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16/01/2019 | FRANCE | N°18/000114

France | France, Cour d'appel de Bastia, 04, 16 janvier 2019, 18/000114


ARRET No
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16 Janvier 2019
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R No RG 18/00011 - No Portalis DBVE-V-B7C-BXZ2
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F... A...
C/
SAS BASTIA BEAUTE
----------------------Décision déférée à la Cour du :
07 décembre 2017
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BASTIA
F15/00106
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COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : SEIZE JANVIER DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANTE :

Madame F... A...
[...]
[...]
[...]
Représentée par Me Pasquale VITTORI, avoc

at au barreau de BASTIA

INTIMEE :

SAS BASTIA BEAUTE agissant par son représentant légal domicilié au dit siège No SIRET : 803 552 686 [...

ARRET No
-----------------------
16 Janvier 2019
-----------------------
R No RG 18/00011 - No Portalis DBVE-V-B7C-BXZ2
-----------------------
F... A...
C/
SAS BASTIA BEAUTE
----------------------Décision déférée à la Cour du :
07 décembre 2017
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BASTIA
F15/00106
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : SEIZE JANVIER DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANTE :

Madame F... A...
[...]
[...]
[...]
Représentée par Me Pasquale VITTORI, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEE :

SAS BASTIA BEAUTE agissant par son représentant légal domicilié au dit siège No SIRET : 803 552 686 [...]
Représentée par Me Anne Marie VIALE, avocat au barreau de BASTIA,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 novembre 2018 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président

GREFFIER :

Mme COMBET, Greffier lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2019

ARRET

Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre faisant fonction de président et par Mme COMBET, Greffier présent lors de la mise à disposition de la décision.

***
EXPOSE DU LITIGE

Madame F... A... a été embauchée par la S.A.S. Bastia Beauté, en qualité d'esthéticienne, suivant contrat à durée indéterminée à effet du 24 novembre 2014, prévoyant une période d'essai de deux mois, expirant le 23 janvier 2015 au soir.

Le 14 janvier 2015, l'employeur a adressé par lettre recommandée avec avis de réception un courrier de notification à la salariée la rupture de la relation de travail durant la période d'essai.

Madame F... A... a saisi, par requête reçue le 26 mai 2015, le Conseil de prud'hommes de Bastia, de diverses demandes.

Selon jugement du 7 décembre 2017, le Juge départiteur près le Conseil de prud'hommes de Bastia a :
- débouté Madame F... A... de l'ensemble de ses demandes,
- condamné Madame F... A... à verser à la S.A.S. Bastia Beauté la somme de 1200 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné Madame F... A... aux dépens,
- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.

Par déclaration enregistrée au greffe le 11 janvier 2018, Madame F... A... a interjeté appel de ce jugement, en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à condamner l'employeur à verser 354,90 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du délai de prévenance, 7 000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d'essai, 2 000 euros de frais irrépétibles, à condamner l'employeur à rectifier sous astreinte de 100 euros par jour de retard l'attestation Pôle emploi, le bulletin de paie de janvier 2015, et l'a condamnée à verser une somme de 1200 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 9 avril 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame F... A... a sollicité d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
- de condamner la S.A.S. Bastia Beauté à lui verser les sommes suivantes :
354,90 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect du délai de prévenance,
7 000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d'essai,
2 500 euros de frais irrépétibles
- de condamner la S.A.S. Bastia Beauté à rectifier sous astreinte de 100 euros par jour de retard l'attestation Pôle emploi, le bulletin de paie de janvier 2015.

Elle a fait valoir :
- que le délai de prévenance pour la rupture de la période d'essai n'avait pas été respecté, alors que cela était impératif (même si la date de fin de période d'essai était antérieure au terme du délai de prévenance) ouvrant droit à une indemnité compensatrice, peu important que la salariée ait été en arrêt maladie à compter du 16 janvier 2015, la seule exception prévue par l'article L 1221-25 du code du travail étant une faute grave,
- que la demande d'indemnité compensatrice n'était pas irrecevable, le délai de prescription de six mois à compter du reçu pour solde de tout compte s'appréciant où jour de la saisine du Conseil de prud'hommes, peu important que la demande ait été formée postérieurement par conclusions, et qu'en tout état de cause le reçu pour solde de tout compte n'était libératoire que pour les sommes y figurant,
- que la rupture de la période d'essai était abusive puisque intervenue pour des motifs étrangers aux compétences de la salariée et étrangère à toute faute ou insuffisance (l'attestation d'une autre salariée étant probante sur ce point), la laissant postérieurement en situation financière difficile.

Aux termes des écritures de son conseil, transmises au greffe en date du 6 juillet 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A.S. Bastia Beauté a sollicité :
- de confirmer le jugement déféré,
- de débouter Madame F... A... de ses demandes,
- de condamner Madame F... A... à lui verser une somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Elle a exposé :
- que la demande au titre de l'indemnité compensatrice pour non respect du délai de prévenance, indemnité ayant une nature salariale, était irrecevable, comme présentée plus de six mois après la signature du reçu pour solde de tout compte,
- que le délai de prévenance de deux semaines expirait le 28 janvier 2015 ; que la salariée avait été en arrêt maladie à compter du 16 janvier 2015 ; que de ce fait la fin du contrat prévue pour le 23 janvier avait été reportée au 28 janvier ; qu'elle n'avait pas travaillé du 23 au 28 janvier 2015 et n'avait donc pas droit à une telle indemnité compensatrice, ne pouvant percevoir que les indemnités journalières durant cette période,
- que la salariée n'établissait aucunement d'abus de droit de l'employeur s'agissant de la rupture de la période d'essai, l'employeur n'ayant pas agi avec précipitation ou légèreté blâmable,
- que subsidiairement, la salariée ne justifiait pas d'un préjudice à hauteur des dommages et intérêts réclamés.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 3 juillet 2018, et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 13 novembre 2018, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2019.

MOTIFS

1) Sur les limites de l'appel

Attendu que l'appel interjeté par Madame A... ne vise pas l'ensemble des dispositions du jugement rendu par le Juge départiteur ;

Que l'annulation du jugement entrepris n'est pas sollicitée, tandis qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité de l'appel ;

Qu'aucun appel incident n'est intervenu ;

Que les dispositions du jugement du 7 décembre 2017, non déférées à la Cour, sont donc devenues irrévocables et il n'y a pas lieu à statuer les concernant ;

2) Sur l'indemnité compensatrice au titre du délai de prévenance

Attendu que l'intimée soulève une irrecevabilité de la demande de l'appelante tendant à sa condamnation à une indemnité compensatrice de 354,90 euros, au regard du solde de tout compte signé le 28 janvier 2015 ;

Que néanmoins, conformément aux dispositions de l'article L 1234-20 du code du travail, le caractère libératoire du solde de tout compte ne vaut que pour les sommes qui y sont mentionnées et ce, même si son libellé en dispose autrement ;
Que par suite, la signature par la salariée du reçu pour solde de tout compte ne la prive pas de la possibilité de solliciter l'indemnité compensatrice au titre du délai de prévenance ;

Que la demande de Madame A... à ce titre est recevable en la forme, l'irrecevabilité soulevée par la S.A.S. Bastia Beauté étant rejetée ;

Attendu que suivant les dispositions de l'article L 1221-25 du code du travail, l'employeur qui décide de rompre la période d'essai doit prévenir le salarié dans un délai qui ne peut être inférieur à deux semaines après un mois de présence ;

Que lorsque le délai de prévenance d'une rupture de la période d'essai n'a pas été respecté, son inexécution ouvre droit pour le salarié, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice, égale au montant des salaires et avantages qu'il aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du délai de prévenance ;

Que la période d'essai ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance, de sorte que le salarié ne peut exécuter sa prestation de travail au-delà du terme de la période d'essai convenue ;

Qu'ainsi, à rebours des règles applicables au préavis, le terme du délai de prévenance ne correspond pas nécessairement au terme du contrat ;

Attendu que le contrat de travail liant les parties avait prévu une période d'essai de deux mois, expirant "le 23 janvier 2015 au soir" ; que l'employeur a notifié à la salariée sa volonté de rompre la relation de travail durant la période d'essai, par lettre recommandée, avec avis de réception, adressée le 14 janvier 2015 ;

Que le délai de prévenance de deux semaines n'a donc pas été respecté ;

Que la salariée a ainsi droit à une indemnité compensatrice pour la période du 23 au 28 janvier 2015, terme du délai de prévenance, étant rappelé que le fait qu'elle ait été en maladie, postérieurement à la notification de la rupture de la période d'essai, n'a pas d'incidence sur la date de fin de la période d'essai, ni sur l'allocation d'une l'indemnité compensatrice ; qu'en effet, l'indemnité compensatrice au titre du délai de prévenance ne correspond pas à un travail effectif (tout travail durant cette période étant proscrit, contrairement à un préavis classique) et seule une faute grave de la salariée, non invoquée en l'espèce, peut l'en priver ;

Qu'il convient de condamner la S.A.S. Bastia Beauté à verser à Madame A... une somme de 354,90 euros de ce chef ;
Que le jugement entrepris sera infirmé à cet égard ;

3) Sur les dommages et intérêts au titre de la rupture de la période d'essai

Attendu que si chaque partie est libre de rompre, sans en donner le motif, le contrat de travail au cours de la période d'essai, cette rupture ne doit pas pour autant être abusive ;

Qu'est abusive la rupture motivée par des considérations non inhérentes à la personne du salarié, ou résultant d'une légèreté blâmable ou d'une intention de nuire de l'employeur ;
Que la charge de la preuve de l'abus incombe à la partie qui s'en prévaut ;

Attendu qu'en l'espèce, Madame A... sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 7000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d'essai ;

Qu'au soutien de sa demande, elle produit une seule pièce, une attestation du 13 septembre 2015 de Madame E... U... (salariée de l'entreprise du 30 juillet 2014 au 11 février 2015), indiquant que "pendant la première semaine de travail de Mme A..., Mme M... était contente de voir que Mme A... assimil[ait] rapidement les techniques Yves Rocher [...] et surtout qu'elle est autonome. Durant la période de travail de Mme A..., je n'ai pas le souvenir que Mme M... se soit plainte de la qualité du travail de Mme A.... Pour ma part, Mme A... était consciencieuse et compétente dans son travail" ;

Que cette pièce est insuffisante pour démontrer que la S.A.S. Bastia Beauté a rompu abusivement la période d'essai, puisqu'il n'est aucunement mis en évidence que cette rupture résulte de considérations économiques, non inhérentes à la personne du salarié, ou d'une légèreté blâmable ou d'une intention de nuire de l'employeur, étant en sus observé que cette rupture est intervenue plus d'un mois et demi après le début du contrat, sans précipitation inhabituelle, et après que l'employeur ait pu apprécier pleinement les capacités de la salariée à occuper ou non le poste au sein de l'entreprise ;

Que Madame A... sera déboutée de sa demande de ce chef, le jugement entrepris étant confirmé à cet égard ;

4) Sur les autres demandes

Attendu que compte tenu de ce qui précède, il convient d'ordonner à la S.A.S. Bastia Beauté de rectifier l'attestation Pôle emploi (la relation de travail ayant pris fin le 23 et non le 28 janvier 2015) et fiche de paie de janvier 2015, conformément aux énonciations de la présente décision, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ; que la nécessité d'une astreinte n'est pas mise en évidence et ne sera pas prévue ;

Que le jugement entrepris sera infirmé à cet égard ;

Attendu que la S.A.S. Bastia Beauté, succombant principalement à l'instance, sera condamnée aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant infirmé sur ce point) et d'appel ;

Que l'équité ne commande pas de prévoir de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance (le jugement entrepris étant infirmé sur ce point) et d'appel ;

Que les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards ;

PAR CES MOTIFS

L A C O U R,

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Statuant dans les limites de l'appel,

CONSTATE que l'annulation du jugement entrepris n'est pas sollicitée, tandis qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité de l'appel,

CONSTATE qu'aucun appel incident n'est intervenu,

DIT que les dispositions du jugement rendu le 7 décembre 2017 par le Juge départiteur près le Conseil de prud'hommes de Bastia, qui n'ont pas été déférées à la Cour, sont devenues irrévocables et qu'il n'y a pas lieu à statuer les concernant,

CONFIRME le jugement rendu le 7 décembre 2017 par le Juge départiteur près le Conseil de prud'hommes de Bastia, tel que déféré, sauf en ce qu'il a :
- débouté Madame F... A... de sa demande de condamnation de la S.A.S. Bastia Beauté à lui verser une somme de 354,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice pour non respect du délai de prévenance,
- débouté Madame F... A... de sa demande afférente à la rectification par l'employeur de la fiche de paie de janvier 2015 et de l'attestation Pôle emploi,
- condamné Madame F... A... à verser à la S.A.S. Bastia Beauté une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la S.A.S. Bastia Beauté, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Madame F... A... une somme de 354,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice pour non respect du délai de prévenance,

ORDONNE à la S.A.S. Bastia Beauté, prise en la personne de son représentant légal, de rectifier, l'attestation Pôle emploi(la relation de travail ayant pris fin le 23 janvier 2015 et non le 28 janvier 2015) et la fiche de paie de janvier 2015 de Madame F... A..., conformément aux termes de la présente décision, ce dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt,

REJETTE la demande d'astreinte formée par Madame F... A...,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

DIT n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la S.A.S. Bastia Beauté, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens de l'instance, dont ceux de l'instance d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 18/000114
Date de la décision : 16/01/2019
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2019-01-16;18.000114 ?
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