ARRET No
-----------------------
16 Janvier 2019
-----------------------
R No RG 17/00293 - No Portalis DBVE-V-B7B-BXFJ
-----------------------
SARL L'TUB VIDEO
C/
X... Q...
----------------------Décision déférée à la Cour du :
19 octobre 2017
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO
16/00254
------------------
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : SEIZE JANVIER DEUX MILLE DIX NEUF
APPELANTE :
SARL L'TUB VIDEO
[...]
[...]
[...]
Représentée par Me FAZAI, substituant Me Jean michel MARIAGGI, avocats au barreau d'AJACCIO, plaidant en visioconférence depuis AJACCIO
INTIME :
Monsieur X... Q...
[...],
[...]
assisté de Me Stéphanie LAURENT, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 novembre 2018 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président
GREFFIER :
Mme COMBET, Greffier lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2019
ARRET
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre faisant fonction de président et par Mme COMBET, Greffier présent lors de la mise à disposition de la décision.
***
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur X... Q... a été embauché par la S.A.S. L'Tub Video, en qualité de chauffeur livreur, suivant contrat de travail à durée indéterminée, à effet du 1er septembre 2001.
Dans le dernier état de la relation de travail, le salarié occupait les fonctions de technicien installateur.
Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale des commerces et services de l'audiovisuel, de l'électronique et de l'équipement ménager.
Selon courrier en date du 08 janvier 2015, la S.A.S. L'Tub Video a convoqué le salarié à un entretien préalable à un licenciement fixé au 22 janvier 2015 et Monsieur X... Q... s'est vu notifier son licenciement pour motif économique par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 26 janvier 2015.
Monsieur X... Q... a saisi le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio, par requête reçue le 4 mai 2015, de diverses demandes.
Selon jugement du 19 octobre 2017, le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio a :
-dit et jugé le licenciement de Monsieur X... Q... sans cause réelle et sérieuse,
-condamné la Société L'Tub Video en son représentant légal à verser à Monsieur Q... la somme de 25000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-débouté le demandeur de ses autres demandes car déclarées infondées,
-condamné la Société L'Tub Video en son représentant légal aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux textes régissant l'aide juridictionnelle.
Par déclaration enregistrée au greffe le 30 octobre 2017, la Société L'Tub Video a interjeté appel de ce jugement, en ce qu'il a dit et jugé le licenciement de Monsieur X... Q... sans cause réelle et sérieuse, l'a condamnée à verser à Monsieur X... Q... la somme de 25000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'a condamnée aux dépens.
Le dossier d'appel a été enregistré sous le numéro 17/00293.
Par déclaration enregistrée au greffe le 13 novembre 2017, Monsieur X... Q... a interjeté appel partiel et incident de ce jugement, en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de paiement des sommes suivantes : 35233,30 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5000 euros d'indemnité pour licenciement vexatoire, 5000 euros au titre d'une violation de l'obligation d'adaptation au cours de la relation de travail, 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le dossier d'appel a été enregistré sous le numéro 17/00306.
Suivant décision du 5 juin 2018, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des dossiers numéros 17/00293 et 17/00306 sous le numéro 17/00293.
Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 16 janvier 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la Société L'Tub Video a demandé :
-d'infirmer le jugement du 19 octobre 2017 en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'a condamnée à verser à Monsieur X... Q... la somme de 25000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-de le confirmer pour le surplus,
-de condamner Monsieur X... Q... à lui verser la somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle a fait valoir :
-que le licenciement économique était causé, dans la mesure où :
*les difficultés économiques étaient réelles appelaient la suppression du secteur d'activité de l'entreprise relatif à la pose d'antennes, secteur déficitaire, et donc du poste occupé par le salarié et par l'un de ses collègues, outre des procédures de même ordre ultérieures témoignant de la persistance encore actuelle des difficultés économiques de la société,
*que le tableau des résultats net de la société révélait ces difficultés économiques depuis plusieurs années, étant observé que le bilan n'était finalement positif que suite à l'intervention de la centrale d'achat pour reverser une remise arriérée correspondant aux ristournes,
*que le résultat négatif n'était pas dû au défaut d'encaissement des créances client mais était la conséquence d'une baisse de fréquentation et de rentabilité,
*la bonne santé financière de la société holding détentrice du capital de l'employeur n'était pas démontrée,
-que pour ce qui est des critères d'ordre, les deux salariés de la même catégorie professionnelle avaient été licenciés économiquement, de sorte que cette question était invoquée vainement,
-que l'employeur avait pleinement satisfait à son obligation de recherche de reclassement, en interne, ou en externe,
-que le salarié ne rapportait pas de preuve du préjudice excédant les dispositions légales,
-que le caractère vexatoire du licenciement n'était aucunement démontré et que la demande au titre du non-respect de l'obligation de formation et reclassement non justifiée.
Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 28 juin 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur X... Q... a sollicité :
-de confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-de dire et juger recevable l'appel incident formé et statuant à nouveau sur les points ayant fait l'objet de l'appel incident :
*de condamner la Société L'Tub Video à lui payer les sommes suivantes :
# 35223,30 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
# 10000 euros au titre de la violation de l'obligation d'adaptation au cours de la relation de travail,
# 5000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement vexatoire
# 2500 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
*de condamner la Société L'Tub Video aux entiers dépens.
Il a exposé :
-que le licenciement économique était dépourvu de cause réelle et sérieuse :
*les difficultés alléguées n'étant pas démontrées au vu d'un résultat en nette progression, d'un chiffre d'affaires stable ou en augmentation, de la réalisation d'acquisitions, outre des créances client très importantes,
*l'activité de pose d'antenne n'avait pas été supprimée par l'employeur mais simplement réalisée par un sous-traitant,
-que la lettre de licenciement qui fixait les limites du litige ne faisait pas état d'éventuelles difficultés économiques au niveau du secteur d'activité du groupe de sociétés auquel appartenait l'entreprise,
-que l'employeur n'avait pas respecté son obligation de reclassement comme retenu par les premiers juges et n'avait pas appliqué les critères d'ordre fixés,
-que l'appelant concluait sur les demandes de l'intimé sans avoir formé lui-même appel incident,
-qu'un préjudice avait été subi du fait de l'absence de formation par l'employeur au maintien de sa capacité à occuper un emploi,
-que les conditions vexatoires du licenciement appelaient l'allocation de dommages et intérêts réparant le préjudice subi.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 12 septembre 2018, avec appel de l'affaire à l'audience de plaidoirie du 13 novembre 2018, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2019.
MOTIFS
1) Sur la recevabilité de l'appel principal et de l'appel incident
Attendu que la recevabilité de l'appel principal et celle de l'appel incident n'est pas discutée ; que les éléments du dossier ne conduisent pas la Cour à le faire d'office ;
Que ces appels seront donc dits recevables ;
2) Sur le licenciement économique
Attendu que pour être justifié, le motif économique invoqué par l'employeur doit réunir deux éléments cumulatifs, au sens de l'article L1233-3 du Code du travail, dans sa version applicable aux données de l'espèce :
-l'élément matériel qui consiste soit en la suppression ou la transformation d'emploi, soit en une modification d'un élément essentiel du contrat de travail,
-l'élément causal, la loi citant notamment les difficultés économiques ou les mutations technologiques auxquelles il convient de rajouter la réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité ainsi que la cessation d'activité ;
Que la cause économique s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient ; que le périmètre du groupe à prendre à considération à cet effet est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L2331-1 du Code du travail, sans qu'il y ait lieu réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national ;
Qu'en outre, il y a lieu de rappeler que, quel que soit le motif économique invoqué, l'employeur est tenu de rechercher, dans l'entreprise ou l'intérieur du groupe auquel appartient le cas échéant la société, toutes les possibilités de reclassement existantes et de proposer au salarié un emploi de même catégorie ou à défaut de catégorie inférieure, fut ce par voie de modification du contrat de travail, en assurant au besoin une simple formation d'adaptation du salarié à une évolution de son emploi ;
Que le périmètre de reclassement au sein d'un groupe s'entend des entreprises du groupe dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel ou la possibilité d'exercer des fonctions comparables ;
Que l'entreprise doit procéder à une recherche loyale et sérieuse de reclassement, étant relevé qu'il s'agit d'une obligation de moyens renforcée ;
Attendu que sur le fond, la lettre de licenciement datée du 26 janvier 2015 mentionne, s'agissant des motifs du licenciement :
"Monsieur,
J'ai mis en oeuvre la procédure de licenciement pour motif économique de 2 à 9 salariés dans une même période de 30 jours, prévue aux articles L 1233-8 et suivants du Code du travail.
Les délégués du personnel ont été régulièrement informés et consultés sur le projet de licenciement pour motif économique.
Vous avez été convoqué par lettre datée du 08/01/15 à un entretien préalable au licenciement qui s'est déroulé le 22/01/15.
Nos échanges au cours de cet entretien n'ont pas été de nature à modifier mon appréciation sur les motifs du licenciement.
Vous n'avez pas souhaité une remise en main propre du contrat de sécurisation professionnelle lors de l'entretien préalable du 22/01/15.
Il a donc été expédié à votre domicile, en RAR par voie postale le 23/01/15.
Vous avez jusqu'au vendredi 13/02/15 à minuit, date d'expiration de votre délai de réflexion de 21 jours pour nous renvoyer votre bulletin d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, dûment complété et signé.
Si vous adhérez à ce dispositif, votre contrat de travail sera automatiquement rompu d'un commun accord le vendredi 13/02/15 et vous bénéficierez des mesures d'accompagnement prévues.
La présente lettre deviendra alors sans objet, à l'exception des motifs économiques.
A défaut de remise de votre bulletin d'acceptation au plus tard le vendredi 13/02/15 ou en cas de refus du contrat de sécurisation professionnelle, vous voudrez bien considérer la présente lettre comme constituant la notification de votre licenciement pour motif économique.
En ce qui concerne les motifs du licenciement, il s'agit des suivants :
I. Motif économique :
Les difficultés économiques de notre société perdurent et sont toujours aussi sérieuses.
Le report à nouveau au 31/12/13 est de - 581417 euros: ce critère traduit les cumuls de déficits depuis plusieurs années.
La situation au 30/09/14 le résultat net comptable est de - 100400 euros.
Cette situation est donc irrémédiablement compromise.
Pour endiguer une partie de ces pertes, il est prévu d'arrêter l'activité pose d'antennes.
II. Suppression de poste :
En raison du motif évoqué ci-dessus, il est prévu de supprimer 2 postes de technicien installateur, dont le votre.
III. Reclassement :
Au niveau du reclassement, mes diligences ont été les suivantes :
Par lettre datée du 18/12/14, je vous ai informé que le reclassement interne était impossible, en l'absence de poste disponible vacant.
Je vous ai précisé que j'orientais mes recherches vers des reclassements externes, auprès de sociétés partenaires et notre société mère.
A ce titre, je vous ai invité à fournir votre CV à jour précisant éventuellement les qualifications professionnelles autres, que celles liées à vos fonctions actuelles et la copie de tous vos diplômes autres que ceux fournis lors de votre embauche afin d'étudier toutes les possibilités de reclassement.
Je vous ai demandé de préciser, si vous acceptiez la mobilité géographique et ou professionnelle, et en cas d'acceptation de communiquer vos desiderata.
Sans attendre vos réponses, j'ai pris l'initiative de saisir par lettres du 18/12/14, les magasins "Expert" de PACA et de Corse ainsi que notre société mère Execo, pour collaborer à ma recherche de reclassement.
Afin de prévenir toute ambiguïté, je vous ai fait savoir que vis à vis de ces sociétés, qui seraient susceptibles de vous recruter, vous auriez été un candidat, à une offre d'emploi avec toutes les conséquences que cela comporte, à savoir satisfaire aux critères de sélection, tels que l'expérience, concours, diplômes, etc.
Bien évidemment, si l'un des reclassements externe avait abouti, la rupture de votre contrat de travail vous liant à notre société aurait été inévitable.
Afin de pousser davantage nos recherches de reclassement, je vous ai invité à un entretien personnalisé de reclassement, par lettre datée du 18/12/14.
Au cours de celui-ci qui s'est déroulé le 06/01/15, nous n'avons pas identifié de solutions de reclassement.
Vous avez refusé le reclassement externe consistant à sous-traiter l'activité "pose d'antennes", dans le cadre d'un contrat commercial entre L'TUB VIDEO et vous même.
Vous n'avez pas souhaité proroger votre délai de réflexion, comme je vous l'avais proposé.
Vous n'avez donné suite à aucune de mes propositions dans le délai imparti, ce qui est votre droit le plus légitime.
Les sociétés partenaires de PACA, Corse n'ont pas donné suite à mes demandes, dans le délai imparti.
Nous devons donc considérer qu'elles ne sont pas en mesure de proposer l'un des postes suivants:
-soit de la même catégorie que le poste que vous occupez actuellement,
-soit d'une catégorie inférieure sous réserve bien entendu de votre accord exprès,
-ou bien encore ceux d'une catégorie supérieure sous réserve de l'examen de vos compétences.
Au niveau d'Execo, que je dirige également, nous ne disposons pas de postes disponibles et vacant correspondant à votre qualification puisqu'Execo n'effectue absolument pas le métier de vente d'électroménagers.
Néanmoins, si vous aviez exprimé des desiderata, je vous aurais accompagné dans votre reclassement.
IV. Critères fixant l'ordre des licenciements :
Les critères fixant l'ordre des licenciements sont les critères définis par l'article L 1233-5 du code du travail, à savoir :
-les charges de famille, en particulier celles des parents isolés;
-l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;
-la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;
-Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.
Le barème de pondération que j'ai appliqué est le suivant :
Age
Moins de 20 ans 2 points
De 20 à 29 ans 4 points
De 30 à 39 ans 6 points
De 40 à 49 ans 8 points
De 50 à 55 ans 10 points
De 56 ans et plus 12 points
Situation de famille
Marié/pacsé/concubin 1,5 points
Célibataire/veuf/divorcé/ 3 points
séparé
Enfants à charge
1 enfant 3 points
2 enfants 5 points
3 enfants et plus 7 points
Handicap particulier
Cotorep/ A.T./Longue 5 points
maladie/maternité
Ancienneté
1 point par année d'ancienneté avec un maximum de 25 points
Aspects professionnels : Connaissance, maîtrise du poste et polyvalence
Aucune connaissance 0 point
Connaissance fiable 1 point
Connaissance moyenne 2 point
Connaissance satisfaisante 3 points
Très bonne connaissance 4 points
Plus le nombre de points st important, moins le salarié est visé par le licenciement.
Je vous informe que conformément à l'article L 1233-45 du code du travail, vous pourrez bénéficier d'une priorité de réémbauchage, durant le délai d'un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail.
Pour ce faire, vous devez me faire part de votre désir d'user de cette priorité, au cours de l'année de réembauchage.
Cette priorité concerne les emplois compatibles avec votre qualification actuelle ou avec celles que vous viendriez à acquérir, sous réserve que vous m'ayez informé de celles-ci.
La date de première présentation du présent courrier à votre domicile fixera donc le point de départ du préavis de deux mois, que je vous demande d'effectuer.
Au terme du contrat, vous pourrez vous présenter au siège pour retirer votre certificat de travail, le solde de tout compte ainsi que votre attestation Pôle emploi [...]";
Attendu qu'il convient d'observer à titre liminaire, que la lettre de licenciement évoque uniquement des difficultés économiques au sein de l'entreprise, et non au sein d'un secteur d'activité d'un groupe d'entreprises, groupe dont l'existence au sens des dispositions de l'article L2331-1 du Code du travail n'est pas justifiée ;
Attendu qu'il ressort des pièces comptables produites aux débats par l'employeur que:
- le chiffre d'affaires est resté stable ou augmenté entre 2012 et 2014, puisqu'il est passé de 4 975 928 euros au 31 décembre 2012 à 4 913 668 euros au 31 décembre 2013, puis à 5 074 860 euros au 31 décembre 2014,
-le montant du "report à nouveau" au niveau des capitaux propres a été moindre au 31 décembre 2014 qu'au 31 décembre 2013 puisque passé de -581417 euros à -544813 euros,
-le résultat d'exploitation est passé de 85468 euros au 31 décembre 2012 à 93495 euros au 31 décembre 2014 (toutefois moindre qu'au 31 décembre 2013),
-le résultat net de l'exercice a constamment augmenté entre 2012 et 2014 puisqu'il est passé de 2158 euros au 31 décembre 2012, à 36604 euros au 31 décembre 2013, puis à 57690 euros au 31 décembre 2014 ;
Que la réalisation d'acquisitions et l'existence de créances client non recouvrées ne peuvent être prises en compte pour déterminer des difficultés économiques, le juge n'ayant pas la faculté d'apprécier des choix de gestion effectués par l'employeur ;
Que parallèlement, les résultats ultérieurs de l'entreprise et des procédures autres de licenciement économique au cours des années suivantes (dont l'une n'a pas abouti, suite aux refus de l'inspection du travail en septembre 2016 du licenciement économique d'un salarié protégé au vu de l'insuffisance des difficultés économiques de la société), invoqués par l'employeur, ne peuvent être pris en considération dans le cadre du présent litige, les difficultés économiques s'appréciant au jour du licenciement, soit en l'espèce le 26 janvier 2015 ;
Qu'au regard des éléments comptables précités, l'existence au jour du licenciement, soit le 26 janvier 2015, de difficultés économiques, à même de justifier de suppression d'emploi est insuffisamment caractérisée, sans que les "ristournes" ou "remises de fin d'année" de la centrale d'achat, d'ailleurs non mentionnées dans la lettre de licenciement, ne soient décisives sur ce point, le caractère exceptionnel de tels flux n'étant pas mis en lumière ;
Que le motif économique n'est donc pas établi, sans qu'il y ait lieu de vérifier la question de l'effectivité de la suppression de poste ;
Que concernant l'obligation de recherche de reclassement, le salarié n'évoque pas la question du périmètre du reclassement et de l'existence d'un groupe de reclassement, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner cet aspect ; qu'au vu des éléments du dossier (registre unique du personnel), l'employeur justifie de l'absence de poste disponible et ainsi l'impossibilité de reclassement au sein de l'entreprise, évoquée dans la lettre de licenciement ; que dès lors, il ne peut être lui être reproché de manquement sur ce point ;
Que s'agissant des critères d'ordre de licenciement, cette question est indifférente pour déterminer du bien fondé d'un licenciement économique, la violation de ces critères ne pouvant donner lieu qu'à des dommages et intérêts, d'ailleurs distincts de ceux alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il sera observé de manière surabondante qu'aucune violation des dits critères d'ordre n'est existante, les deux salariés licenciés à l'époque étant les seuls dans cette catégorie professionnelle au sein de l'entreprise ;
Attendu qu'au regard de ce qui précède, faute de caractérisation du motif économique, le licenciement de Monsieur Q... par la S.A.R.L. L'Tub Video sera dit dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris étant confirmé à cet égard ;
Qu'au moment de la rupture du contrat de travail, Monsieur Q... avait plus de deux ans d'ancienneté dans la société, qui comptait onze salariés ou plus, suivant l'attestation Pôle emploi ;
Qu'aucune réintégration n'étant proposée, Monsieur Q... a donc droit, en application de l'article L 1235-3 du Code du travail, à des dommages et intérêts au moins égaux aux six derniers mois de salaire ;
Qu'eu égard à l'ancienneté du salarié, de son âge, du seul justificatif produit sur sa situation postérieure au licenciement (courrier du Pôle emploi de mai 2015, avec un montant d'ARE de 35,75 euros net par jour et une indemnisation à compter du 3 juin 2015), Monsieur Q... sera verra uniquement allouer des dommages et intérêts à hauteur de 15 000 euros, le jugement entrepris étant infirmé sur le quantum alloué ; que Monsieur Q..., qui ne justifie pas d'un plus ample préjudice, sera débouté du surplus de sa demande de dommages et intérêts ;
Que par application de l'article L 1235-4 du Code du travail, sera ordonné le remboursement par l'employeur au Pôle emploi des indemnités de chômage perçues par Monsieur Q... dans la limite de six mois ;
3) Sur les dommages et intérêts au titre du licenciement vexatoire et de la violation de l'obligation d'adaptation à l'emploi
Attendu qu'au regard de la jonction intervenue, du champ des dispositions du jugement déférées à la Cour, le moyen de Monsieur Q..., concernant les conclusions adverses sur ces points, est inopérant, étant observé que lui seul demande l'infirmation des dispositions du jugement entrepris relatives aux dommages et intérêts au titre du licenciement vexatoire et de la violation de l'obligation d'adaptation à l'emploi ;
Attendu que comme les premiers juges l'ont exactement relevé, Monsieur Q... ne justifie pas des conditions vexatoires du licenciement dont il allègue l'existence, ni de l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par l'allocation de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Que par suite, sa demande de dommages et intérêts de ce chef sera rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point ;
Attendu que pour ce qui est de la violation de l'obligation d'adaptation à l'emploi, au sens de l'article L 6321-1 du code du travail, invoquée par le salarié en l'absence de formation par l'employeur au cours de la relation de travail, il convient de rappeler qu'il n'y a pas de préjudice nécessaire en la matière et que dès lors, il appartient au salarié de démontrer du préjudice subi ;
Qu'en l'occurrence, si Monsieur Q... ne rapporte aucune preuve d'un préjudice subi du fait du non respect par l'employeur de son obligation de formation, d'adaptation à l'emploi ;
Qu'il sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef, le jugement entrepris étant confirmé à cet égard ;
4) Sur les autres demandes
Attendu que la S.A.R.L. L'Tub Video sera condamnée aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant confirmé sur ce point, hormis s'agissant des mentions relatives à l'aide juridictionnelle) et de l'instance d'appel, à laquelle elle succombe principalement ;
Que l'équité commande de prévoir la condamnation de la S.A.R.L. L'Tub Video à verser à Monsieur Q... une somme totale de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance (le jugement entrepris étant infirmé sur ce point) et d'appel ;
Que les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards ;
PAR CES MOTIFS
L A C O U R,
Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
DIT recevables l'appel principal formé par la S.A.R.L. L'Tub Video et l'appel incident formé par Monsieur X... Q...,
RAPPELLE qu'une jonction des dossiers d'appel enregistrés sous le numéro 17/00293 et sous le numéro 17/00306 a été ordonnée, au stade de la mise en état, par décision du 5 juin 2018 sous le numéro 17/00293,
CONFIRME le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 19 octobre 2017, tel que déféré, sauf en ce qu'il a :
- condamné la S.A.R.L. L'Tub Video en son représentant légal à verser à Monsieur X... Q... la somme de 25 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouté Monsieur X... Q... de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens de première instance seront recouvrés conformément aux textes régissant l'aide juridictionnelle,
Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la S.A.R.L. L'Tub Video, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur X... Q... une somme de 15000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
ORDONNE, par application de l'article L 1235-4 du Code du travail, le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage éventuellement versées par le Pôle emploi à Monsieur X... Q... dans la limite de six mois,
CONDAMNE la S.A.R.L. L'Tub Video, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur X... Q... la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'entière instance,
CONDAMNE la S.A.R.L. L'Tub Video prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de l'instance d'appel.
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LE PRESIDENT