Ch. civile A
ARRET No
du 08 MARS 2017
R. G : 14/ 00609 EB-R
Décision déférée à la Cour : Ordonnance Référé, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 02 Juillet 2014, enregistrée sous le no 14/ 00139
X...
C/
COMMUNE DE BISINCHI
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
HUIT MARS DEUX MILLE DIX SEPT
APPELANT :
M. Jean ... X...... 20235 BISINCHI
ayant pour avocat Me Marie Mathilde PIETRI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEE :
COMMUNE DE BISINCHI Représentée par son maire en exercice domicilié ès-qualités en la mairie de ladite commune Mairie 20235 BISINCHI
ayant pour avocat Me Philippe JOBIN de la SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en chambre du conseil du 09 janvier 2017, devant M. François RACHOU, Premier président, et Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. François RACHOU, Premier président Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Cécile BORCKHOLZ.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 mars 2017
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. François RACHOU, Premier président, et par Mme Cécile BORCKHOLZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. ... X... est propriétaire sur la commune de Bisinchi de deux parcelles cadastrées D240 et D241 au lieudit Scopella, acquises par acte notarié du 23 juillet 1975.
La commune de Bisinchi est alimentée en eau potable par une source captée sur la parcelle cadastrée B413, ce captage ayant été décidé par une délibération du conseil municipal du 19 octobre 1975.
Par ordonnance du 02 juillet 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bastia, saisi par la commune, et considérant qu'il convenait de prévenir un dommage imminent et de faire cesser un trouble manifestement illicite, a condamné M. Simon Y... et M. Jean ... X... à supprimer tout dispositif faisant obstacle à la circulation sur le chemin communal desservant la source de Campaglinaccia, dans les 8 jours à compter de la date de signification de l'ordonnance, et passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, débouté chacune des parties de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et laissé aux parties la charge de leurs propres dépens.
Par déclaration du 16 juillet 2014, M. Jean ... X... a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions récapitulatives notifiées le 03 novembre 2015, M. X... demande à la cour :
- d'infirmer l'ordonnance entreprise,
- de constater qu'il s'était exécuté dans les 8 jours de la signification, et que le passage sur la propriété est réouvert pour un éventuel passage de la société Inter Eaux,
- de dire et juger que l'ordre public n'a pas été troublé et qu'il n'existe aucun péril imminent,
- de condamner la commune de Bisinchi à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X... fait valoir que la commune ne démontre par aucune pièce que ses parcelles aient été concernées par la desserte de la source, puisque la piste qu'il a créée en 1982 c'est-à-dire après la mise en place des capteurs, n'avait pas pour objet d'accéder à celle-ci.
Il conteste par ailleurs interdire l'accès à la source, puisque s'il a installé un portail métallique à l'entrée de sa piste, il tient les clés à disposition de la commune, et qu'un chemin communal permet également d'y accéder.
Il relève que sa piste ne figure pas sur le plan annexé à la délibération du conseil municipal du 26 janvier 2008 de classement en voie communale, et que la pièce 35 produite par la commune relative aux voies communales rectifiée par la DDTM le 01 juin 2015 n'apporte rien aux débats et n'a aucune valeur probante.
Il estime donc qu'il n'existe aucun trouble manifestement illicite.
Il conteste également tout péril imminent résultant de l'implantation de son portail puisque l'intervention de la société Inter Eaux sur le réservoir n'a selon lui été programmée en avril 2014 période de l'assignation en référé que pour les besoins de la cause, et que les dates auxquelles l'eau communale n'a pas été conforme aux normes sanitaires ne correspondent pas aux dates d'installation de son portail.
Il considère que le but en réalité poursuivi par la commune, est l'appropriation de son chemin privé.
Par conclusions notifiées le 02. 11. 2015, la commune de Bisinchi sollicite la confirmation pure et simple de l'ordonnance entreprise.
Elle fait valoir que même s'il devait être considéré que l'appartenance du chemin litigieux au domaine public communal n'est pas établi, il appartient au juge judiciaire de faire respecter l'intégrité et le bon fonctionnement d'un ouvrage public, affecté à un service public et aménagé à cette fin.
Elle maintient que les services de gendarmerie ont clairement idenitifié le chemin de M. X... comme faisant partie de ceux qui ont été classés par la délibération du conseil municipal du 26 janvier 2008, cette identification faisant foi jusqu'à preuve contraire.
Elle ajoute que cette piste existait bien avant 1982 puisque l'acquisition de la source et la déclaration d'utilité publique datent de 1975, que les travaux de captage et les bassins ont été terminés en 1978, et que les engins nécessaires à ces travaux utilisaient la piste, et qu'il n'en n'existe aucune autre, le chemin muletier évoqué par la partie adverse n'étant pas carrossable.
Elle conteste enfin que M. X... lui ait proposé une clé du portail, mais soutient que ce dernier lui a seulement offert d'aller la chercher chez lui, alors que les prestataires de service de la mairie doivent pouvoir accéder aux réservoirs à toute heure pour procéder si nécessaire au chlorage, et veiller en permanence à la qualité de l'eau.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 1er juin 2016, et l'affaire fixée pour être plaidée le 09 janvier 2017.
SUR CE
Sur le classement dans le domaine public communal de la piste passant sur les parcelles de M. X...
La mairie de Bisinchi se prévaut de la délibération du conseil de municipal du 26 janvier 2008 décidant de classer comme communales un certain nombre de voies désignées dans un tableau annexé à l'acte.
Ce tableau comprend notamment le " chemin communal (CC) du château d'eau, allant de Vignale au château d'eau, d'une longueur de 1200 mètres et de 4 mètres de large, non revêtu ", et " le chemin communal (CC) de Vignale (château d'eau) allant de la route départementale à Vignale d'une longueur de 700 mètres et de 4 mètres de large, non revêtu ".
Il doit d'abord être relevé que les indications du tableau son assez imprécises, puisqu'elles ne désignent pas les parcelles cadastrales traversées ou bordées par ces chemins, ni les noms de leurs propriétaires.
En second lieu, lorsqu'on confronte le tableau au plan cadastral, on constate que celui-ci ne comporte ni château d'eau ni tracé d'un chemin à travers les parcelles D240 et D241 de M. X....
Enfin, il n'est pas établi que la décision de classement ait été précédée d'une enquête publique, ni qu'elle ait été notifiée à M. X....
Pour l'ensemble de ces raisons, et ainsi que l'a retenu le juge des référés, il n'est pas établi que la piste traversant les parcelles de ce dernier, appartiennent au domaine public communal.
Sur la demande d'enlèvement du portail
La commune de Bisinchi a acquis en 1973 d'une indivision A...- B... la source de Campaglinaccia pour alimenter en eau potable ses habitants. Elle a au cours de la même année, mis en place un réseau de distribution à partir de cette source, y incluant des bassins et réservoirs, conférant à ces installations le caractère d'ouvrages publics.
Il n'est pas contesté qu'il existe sur les parcelles de M. X... une piste carrossable, qui permet d'accéder non pas à la source, mais aux réservoirs d'eau et à des captages du réseau.
Le fait qu'il ait remis initialement une clé du cadenas de son portail au maire, ainsi qu'il résulte des déclarations de ce dernier devant les gendarmes, était insuffisant, puisque la société Inter Eaux qui est chargé du nettoyage et de l'entretien des réservoirs communaux, doit pouvoir y accéder directement à toute heure. En outre, M. X... indique lui même dans ses écritures que depuis le verrou a été cassé, qu'il en a installé un autre, et qu'il tient la clé " à disposition de la commune ", ce qui est incompatible avec la nécessité pour le prestataire de service chargé de l'entretien des réservoirs, dont dépend en partie la qualité sanitaire de l'eau, de pouvoir accéder à tout moment aux installations.
Par ailleurs, l'appelant ne justifie pas qu'il existerait une autre voie ou piste carrossable et utilisable par des véhicules motorisés, pour y accéder. A cet égard, la photographie no12 prise le 17 décembre 2013 par Me Z..., huissier de justice, et qui montre le départ d'un chemin de terre au relief accidenté, est insuffisante.
Il existait donc, lorsque le juge des référés a statué, un risque de dommage imminent et un trouble manifestement illicite, consistant dans la présence d'un obstacle mis par M. X... au bon fonctionnement des ouvrages publics d'adduction d'eau de la commune, affectés à un service public.
Enfin, contrairement à ce qu'il affirme, M. X... ne justifie pas que depuis le prononcé de la décision de première instance, il tient son portail ouvert en permanence ou qu'il l'a retiré.
Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions.
Partie succombante en appel, M. X... devra supporter les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme l'ordonnance de référé du tribunal de grande instance de BASTIA du 02 juillet 2014, en toutes ses dispositions,
Déboute M. Jean ... X... de ses demandes,
Condamne M. Jean ... X... aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT