèce, il est constant que :
- Madame O... a été recrutée le 3 avril 2007 en qualité de [...] de l'Office du Tourisme de la Côte des Nacres, association de droit privé assurant dans le cadre d'une délégation de service public la mission d'animation touristique sur le territoire de la Communauté de communes de la Côte des Nacres, communauté qui comportait les communes de Sari-Solenzara, Solaro et Conca,
- consécutivement à la réorganisation administrative des collectivités territoires en application de la loi no2015-991 du 7 août 2015, dit loi NOTRe, la dissolution de la Communauté de communes de la Côte des Nacres est intervenue au 1er janvier 2017,
- parallèlement, par une délibération du 29 septembre 2016, le conseil communautaire de la Communauté de communes de l'Alta Rocca a décidé de créer un office de tourisme intercommunal, à compter du 1er janvier 2017, sous le statut de service public administratif ; que par nouvelle délibération du 14 mars 2018, ce nouvel office du tourisme intercommunal a pris la forme d'une régie communautaire dotée de la seule autonomie financière,
- que le 18 janvier 2018, l'assemblée générale de l'Association Office du Tourisme Côte des Nacres a décidé de prononcer sa dissolution volontaire et prévu que "le boni de liquidation [...] soit réparti entre l'association des commerçants et les organisateurs du salon de la pêche" ; que par jugement du 17 avril 2018 du Tribunal de grande instance d'Ajaccio, l'Association Office du Tourisme Côte des Nacres a été ensuite placée en liquidation judiciaire, avec désignation de Maître I... Q... comme mandataire liquidateur ;

Qu'il ne peut être argué d'une absence de démonstration de ce que les communes précédemment intégrées dans la Communauté de communes de la Côte des Nacres n'ont pas toutes rejointes la Communauté de communes de l'Alta Rocca, étant observé d'une part, que l'appelante verse un courriel échangé entre la Communauté de communes de l'Alta Rocca et le service juridique de l'Assemblée des communes de France, qui fait clairement référence à ce point, et que d'autre part, Madame O... verse elle-même plusieurs pièces qui le mentionnent (ordonnance de référé du 4 juin 2018 du Tribunal administratif de Bastia, compte rendu d'entretien du 7 décembre 2017, et consultation du 13 octobre 2017 de Maître W...) ; que parmi les trois communes intégrées initialement dans la Communauté de communes de la Côte des Nacres, deux d'entre elles, Sari-Solenzara et Conca ont rejoint la Communauté de communes de l'Alta Rocca, tandis que l'une d'elles, Solaro a rejoint la Communauté de communes de Fium'Orbu Castellu, sans que les dates d'intégration par les communes de ces communautés ne soient précisées au regard des pièces versées au dossier ;

Qu'au regard des pièces produites aux débats, il n'y a pas eu de transfert de compétence "tourisme" de la Communauté de communes de la Côte des Nacres à la Communauté de communes de l'Alta Rocca, ni de transfert, au visa de l'article L134-2 du code du tourisme, d'un office du tourisme communal détenu par la commune de Sari-Solenzara à la Communauté de communes de l'Alta Rocca ;

Que les dispositions de l'article L 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales ne trouvent pas application puisque les salariées de l'Association Office du Tourisme Côte des Nacres n'avaient pas le statut de fonctionnaires territoriaux et agents territoriaux non titulaires ; que pas davantage, les dispositions de l'article L5211-41-3 du code général des collectivités territoriales ne trouvent à s'appliquer en l'absence de fusion totale ou partielle de communauté de communes ;

Qu'avant sa dissolution, la Communauté de communes de la Côte des Nacres exerçait la compétence en matière de promotion du tourisme, dont la création d'offices du tourisme, en lieu et place de ses trois communes membres, tandis que l'Association Office du Tourisme Côte des Nacres était en charge de l'accueil et de l'information des touristes ainsi que la promotion touristique de la communauté de communes de la Côte des Nacres, étant précisé qu'une l'activité liée à l'événementiel invoquée par l'appelante n'était pas justifiée au travers des pièces versées ; Qu'or, la Communauté de communes de l'Alta Rocca exerce la compétence en matière de promotion du tourisme, en lieu et place des dix-huit communes qui la compose (dont deux seulement issues de l'ancienne Communauté de communes de la Côte des Nacres), avec la création par délibération du conseil communautaire de la Communauté de Communes du 29 septembre 2016 d'un office du tourisme intercommunal propre, ayant pris la forme d'une régie communautaire dotée de la seule autonomie financière par nouvelle délibération du 14 mars 2018 ;

Que les moyens développés à titre subsidiaire par Madame O... sur les conséquences de la dissolution de la Communauté de communes de la Côte des Nacres et sur le fait que toutes les communes précédemment rattachées n'ont pas rejoint la Communauté de communes de l'Alta Rocca ne peuvent être considérés comme opérants, dans la mesure l'argumentation est essentiellement bâtie autour de cas de scission d'activité entre deux personnes privées, ou des termes des articles L 5211-4-1 et L5211-41-3 du code général ne trouvant pas application pour les motifs précédemment rappelés ; que de plus, il y a lieu d'observer que Madame O... et Maître Q..., ès qualité de mandataire liquidateur de L'Association Office du Tourisme Côte des Nacres, ne démontrent pas de manière certaine, au travers des pièces produites aux débats (notamment les procès-verbaux d'assemblées générales de l'Association Côte des Nacres du 14 décembre 2017 et 18 janvier 2018), d'un transfert effectif, de l'Association Office du Tourisme Côte des Nacres à la Communauté de communes de l'Alta Rocca, des moyens humains et matériels nécessaires à la poursuite d'activité ;

Que si l'existence d'une entité économique autonome ne pose pas de difficulté, l'application de l'article L1224-3 du code du travail se heurte par contre à une contestation sérieuse, s'agissant de la réunion des conditions de conservation d'identité et de poursuite d'activité de l'entité économique autonome :
- en l'absence de démonstration certaine, au regard des pièces produites aux débats, d'un transfert, de l'Association Office du Tourisme Côte des Nacres à la Communauté de communes de l'Alta Rocca, des moyens humains et matériels nécessaires à la poursuite d'activité,
- et, compte tenu de l'intégration de l'activité dans un cadre de promotion du tourisme beaucoup plus large, la Communauté de Communes de l'Alta Rocca (comptant dix-huit communes, dont deux seulement issues de l'ancienne Communauté de communes Côte des Nacres), et différente (la commune de Solaro n'étant plus concernée) ;

Que l'existence de cette contestation sérieuse est confirmée par les termes des avis juridiques donnés par le service juridique de l'Assemblée des Communautés de France (suivant un courriel du 30 novembre 2017 adressé à la Communauté de communes de l'Alta Rocca), et par la Sous-Préfète de Sartène, pour le Préfet et par délégation (selon courrier du 18 décembre 2017 transmis au Président de la Communauté de communes de l'Alta Rocca) ; que ces avis juridiques (qui certes pour l'un est émis sous réserve d'une interprétation judiciaire contraire) concluent néanmoins tous deux nettement à une absence d'obligation de reprise des salariés de l'Association Office du Tourisme Côte des Nacres par la personne publique ;
Que consécutivement, les conditions fixées par les articles R 1455-5 et R 1455-7 du code du travail ne sont pas réunies, en l'état de la contestation sérieuse existante ;

Que parallèlement, il n'est pas justifié par Madame O... ou Maître Q..., ès qualité de mandataire liquidateur de l'Association Office du Tourisme Côte des Nacres, de la réunion des conditions de l'article R 1455-6 du code du travail, afférentes aux mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent (en l'état d'un licenciement d'ores et déjà effectué à titre conservatoire par Maître Q...) ou un trouble manifestement illicite, en l'absence de violation évidente d'une règle de droit ;

Que dès lors, il sera dit n'y avoir lieu à référé sur :
- les demandes de Madame O... tendant à juger que les dispositions de l'article L1224-3 du code du travail doivent s'appliquer et que le contrat de travail de droit privé a été transféré à la Communauté de communes de l'Alta Rocca,
- la demande de Maître Q..., ès qualité de mandataire liquidateur de l'Association Office du Tourisme Côte des Nacres, tendant à dire et juger que les conditions d'application de l'article L1224-3 du code du travail sont réunies ;

Que l'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a ordonné l'application de l'article L 1224-3 du code du travail et ordonné le transfert du contrat de travail de droit privé de Madame O... à la Communauté de communes de l'Alta Rocca ;

Qu'au regard de ce qui précède, il sera également dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de Madame O..., nouvelles en cause d'appel (sans que leur recevabilité soit contestée), aux fins de condamner la Communauté des communes de l'Alta Rocca à lui verser les sommes de :
14 906,88 euros au titre des salaires non versés entre le mois de mai et le mois d'octobre 2018 en application de l'ordonnance objet de l'appel, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de huit jours suivant notification de l'arrêt à intervenir,
10 000 euros de dommages et intérêts provisionnels en réparation de ses préjudices de santé et moraux, nés de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

3) Sur les autres demandes

Attendu que Madame O..., partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant infirmé sur point) et de l'instance d'appel ;

Que ne sera pas prévue de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance (le jugement entrepris étant infirmé sur ce point) et d'appel ;

Que les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards ;

PAR CES MOTIFS

L A C O U R,

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

REJETTE la demande de Maître I... Q..., ès qualité de mandataire liquidateur de l'Association Office du Tourisme Côte des Nacres, tendant à dire et juger irrecevable la première partie des conclusions de l'appelante en ce qu'elle est relative à des chefs de jugement non intégrés à déclaration d'appel,

DEBOUTE la Communauté de communes de l'Alta Rocca de sa demande d'annulation de l'ordonnance rendue par la formation de référé du Conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 23 mai 2018,

INFIRME l'ordonnance rendue par la formation de référé du Conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 23 mai 2018, telle que déférée,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à référé sur :
- les demandes de Madame U... O... tendant à :
* juger que les dispositions de l'article L1224-3 du code du travail doivent s'appliquer et que le contrat de travail de droit privé a été transféré à la Communauté de communes de l'Alta Rocca,
* condamner la Communauté des communes de l'Alta Rocca à lui verser les sommes de 14906,88 euros au titre des salaires non versés entre le mois de mai et le mois d'octobre 2018 en application de l'ordonnance objet de l'appel, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de huit jours suivant notification de l'arrêt à intervenir, et de 10000 euros de dommages et intérêts provisionnels en réparation de ses préjudices de santé et moraux, nés de l'exécution déloyale du contrat de travail,
- la demande de Maître I... Q..., ès qualité de mandataire liquidateur de l'Association Office du Tourisme Côte des Nacres, tendant à dire et juger que les conditions d'application de l'article L1224-3 du code du travail sont réunies,

DEBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame U... O... aux dépens de première instance et de l'instance d'appel,

REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 18/001534
Date de la décision : 20/02/2019
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2019-02-20;18.001534 ?
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