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20/02/2019 | FRANCE | N°18/000334

France | France, Cour d'appel de Bastia, 04, 20 février 2019, 18/000334


ARRET No
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20 Février 2019
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R No RG 18/00033 - No Portalis DBVE-V-B7C-BYAD
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SA FRAIKIN FRANCE
C/
C... T...
----------------------Décision déférée à la Cour du :
22 janvier 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BASTIA
16/00270
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANTE :

SA FRAIKIN FRANCE, prise en la personne de son représentant légal,
No SIRET : 343 648 880r>[...]
Représentée par Me Camille Antoine DONZEL pour Me Cédric GUILLON de la SCP FREMONT BRIENS, avocats au barreau de PARIS, et...

ARRET No
-----------------------
20 Février 2019
-----------------------
R No RG 18/00033 - No Portalis DBVE-V-B7C-BYAD
-----------------------
SA FRAIKIN FRANCE
C/
C... T...
----------------------Décision déférée à la Cour du :
22 janvier 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BASTIA
16/00270
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANTE :

SA FRAIKIN FRANCE, prise en la personne de son représentant légal,
No SIRET : 343 648 880
[...]
Représentée par Me Camille Antoine DONZEL pour Me Cédric GUILLON de la SCP FREMONT BRIENS, avocats au barreau de PARIS, et Me Christian FINALTERI, avocat au barreau de BASTIA

INTIME :

Monsieur C... T...
[...]
Représenté par Madame F..., défenseur syndical,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 décembre 2018 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président

GREFFIER :

Mme COMBET, Greffier lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 20 février 2019

ARRET

Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre faisant fonction de président et par Mme COMBET, Greffier présent lors de la mise à disposition de la décision.
EXPOSE DU LITIGE

Monsieur C... T... a été embauché par la S.A. Fraikin France, en qualité de mécanicien, suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet du 25 avril 2011. Dans le dernier état de la relation contractuelle, il occupait les fonctions de responsable d'atelier. Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

Selon courrier en date du 5 juillet 2016, la S.A. Fraikin France a convoqué le salarié à un entretien préalable à un licenciement fixé au 18 juillet 2016 et Monsieur C... T... s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 21 juillet 2016.

Monsieur C... T... a saisi le Conseil des prud'hommes de Bastia, par requête du 7 novembre 2016, de diverses demandes.

Selon jugement du 22 janvier 2018, le Conseil des prud'hommes de Bastia a :
- dit le licenciement de Monsieur C... T... sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la S.A. Fraikin à verser à Monsieur C... T... les sommes suivantes:
48 656,40 euros brut au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit vingt mois de salaire,
14 596,92 euros brut à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, soit six mois de salaire,
4 865,64 euros brut au titre de deux mois de préavis
2 432,82 euros d'indemnité de licenciement,
- condamné la S.A. Fraikin, employeur, à verser à l'organisme Pôle emploi le remboursement des indemnités de chômage dans la limite de six mois,
- condamné la S.A. Fraikin aux dépens.

Par déclaration adressée par lettre recommandée avec avis de réception au greffe le 5 février 2018, la S.A. Fraikin France a interjeté appel de ce jugement, en chacune de ses dispositions. Le dossier d'appel a été enregistré sous le numéro 18/00033.

Par déclaration électronique adressée au greffe le 19 février 2018, la S.A. Fraikin France a interjeté un nouvel appel du jugement précité, en chacune de ses dispositions, déclaration d'appel visant à régulariser la première. Le dossier d'appel a été enregistré sous le numéro 18/00042.

Selon ordonnance du 27 avril 2018, a été ordonné la jonction des deux procédures enregistrées sous le numéro 18/33 et 18/42 pour être statué par un seul et même arrêt portant le premier de ces numéros.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 27 avril 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, l'appelante a sollicité :
- d'infirmer le jugement dans son intégralité et statuant à nouveau:
- après avoir dit et jugé que le licenciement reposait sur une cause grave, de débouter Monsieur T... de l'ensemble de ses demandes,
- de condamner Monsieur T... au versement de 2500 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l'instance.

Elle a exposé :
- que le licenciement pour faute grave était fondé, compte tenu de grave manquement du salarié à ses obligations (découverte le 1er juillet 2016 de la signature par le salarié le 30 mars 2016 d'un registre de vérification alors que le véhicule n'était pas présent et n'avait pu être vérifié), ayant pour effet de nuire à l'image de la société vis à vis de ses clients et susceptible d'engager la responsabilité pénale de la société en cas d'accident, étant en outre rappelé que le salarié avait été précédemment sanctionné pour des faits de retards nombreux dans la réalisation des visites préventives et des visites réglementaires dont le salarié avait la charge,
- que le salarié ne pouvait contester n'avoir pas effectué la visite le 30 mars 2016, dans la mesure où :
* le véhicule, dont le numéro d'immatriculation du véhicule avait changé, ne pouvait être vérifié le 30 mars 2016, se trouvant à plusieurs heures de distance des locaux de l'agence,
* l'attestation produite par le salarié (émanant de Monsieur H...) faisait état d'un contrôle du véhicule concerné le 20 mars 2016, soit un dimanche, jour de fermeture, nécessairement non travaillé par Monsieur T..., comme le démontrait au surplus ses bulletins de salaire,

- que des faits fautifs antérieurs avaient été sanctionnés (étant relevé que le fait que d'autres agences aient pu accuser des retards n'excusait pas pour autant les manquements du salarié), et que les faits objets du licenciement, distincts de ceux déjà sanctionnés, n'étaient pas prescrits, étant rappelé en sus que l'article L 1332-5 du code du travail permettait de mentionner dans la lettre de licenciement des faits fautifs déjà sanctionnés remontant à moins de trois années,
- que le salarié ne démontrait pas avoir subi un préjudice distinct de celui lié au licenciement,
- subsidiairement, que le licenciement était fondée sur une cause réelle et sérieuse, de sorte que le salarié devait être débouté de ses demandes indemnitaires, et de manière infiniment subsidiaire, si le licenciement était jugé sans cause réelle et sérieuse, que l'indemnisation devait être limitée à six mois de salaire.

Aux termes des écritures du délégué syndical mandaté pour le représenter, transmises au greffe en date du 7 septembre 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur C... T... a demandé :
- de confirmer le jugement rendu,
- de dire que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse,
- de condamner la Société Fraikin à lui verser les sommes de
58 387,68 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
58 387,68 euros pour réparer le préjudice moral subi et la dépression découlant de son licenciement abusif,
4 865,64 euros au titre de deux mois de préavis,
2 432,82 euros d'indemnité légale de licenciement,
- de condamner la Société Fraikin à lui verser une somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il a fait valoir :
- que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse:
* s'agissant du premier grief, de retard dans la réalisation des visites préventives et réglementaires, la lettre de licenciement mentionnait des faits supérieurs à deux mois, n'ayant pas déjà donné lieu à sanctions,
* que l'inanité du grief ressortait d'autant plus nettement que le salarié avait été primé pour son travail en avril 2015 et avril 2016 avec courrier de félicitations de l'employeur,
* que pour le second grief, le client attestait de la réalisation de la visite par Monsieur T..., les bons de travaux visés dans la lettre de licenciement ne correspondant pas au véhicule concerné,
- que le licenciement était motivé en réalité par la volonté du directeur de lui imputer les retards de l'agence de Bastia, alors que le salarié n'avait eu de cesse de réclamer des solutions pour y remédier,
- qu'en sus des indemnités de rupture, des dommages et intérêts réparant le licenciement sans cause réelle et sérieuse étaient justifiés, mais également des dommages et intérêts pour préjudice distinct, la perte de son emploi l'ayant contraint à saisir la commission de surendettement et ayant engendré une grave dépression.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 12 septembre 2018, avec appel de l'affaire à l'audience de plaidoirie du 11 décembre 2018, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 20 février 2019.

MOTIFS

1) Sur la recevabilité de l'appel

Attendu que la recevabilité de l'appel, objet d'une régularisation par l'appelant dans le délai de trois mois pour conclure, n'est pas discutée ; que les éléments du dossier ne conduisent pas la Cour à le faire d'office ;

2) Sur les demandes afférentes au licenciement

Attendu que l'article L 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à une cause réelle et sérieuse ; qu'en application de l'article L 1235-1 du code du travail, lorsqu'il est saisi du bien fondé d'une mesure de licenciement, le juge se détermine au vu des éléments qui lui sont fournis par les parties, le doute devant profiter au salarié ; qu'il est néanmoins admis qu'il appartient à l'employeur d'établir de façon certaine la réalité des faits et de fournir au juge des éléments permettant de caractériser leur caractère suffisamment sérieux pour légitimer le licenciement ;

Attendu qu'il convient donc, en premier lieu, d'apprécier la réalité des faits énoncés par la lettre de licenciement fixant de manière irrévocable les limites du litige, puis le sérieux du motif invoqué ;

Que ce n'est que dans un second temps, lorsque la légitimité du licenciement est tenue pour acquise que l'employeur peut chercher à s'exonérer des indemnités de rupture en invoquant la faute grave du salarié, étant précisé que la charge de la preuve de la gravité de la faute incombe exclusivement à l'employeur ;

Que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ;

Attendu que sur le fond, la lettre de licenciement datée du 21 juillet 2016 mentionne :

"Monsieur,
Nous vous avons convoqué, par LRAR datée du 05 juillet 2016, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 18 juillet suivant et auquel vous ne vous êtes pas présenté.
Nous sommes au regret de vous informer de votre licenciement pour faute grave pour les motifs suivants.
Vous êtes embauché dans notre société depuis [le] 25 avril 2011 et occupiez en dernier lieu les fonctions de responsable d'atelier, coefficient 175, de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires des transports.
A ce titre, vous étiez en charge, notamment, de vous assurer de la planification et de la parfaite réalisation des visites des véhicules loués à nos clients, dans le cadre de visites:
-"préventives", lesquelles consistent, conformément aux procédures et instructions de la direction technique, organiser l'atelier et l'exécution de tous les travaux de maintenance des véhicules de l'agence ;
-et "réglementaires", lesquelles consistent, conformément à la loi, à s'assurer que lesdits [véhicules] sont en parfait état de fonctionnement, et respectent les règles élémentaires de sécurité et anti-pollution imposées par la réglementation.
Vous vous êtes rendu l'auteur, à cet égard, de graves manquements à vos obligations professionnelles et contractuelles.
. Au cours du 2nd semestre de l'année 2015, nous avons été amenés à constater de graves dysfonctionnements quant à l'accomplissement de cette mission précise.
En effet, ont été constatés de nombreux retards dans la réalisation des visites préventives dont vous aviez la responsabilité.
Dans ce cadre, vous avez été reçu par Monsieur N... S..., Contrôleur Technique de Zone et moi-même, le 20 janvier 2016. Nous vous avons fait part de ces dysfonctionnements, et du caractère anormalement élevé du "taux préventif" de l'atelier dont vous étiez en charge.
Mais malgré ce rappel à l'ordre et votre engagement en ce sens, les mêmes dysfonctionnements ont continué de se produire.
C'est pourquoi il a été décidé, le 10 mai 2016, de vous convoquer à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire fixé au 19 mai 2016.
Le lendemain toutefois, alors que vous étiez absent, nous avons constaté qu'en plus des retards importants accumulés dans la réalisation des visites préventives, des retards existaient également dans l'accomplissement des visites réglementaires dont vous étiez responsable.
En conséquence, nous vous avons convoqué, par lettre RAR en date du 11 mai 2016 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 23 mai 2016, laquelle annulait et remplaçait la convocation de la veille.
Au terme de cette procédure, nous avons néanmoins décidé de ne vous notifier qu'une mise à pied disciplinaire de 3 jours, par LRAR du 27 mai suivant, espérant ainsi que vous prendriez l'entière mesure des améliorations que nous attendions de vous.
. Le 20 mai 2016, vous avez été arrêté par votre médecin traitant.
Compte tenu de cette absence, nous nous sommes organisés afin d'assurer la continuité de vos missions.
Dans ce cadre, le 01 juillet 2016, en reprenant le dossier des visites réglementaires hayon du véhicule immatriculé [...], en vue de la préparation de la prochaine visite obligatoire, nous avons constaté que vous aviez signé le registre de vérification le 30 mars 2016 (date limite de validation de la visite réglementaire) et que vous l'aviez validé informatiquement le même jour (job no=1624000386).
Vous avez indiqué sur le job que le véhicule avait 171550 kilomètres au compteur lors du passage en atelier pour la visite hayon le 30 mars.
Or en vérifiant le job no=1624000454 effectué le lendemain le kilométrage avait bougé de 1778 kilomètres par rapport à la veille.
Nous nous sommes renseignés auprès de notre client Messagerie de Balane pour obtenir plus d'informations.
Or, il s'est avéré que le 30 mars 2016, physiquement, le véhicule ne pouvait être présent à l'agence puisqu'il était à CALVI qui se situe à 3h de route A/R de l'agence (bordereau de tournée BTOBAL 000217262 et BTOBAL 000217264).
La visite hayon n'a donc pas pu être faite contrairement à ce que vous indiquez le 30/03/2016 dans le document examen de l'état de conservation et essai de fonctionnement.
Le véhicule n'est en effet arrivé dans nos locaux que le lendemain.
Nous avons donc découvert avec stupéfaction que vous aviez signé le registre de vérification alors même que le véhicule n'était pas présent en atelier et n'avait pu être vérifié, ce qui est inadmissible.
Cette manipulation volontaire a eu pour effet de le faire disparaître de la liste des visites réglementaires, alors même que cette visite n'a jamais eu lieu.
Vous n'ignoriez pas pourtant, en votre qualité de Responsable d'atelier, l'importance que revêtent ces visites qui, prescrites par la loi, sont susceptibles d'engager la responsabilité pénale de l'entreprise en cas d'accident, et plus largement de nuire à l'image de la société vis à vis des clients.
Nous vous rappelons que ces faits constituant un manquement graves à vos obligations professionnelles, et ce d'autant qu'ils s'inscrivent dans la continuité des manquements déjà constatés peu de temps auparavant. La volonté de dissimuler s'ajoute à la gravité des faits, qui démontrent votre désintérêt profond pour vos fonctions.
Par conséquent, la gravité des faits exposés plus avant rendent impossible votre maintien dans la Société.
Votre licenciement prend donc effet immédiatement et votre solde de tout compte sera arrêté à la date de première présentation de cette lettre par les services de la Poste, sans indemnité de préavis et de licenciement [...] " ;

Attendu qu'aux termes de cette lettre de licenciement, la S.A. Fraikin France, qui se place sur le terrain disciplinaire, émet un grief à l'égard de Monsieur C... T..., tenant à l'absence de réalisation de la visite hayon sur le véhicule immatriculé [...] le 30 mars 2016, avec signature du registre de vérification alors que le véhicule n'était pas présent en atelier et n'avait pu être vérifié ;

Qu'il convient d'observer aucune prescription n'est invoquée par le salarié s'agissant des faits, objet du grief invoqué à l'appui du licenciement, faits que l'employeur expose avoir découvert le 1er juillet 2016 ;

Que parallèlement, contrairement à ce qu'indique Monsieur T..., la lettre de licenciement ne mentionne pas d'autres griefs, les faits objets d'une mise à pied disciplinaire de trois jours par lettre recommandée du 27 mai 2016 étant simplement rappelés dans la lettre de licenciement ;

Que s'agissant du grief invoqué dans la lettre de licenciement, l'employeur verse aux débats plusieurs pièces (demandes d'intervention 1624000364 et 1624000375 entrée du véhicule, enregistrement des visites et épreuves [avant mise en service et visites annuelles], registre de vérification signée par Monsieur T..., bordereaux de tournée BTOBAL000217264, BTOBAL000217262) et s'appuie en outre sur les termes de l'attestation de Monsieur Jacques H..., que verse le salarié au dossier ;

Qu'il ressort de ces éléments que Monsieur T..., responsable d'atelier, a signé le registre de vérification afférent à la visite hayon du véhicule [...] le 30 mars 2016, avec un kilométrage mentionné lors de la visite de 171550, tandis que le 1er avril 2016 pour le même véhicule un kilométrage de 173228 a été relevé par un autre salarié ; que s'il n'est pas établi que les bordereaux de tournée BTOBAL000217264, BTOBAL000217262 concernent le véhicule [...], faute de démonstration d'une immatriculation antérieure de ce véhicule en [...], il est mis en évidence dans l'attestation de Monsieur H... (responsable de parc à la Société Messagerie de Balagne, détentrice du véhicule [...]) que la visite hayon du véhicule [...] par Monsieur T... n'est pas intervenue le 30 mars 2016, puisqu'il est évoqué sans équivoque (et sans erreur matérielle, puisque Monsieur H... distingue la date du 20 mars de celle du 30 mars) une visite hayon du 20 mars 2016 ; qu'or, l'employeur rappelle, sans être démenti par le salarié à cet égard, que le 20 mars 2016 était un dimanche, jour de fermeture de l'agence, et nécessairement non travaillé par Monsieur T... (ce que confirme le bulletin de salaire) ;

Qu'il se déduit de ces éléments, que Monsieur T... n'a pas effectué la visite hayon du véhicule le 30 mars 2016, malgré la date indiquée par ses soins lors de la signature du registre de vérification ; qu'au regard de la différence de kilométrage sus-évoquée, le véhicule n'était pas présent à l'atelier à cette date ;

Que parallèlement, Monsieur T... ne produit pas de pièce, justifiant de l'inanité du grief invoqué par l'employeur, ou faisant peser un doute suffisant sur ledit grief, ni de pièces démontrant que le grief invoqué ne correspond pas au motif réel du licenciement ;

Attendu qu'au vu de ce qui précède, du caractère établi du grief invoqué, il convient de considérer que licenciement de Monsieur T... par la S.A. Fraikin France est fondé sur une cause réelle et sérieuse ; que Monsieur T... sera donc débouté de sa demande tendant à dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et à condamner l'employeur à lui verser une somme à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement entrepris sera infirmé à ces égards, et en ce qu'il a condamné l'employeur, à verser à l'organisme Pôle emploi le remboursement des indemnités de chômage dans la limite de six mois ;

Que l'employeur souligne que ces faits ne permettaient pas d'envisager le maintien du salarié dans l'entreprise, pendant la durée du préavis ; que ce moyen paraît pertinent, au vu des fonctions exercées par le salarié dans l'entreprise (responsable d'atelier), de l'existence d'une sanction disciplinaire récente pour d'autres faits (mise à pied de trois jours notifiée par lettre du 27 mai 2016), de la nature des faits ayant fondé le licenciement, et des conséquences pouvant en découler pour l'employeur ;

Que le licenciement pour faute grave de Monsieur T... par la S.A. Fraikin France est ainsi justifié ;

Que le licenciement pour faute grave étant établi, les indemnités de licenciement et préavis ne sont pas dues, le salarié étant débouté de ses demandes à ces égards et le jugement infirmé sur ces points ;
Que Monsieur T... sera également débouté de sa demande de condamnation de l'employeur à lui verser des dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi du fait du licenciement abusif et le jugement entrepris infirmé sur ce point ;

3) Sur les demandes accessoires

Attendu que Monsieur T..., succombant à l'instance, sera condamné aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant infirmé sur ce point) et de l'instance d'appel ;
Que l'équité ne commande pas de prévoir de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards ;

PAR CES MOTIFS

L A C O U R,

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

CONSTATE que la recevabilité de l'appel interjeté par la S.A. Fraikin France n'est pas contestée,

INFIRME le jugement rendu par le Conseil des prud'hommes de Bastia le 22 janvier 2018 en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement pour faute grave dont Monsieur C... T... a été l'objet de la part de la S.A. Fraikin France est fondé,

DEBOUTE Monsieur C... T... de ses demandes,

DEBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur C... T... aux dépens de première instance et de l'instance d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 18/000334
Date de la décision : 20/02/2019
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2019-02-20;18.000334 ?
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