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15/02/2017 | FRANCE | N°15/00668

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 15 février 2017, 15/00668


Ch. civile A

ARRET No
du 15 FEVRIER 2017
R. G : 15/ 00668 MB-R
Décision déférée à la Cour : Ordonnance Référé, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 10 Juillet 2015, enregistrée sous le no 15/ 00171

X...Y...

C/
Z...A...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
QUINZE FEVRIER DEUX MILLE DIX SEPT
APPELANTS :
M. Alain X...né le 08 Janvier 1967 à Ajaccio ...94230 CACHAN

ayant pour avocat Me Christian FINALTERI, avocat au barreau de BASTIA, substitué par Me Sara LORRE,

avocat au barreau de BASTIA

Mme Chantal Y...épouse X...née le 01 Juillet 1971 à Carpentras ...94230 CACHAN

ayant ...

Ch. civile A

ARRET No
du 15 FEVRIER 2017
R. G : 15/ 00668 MB-R
Décision déférée à la Cour : Ordonnance Référé, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 10 Juillet 2015, enregistrée sous le no 15/ 00171

X...Y...

C/
Z...A...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
QUINZE FEVRIER DEUX MILLE DIX SEPT
APPELANTS :
M. Alain X...né le 08 Janvier 1967 à Ajaccio ...94230 CACHAN

ayant pour avocat Me Christian FINALTERI, avocat au barreau de BASTIA, substitué par Me Sara LORRE, avocat au barreau de BASTIA

Mme Chantal Y...épouse X...née le 01 Juillet 1971 à Carpentras ...94230 CACHAN

ayant pour avocat Me Christian FINALTERI, avocat au barreau de BASTIA, substitué par Me Sara LORRE, avocat au barreau de BASTIA

INTIMES :

M. Sébastien Z...né le 20 Octobre 1979 à Lannion (22) ...20166 PIETROSELLA

ayant pour avocat Me Antoine GIOVANNANGELI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO, substitué par Me Marine PERALDI, avocat au barreau de BASTIA

Mme Karen A...née le 01 Juillet 1971 à Carpentras ...20166 PIETROSELLA

ayant pour avocat Me Antoine GIOVANNANGELI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO, substitué par Me Marine PERALDI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 décembre 2016, devant Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. François RACHOU, Premier président Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Cécile BORCKHOLZ.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 février 2017

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. François RACHOU, Premier président, et par Mme Cécile BORCKHOLZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE

M. Alain X...et Mme Chantal Y...épouse X...sont propriétaires d'une parcelle de terre située à Pietrosella lotissement Petinello, cadastrée section AD no372, sur laquelle ils ont édifié une maison.

M. Sébastien Z...et Mme Karen A...sont propriétaires de la parcelle voisine, cadastrée section AD no371, sur laquelle ils ont aussi entrepris la construction d'une maison.

Reprochant divers griefs à M. Z..., par acte d'huissier du 10 octobre 2014, les époux X...ont assigné celui-ci, devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Ajaccio, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, afin d'obtenir une expertise pour constater et déterminer les désordres invoqués et leurs conséquences.

Par ordonnance de référé, contradictoire, du 10 juillet 2015, le juge des référés saisi a :

- constaté l'intervention volontaire de Mme Karen A...,
- débouté M. Z...et Mme A...de leur demande relative à une exception d'incompétence,
- débouté les époux X...de toutes leurs demandes,
- débouté M. Z...et Mme A...de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- mis les dépens à la charge des époux X...,
- rejeté toute autre conclusion plus ample ou contraire.

Par déclaration reçue le 05 août 2015, les époux X...ont interjeté appel de cette ordonnance.

Par leurs conclusions reçues le 24 mai 2016, les appelants demandent à la cour :

- d'infirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et de statuant à nouveau,
- d'ordonner une mesure d'expertise confiée à tel expert en la matière avec la mission décrite aux motifs,
- de condamner M. Sébastien Z...et Mme Karen A...à leur payer la somme 2 500, 00 euros, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner conjointement et solidairement aux entiers dépens en application des dispositions de l'article 696 du même code.

Par leurs conclusions reçues le 29 mars 2016, les intimés demandent à la cour de :

à titre principal,
- confirmer l'ordonnance du 10 juillet 2015,
- débouter les époux X...purement et simplement de leurs demandes, fins et conclusions, en ce qu'ils ne démontrent pas l'utilité de la mesure sollicitée.
à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ferait droit à la demande d'expertise formée par les époux X...,
- compléter la mission de l'expert comme suit :
déterminer si les époux X...respectent leurs obligations d'aménagement de leur parcelle et notamment de canalisation des eaux de pluie et de retenue des terres,
déterminer les responsabilités quant à l'effondrement partiel de l'enrochement réalisé par ceux-ci, ainsi que le coût des travaux de reprise qui ont été ou seront nécessaires,
- prendre acte des plus expresses protestations et réserves des concluants et dire et juger que le coût de cette expertise restera à la charge exclusive des époux X...,
en tout état de cause,
- dire et juger que les époux X...devront être condamnés solidairement à payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 mai 2016.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions sus-visées et à l'ordonnance déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'expertise

Le juge des référés après avoir rappelé les dispositions de l''article 145 du code de procédure civile, a estimé, au vu des éléments et pièces versés aux débats, que les époux X...ne justifiaient pas d'un motif légitime pour solliciter une expertise, relevant " sauf à considérer que les mauvaises relations entre voisins suffisaient à justifier une mesure d'instruction ".

Devant la cour, les époux X...précisent à nouveau les griefs qu'ils reprochent aux intimés, à savoir : la construction de murs en limite de propriété sans connaissance précise de la localisation de cette limite en raison du déplacement d'une borne d'arpentage et sans respect de la réglementation en vigueur, ainsi que la surélévation de leur terrain, occasionnant ainsi des troubles tels que l'évacuation des eaux de pluie, et création de vue directe et plongeante sur leur propriété.

Ils font valoir qu'il est constant que le motif est légitime si les faits dont la preuve est recherchée sont susceptibles d'avoir une influence sur la solution du litige, c'est-à-dire s'ils ont un lien suffisant et apparemment bien fondé avec le litige futur.

Ils ajoutent que le motif légitime existe dès lors que la mesure sollicitée est légalement admissible, qu'elle améliore la situation probatoire des parties et qu'elle ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes du défendeur.

Les époux X...affirment qu'il est acquis de longue date que le recours au référé probatoire est admis s'il est impossible pour le demandeur de réunir par lui-même des éléments de preuves supplémentaires.

Ils invoquent les dispositions de l'article 544 du code civil et soutiennent avoir sollicité une mesure d'expertise en raison des nombreux désordres relevés et précédemment décrits, lesquels portent atteinte à leur droit de propriété et constituent manifestement un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile.

S'agissant du déplacement d'une borne, les appelants font valoir que cette borne a été replacée de manière aléatoire par M. Z...de sorte, que la limite de propriété a été modifiée et est devenue indéterminée.

Ils affirment que l'empiétement évoqué n'est pas mensonger et irréaliste.

Ils estiment nécessaire de désigner un expert afin que celui se prononce de manière contradictoire sur la limite de la propriété et le probable empiétement sur leur propriété par les intimés.

Ils allèguent aussi que le mur de soutènement édifié par les intimés ne respecte pas les dispositions de l'article 7 du PLU de Pietrosella, lequel est applicable, alors que le juge des référés a déduit à tort, selon eux, que l'enrochement était hors du champ d'application de ce texte.

Les époux X...font valoir, à ce sujet, que l'absence de violation d'une règle d'urbanisme ne se déduit pas de la simple délivrance d'un certificat de conformité de travaux au permis de construire.

Ils font état également, au visa de l'article 640 du code civil, d'une part, de l'exhaussement du sol de la propriété des intimés empêchant l'écoulement des eaux pluviales, d'autre part, de la création par ces derniers, de vues directes et plongeantes sur leur parcelle à une distance prohibée.

De leur côté, les intimés répliquent que les allégations des époux X...ne caractérisent pas l'existence d'un motif légitime justifiant qu'il soit ordonné une mesure d'expertise et que celles-ci ne sont pas démontrées.

Ils concluent que la borne litigieuse a été arrachée par M. X...lorsque celui-ci réalisait des travaux et que cette borne a été replacée à sa place initiale, comme l'atteste le locataire des époux X....

Ils ajoutent que les époux X...n'ont jamais tenté de régler cette difficulté par la voie normale en demandant une vérification au géomètre qui a réalisé le bornage.

S'agissant de leur mur de soutènement, ils se prévalent du procès-verbal de constat de la DDTM, établissant la conformité de l'ouvrage avec l'autorisation de permis de construire accordé et font valoir qu'un encochement était en cours et n'était soumis à aucune formalité.

Les intimés affirment que les appelants ne démontrent pas le caractère instable du mur de soutènement et que les travaux d'édification des murs de soutènement ne relèvent pas de l'application de l'article 7 du PLU.

Ils soulèvent le défaut d'intérêt à agir des appelants pour demander la vérification qu'ils sollicitent, sauf à justifier d'un préjudice direct, personnel et certain, laquelle vérification est une question purement juridique qui ne nécessite pas une expertise.

Sur la question de l'écoulement des eaux ils invoquent l'incohérence des demandes présentées par les appelants, les dispositions de l'article 640 concernant les eaux de pluies.

Les intimés allèguent, en outre, que leur fonds surplombe celui des époux X...et que leurs prétentions sont infondées, ces derniers ne démontrant pas l'existence d'une aggravation injustifiée de la servitude légale qu'ils doivent supporter.

Enfin, sur l'article 678 et les vues directes alléguées, ils affirment que les appelants ne démontrent pas leur création de vue droite ne respectant pas la distance légale, et ainsi, de l'utilité de l'expertise sollicitée.

*

* *

L'appréciation de la légitimé du motif relève du pouvoir souverain du juge du fond.

En outre, le juge des référés ne saurait outrepasser les limites de sa compétence et fonder sa décision sur une appréciation au fond du litige opposant les parties.

Par ailleurs, les appelants invoquent des moyens et arguments ci-dessus exposés qui ne peuvent être écartés au motif qu'il s'agit de mauvaises relations entre voisins.

La cour relève que les appelants fondent leur demande d'expertise en invoquant des motifs reposant sur des dispositions légales et en présentant des éléments de faits contestés par les intimés.

Après analyse des éléments soumis à son appréciation, la cour, contrairement au juge des référés, estime que les moyens et faits, invoqués par les époux X..., notamment les questions relatives à l'empiétement et au non-respect de la distance légale pour les vues alléguées par les époux X..., sont des motifs légitimes de ces derniers pour solliciter une mesure expertise, au sens de l'article 145 du code de procédure civile, ce litige opposant les parties, nécessitant l'avis d'un technicien en matière de construction.

Il convient, en conséquence, d'infirmer l'ordonnance entreprise et d'ordonner une expertise selon les modalités précisées au dispositif ci-dessous.

Sur la demande de modification de la mission de l'expert

Les intimés exposent que le fonds des époux X...est totalement raviné, qu'aucun aménagement n'a été réalisé pour canaliser les eaux de pluie qui détériorent leur fonds et emportent la terre jusqu'à la route départementale.

Ils ajoutent que les nuisances causées par les appelants en limite de propriété, entraînent l'effondrement de l'enrochement retenant les terres de leur propriété et que l'absence de canalisation effective de leurs eaux pluviales cause des agréments à la commune de Pietrosella.

De leur côté, les appelants concluent que les intimés s'opposent à la demande d'expertise et se contentent d'arguer de leur dangerosité.

*

* *
Il convient de rappeler que l'expert judiciaire n'est pas compétent pour dire le droit et déterminer les responsabilités des parties, de sorte que les missions complémentaires telles que formulées par les intimés, ne peuvent être confiées à l'expert judiciaire qui sera désigné.

Cette demande sera donc rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il n'est pas inéquitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance querellée sera donc confirmée en ses dispositions à ce titre et les parties seront déboutées de leurs demandes respectives sur ce même fondement, pour la procédure d'appel.

Les intimés, parties perdantes, supporteront les entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté les époux X...de toutes leurs demandes et mis les dépens à leur charge,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Ordonne une mesure d'expertise,
Commet en qualité d'expert, M. Jean-Marc C..., expert en économie de la construction, domicilié ... 20200 Bastia, avec la mission suivante :
- prendre connaissance de l'entier dossier,
- réunir les parties, leurs conseils et les entendre en leurs explications, se faire remettre par les parties tous documents utiles,
- se rendre sur les lieux : Pietrosella Lot Petinello 8 (20166), décrire les travaux réalisés,
- déterminer la limite séparative des parcelles AD no371 et AD no372 conformément au plan de bornage,
- constater l'origine de l'emplacement de la borne OGE portant le repère « G » sur le document d'arpentage,
- déterminer la distance entre la limite de propriété et les murs de soutènement,
- dire si les travaux entrepris par M. Sébastien Z...et Mme Karen A..., en limite de propriété constituent un empiétement,
- déterminer si les travaux de M. Sébastien Z...et Mme Karen A...jusqu'en limite de propriété, créent des vues directes et plongeantes sur la parcelle des époux X...à une distance prohibée,
- s'ils s'avèrent nécessaires, décrire les travaux de remise en état nécessaires et en chiffrer le coût et la durée, fournir tous éléments propres à permettre à la juridiction du fond éventuellement saisie, d'apprécier les responsabilités encourues, ainsi que les éventuels préjudices,
- s'adjoindre les services de tout sapiteur de son choix dans une spécialité hors de son domaine de compétence,
- faire toutes observations utiles sur les travaux litigieux et donner son avis sur la conformité ou non des travaux d'édification de murs au regard de l'article 7 du PLU de la commune de Pietrosella,
Dit que l'expert se conformera pour l'exécution de son mandat, aux dispositions des articles 232 à 248 et 263 à 284 du code de procédure civile, communiquera directement rapport de ses opérations à chacune des parties et en déposera deux exemplaires au greffe du tribunal saisi, à savoir celui du juge des référés du tribunal d'instance de Bastia, avant le 30 juin 2017,
Dit que l'expertise aura lieu aux frais avancés des époux X...qui consigneront au greffe tribunal d'instance de Bastia avant le 30 mars 2017, la somme de DEUX MILLE EUROS (2 000 euros), à titre de provision à valoir sur les honoraires de l'expert,
Dit qu'à défaut de consignation dans le délai ci-dessus fixé, la désignation de l'expert sera caduque,
Renvoie l'affaire devant le juge des référés du tribunal d'instance de Bastia,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel,
Déboute les parties de tous autres chefs de demandes,
Condamne M. Sébastien Z...et Mme Karen A...aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 15/00668
Date de la décision : 15/02/2017
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2017-02-15;15.00668 ?
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