Ch. civile A
ARRET No
du 18 JANVIER 2017
R. G : 14/ 00653 FR-R
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 07 Juillet 2014, enregistrée sous le no 13/ 00214
X...
C/
Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT
APPELANT :
M. Jean-Pierre X... né le 01 Juillet 1931 à Tizi Ouzou (Algerie) ...20090 AJACCIO
ayant pour avocat Me Pascale GIORDANI, avocat au barreau D'AJACCIO
INTIMEE :
Mme Danielle Y... épouse X... née le 22 Février 1949 à Tulle ...... 20090 AJACCIO
ayant pour avocat Me Monique CASIMIRI, avocat au barreau D'AJACCIO
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/ 2444 du 25/ 09/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en chambre du conseil du 10 octobre 2016, devant M. François RACHOU, Premier président, et Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. François RACHOU, Premier président Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Cécile BORCKHOLZ.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2016, prorogée par le magistrat par mention au plumitif au 18 janvier 2017.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. François RACHOU, Premier président, et par Mme Cécile BORCKHOLZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par arrêt avant dire droit en date du 13 juillet 2016 auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits de la procédure, la cour d'appel de Bastia a :
- révoqué l'ordonnance de clôture du 30 septembre 2015,
- renvoyé les parties à conclure, pour Mme Danielle Y... au 12 août 2016 et pour M. Jean-Pierre X... au 12 septembre 2016,
- dit que l'affaire sera rappelée à l'audience de plaidoiries du lundi 10 octobre 2016 à 8h30.
Par conclusions reçues par RPVA le 26 juillet 2016 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des faits et des moyens, Mme Danielle Y... demande à la cour de :
- déclarer l'appel de M. X... à l'encontre du jugement de débouté du 7 juillet 2014 régulier en la forme mais infondé,
dès lors,
- dire n'y avoir lieu infirmation,
- le débouter de ses demandes plus amples,
vu l'arrêt avant dire droit du 13 juillet 2016,
- accueillir favorablement et déclarer recevable l'appel incident de l'épouse au visa des dispositions de l'article 246 du code civil et de l'article 1077 du code de procédure civile,
- prononcer le divorce des époux X.../ Y...en application des dispositions de l'article 238-2 du code civil pour altération définitive du lien conjugal,
- donné acte à Mme Y... de ce qu'elle renonce à sa demande fondée sur les dispositions de l'article 1382 du code civil,
au visa des articles 270 et suivants du code civil,
- dire que M. X... devra servir à son épouse une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 48 000 euros réglables en huit annuités de 6 000 euros indexés comme matière de pension alimentaire,
- dire n'y avoir lieu application de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce que de droit sur les dépens, l'épouse bénéficiant de l'aide juridictionnelle.
Après avoir rappelé la procédure, Mme Danielle Y... fait valoir, tout d'abord, sur la cause du divorce que :
- sur la recevabilité de l'appel incident de l'intimé :
son appel est recevable dans la mesure où même si elle a pris des conclusions tendant à la confirmation du jugement frappé d'appel-celui-ci lui ayant donné satisfaction-elle n'a pas acquiescé à une procédure pour faute et dès lors, elle est recevable à prendre des conclusions d'appel incident,
son époux ayant interjeté appel du jugement du 7 juillet 2014 sans envisager la passerelle de l'article 247-1 du code civil, elle a un intérêt à agir et son appel incident sur la cause du divorce est dès lors recevable,
l'effet dévolutif de l'appel s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; ce qui est le cas en matière de divorce,
- sur l'application de l'article 238 alinéa 2 du code civil :
la jurisprudence consacre la recevabilité d'une demande fondée sur l'article 238 alinéa du code civil formée à titre reconventionnel par un appel incident,
d'autant que la rupture est consommée depuis le dépôt de la requête de l'époux le 19 février 2013 et son départ du domicile conjugal.
Mme Danielle Y... ajoute, sur les conséquences du divorce, qu'elle a retiré sa demande formée sur les dispositions de l'article 1382 du code civil et qu'elle maintient celle sur une prestation compensatoire à hauteur de 48 000 euros payables en huit annuités de 6 000 euros.
Elle rappelle que, selon une jurisprudence, une demande de prestation compensatoire présentée pour la première fois en appel est recevable dès lors que le divorce n'a pas acquis force de chose jugée, ce qui est le cas en cas d'appel du jugement de divorce.
Elle fait valoir les conditions du départ du domicile conjugal de M. X... et les éléments de disparité quant à la situation entre les deux époux.
Par conclusions reçues par voie électronique le 8 septembre 2016, M. Jean-Pierre X... demande à la cour de :
- déclarer recevable et fondée l'appel interjeté par M. X... Jean-Pierre,
y faisant droit,
- infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau,
- statuer sur la recevabilité de l'appel incident de Mme Y...,
- prononcer le divorce aux torts exclusifs de Mme Danielle Annie Y...,
- débouter Mme Y... de sa demande en divorce pour rupture du lien conjugal, le délai n'étant pas acquis au jour de l'assignation divorce,
- la débouter de sa demande de prestation compensatoire infondée juridiquement soit par l'irrecevabilité de l'appel incident soit par demande nouvelle prohibée par l'article 564 du code de procédure civile et en tout cas de cause injustifiée dans les faits,
- ordonner la mention du jugement en marge des actes de l'État civil de naissance de chacun des époux et sur l'acte de mariage,
- condamner Mme Danielle Annie Y... en tous les dépens,
- condamner Mme Danielle Annie Y... à porter et payer au concluant la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans l'hypothèse où l'appel incident de Mme Y... serait irrecevable, M. Jean-Pierre X... fait valoir que celle-ci n'a aucun intérêt à agir et ne peut relever appel incident dans la mesure où elle ne peut formuler aucune critique à l'encontre du premier jugement qui lui a donné entière satisfaction.
Dans l'hypothèse où l'appel incident serait recevable, il soutient que sa demande de prestation compensatoire est infondée dans la mesure où Mme Y... qui n'avait formulé initialement aucune prétention en divorce ne peut présenter pour la première fois en cause d'appel une demande nouvelle.
Il ajoute qu'en l'espèce, la prestation compensatoire réclamée est injustifiée dans la mesure où celle-ci n'avait rien réclamé jusqu'ici et dispose de ressources et est propriétaire d'un appartement.
SUR CE
Sur la demande en divorce pour faute de M. Jean-Pierre X...
Aux termes de l'article 242 du Code civil, « le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune ».
En l'espèce, M. Jean-Pierre X... fait valoir que Mme Danielle Y... a manqué à son obligation de soins, à son devoir d'assistance et à son d'obligation de soutien envers lui et lui reproche, en conséquence, un abandon physique et moral de sa part. Il fait état également d'un comportement injurieux du fait de l'absence de relations de Mme Y... avec sa belle-famille, outre un intérêt uniquement financier et un changement d'attitude à son égard.
Sur le premier grief tenant un abandon physique et moral, il verse de nombreuses attestations selon lesquelles, alors qu'il est âgé et qu'il présente un état de santé déficient exigeant une attention particulière, Mme Danielle Y... le délaissait physiquement et moralement, l'isolait de ses amis et de ses proches et qu'il a dû quitter le domicile conjugal.
S'il est vrai que les attestations produites par M. X... évoque un délaissement, Mme Danielle Y... verse des attestations selon lesquelles elle s'occupait de son époux et était très présente auprès de lui.
Au surplus, de nombreuses photographies font état, comme l'a rappelé justement le juge aux affaires familiales, d'événements communs et d'activités sociales partagées et ce même s'il n'est pas possible de les dater avec précision.
S'agissant de l'attitude de Mme Y... quant à l'état de santé de M. X..., ce dernier est justifié par des certificats pour l'essentiel postérieurs à la séparation, celle-ci remontant à février 2013.
Dès lors, la preuve de l'abandon allégué n'est pas rapportée.
Concernant le grief tenant un comportement injurieux, M. X... reproche à Mme Y... l'absence de relations avec son beau-fils et un parti pris en faveur de la compagne de ce dernier lors d'une rupture conflictuelle. Il ajoute que Mme Y... est dépourvue de sentiment à son égard, n'étant guidée que par un intérêt financier et fait état d'un mot injurieux trouvé sur le frigidaire.
Sur les relations avec sa belle-famille, des attestations sont produites par Mme Y... faisant état de liens avec le deuxième enfant de M. X... durant sa maladie et décédé depuis et de relations étroites avec les petits-enfants de M. X....
Aussi le grief tenant au rejet par Mme Y... de sa belle-famille n'est pas établi.
Il en est de même quant à l'intérêt financier argué, les pièces versées (mot, photographies) par l'intimée faisant état des sentiments de cette dernière envers son époux.
Concernant le document trouvé le jour de la Saint-Valentin sur le frigo par M. X..., celui-ci ne peut caractériser à lui seul un comportement injurieux.
Dès lors, s'il est établi une dégradation des relations au sein du couple qui a amené M. Jean Pierre X... a quitté le domicile conjugal, la preuve de faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendant intolérable le maintien de la vie commune de la part de Mme Danielle Y... n'est pas rapportée.
En conséquence, le jugement du 7 juillet 2014 sera confirmé en ce qu'il a débouté M. Jean-Pierre X... de sa demande en divorce pour faute.
Sur l'appel incident de Mme Danielle Y...
Sur la recevabilité de l'appel incident
En l'espèce, le premier juge a débouté M. Jean-Pierre X... de sa demande en divorce pour faute.
Mme Danielle Y... présente à titre reconventionnel une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal.
L'appel incident de Mme Danielle Y... est recevable, l'objet du litige étant indivisible. En effet, il ne peut être contesté que la demande reconventionnelle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant, Mme Danielle Y... sollicitant le divorce en application des dispositions de l'article 238 alinéa 2 et une prestation compensatoire.
Sur les demandes de Mme Danielle Y...
Mme Danielle Y... sollicite le prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal, en application de l'article 238-2 du code civil et une prestation compensatoire pour un montant de 48 000 euros.
Il n'y a pas lieu de lui donner acte de ce qu'elle a renoncé à sa demande de dommages-intérêts fondés sur les dispositions de l'article 1382 du code civil, la cour n'ayant pas à trancher quant à une telle demande.
Sur la cause du divorce
Il résulte de la combinaison des articles 246 et 238 du code civil qu'une demande en divorce pour altération du lien conjugal formé reconventionnellement à une demande en divorce pour faute démontre l'altération définitive du lien conjugal, sans que soit pris en compte la durée de la séparation.
Tel est le cas en l'espèce, sachant qu'il n'est pas contesté que les parties vivent séparées depuis février 2013.
En conséquence, la demande de Mme Danielle Y... est fondée et il convient de prononcer le divorce de Mme Danielle Y... et de M. Jean-Pierre X... en application des dispositions 238 du code civil.
Sur les conséquences du divorce
M. Jean-Pierre X... s'oppose à la demande en soutenant qu'il s'agit d'une demande nouvelle, car présentée pour la première fois en cause d'appel. Toutefois, une demande de prestation compensatoire présentée pour la première fois en appel est recevable dès lors que le divorce n'a pas acquis force de chose jugée, la demande de prestation compensatoire étant l'accessoire à la demande en divorce.
Aux termes des articles 270 et 271 du code civil, en cas de disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation. Celle-ci est fixée en fonction des besoins de l'époux à qui elle est versée et des ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et des évolutions de celle-ci dans un avenir prévisible. À cet effet, le juge prend en considération notamment : la durée du mariage ; l'âge et la santé des époux ; leur qualification et leur situation professionnelle ; le patrimoine estimé ou prévisible des époux ; leurs droits existants et prévisibles ; leur situation respective en matière de pension et de retraite.
En l'espèce, le mariage a duré 17 ans, Mme Daniel Y... étant âgée de 67 ans et M. Jean-Pierre X... de 85 ans ; chacun connaît un état de santé déficient, M. Jean-Pierre X... justifiant de graves pathologies.
Par ailleurs, Mme Danielle Y... a exercé le métier d'aide-soignante et reçoit à ce titre une retraite et est propriétaire de son appartement à Ajaccio. Elle fait état de charges s'élevant au total à 1 345, 68 euros par mois.
M. Jean-Pierre X... perçoit une retraite de 1 900 euros (déclarations d'impôt sur le revenu 2012) outre des revenus locatifs pour des appartements à Nice et un studio à Tiuccia soit un total de 4 900 euros.
Sur ses charges diverses, il produit différentes pièces sans établir une liste de charges précises, celles-ci pouvant être évaluées à 2 780 euros.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il est certain qu'il existe une disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respective des époux et qu'il est dû à Mme Danielle Y... une prestation compensatoire qu'il convient de fixer à la somme de 30 000 euros, celle-ci étant réglable en 5 annuités de 6 000 euros et chacune étant indexée comme en matière de pension alimentaire.
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des
dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. Jean-Pierre X....
Les dépens seront à la charge de M. Jean-Pierre X....
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement du 7 juillet 2014 en ce qu'il a débouté M. Jean-Pierre X... de sa demande en divorce pour faute,
Y ajoutant,
Déclare recevable l'appel incident de Mme Danielle Y... quant à sa demande de divorce pour rupture du lien conjugal et sa demande de prestation compensatoire,
Prononce le divorce des époux Daniel Y... et Jean-Pierre X... pour altération définitive du lien conjugal,
Condamne M. Jean-Pierre X... à payer à Mme Danielle Y... une prestation compensatoire sous forme d'un capital de TRENTE MILLE EUROS (30 000 euros) réglable en 5 annuités de SIX MILLE EUROS (6 000 euros) indexée comme en matière de pension alimentaire,
Ordonne la mention du jugement en marge des actes de l'État civil de naissance de chacun des époux et sur l'acte de mariage :
. M. Jean-Pierre X... né le 1er juillet 1931 à Tizi ouzou en Algérie,
. Mme Danielle Annie Y... née le 22 février 1949 à Tulle (Corrèze),
dont le mariage a été célébré le 30 janvier 1999 à Nice,
Déboute M. Jean-Pierre X... de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. Jean-Pierre X... aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT