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14/12/2016 | FRANCE | N°15/001654

France | France, Cour d'appel de Bastia, 04, 14 décembre 2016, 15/001654


ARRET No-----------------------14 Décembre 2016-----------------------15/ 00165----------------------- El Hassane X... C/ MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA CORSE, SARL SARL GARDENIUM---------------------- Décision déférée à la Cour du : 08 juin 2015 Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BASTIA 21400142------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE SEIZE

APPELANT :

Monsieur El Hassane X... ......20290 LUCCIANA Représenté par Me Pasquale VITTORI, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEES

:
MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA CORSE Avenue du Mont Thabor-Immeuble MAIF 20175 AJACCIO ...

ARRET No-----------------------14 Décembre 2016-----------------------15/ 00165----------------------- El Hassane X... C/ MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA CORSE, SARL SARL GARDENIUM---------------------- Décision déférée à la Cour du : 08 juin 2015 Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BASTIA 21400142------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE SEIZE

APPELANT :

Monsieur El Hassane X... ......20290 LUCCIANA Représenté par Me Pasquale VITTORI, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEES :
MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA CORSE Avenue du Mont Thabor-Immeuble MAIF 20175 AJACCIO représentée par Me Doris TOUSSAINT substituant Me Gilles ANTOMARCHI, avocats au barreau de BASTIA,

SARL SARL GARDENIUM représentée par son représentant légal en exercice, Lieudit Castellarese Route du Golf Route de l'aéroport 20290 BORGO Représentée par Me Martine CAPOROSSI POLETTI, avocat au barreau de BASTIA,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2016 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme LORENZINI, Présidente de chambre, Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme LORENZINI, Présidente de chambre, Mme ROUY-FAZI, Conseiller Madame GOILLOT, Vice présidente placée

GREFFIER :
Mme COMBET, Greffier lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2016,
ARRET
Contradictoire Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe. Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre et par Mme COMBET, Greffier, présent lors de la mise à disposition de la décision.

*** Faits et procédure :

Monsieur El Hassane X... a été embauché en 1993 en qualité d'employé d'entretien-jardinier du Golf de Borgo ; au dernier état de la relation contractuelle, son employeur était la SARL GARDENIUM (la société), dans le cadre d'un contrat de travail soumis à la convention collective nationale des paysagistes non cadres, l'emploi de M. X... étant celui d'ouvrier paysagiste position III niveau 2 à temps complet.
Le 31 octobre 2011, il était victime d'un accident du travail : atteint par une balle de golf derrière la tête, il souffrait d'un traumatisme crânien avec perte de connaissance ; il était déclaré consolidé le 16 juillet 2012 ; licencié le 19 juillet 2012, en raison de son inaptitude et de l'impossibilité de reclassement dans l'entreprise, il bénéficie, depuis le 6 août 2013, d'une pension d'invalidité et, depuis le 1er octobre 2013, d'une allocation d'adulte handicapé avec un taux d'incapacité de 6 %.
Le 20 janvier 2014, il a saisi la MSA d'une demande de reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur ; cet organisme l'a renvoyé à saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale.
Par jugement en date du 8 juin 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Haute Corse, après avoir rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X... a formalisé appel de cette décision par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 juin 2015.
Aux termes des conclusions de son avocat en cause d'appel, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, M. X... demande à la cour de :- infirmer le jugement,- constater l'existence de la faute inexcusable de l'employeur,- lui allouer le bénéfice d'une rente majorée au taux maximal,- condamner la société à l'indemniser de son préjudice subi au titre de ses souffrances physiques et morale, des préjudices esthétiques et d'agrément et du préjudice professionnel,- dire et juger que la MSA fera l'avance du montant de l'indemnisation,- condamner l'employeur à verser la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, avant dire droit,- ordonner une expertise avec mission pour l'expert de donner toutes appréciations permettant l'évaluation des préjudices précités.

Dans ses écritures développées à la barre, la Caisse de mutualité sociale agricole de la Corse (la MSA) sollicite de voir :- statuer ce que de droit sur la recevabilité en la forme de l'appel interjeté par M. X...,- au fond, l'en débouter et confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,- subsidiairement et s'il devait en être autrement,- donner acte à la MSA de ce qu'elle s'en remet à l'appréciation de la cour sur le mérite de la demande en reconnaissance de la faute inexcusable,- dans l'hypothèse où la cour viendrait à faire droit à la demande de M. X..., dire que la Caisse qui sera tenue de faire l'avance des indemnités allouées à celui-ci, en récupérera le montant auprès de l'employeur conformément aux dispositions de l'article L. 452-3 dernier alinéa du code de la sécurité sociale,- condamner M. X... au paiement de la somme de 840 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses écritures, oralement soutenues à l'audience, la société demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner M. X... à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures oralement soutenues à l'audience.

La recevabilité de l'appel n'est pas discutée. Les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office.

Sur le fond :

En vertu du contrat de travail, l'employeur est tenu envers le salarié d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par l'intéressé du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; pour que la faute inexcusable de l'employeur soit reconnue par les juridictions de sécurité sociale, il appartient à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle de démontrer que son employeur avait, ou aurait dû avoir connaissance du danger auquel il était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

La connaissance du danger par l'employeur peut notamment résulter de la violation des règles de sécurité mises à sa charge par le code du travail, mais aussi du signalement qui lui aura été fait préalablement à l'accident par la victime elle-même, ou un membre du comité hygiène, sécurité et conditions de travail ; il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes ont concouru au dommage ; seule la faute inexcusable du salarié peut exonérer l'employeur de sa responsabilité ; il s'agit de la faute volontaire du salarié, d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

L'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur est soumise à la prescription de deux ans prévue à l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale ; le délai commence à courir :- pour les accidents du travail, du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ;- pour les maladies professionnelles, de la date de la première constatation par le médecin traitant de la modification survenue dans l'état de la victime, sous réserve, en cas de contestation, de l'avis émis par l'expert ou de la date de cessation du paiement de l'indemnité journalière allouée en raison de la rechute ; ce délai est interrompu par l'exercice de l'action pénale ou de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.

La caisse de sécurité sociale dont dépend la victime est saisie par lettre recommandée avec accusé de réception, laquelle interrompt le délai de prescription et, après une tentative infructueuse de conciliation, la caisse invite la victime à saisir le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale compétent.
En l'espèce, en cause d'appel, ni l'employeur ni la MSA ne soulève la prescription de la demande de M. X... ; le jugement sera confirmé de ce chef.
La faute inexcusable ne se présume pas, sauf en cas de risque signalé à l'employeur et d'absence de formation à la sécurité. Il appartient en conséquence, en application des dispositions de l'article 1315 du code civil, il incombe au salarié d'apporter la preuve de l'existence de la conscience du danger ainsi que de l'absence de mesures de prévention de la part de l'employeur.
A cet effet, M. X... fait principalement valoir qu'il était en train de ramasser des balles de golf avec une voiturette qui n'était pas équipée de protections lorsqu'il a été heurté par une balle projetée par un joueur et que l'entreprise n'a jamais établi de document d'évaluation des risques identifiés, qu'il n'a personnellement pas commis de faute et qu'en tout état de cause, la faute inexcusable de l'employeur est reconnue dès lors qu'elle a contribué à la réalisation du risque même si elle n'en est pas la cause prépondérante.
La société réplique que le salarié a commis une faute exonératoire en choisissant d'utiliser un autre véhicule que celui spécialement aménagé mis à sa disposition pour sa mission alors qu'il n'est pas démontré que celui-ci était en panne et que son salarié disposait d'une expérience professionnelle étendue lui conférant une autonomie dans la réalisation de son travail et dans l'appréciation des risques et qu'il a lui-même commis une faute inexcusable en s'exposant volontairement au risque.
Les attestations de Messieurs A..., U..., V...sont sans incidence sur la solution du litige, ces personnes ne faisant que décrire l'activité professionnelle de l'appelant sans indiquer l'avoir vu travailler sans protections ; quant à celles de Messieurs B..., J...et K..., elles seront écartées, ces personnes ayant fréquenté le Golf postérieurement à l'accident de M. X... ; de même, les photographies anciennes, objets de sa pièce 14, ne permettent pas de constater qu'il ramassait les balles avec un équipement inadapté ; quant aux attestations de Messieurs T..., L..., M..., N...et O..., selon lesquelles le personnel n'utilisait pas d'engins équipés de protection pour le ramassage des balles, outre qu'elles ne permettent pas de retenir qu'un tel engin n'était pas à la disposition du salarié, elles sont utilement combattues par celles produites en réplique par l'employeur (Madame D..., Messieurs E..., P..., Q..., R...et S...dont il résulte qu'un véhicule avec un grillage de protection était utilisé pour ce faire, Monsieur F...attestant avoir installé ce grillage en 2003) ; M. X... ne conteste pas qu'un tel tracteur était à sa disposition mais affirme, sans offre de preuve, qu'il était inutilisé depuis au moins 2010 car tombant régulièrement en panne, ce qui est contredit par l'attestation de Mme G...qui précise avoir vu M. X... l'utiliser régulièrement.
La société produit son document d'évaluation des risques professionnels des années 2009 à 2012 qui précise les mesures à prendre par le salarié lors du ramassage des balles, dont le port de casque ; M. X... ne soutient pas qu'un tel équipement n'a pas été mis à sa disposition, ni qu'il a signalé sa présence aux joueurs, étant constaté que Messieurs H...et T...reconnaissent que le règlement intérieur leur interdisait de taper dans une balle pendant les opérations de ramassage ; elle justifie que ce document a été porté à la connaissance de ses salariés ; elle démontre également qu'elle était équipée d'un tracteur grillagé avec protection complète pour effectuer ces opérations en produisant tant les attestations précitées que l'assurance et les photographies de l'engin, manifestement en état de marche.
En conséquence, l'équipement de travail du salarié était conforme aux dispositions des articles L. 4321-1 et R. 4324-2 du code du travail et il n'est pas démontré qu'il n'était pas équipé, installé, utilisé, réglé et maintenu de manière à préserver la sécurité du travailleur, lequel a fait le choix de ne pas l'utiliser ni de s'équiper d'un casque alors que son ancienneté dans l'entreprise, sa classification, sa qualification et son expérience professionnelle le rendait particulièrement informé des risques encourus, M. X... reconnaissant lui-même qu'il dispose d'un savoir-faire et d'une expérience dans le domaine du golf lui ayant permis d'être ultérieurement recruté par un autre golf, présidé par l'une des personnes attestant pour lui, Monsieur I....
Si l'employeur est tenu envers le salarié d'une obligation de sécurité de résultat, le manquement à cette obligation n'a le caractère de faute inexcusable que lorsque l'employeur, qui avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; en l'espèce, il ne résulte d'aucune des pièces de la procédure (dont pas même les photographies objets des pièces 4 et 5) que la société savait que M. X... ne portait pas de casque lors du ramassage des balles ni n'utilisait l'engin approprié et avait pris des mesures pour l'y contraindre et qu'elle avait conscience du danger auquel il se trouvait exposé et n'avait pris aucune mesure de prévention.
Dès lors, le tribunal des affaires de sécurité sociale ne saurait connaître de la demande de condamnation de la société à indemniser M. X... de son préjudice sur le fondement des articles L. 451-1 et suivants du code de la sécurité sociale, la faute inexcusable n'étant pas reconnue.
Le jugement sera ainsi, par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges, confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre partie.
PAR CES MOTIFS
L A C O U R,
Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement en date du 8 juin 2015 du tribunal des affaires de sécurité sociale de Haute Corse,
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, ni à statuer sur les dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 15/001654
Date de la décision : 14/12/2016
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2016-12-14;15.001654 ?
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