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20/02/2019 | FRANCE | N°18/000344

France | France, Cour d'appel de Bastia, 04, 20 février 2019, 18/000344


ARRET No
-----------------------
20 Février 2019
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R No RG 18/00034 - No Portalis DBVE-V-B7C-BYAN
-----------------------
C... M...
C/
Association CENTRE DE RECHERCHE VITICOLE DE CORSE (CRVI)
----------------------Décision déférée à la Cour du :
22 janvier 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BASTIA
F16/00218
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANT :

Monsieur C... M...
[...]
Représenté par Me Alain

GUIDI, avocat au barreau de MARSEILLE, et Me Gilles ANTOMARCHI, avocat au barreau de BASTIA,

INTIMEE :

Association CENTRE DE REC...

ARRET No
-----------------------
20 Février 2019
-----------------------
R No RG 18/00034 - No Portalis DBVE-V-B7C-BYAN
-----------------------
C... M...
C/
Association CENTRE DE RECHERCHE VITICOLE DE CORSE (CRVI)
----------------------Décision déférée à la Cour du :
22 janvier 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BASTIA
F16/00218
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANT :

Monsieur C... M...
[...]
Représenté par Me Alain GUIDI, avocat au barreau de MARSEILLE, et Me Gilles ANTOMARCHI, avocat au barreau de BASTIA,

INTIMEE :

Association CENTRE DE RECHERCHE VITICOLE DE CORSE DE CORSE (CRVI) prise en la personne de ses représentant légaux demeurant es qualité audit siège [...]
Représentée par Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI - VACCAREZZA - BRONZINI DE CARAFFA - TABOUREAU, avocats au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 décembre 2018 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président

GREFFIER :

Mme COMBET, Greffier lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 20 février 2019

ARRET

Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre faisant fonction de président et par Mme COMBET, Greffier présent lors de la mise à disposition de la décision.

***
EXPOSE DU LITIGE

Monsieur C... M... a été embauché par le Civam de Corse en qualité d'ingénieur, cadre, échelle C, échelon 1 indice 360, suivant contrat de travail à durée indéterminée, à effet du 1er septembre 2001. Dans le dernier état de la relation de travail, Monsieur M... était classé dans la catégorie cadre, échelle A, échelon 5, indice 587.

Monsieur C... M... a saisi le Conseil de prud'hommes de Bastia, par requête reçue le 28 juillet 2016, aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, soit l'Association Centre de Recherche Viticole de Corse (C.R.V.I.), venant aux droits de l'employeur initial, et de se voir payer diverses sommes en conséquence.

Selon jugement du 22 janvier 2018, le Conseil de prud'hommes de Bastia a :
- débouté Monsieur C... M... de l'intégralité de ses demandes,
- débouté l'association C.R.V.I. de Corse de sa demande reconventionnelle,
- condamné Monsieur C... M... aux dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe le 14 février 2018, Monsieur M... a interjeté appel de ce jugement tendant à obtenir la réformation ou l'annulation du jugement rendu en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux dépens et plus généralement de toute disposition non visée au dispositif faisant grief à l'appelant selon les moyens développés dans les conclusions.

Selon courrier en date du 15 mars 2018, l'Association Centre de Recherche Viticole de Corse a convoqué le salarié à un entretien préalable à un licenciement fixé au 28 mars 2018 et Monsieur C... M... s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 5 avril 2018.

Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 9 mai 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur C... M... a sollicité :
- de réformer la décision du Conseil de prud'hommes de Bastia,
- de requalifier la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur M... en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-de condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :
65 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
23 051,51 euros à titre d'indemnité de préavis,
2 305,15 euros au titre des congés payés y afférents,
31 071,09 euros au titre de paiement du solde de tout compte,
5 000 euros au titre de frais irrépétibles,
- subsidiairement, sur le licenciement pour inaptitude, si la Cour le déboutait de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail,
*de requalifier le licenciement de Monsieur M... en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*de condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes:
65 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
2 3051,51 euros à titre d'indemnité de préavis,
2 305,15 euros au titre des congés payés y afférents,
31 071,09 euros au titre de paiement du solde de tout compte
5 000 euros au titre de frais irrépétibles,
- en tout état de cause, de condamner l'employeur aux dépens.

Il a fait valoir :
- qu'une modification, acceptée, de son contrat de travail était intervenue le 15 juin 2012, au terme de laquelle il avait été promu co-directeur de la structure, modification actée par PV d'assemblée générale du C.R.V.I. de Corse,
- que postérieurement, avaient été imposées par l'employeur deux modifications du contrat de travail, sans l'accord exprès du salarié, l'une en date du 13 juin 2013 disposant que l'occupation de ses nouvelles fonctions par Monsieur M... n'était que temporaire pour la période de 2013-2016, l'autre en date du 26 mai 2016 prévoyant que le titre et ses fonctions de co-direction lui étaient retirées, avec une rétrogradation de fait aux fonctions de directeur de laboratoire et chef de projet de la création pépinière, Madame D... devenant sa supérieure hiérarchique, et Monsieur M... n'étant même pas réintégré dans ses anciennes fonctions,
- que dès lors, une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, était justifiée,
- qu'à titre subsidiaire, le licenciement pour inaptitude était un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'inaptitude résultant directement du comportement fautif de l'employeur, puisque la situation anxiogène créée par l'employeur, au vu des ces modifications unilatérales du contrat et rétrogradation de fait, était à l'origine de la maladie du salarié, ayant finalement abouti à l'avis d'inaptitude,
- qu'au regard de son ancienneté, son âge, sa situation, les circonstances de la rupture, des dommages et intérêts substantiels étaient dus, outre diverses indemnités,
- que le chèque de l'employeur au titre du solde de tout compte n'avait pu être encaissé, celui-ci étant daté de l'année précédente et ayant vu sa validité expirée.

Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 20 juillet 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, l'Association Centre de Recherche Viticole de Corse a demandé :
- à titre principal, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- de manière infiniment subsidiaire, de ramener le montant des sommes réclamées à de plus justes proportions,
- en tout état de cause, de condamner Monsieur M... à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l'instance.

Elle a exposé :
- que l'inaptitude de Monsieur M... était d'origine non professionnelle, l'arrêt de travail initial du 21 mars 2016 et les arrêts de prolongation ayant été établis à la suite d'une intervention chirurgicale au dos, et le premier arrêt de travail motivé par un "épisode dépressif sévère", datant de février 2018, soit près de deux ans après l'introduction de l'instance prud'homale par Monsieur M... , sans lien donc avec l'attitude de l'employeur,
- que le salarié avait exercé diverses activités professionnelles et extra-professionnelles durant ses arrêts de travail, avec notamment la création d'une société, sans respecter les horaires de sortie prévus par le corps médical,
- qu'il n'existait pas de manquement de l'employeur à même de justifier de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de celui-ci, en l'absence d'une modification contractuelle substantielle, puisque:
* la nouvelle organisation à compter de mai 2016 (au terme de l'organisation collégiale tripartite de la direction de la structure décidée en 2013, lors d'une réunion auquel le salarié était présent) ne modifiait en rien l'exercice des fonctions à égalité et Monsieur M... bénéficiait du même salaire, même classement et de sa prime de direction, sans avoir de supérieur hiérarchique, chacun des trois directeurs de recherche restant entièrement maître de son secteur d'activité,
* Monsieur M... avait une parfaite connaissance de cette nouvelle organisation, et ne pouvait arguer d'un retour, à compter de 2016, à ses fonctions antérieures, ni d'avoir été évincé des fonctions occupées précédemment,
- que la demande de requalification du licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse était infondée, la dépression alléguée par Monsieur M... n'étant pas liée à un comportement fautif de l'employeur, qui n'avait pas créé de situation anxiogène à l'égard du salarié,
- que la demande au titre du paiement du solde de tout compte était devenue sans objet, en l'état de la régularisation de l'erreur de date du chèque afférent,
- qu'à titre infiniment subsidiaire, il convenait de ramener à de plus justes proportions le montant des sommes réclamées par Monsieur M... , qui exerçait d'autres activités professionnelles,

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 12 septembre 2018, avec appel de l'affaire à l'audience de plaidoirie du 11 décembre 2018.

Le 6 décembre 2018, le conseil de Monsieur M... a transmis au greffe des conclusions aux fins de révocation de l'ordonnance de clôture, d'admission des présentes écritures et pièces communiquées, de renvoi du dossier à la mise en état et de conclusions au fond.

A l'audience du 11 décembre 2018, l'affaire a été appelée et les parties entendues dans leurs observations orales, où elles ont expressément précisé que le solde de tout compte avait été réglé, et la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 20 février 2019.

MOTIFS

1) Sur la requête en révocation de l'ordonnance de clôture et de renvoi à la mise en état

Attendu que selon l'article 783 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée, ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ; que sont cependant recevables les conclusions en révocation de l'ordonnance de clôture ;

Que suivant l'article 784 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue, la révocation pouvant être décidée d'office ou à la demande des parties ; qu'il est admis que la demande de révocation émanant de partie ne peut être formée que par voie de conclusions ;

Attendu qu'il convient de dire que la demande de révocation de l'ordonnance de clôture, formée par voie de conclusions pour le compte de Monsieur M... , est recevable en la forme ;

Que par contre, sur le fond, cette demande ne peut qu'être rejetée, en l'absence de cause grave révélée depuis qu'elle a été rendue ; que contrairement à ce qu'affirme Monsieur M... , aucun irrespect du contradictoire ne se déduit de la clôture ordonnée le 12 septembre 2018 alors qu'un renvoi à une nouvelle audience de mise en état était sollicité par l'appelant, étant rappelé, d'une part, que le litige prud'homal a été introduit au fond le 28 juillet 2016, soit depuis plus de deux ans, et que d'autre part, l'appel a été interjeté le 14 février 2018, l'appelant a transmis ses écritures (comportant trente-six pages et visant cent quatre pièces) le 9 mai 2018, tandis que l'intimé a conclu le 20 juillet 2018 (conclusions comportant quarante-six pages et cent quarante trois pièces), laissant un délai de près de deux mois à l'appelant pour conclure à nouveau avant l'audience de mise en état du 12 septembre 2018, s'il le souhaitait ;

Que dans ces conditions, l'ordonnance de clôture ne sera pas révoquée, ni l'affaire renvoyée à la mise en état, les conclusions au fond du 6 décembre 2018 et pièces nouvelles (numérotées 105 à 109) communiquées Monsieur M... n'étant pas reçues aux débats ;

2) Sur les demandes afférentes à la résiliation judiciaire du contrat de travail

Attendu qu'il est admis qu'en cas d'inexécution de ses obligations contractuelles par l'employeur, le salarié peut saisir le conseil de prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur ; Que lorsque les manquements sont établis et sont d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvrant droit à toutes les indemnités de rupture, indemnité compensatrice de préavis y compris, peu important que le salarié ait été en arrêt de travail au moment de la rupture ; Qu'en revanche, si les manquements invoqués par le salarié ne sont pas établis ou ne présentent pas un caractère de gravité suffisante, le juge doit purement et simplement débouter le salarié de sa demande ; Que lorsqu'un licenciement intervient en cours d'instance de résiliation, le juge doit examiner en premier lieu la résiliation et ce n'est que s'il considère cette demande injustifiée qu'il doit se prononcer sur le licenciement ;

Attendu qu'en l'espèce, le licenciement est intervenu le 5 avril 2018, soit postérieurement à la saisine par Monsieur M... de la juridiction prud'homale, intervenue le 28 juillet 2016, aux fins notamment obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail ; Qu'il convient donc d'examiner en premier lieu la demande de résiliation judiciaire ;

Attendu qu'il est constant que Monsieur M... a été embauché en qualité d'ingénieur, cadre, échelle C, échelon 1 indice 360, suivant contrat de travail à durée indéterminée, à effet du 1er septembre 2001 ;
Que suivant procès-verbal du conseil d'administration de l'Association C.R.V.I., en date du 15 juin 2012, il a été mentionné "La présidente fait état de la réorganisation suite au licenciement du Directeur qui a eu lieu au sein du CRVI et présente le comité de Direction mis en place composée des trois personnes suivantes :
- C... M... ,
- S... E...,
- Z... D...
Elle indique également qu'une prime de direction sera mise en place dans ce contexte. Le Conseil d'administration souhaite qu'elle soit annuellement variable mais cependant la même pour les 3 membres de la collégialité. Cette communication n'a pas donné lieu à un vote"; qu'un organigramme précisant le partage des rôles entre les trois membres était annexé au procès-verbal précité ; Que Monsieur M... ne conteste pas cette modification de son contrat de travail, même si celle-ci n'a pas été formalisée par avenant, et ne fonde pas sa demande de résiliation sur cette modification contractuelle ; Que suite à cette modification contractuelle, Monsieur M... a été classé à l'échelle B de la catégorie cadre, indice 537 ;

Que par contre, Monsieur M... se prévaut de l'existence de deux modifications contractuelles unilatérales de l'employeur, en date du 13 juin 2013 et en date du 26 mai 2016, à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, pour laquelle il a saisi le Conseil de prud'hommes de Bastia, par requête reçue le 28 juillet 2016 ;

Que le procès-verbal du conseil d'administration du 13 juin 2013 de l'Association C.R.V.I., auquel Monsieur M... a assisté (comme notamment Madame D... et Monsieur E...) mais sans avoir droit de vote, prévoit en son point 8 intitulé "Point sur les ressources humaines, bilan de la direction organisée en collégialité
-Bilan collégialité-
La Présidente rappelle les faits depuis le départ du Directeur. Le CA a décidé d'un mode d'organisation en Direction collégiale, préférant cette solution au remplacement du directeur par un nouveau directeur. A ce sujet, elle rappelle qu'il a été demandé aux trois cadres ‘seniors' d'être opérationnels très vite (construction budget, DRH, greffons, etc...). Elle souligne que l'équipe a eu à ‘reconstruire' énormément (vignes, contrats, fonctionnement équipe....). Le tout, sans céder de terrains aux travaux de recherche dont ils ont aucun la charge [...]
La Présidente de conclure que la collégialité est selon elle la meilleure solution pour le CRVI. Le plus difficile restent le mode d'organisation à 3 à appréhender pour les interlocuteurs (Président, Partenaires...)
Ce à quoi le Commissaire aux Compte[s] acquiesce (oui, c'est parfois difficile de savoir à qui s'adresser") et indique qu'elle [a] bien noté un regain de dynamisme dans cette nouvelle organisation. Elle souligne la nécessité de mieux formaliser le statut de la collégialité, si toutefois ce mode de fonctionnement est entériné, avec la définition des responsabilités, voire, des délégations de pouvoir.
La Présidente s'adresse à son Conseil d'administration qui entérine à l'unanimité le mode de fonctionnement en collégialité pour la période 2013/2016.
Ensuite, elle indique qu'elle a travaillé au point évoqué par la Commissaire aux Comptes.
Elle indique qu'actuellement, les membres de la Direction collégiale perçoivent une prime ‘de direction' équivalente à la moyenne d'un 13ème mois.
Elle indique également qu'elle considère que les 3 cadres seniors -en dehors de l'aspect de la collégialité- sont, de fait Responsables à part entière de leurs entités de recherche. Ce qui était déjà une réalité auparavant, le départ de l'ancien Directeur n'ayant eu aucun impact sur leur activité, d'ailleurs. La Présidente propose donc à son Conseil d'administration d'approuver le point suivant : reclassement des trois cadres ‘seniors' en échelle A, ce qui correspond désormais à leur rôle effectif "d'ingénieurs seniors de conception ayant un rôle significatif et permanent d'encadrement". Décision approuvée à l'unanimité.";

Que le courrier du 17 juin 2013 a confirmé à Monsieur M... ce son changement d'échelon, étant désormais classé dans la catégorie cadre, échelle A, échelon 4, indice 561, soit un salaire brut mensuel de 3 497,51 euros ;

Que les termes du PV du 13 juin 2013, caractérisent une modification contractuelle dans la mesure où une condition de temporalité, non prévue lors de la précédente modification (ayant comme toute modification, vocation à être définitive), est posée pour la période 2013-2016 avec réévaluation effectuée à l'issue s'agissant du fonctionnement collégial au niveau de la direction ;

Que toutefois, l'existence d'un manquement de l'employeur d'une gravité suffisante, pour empêcher la poursuite du contrat de travail, au travers de cette modification contractuelle sans avenant écrit, n'est pas caractérisée dans la mesure où :
- d'une part, il convient de constater que Monsieur M... , présent lors du conseil d'administration du 13 juin 2013, n'a émis aucune observation, ni n'a sollicité de son employeur la signature d'un avenant au contrat de travail, alors qu'en sa réalité de membre du comité de direction, il avait parmi les attributions qui lui étaient dévolues (et qu'il revendique dans le cadre de cette instance), la question de la gestion du personnel assurée avec Madame D...,
- cette modification n'a manifestement pas empêché la poursuite des relations de travail, n'étant invoquée à l'appui de la résiliation que plus de trois ans plus tard,
- le salarié a vu ses fonctions de membre du comité de direction collégiale inchangées, de même que ses tâches, et a vu sa rémunération de base (hors prime) et son statut dans l'échelle des cadres re-qualifiés à la hausse;

Que par la suite, selon procès-verbal du conseil d'administration de l'Association C.R.V.I. du 26 mai 2016, il a été précisé au point 12 "Nomination de Z... D... à la direction générale du CRVI.
La Présidente rappelle que suite au départ de l'ancien directeur, la direction collégiale a été mise en place. Ce schéma atypique de fonctionnement devait être réévalué en 2016. [...]
La Présidente indique que, depuis la migration du CRVI dans les locaux Agropole, l'organisation collégiale est souvent source de confusion pour les ‘visiteurs'. La question qui revient souvent est ‘qui est le Directeur' ? B... G... souligne qu'il est effectivement plus facile d'avoir à faire à ‘une tête' quand on s'adresse à une structure.
La Présidente précise qu'elle souhaitait depuis que la direction collégiale est en place redéfinir les rôles de chacun à l'aune de l'activité dont les 3 directeurs se sont acquittés, de façon à répondre à la prérogative inscrite dans les statuts et concernant la direction générale du CRVI.
Il lui apparaît donc logique que :
-S... E... soit définitivement le directeur du pôle végétal, à ce titre elle tient à signaler que l'ensemble des pépiniéristes partenaires du CRVI ont souligné l'amélioration notable dans la gestion du matériel végétal depuis le départ de O... Y....
-C... M... continue à assumer la direction du Laboratoire et la responsabilité du programme terroir.
-Z... D... en sa qualité de responsable des subventions FAM et DES (qui représentent environ 80% du budget du CRVI), conceptrice et rédactrice de la feuille de route pour le plan d'avenir 2015-2018 et la CTC, responsable pour la stratégie, de la communication et de l'organisation interne est nommée directrice générale du CRVI.
Elle précise par ailleurs que N. D... est officiellement pour l'instant la Directrice du laboratoire vis à vis du COFRAC car L. M... est le Responsable qualité du laboratoire (il ne peut être ‘juge et partie'). L. M... deviendra officiellement le Directeur du laboratoire d'analyses quand J... V... sera prête pour être la Responsable qualité. Enfin, elle rappelle que les ‘périmètres' ont évolué de fait car L. M... a pris la responsabilité du très ambitieux programme pépinière et G. E... la gestion du matériel végétal plus ardue du fait de la problématique Xyllela.
La Présidente propose que la Direction collégiale évolue en Comité de direction composé de : Z... D..., C... M... et S... E....
Cette proposition étant de la réorganisation interne, elle n'a pas donné lieu à une délibération" ;

Que ce procès-verbal d'assemblée générale fait écho aux termes d'une réunion intervenue en février 2016, à laquelle participaient, outre les membres du comité de direction, la présidente de l'Association C.R.V.I. et Madame N..., déléguée du personnel, réunion relatée par un écrit signé de Madame D..., Monsieur E... et Madame N..., écrit dont Monsieur M... ne critique pas la teneur, ni la matérialité ; que ce document précise "La présidente a expliqué qu'elle souhaitait faire un point sur le projet pépinière qui s'avérait chronophage, ainsi que sur l'organisation du CRVI [...] La Présidente a indiqué que depuis le déménagement à Corsico'Acropole, l'organisation de l'Association CRVI était confuse pour les visiteurs car habituellement, "il n'y avait qu'une seule tête qui dépasse" dans les structures [...] Puis nous avons fait le point sur le rôle de chacun :
- S... E... n'avait pas de temps à consacrer à l'administratif autre que celui généré par la gestion du matériel végétal. Son volet ‘matériel végétal' avait gagné en complexité avec Xyllela et le procès en cours d'un pépiniériste.
- C... M... s'était attribué la responsabilité du dossier ‘pépinière' qui allait être consommateur de temps et donc, il avait besoin d'être ‘allégé' sur la partie administrative d'autant qu'il s'absentait pour une opération d'hernie discale.
- Z... D... était conceptrice et porteuse de feuille de route du CRVI-donc des orientations stratégiques- à l'origine de 80% des subventions du CRVI. Membre du comité de suivi de Corsic'Agropole, coordonnatrice du conseil scientifique et technique du CRVI, en charge systématiquement d'accueillir toutes les visites officielles et de présenter l'activité, le rôle et le fonctionnement du CRVI, organisatrice des Conseils d'administration et des Assemblées générales et chargée de les conduire, elle apparaissait déjà comme: "la représentante officielle de l'association" vis à vis de l'extérieur.
La Présidente a donc proposé d'utiliser Z... comme "tête de pont" du CRVI en formalisant le rôle qu'elle assumait déjà. L'équipe de Direction existait toujours, de fait. Mais le CRVI avait une tête qui dépassait officiellement. Ce à quoi, tout le monde a acquiescé sans soulever la moindre observation.
C... M... deviendrait quant à lui officiellement Directeur du laboratoire d'oenologie (Z... D... étant la détentrice du titre vis à vis du label COFRAC car C... M... ne pouvait être Responsable qualité et Directeur (à savoir juge et partie) quand J... V... serait définitivement capable d'être "Responsable qualité". C... M... a indiqué que J... V... avait une formation très spécifique et qu'elle réussirait sa qualification sans problème.
Après cette dernière précision, la discussion sur ce sujet s'est achevée sans que quiconque ne s'oppose à cette clarification de l'organisation. Nous sommes alors passés sur le sujet "projet pépinière" porté par C... M... .";

Attendu qu'une rétrogradation de Monsieur M... à des fonctions de directeur de laboratoire et chef de projet de la création pépinière n'est pas mise en évidence, au regard des termes du procès-verbal d'assemblée générale du 26 mai 2016 ; que Monsieur M... reste membre du comité de direction tripartite avec Madame D... et Monsieur E..., le PV mentionnant clairement ce point ; que pas davantage, Monsieur M... ne retrouve des fonctions inférieures à ses anciennes fonctions, occupées avant juin 2012 ; qu'avant le mois de juin 2012, Monsieur M... était ingénieur junior d'application échelle C indice 514, tandis qu'après l'assemblée générale de mai 2016, il est membre du comité de direction tripartite, ingénieur senior échelle A indice 587, responsable du programme terroir et responsable du programme pépinière, et en charge officielle de la direction du laboratoire, sans que sa rémunération ne soit diminuée, ainsi que la prime de direction (comme cela ressort des bulletins de salaire et attestation du commissaire aux comptes du 19 décembre 2016) ;

Qu'il ressort de la comparaison entre les attributions de Monsieur M... , telles que fixées par l'organigramme annexé au PV d'Assemblée générale de 2012, leurs modalités d'exercice entre 2012 et 2016 par Monsieur M... au vu des différentes pièces produites, et les termes du PV d'assemblée générale de mai 2016, que les attributions de Monsieur M... ont été réduites, s'agissant des aspects transversaux de gestion administrative, juridique et bancaire, où il intervenait, soit avec Madame D..., soit seul ; qu'en revanche, Monsieur M... s'est vu confier officiellement la direction du Laboratoire, alors qu'il n'avait jusque là que le rôle de responsable qualité ; que de même, le PV de mai 2016 a acté officiellement son rôle de responsable du programme pépinière, très important pour l'Association C.R.V.I. ; que si une réduction des attributions est existante, elle est donc bien moindre que celle dont fait état Monsieur M... ;

Qu'il convient de rappeler qu'au sens de la jurisprudence, une réduction des attributions est distincte d'une altération des attributions et n'emporte pas, dès lors que leur qualité est maintenue, à elle seule modification du contrat du travail, a fortiori si le salarié, comme c'est le cas en l'espèce, a conservé l'essentiel de ses attributions (attributions qui ne sont pas inférieures à sa qualification), sa qualification et sa rémunération ;

Que dans le même temps, l'existence d'un lien hiérarchique entre Madame D... et Monsieur M... , suite au PV d'Assemblée générale de mai 2016, n'est clairement pas démontré, au travers des éléments du dossier, les pièces invoquées par le salarié (singulièrement le courriel de la Présidente de l'Association C.R.V.I. en date du 7 juillet 2016 adressé à Maître R...) étant contredites par d'autres pièces produites par l'employeur (notamment l'écrit de Monsieur S... E... du 28 octobre 2016, aux termes duquel celui-ci pointe "l'absence de subordination entre Z... D..., C... M... et [lui]-même") ; que la création de ce poste de directeur général, confié à Madame D..., n'a manifestement fait qu'officialiser son rôle prépondérant au sein du comité de direction collégiale, rôle qui ressortait déjà de l'organigramme annexé au PV de juin 2012, et confirmé au travers de diverses pièces du dossier (émanant de salariés telle Madame N..., ou d'interlocuteurs de l'Association C.R.V.I., tels que Corsic'Agropole, FranceAgriMer, Inter Bio Corse); que la création de cet échelon intermédiaire n'a pas entraîné de déclassement de Monsieur M... , qui a conservé sa qualification, ses fonctions d'ingénieur senior et membre du comité de direction tripartite et sa position hiérarchique au regard du personnel ;

Que les termes du courriel de la Présidente de L'Association C.R.V.I. en date du 7 juillet 2016 adressé à Maître R... ne constituent pas la reconnaissance d'une modification unilatérale du contrat de travail et de la nécessité de recueil de l'accord du salarié ;

Que consécutivement, l'existence d'une modification unilatérale du contrat de travail à compter de mai 2016 n'est pas démontrée, ni l'existence d'un manquement de l'employeur d'une gravité suffisante, pour empêcher la poursuite du contrat de travail ;

Attendu qu'en l'absence d'un manquement de l'employeur d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, Monsieur M... sera donc débouté de ses demandes aux fins :
- de requalifier la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur M... en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- de condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes:
65 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
23 051,51 euros à titre d'indemnité de préavis,
2 305,15 euros au titre des congés payés y afférents ;

Que le jugement entrepris sera confirmé à ces égards ;

3) Sur le licenciement

Attendu que Monsieur M... sollicite que son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, notifié par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 5 avril 2018, soit dit sans cause réelle et sérieuse ; Qu'il expose que l'inaptitude résultait directement du comportement fautif de l'employeur, puisque la situation anxiogène créée par l'employeur, au vu des modifications unilatérales du contrat et rétrogradation de fait, était à l'origine de la maladie du salarié, ayant finalement abouti à l'avis d'inaptitude ; Que Monsieur M... produit au soutien de sa demande les pièces suivantes : courrier du Docteur U... du 20 janvier 2018 adressé à la médecine du travail, ordonnance du Docteur U... du 30 janvier 2018, arrêts de travail du 19 février au 8 avril 2018 (motivés par un "épisode dépressif sévère") ;

Que toutefois, il y a lieu de constater que :
- le courrier du Docteur U..., psychiatre, en date du 20 janvier 2018 (alors qu'il précise suivre le patient de manière hebdomadaire depuis le 17 janvier 2018 uniquement) est établi au regard des dires du salarié,
- comme le relève l'employeur, le premier arrêt de travail motivé par un "épisode dépressif sévère", date du 19 février 2018, soit près de deux ans après l'introduction de l'instance prud'homale par Monsieur M... , alors que celui-ci est en arrêt maladie de façon constante depuis le 21 mars 2016,
- l'arrêt de travail de Monsieur M... initial du 4 au 14 janvier 2016 était motivé par une "sciatique droite aigue", tandis que les arrêts de travail à compter du 21 mars 2016 et de prolongation ont été établis à la suite d'une intervention chirurgicale au dos,
- la demande de reconnaissance déposée par le salarié pour "maladie professionnelle sciatique droite" (et non pour épisode dépressif), a été rejetée par la MSA par courrier du 23 janvier 2018,"pour les motifs suivants : En raison de la nature des travaux effectués, le comité ne reconnaît pas un lien direct entre l'affection déclarée et la profession exercée. 90 à 95% de son temps de travail revêtant un caractère purement administratif ou d'encadrement",
- les avis réalisée par la médecine mentionnent, s'agissant du premier examen de visite de reprise du 16 février 2018 "Inaptitude temporaire. Un deuxième examen sera réalisé dans deux semaines. Une étude de son poste de travail et une rencontre avec l'employeur seront réalisées par mes soins prochainement", et pour le second examen de visite de reprise du 8 mars 2018 "Inaptitude totale et définitive au poste précédemment occupé", le cas de dispense de l'obligation de reclassement suivant "tout maintien dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé" étant coché par le médecin du travail ; que ces avis ne font pas état d'une origine professionnelle de l'inaptitude ;

Qu'au regard de ce qui précède, Monsieur M... échoue à démontrer que l'inaptitude résulte directement du comportement de l'employeur, a fortiori d'un comportement fautif de celui-ci;
Qu'il sera donc débouté de ses demandes subsidiaires, nouvelles en cause d'appel (dont la recevabilité n'est toutefois pas contestée, au regard de la date d'introduction de l'instance prud'homale), demandes tendant à :
- requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes:
65 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
23 051,51 euros à titre d'indemnité de préavis,
2 305,15 euros au titre des congés payés y afférents ;

4) Sur le solde de tout compte

Attendu que la demande de Monsieur M... tendant à la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 31071,09 euros au titre de paiement du solde de tout compte, est désormais sans objet, comme l'exposent les parties, le règlement des sommes objet du solde de tout compte ayant été effectué par l'employeur et encaissé par Monsieur M... ;

5) Sur les autres demandes

Attendu Monsieur M... , succombant à l'instance, sera condamné aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant confirmé sur ce point) et de l'instance d'appel ;

Que ne sera pas prévue de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards ;

PAR CES MOTIFS

L A C O U R,

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

REJETTE la demande de Monsieur C... M... aux fins de révocation de l'ordonnance de clôture et de renvoi de l'affaire à la mise en état et DIT que les conclusions au fond du 6 décembre 2018 et pièces (numérotées 105 à 109) nouvelles communiquées par Monsieur M... ne sont pas reçues aux débats,

CONFIRME le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Bastia le 22 janvier 2018, tel que déféré,

Et y ajoutant,

DEBOUTE Monsieur C... M... de ses demandes tendant à :
- requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes:
65 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
23 051,51 euros à titre d'indemnité de préavis,
2 305,15 euros au titre des congés payés y afférents,

DIT sans objet la demande de Monsieur C... M... tendant à condamner l'employeur à lui verser une somme de 31 071,09 euros au titre de paiement du solde de tout compte,

DEBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE Monsieur C... M... aux dépens de l'instance d'appel,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 18/000344
Date de la décision : 20/02/2019
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2019-02-20;18.000344 ?
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