ARRET No
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16 Janvier 2019
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R No RG 18/00019 - No Portalis DBVE-V-B7C-BX5G
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Y... M...
C/
SARL MEDIATERRA
----------------------Décision déférée à la Cour du :
08 janvier 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BASTIA
F15/00152
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COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : SEIZE JANVIER DEUX MILLE DIX NEUF
APPELANTE :
Madame Y... M...
[...]
[...]
[...]
Représentée par Me Pasquale VITTORI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEE :
SARL MEDIATERRA Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité audit siège No SIRET : 378 511 869 [...]
Représentée par Me Dominique CASANOVA, avocat au barreau de PARIS et Me Jean-pierre RIBAUT-PASQUALINI de la SCP RIBAUT-PASQUALINI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 novembre 2018 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président
GREFFIER :
Mme COMBET, Greffier lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2019
ARRET
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre faisant fonction de président et par Mme COMBET, Greffier présent lors de la mise à disposition de la décision.
***
EXPOSE DU LITIGE
Madame Y... M... a été embauchée par la S.A.R.L. Mediaterra, en qualité de secrétaire, suivant contrat de travail à durée déterminée, du 7 octobre 1999 au 6 janvier 2000, reconduit par avenant du 6 janvier au 6 février 2000, puis suivant contrats de travail à durée déterminé sur la période du 10 avril au 31 décembre 2000. A compter du 1er janvier 2001, la relation de travail entre les parties s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, la salariée occupant les fonctions d'assistante générale, secrétaire administrative, secrétaire comptable, secrétaire commerciale, assistante PAO.
Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale de travail des employés de la presse hebdomadaire régionale.
Selon courrier en date du 18 mai 2015, la S.A.R.L. Mediaterra a convoqué la salariée à un entretien préalable à un licenciement fixé au 27 mai 2015.
Madame Y... M... s'est vue notifier son licenciement pour motif économique par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 5 juin 2015. Elle a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 15 juin 2015.
Madame Y... M... a saisi le Conseil de prud'hommes de Bastia, par requête reçue le 27 juillet 2015, de diverses demandes.
Selon jugement du 8 janvier 2018, le Juge départiteur près le Conseil de prud'hommes de Bastia a :
- débouté Madame Y... M... de ses demandes,
- débouté la S.A.R.L. Mediaterra de sa demande de dommages et intérêts,
- dit ne pas faire application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné Madame Y... M... aux dépens.
Par déclaration enregistrée au greffe le 29 janvier 2018, Madame M... a interjeté appel de ce jugement, en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes (à savoir à titre principal : condamner l'employeur à verser les sommes suivantes : 40000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au regard du motif économique invoqué et la violation de l'obligation de reclassement, 5000 euros pour violation des critères de licenciement, 2500 euros au titre des frais irrépétibles, ordonner la rectification du certificat de travail sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ordonner l'exécution provisoire ; à titre subsidiaire, si besoin était : ordonner à l'employeur de produire aux débats : les bilans de la SCI Mp Location sur les trois années ayant précédés le licenciement- le détail des primes exceptionnelles versées sur trois ans aux salariés de la société Mediaterra et la société Mediaterra Consultants).
Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 25 avril 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame Y... M... a demandé :
- d'infirmer le jugement en ses dispositions querellées et statuant à nouveau :
* avant dire droit, d'ordonner à l'employeur de produire aux débats : les bilans de la SCI Mp Location sur les trois années ayant précédés le licenciement, le détail des primes exceptionnelles versées sur trois ans aux salariés de la société Mediaterra et la société Mediaterra Consultants,
* principalement, de condamner l'employeur à verser les sommes suivantes :
40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au regard du motif économique invoqué et la violation de l'obligation de reclassement,
5 000 euros pour violation des critères de licenciement,
2 500 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle a fait valoir :
- que le licenciement économique, tel que motivé dans la lettre de licenciement fixant les limites du litige, était dépourvu de cause réelle et sérieuse, dans la mesure où :
* l'employeur, qui produisant des pièces incomplètes et des études comptables (études devant être écartées des débats en l'absence de neutralité nécessaire), ne démontrait aucunement les difficultés économiques alléguées, la baisse du chiffre d'affaire ne mettant aucunement en péril l'équilibre de la société, ni les dettes existantes, tandis que l'actif de la société montrait une hausse constante et que les ventes de marchandises avaient augmenté de 2014 à 2015, ce que mettait en lumière l'analyse de cabinet d'expertise comptable produite par la salariée aux débats, analyse non suspecte de partialité,
* le résultat n'était négatif pour l'année 2014-2015 qu'en raison d'une "dotation aux provisions pour risque" de 40 000 euros, afférente à la procédure prud'homale éventuelle concernant la salariée, et que sans le licenciement le résultat aurait été positif,
* une action volontaire de gestion, non précisément identifiée, était intervenue en 2015 pour un montant de 111929 euros, venant diminuer volontairement les actifs,
* l'entreprise n'avait pas perdu de marchés mais choisi de répondre à moins de marchés publics,
* l'arrêt d'édition du guide des restaurants corse correspondait à un choix de l'entreprise, non dicté par des difficultés financières, ce guide étant rentable,
* les difficultés devaient s'apprécier au niveau du groupe dans la limite du secteur d'activité auquel appartenait l'entreprise, incluant la S.A.R.L. Mediaterra Consultants (pour laquelle les bilans étaient produits) et la S.C.I. Mp Location (pour laquelle aucun bilan n'était versé par l'employeur, malgré sommation de communiquer) que le juge départiteur avait à tort exclu du périmètre d'appréciation, structures du groupe ne connaissant aucune difficulté économique, pas plus que le secteur d'activité n'était en difficulté,
* l'employeur devait démontrer la réalité de suppression de poste de la salariée et des motifs pour lesquels d'autres choix de licenciements ou d'économies (par exemple sur primes exceptionnelles) n'avaient pas été privilégiés,
* en réponse aux moyens adverses, l'entreprise et la S.A.R.L. Mediaterra Consultants n'étaient aucunement des micro entreprises centrées sur la Corse, au regard de leur chiffre d'affaire et de leurs activités géographiques, et l'analyse des difficultés incluant la période arrêtée à juin 2015 ne pouvait être limitée au chiffre d'affaires communication mais au chiffre d'affaires global,
* l'employeur ne justifiait pas de l'absence de poste disponible de reclassement de catégorie équivalente ou inférieure, ni de recherches concrètes de reclassement au sein du groupe entendu souplement (incluant sociétés partenaires et sous traitantes), éventuellement par modification ou aménagement du contrat de travail ou recherche de formation,
- que des dommages et intérêts substantiels étaient dès lors justifiés, étant précisé que la salariée était toujours au chômage et n'avait travaillé que dans le cadre de contrats à courte durée, outre une indemnité pour violation des critères d'ordre du licenciement, l'employeur n'invoquant aucun critère pris en compte, exposant seulement que cet emploi était le seul de cette catégorie dans l'entreprise,
- que la demande de l'employeur pour procédure abusive devait être rejetée comme n'ayant aucun fondement.
Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 5 juillet 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A.R.L. Mediaterra a sollicité :
- de confirmer le jugement rendu en ce qu'il a [mots manquants]
- de débouter Madame M... de l'intégralité de ses demandes, formulées avant dire droit, à titre principal ou subsidiaire,
- de réformer le jugement rendu en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de Madame M... au titre d'une procédure abusive et statuant à nouveau, de condamner Madame M... à lui verser une somme de 7000 euros de dommages et intérêts pour procédure et recours abusifs,
- de condamner Madame M... à lui verser 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens d'instance.
Elle a exposé :
- que la demande avant dire droit de Madame M... était irrecevable, comme ne répondant pas aux exigences de l'article 562 du Code de procédure civile, la demande ne correspondant plus à celle formée lors de la déclaration d'appel (où la demande de production de pièces était subsidiaire),
- que la demande de production de pièces était immotivée, s'agissant des bilans de la S.C.I. Mp en l'absence de lien capitalistique ou de contrôle entre la Société Mediaterra et la S.C.I. Mp Location qui n'appartenait de toute façon pas au même secteur d'activité, et sans objet concernant le détail de primes versées, la Société Mediaterra versant les livres de paie mentionnant les primes, tandis que cette demande était sans intérêt pour la Société Mediaterra Consultants (non employeur de la salariée, ni appelée dans la cause), en l'absence d'impact sur l'appréciation des difficultés économiques,
- que le licenciement économique était pourvu d'une cause réelle et sérieuse puisque :
* les difficultés économiques étaient réelles, au regard des pièces (non tronquées) et des analyses de deux cabinets d'expertise comptable indépendants produites par l'employeur, mettant en lumière une baisse d'activité au regard de la perte de marchés et une baisse de chiffre d'affaires entre 2012 et 2015 de 33,33%, étant rappelé que la vente sur marchandises, dont l'appelante alléguait l'augmentation en 2015, ne présentait qu'une part minime de la production vendue, laquelle par contre accusait une baisse,
* le secteur d'activité communication auquel appartenait la Société Mediaterra connaissait des difficultés durables et substantielles, le chiffre d'affaire presse et communication ayant été divisé par dix en cinq exercices, dynamique négative s'inscrivant dans des difficultés du secteur au plan national depuis une dizaine d'années,
* le poste avait été supprimé et la salariée remplacée par des personnels déjà présents dans l'entreprise, au travers d'un aménagement de la charge de travail, avec primes ponctuelles, ce que confirmait l'examen des livres d'entrées et sorties des deux sociétés du groupe,
* la provision sur litige devait figurer dans les comptes, devant traduire la réalité des risques pensant sur la société,
* l'analyse de cabinet d'expertise comptable versée par l'appelante n'avait portée que sur les comptes de l'exercice clos au 30 juin 2015, et n'était pas neutre,
* il n'appartenait pas au juge de contrôler les choix effectués par l'employeur pour pallier les difficultés rencontrées, contrairement à ce qu'affirmait l'appelante,
* les primes exceptionnelles allouées à deux salariées en 2014 invoquées par la salariée étaient parfaitement justifiées au regarde la surcharge de travail subi en l'absence de Madame M... pendant six mois,
* l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement au sein du périmètre de groupe, aucun emploi de même catégorie ou de catégorie inférieure n'étant disponible, tandis que les sociétés désignées par l'appelante comme partenaires n'étant que des clientes, non incluses dans le périmètre de reclassement et sans permutation envisageable,
- que l'employeur n'avait pas à respecter des critères d'ordre, car le poste occupé par la salariée, était le seul dans sa catégorie professionnelle, et qu'en tout état de cause, la salariée ne rapportait pas de preuve d'un préjudice direct et certain,
- que la salariée ne démontrait pas du préjudice allégué, ayant successivement signé deux CDI en janvier 2016 et mai 2017 auxquels elle avait volontairement mis fin,
- que des dommages et intérêts pour abus du droit d'agit en justice devaient être alloués, la salariée ayant, dans le cadre de la présente instance, fait montre d'une intention de nuire à son ancien employeur, au travers de falsification, déformation ou dissimulation.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 12 septembre 2018, avec appel de l'affaire à l'audience de plaidoirie du 13 novembre 2018.
Le 22 septembre 2018, le conseil de Madame M... a transmis une requête en révocation de l'ordonnance de clôture et en admission des conclusions et pièces transmises le même jour au greffe.
Le 18 octobre 2018, le conseil de la S.A.R.L. Mediaterra a transmis au greffe des conclusions sollicitant le débouté de Madame M... de sa requête en révocation de l'ordonnance de clôture.
A l'audience du 13 novembre 2018, l'affaire a été appelée et la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2019.
MOTIFS
1) Sur la requête en révocation l'ordonnance de clôture et admission de conclusions et pièces postérieures
Attendu que selon l'article 783 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée, ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ; que sont cependant recevables les conclusions en révocation de l'ordonnance de clôture ;
Que suivant l'article 784 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue, la révocation pouvant être décidée d'office ou à la demande des parties ; qu'il est admis que la demande de révocation émanant de partie ne peut être formée que par voie de conclusions ;
Attendu qu'il convient de dire que la demande de révocation de l'ordonnance de clôture et admission de conclusions et pièces, formée pour le compte de Madame M..., par voie de requête, transmise au greffe le 22 septembre 2018 n'est pas recevable, en l'absence de conclusions écrites ;
2) Sur la demande de production de pièces
Attendu que Madame M... sollicite d'ordonner avant dire droit à la S.A.R.L. Mediaterra produire les bilans de la SCI Mp Location sur les trois années ayant précédés le licenciement, mais également le détail des primes exceptionnelles versées sur trois ans aux salariés de la société Mediaterra et la société Mediaterra Consultants ;
Que cette demande n'est pas irrecevable en la forme au regard des dispositions du code de procédure civile, contrairement à ce que soutient la S.A.R.L. Mediaterra, l'appelante étant libre de modifier l'ordre de présentation de ses prétentions par rapport à la première instance ;
Que par contre, la demande de ce chef de Madame M... sera rejetée, au visa de l'article 146 du code de procédure civile, puisqu'il n'appartient pas à la juridiction de suppléer la carence de partie dans l'administration de la preuve ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame M... de sa demande de production de pièces ;
3) Sur la rupture pour motif économique
Attendu qu'il est admis qu'un salarié ayant accepté un contrat de sécurisation professionnelle n'est pas pour autant privé de la possibilité de contester la cause économique de la rupture ou le respect par l'employeur de son obligation de reclassement ;
Que dès lors que la rupture a un motif économique, il doit être vérifié par le juge que ce motif existe et qu'il donne à la rupture de la relation de travail une cause réelle et sérieuse ;
Que pour être justifié, le motif économique invoqué par l'employeur doit réunir deux éléments cumulatifs, au sens de l'article L1233-3 du Code du travail, dans sa version applicable aux données de l'espèce :
- l'élément matériel qui consiste soit en la suppression ou la transformation d'emploi, soit en une modification d'un élément essentiel du contrat de travail,
- l'élément causal, la loi citant notamment les difficultés économiques ou les mutations technologiques auxquelles il convient de rajouter la réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité ainsi que la cessation d'activité ;
Que la cause économique s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient ; que le périmètre du groupe à prendre à considération à cet effet est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L2331-1 du Code du travail, sans qu'il y ait lieu réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national ;
Qu'en outre, il y a lieu de rappeler que, quel que soit le motif économique invoqué, l'employeur est tenu de rechercher, dans l'entreprise ou l'intérieur du groupe auquel appartient le cas échéant la société, toutes les possibilités de reclassement existantes et de proposer au salarié un emploi de même catégorie ou à défaut de catégorie inférieure, fut ce par voie de modification du contrat de travail, en assurant au besoin une simple formation d'adaptation du salarié à une évolution de son emploi ;
Que le périmètre de reclassement au sein d'un groupe s'entend des entreprises du groupe dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel ou la possibilité d'exercer des fonctions comparables ;
Que l'entreprise doit procéder à une recherche loyale et sérieuse de reclassement, étant relevé qu'il s'agit d'une obligation de moyens renforcée ;
Attendu que sur le fond, la lettre de notification de la rupture pour motif économique du 5 juin 2015 mentionne :
"Madame,
Suite à notre entretien du 27 mai 2015, en présence de Madame Q... T..., conseiller du salarié, j'ai le regret de vous informer que nous nous trouvons dans l'obligation de vous licencier pour motif économique en raison de la situation de notre entreprise : perte du marché de réalisation du magazine Espaces naturels, arrêt
d'édition du Guide des restaurants de Corse, baisse importante du chiffre d'affaires. Situation ayant pour conséquence la suppression de votre emploi .
Cette décision intervient après que nous ayons examiné la possibilité de vous reclasser dans notre entreprise ou dans Mediaterra consultants, autre société de notre groupe. Mais comme vous le savez, nous n'avons aucun poste ni existant ni vacant correspondant à votre qualification.
Nous vous rappelons que vous avez la possibilité d'opter pour un contrat de sécurisation professionnelle, selon les modalités qui figurent dans le dossier d'information que nous vous avons remis lors de notre entretien du 27 mai 2015. En cas d'acceptation de votre part, votre contrat de travail sera considéré comme rompu d'un commun accord à l'expiration du délai de 21 jours, soit le 18 juin 2015. Il vous sera alors versé l'indemnité de licenciement à laquelle votre ancienneté vous ouvre droit, ainsi que l'indemnité compensatrice de congés payés et le prorata de 13ème mois. En revanche, votre adhésion au contrat de sécurisation professionnelle vous prive du droit au préavis et à l'indemnité correspondante.
Par ailleurs, vous bénéficierez après la rupture de votre contrat de travail d'un maintien de la garantie de la couverture prévoyance d'une durée de 12 mois.
Dans le cas contraire (si vous n'optez pas pour un CSP) ou en l'absence de réponse de vote part, la présente lettre devra être considérée comme la notification de votre licenciement, la date de sa présentation faisant débuter votre préavis de deux mois [...] " ;
Attendu qu'après avoir évoqué des difficultés économiques, la S.A.R.L. Mediaterra indique qu'une suppression de l'emploi de Madame M... est nécessaire ;
Qu'il n'est pas fait état dans la lettre de notification, fixant les limites du litige, d'une réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, de sorte que cet élément causal n'a pas à être examiné ;
Attendu qu'il n'est pas nécessaire, au regard des données de l'espèce, d'écarter des débats des pièces communiquées par l'une ou l'autre des parties, la Cour étant à même d'en apprécier la pertinence et l'intérêt ;
Attendu que la S.A.R.L. Mediaterra et la S.A.R.L. Mediaterra Consultants constituent un groupe au sens de l'article L 2331-1 du code du travail, ce que ne conteste pas l'employeur ;
Que toutefois, en l'absence d'élément nouveau, la cour estime que le premier juge, par des motifs qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des données de l'espèce, en considérant que la S.A.R.L. Mediaterra et la S.A.R.L. Mediaterra Consultants n'avaient pas le même secteur d'activité ;
Que concernant la S.C.I. Mp Location, celle-ci n'a pas de lien capitalistique de nature à la rattacher dans le cadre d'un groupe d'entreprises à la S.A.R.L. Mediaterra, ni a fortiori de secteur d'activité commun ;
Que dès lors, les difficultés économiques doivent être uniquement appréciées au cas d'espèce, au sein de l'entreprise dont Madame M... était la salariée ;
Attendu que s'agissant des difficultés économiques, celles-ci doivent être caractérisées et s'apprécier au moment où est prise la décision de licencier ; qu'il peut toutefois être tenu compte d'éléments postérieurs, notamment lorsqu'une rupture pour motif économique intervient en prévision de résultats déficitaires qui se sont réellement produits l'année suivant la rupture du contrat de travail ou lorsque la perte du chiffre d'affaires constatée au moment du licenciement a été confirmée par les résultats de fin d'année ;
Qu'il ressort des pièces et éléments comptables produits au dossier que le chiffre d'affaires de la S.A.R.L. Mediaterra a baissé de manière significative de 2012 à 2015, puisque passé de 593053 euros au 30 juin 2012 à 411489 euros au 30 juin 2015, période contemporaine de la rupture pour motif économique du contrat de travail de Madame M... ; que la perte de marché évoquée dans la lettre de licenciement est également justifiée au travers des pièces produites par l'employeur, de même que l'arrêt d'édition du guide des restaurants ;
Qu'en parallèle, le résultat net de l'entreprise a diminué notamment, passant de 57646 euros au 30 juin 2012 à -21475 euros au 30 juin 2015, sans qu'il puisse valablement être reproché à l'employeur d'avoir intégré dans le bilan comptable une "dotation pour provision pour risques" afférente au licenciement et suites possibles concernant Madame M... ;
Que les différents moyens de l'appelante relatif à l'ampleur des actifs de la société ou contestant les choix opérés par l'employeur ne sont pas opérants puisque d'une part, l'actif ne peut être pris en considération pour déterminer des difficultés économiques et que d'autre part, la juridiction n'a pas la faculté d'apprécier les choix opérés par l'employeur, en matière de gestion, et concernant les solutions à apporter aux difficultés économiques connues par l'entreprise ; qu'il convient d'ajouter qu'il n'est pas argué, ni mis en évidence de légèreté blâmable de l'employeur, en lien avec les difficultés économiques observées ;
Qu'au regard de ces éléments, il est mis en évidence que les difficultés économiques, invoquées par l'employeur dans le courrier du 5 juin 2015, sont caractérisées et de nature à justifier d'une suppression de poste, compte tenu de l'ampleur objective de la dégradation financière de la situation de l'entreprise (dans un contexte économique difficile pour les entreprises exerçant dans le secteur de la communication), sans que l'étude de Monsieur U... produite au dossier par l'appelante ne soit à même de remettre en cause cette analyse ;
Qu'au regard du livret d'entrée et de sorties versé, la réalité de la suppression de poste de Madame M... ne peut être contestée ;
Qu'il se déduit de ce qui précède que le motif économique de la rupture est fondé en ses éléments causal et matériel ;
Attendu que concernant le reclassement, l'employeur justifie, au travers des pièces produites, qu'aucun poste n'était disponible au sein du groupe de reclassement, constitué uniquement par la S.A.R.L. Mediaterra et la S.A.R.L. Mediaterra consultants, les autres sociétés évoquées par l'appelante n'étant pas des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettaient la permutation de tout ou partie du personnel ou la possibilité d'exercer des fonctions comparables ;
Que dès lors, aucun manquement de l'employeur n'est caractérisé sur ce point ;
Attendu qu'au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que le caractère réel et sérieux de la rupture pour motif économique est démontré ;
Que consécutivement, la demande de Madame M... de condamnation de l'employeur à lui verser 40000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être rejetée ;
Que le jugement entrepris sera confirmé à ces égards ;
4) Sur les critères d'ordre de licenciement
Attendu que Madame M... sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 5000 euros de dommages et intérêts, pour violation des critères d'ordre du licenciement ;
Que toutefois, comme exactement relevé par le premier juge, Madame M... était la seule salariée de sa catégorie, de sorte que les règles relatives à l'ordre de licenciement ne s'appliquent pas ;
Que consécutivement, elle sera déboutée de sa demande de chef, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point ;
5) Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive
Attendu que la S.A.R.L. Mediaterra demande la condamnation de Madame M... à lui verser une somme de 7000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Que toutefois, comme relevé là encore par le premier juge, il n'est pas démontré que l'action en justice de Madame M... soit abusive, l'intention de nuire invoquée par l'employeur n'étant pas mise en évidence ;
Qu'elle sera donc déboutée de sa demande à cet égard, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point ;
6) Sur les autres demandes
Attendu que la disposition du jugement rendu le 8 janvier 2018 ayant condamné Madame M... aux dépens est devenue irrévocable, n'ayant pas été déférée à la Cour, en l'absence d'appel sur ce point, étant observé que l'annulation du jugement n'a pas été demandée et qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité du litige ; qu'il n'y a donc pas lieu à statuer la concernant ;
Que Madame M... sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel, à laquelle elle succombe principalement ;
Que l'équité ne commande pas de prévoir de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance (le jugement entrepris étant confirmé sur ce point) et d'appel ;
Que les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards ;
PAR CES MOTIFS
L A C O U R,
Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
DIT irrecevable la demande de révocation de l'ordonnance de clôture et admission de conclusions et pièces, formée pour le compte de Madame Y... M..., par voie de requête, transmise au greffe le 22 septembre 2018,
Statuant dans les limites de l'appel,
CONFIRME le jugement rendu le 8 janvier 2018 par le Juge départiteur près le Conseil de prud'hommes de Bastia, tel que déféré, en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant,
DEBOUTE les parties de leurs demandes de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE Madame Y... M... aux dépens de l'instance d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT