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20/02/2019 | FRANCE | N°18/000644

France | France, Cour d'appel de Bastia, 04, 20 février 2019, 18/000644


ARRET No
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20 Février 2019
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R No RG 18/00064 - No Portalis DBVE-V-B7C-BYHE
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SAS FERME MARINE DES SANGUINAIRES
C/
S... E... G...
----------------------Décision déférée à la Cour du :
06 février 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO
F 17/00023
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANTE :

SAS FERME MARINE DES SANGUINAIRES agissant par son représentant légal

domicilié audit siège
No SIRET : 517 544 433 00033
[...].
[...]
[...]
Représentée par Me Anne marie VIALE, avocat au barreau ...

ARRET No
-----------------------
20 Février 2019
-----------------------
R No RG 18/00064 - No Portalis DBVE-V-B7C-BYHE
-----------------------
SAS FERME MARINE DES SANGUINAIRES
C/
S... E... G...
----------------------Décision déférée à la Cour du :
06 février 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO
F 17/00023
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANTE :

SAS FERME MARINE DES SANGUINAIRES agissant par son représentant légal domicilié audit siège
No SIRET : 517 544 433 00033
[...].
[...]
[...]
Représentée par Me Anne marie VIALE, avocat au barreau de BASTIA

INTIME :

Monsieur S... E... G...
[...]
Représenté par Me Frédérique GENISSIEUX de la SCP CABINET RETALI etamp; ASSOCIES, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 décembre 2018 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président

GREFFIER :

Mme COMBET, Greffier lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 20 février 2019

ARRET

Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre faisant fonction de président et par Mme COMBET, Greffier présent lors de la mise à disposition de la décision.

***
EXPOSE DU LITIGE

Monsieur S... G... a été embauché par la S.A.S. Ferme Marine des Sanguinaires en qualité de responsable du conditionnement statut cadre, groupe II coefficient 300, suivant contrat de travail à durée indéterminée, à effet du 1er septembre 2015. Ce contrat comportait en son article 13 une clause de non concurrence. Par avenant du 12 novembre 2015, la période d'essai, initialement prévue jusqu'au 30 novembre 2015, a été prorogée jusqu'au 29 février 2016. Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale des personnels des élevages aquacoles.

Le 9 novembre 2016, a été signée entre les parties une rupture conventionnelle, homologuée par la suite, et effective au 31 décembre 2016, date de fin de la relation de travail entre les parties.

Monsieur G... a saisi le Conseil des prud'hommes d'Ajaccio, par requête reçue le 25 janvier 2017, de diverses demandes.

Selon jugement du 6 février 2018, le Conseil des prud'hommes d'Ajaccio a :
- condamné la Société "Ferme Marine des Sanguinaires" à verser à Monsieur [nom manquant] une indemnité équivalente à 20% du montant des salaires bruts au cours des douze derniers mois d'activités,
- condamné la Société "Ferme Marine des Sanguinaires" aux dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe le 5 mars 2018, la S.A.S. Ferme Marine des Sanguinaires a interjeté appel de ce jugement en chacune de ses dispositions.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 27 avril 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A.S. Ferme Marine des Sanguinaires a sollicité :
- de dire et juger l'appel recevable et bien fondé,
- d'infirmer le jugement en ses dispositions querellées et statuant à nouveau:
- de débouter Monsieur G... de l'ensemble de ses demandes,
- de condamner en tant que de besoin Monsieur G... au remboursement des sommes qui auraient été versées dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement,
- de condamner Monsieur G... à lui verser 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle a fait valoir :
- que la clause contractuelle de non concurrence prévoyait une faculté de renonciation unilatérale de l'employeur, notifiée au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception, et ce conformément à un délai de quinze jours calendaires à compter de la réception de la notification de la rupture, quelle qu'elle soit,
- que l'employeur n'avait donc pas besoin de l'accord du salarié pour lever la clause de non concurrence, même dans le cas d'une rupture conventionnelle,
- que le délai de renonciation ne courait pas à compter de la date de signature de la rupture conventionnelle, ni à compter de l'homologation par la Direccte, mais à compter de la date de rupture du contrat, conformément à la jurisprudence,
- que par courrier du 4 janvier 2017 adressé à Monsieur G..., elle avait levé la clause de non concurrence, de sorte que le délai de quinze jours avait été respecté, et qu'aucune indemnité de non-concurrence n'était due à Monsieur G..., a fortiori pas à hauteur de 9 000 euros (puisqu'elle était de 7538,60 euros brut),
- que le rejet des autres demandes de Monsieur G... par le Conseil des prud'hommes d'Ajaccio était justifié.

Aux termes des écritures, d'intimé et d'appelant incident, de son conseil transmises au greffe en date du 25 juillet 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur G... a demandé :
- de débouter la S.A.S. Ferme Marine des Sanguinaires de l'ensemble de ses demandes,
- d'infirmer le jugement du Conseil des prud'hommes d'Ajaccio uniquement en ce qu'il a considéré que le point de départ du délai de rétractation de la convention de rupture conventionnelle et par conséquent de la mainlevée de la clause de non concurrence était celle de la notification de la rupture du contrat de travail et non celle de la signature de ladite convention de rupture,
- statuant à nouveau par substitution de motifs:
* de constater et au besoin dire et juger que l'accord de rupture conventionnelle a été formalisé et signé en date du 9 novembre 2016,

* de constater et au besoin dire et juger que le courrier de rétractation dont se prévaut la S.A.S. Ferme Marine des Sanguinaires est daté du 4 janvier 2017 et a été reçu le 5 janvier 2017 par lui, soit plus de quinze jours après la signature de l'accord de rupture conventionnelle,
- de condamner la S.A.S. Ferme Marine des Sanguinaires à lui verser le montant des sommes dues au titre de la clause de non concurrence,
- de confirmer le jugement du Conseil des prud'hommes d'Ajaccio pour le surplus,
- de condamner la S.A.S. Ferme Marine des Sanguinaires à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Il a exposé :
- que conformément aux termes de l'article L 1237-13 du code du travail, le point de départ du délai de rétractation de la clause de non concurrence devait être fixé le jour de la signature de la convention de rupture conventionnelle, soit le 9 novembre 2016,
- que le courrier de rétractation dont se prévalait l'employeur était du 4 janvier 2017, soit postérieur au 25 novembre 2016, terme du délai de quinze jours pour une rétractation régulière de la clause de non concurrence,
- que l'accord du salarié était nécessaire pour la levée de la clause, le contrat de travail s'inscrivant dans le champ du synallagmatique,
- que le juge étant maître de son appréciation concernant le montant retenu au titre de l'indemnité de non concurrence, justifiant de la confirmation de la somme de 9000 euros retenue par le Conseil des prud'hommes d'Ajaccio.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 12 septembre 2018, avec appel de l'affaire à l'audience de plaidoirie du 11 décembre 2018, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 20 février 2019.

MOTIFS

1) Sur la recevabilité de l'appel

Attendu que la recevabilité de l'appel principal n'est pas discutée et la S.A.S. Ferme Marine des Sanguinaires sera déclarée recevable en son appel, tel qu'elle le sollicite;

Qu'il convient en sus d'observer que la recevabilité de l'appel incident de Monsieur G... n'est pas contestée ;

2) Sur la clause de non-concurrence

Attendu qu'une clause de non-concurrence a pour objet d'interdire au salarié l'exercice d'une activité professionnelle concurrente après la rupture de son contrat de travail ;
Que l'employeur ne peut renoncer unilatéralement à la clause de non-concurrence que si la convention collective ou le contrat de travail lui en donne expressément la possibilité ; qu'à défaut, l'accord du salarié est requis ; que par ailleurs, si la convention collective stipule que la renonciation à la clause nécessite l'accord des parties, le contrat de travail ne peut déroger à cette règle ;

Que la faculté de renonciation à la clause de non-concurrence est enfermée par le contrat de travail ou la convention collective dans un certain délai suivant la notification de la rupture du contrat de travail ;

Qu'il est admis, au visa des articles 1134, dans sa version applicable aux données de l'espèce, L1221-1 du code du travail et L 1237-13 du code du travail, qu'en cas de rupture conventionnelle, le délai dont dispose l'employeur pour dispenser le salarié de l'exécution de l'obligation de non-concurrence a pour point de départ la date de la rupture fixée par la convention de rupture ;

Attendu qu'en l'espèce, le contrat de travail liant Monsieur G... à la S.A.S. Ferme Marine des Sanguinaires dispose dans son article 13 intitulé "non concurrence" : "Compte tenu de la nature des fonctions et des informations techniques auxquelles Monsieur S... G... a accès ainsi que des connaissances acquises dans la société Ferme Marine des Sanguinaires, le salarié s'engage dès la cessation effective de ses fonctions, à ne pas exercer sous quelque forme que ce soit, une activité concurrente de celle de la société Ferme Marine des Sanguinaires ou à entrer directement ou indirectement, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, à toutes activités d'élevage, d'achats et/ ou de vente et/ou de distribution des produits de la mer ou d'entrer au service d'une entreprise d'aquaculture en closerie ou d'élevage avec laquelle la société Ferme Marine des Sanguinaires pourrait se trouver en concurrence sur ses différents domaines d'activité. Cette interdiction de concurrence est applicable en France sur la région Nord et sur la côte Atlantique pendant une durée de 12 (douze) mois à compter du jour de la cessation effective du contrat de travail. Elle s'appliquera quelle que soit la nature ou le motif de la cessation de fonction postérieurement à la période d'essai. En contrepartie de l'interdiction de non concurrence, il sera versé à Monsieur S... G... à l'occasion de la cessation de son contrat de travail une somme égale à 20% de sa rémunération brute annuelle totale sur les douze derniers mois de présence dans l'entreprise [...] La société se réserve toutefois la faculté de libérer le salarié de l'interdiction de concurrence et par là même de se dégager du paiement des indemnités prévues en contrepartie, soit à tout moment au cours de l'exécution du contrat, soit à l'occasion de sa cessation [...] La société Ferme Marine des Sanguinaires notifiera sa décision de libérer Monsieur S... G... de son obligation de non-concurrence par lettre recommandée avec accusé de réception sa décision, et ce conformément aux délais suivants : 15 jours calendaires à compter de la réception de la notification de rupture";
Qu'au regard de ce qui précède, le contrat de travail liant les parties prévoit une clause de non-concurrence à laquelle l'employeur peut renoncer unilatéralement, étant observé qu'en parallèle la convention collective applicable ne prévoit pas de disposition en matière de clause de non-concurrence ; que le moyen développé par Monsieur G... sur la nécessité de son accord pour la levée de la clause est donc inopérant ;

Que les parties ont signé le 9 novembre 2016 une convention de rupture conventionnelle, fixant comme date envisagée de la rupture du contrat de travail le 31 décembre 2016 ; que cette convention de rupture a été homologuée par la Direccte, celle-ci précisant dans son courrier du 5 décembre 2016 que la demande d'homologation sera réputée acquise le 21 décembre 2016, le contrat de travail ne pouvant être rompu avant cette date ;

Que le délai de quinze jours, prévu par la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail, afin que l'employeur notifie au salarié le fait qu'il le libère de son obligation de non-concurrence par lettre recommandée avec accusé de réception, court donc à compter du 31 décembre 2016, date de rupture fixée par les parties dans la convention, et non à compter de la signature de la convention de rupture ;

Qu'or, l'employeur a, par lettre recommandée du 4 janvier 2017, avec avis de réception signé le 5 janvier 2017 par Monsieur G..., libéré celui-ci de l'obligation de non concurrence ; que le délai de quinze jours a ainsi été respecté ;

Que la renonciation de l'employeur à l'exécution de l'obligation de non concurrence ayant été faite dans les formes contractuellement prévues, Monsieur G... n'a pas droit au paiement de la contrepartie financière, au titre de l'indemnité de non-concurrence ;
Que consécutivement, il convient de débouter Monsieur G... de ses demandes à cet égard;

Que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;

Que compte tenu de l'infirmation, emportant toute conséquence de droit, il n'est pas nécessaire de prévoir, comme le sollicite la S.A.S. Ferme Marine des Sanguinaires, la condamnation en tant que de besoin de Monsieur G... au remboursement des sommes qui auraient été versées dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement de première instance ;

3) Sur les autres demandes

Attendu que Monsieur G..., succombant principalement à l'instance, sera condamné aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant infirmé sur ce point) et de l'instance d'appel ;

Que Monsieur G... étant seul condamné aux dépens, ne peut qu'être rejetée sa demande de condamnation de la S.A.S. Ferme Marine des Sanguinaires sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que l'équité ne commande pas de prévoir de condamnation de Monsieur G... sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards ;

PAR CES MOTIFS

L A C O U R,

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

DIT la S.A.S. Ferme Marine des Sanguinaires recevable en son appel principal,

CONSTATE que la recevabilité de l'appel incident de Monsieur S... G... n'est pas contestée,

INFIRME le jugement rendu par le Conseil des prud'hommes d'Ajaccio le 6 février 2018 en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que la renonciation de l'employeur à l'exécution de l'obligation de non concurrence ayant été faite dans les formes contractuellement prévues, Monsieur S... G... n'a pas droit au paiement de la contrepartie financière, au titre de l'indemnité de non-concurrence,

DEBOUTE Monsieur S... G... de l'ensemble de ses demandes principales,

DIT qu'au regard de ce qui précède, il n'est pas nécessaire de prévoir, tel que le sollicite la S.A.S. Ferme Marine des Sanguinaires, la condamnation en tant que de besoin de Monsieur G... au remboursement des sommes qui auraient été versées dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement de première instance,

DEBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur S... G... aux dépens de première instance et de l'instance d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 18/000644
Date de la décision : 20/02/2019
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2019-02-20;18.000644 ?
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