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14/12/2016 | FRANCE | N°14/00793

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 14 décembre 2016, 14/00793


Ch. civile A

ARRET No
du 14 DECEMBRE 2016
R. G : 14/ 00793 EB-C
Décision déférée à la Cour : Ordonnance Au fond, origine Juge de la mise en état d'AJACCIO, décision attaquée en date du 18 Juillet 2014, enregistrée sous le no 13/ 00081

SCI PRIMMOPRO
C/
SA ELECTRICITE DE FRANCE SA GDF SUEZ

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE SEIZE
APPELANTE :
SCI PRIMMOPRO prise en la personne de son représentant légal 3 Avenue Nicolas Pietri 20000 AJACCIO

ayant pour avocat Me Anne Marie LEA

NDRI de la SCP LEANDRI LEANDRI, avocat au barreau D'AJACCIO

INTIMEES :

SA ELECTRICITE DE FRANCE prise en la ...

Ch. civile A

ARRET No
du 14 DECEMBRE 2016
R. G : 14/ 00793 EB-C
Décision déférée à la Cour : Ordonnance Au fond, origine Juge de la mise en état d'AJACCIO, décision attaquée en date du 18 Juillet 2014, enregistrée sous le no 13/ 00081

SCI PRIMMOPRO
C/
SA ELECTRICITE DE FRANCE SA GDF SUEZ

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE SEIZE
APPELANTE :
SCI PRIMMOPRO prise en la personne de son représentant légal 3 Avenue Nicolas Pietri 20000 AJACCIO

ayant pour avocat Me Anne Marie LEANDRI de la SCP LEANDRI LEANDRI, avocat au barreau D'AJACCIO

INTIMEES :

SA ELECTRICITE DE FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité au siège social 22-30, Avenue de Wagram 75008 PARIS

ayant pour avocat Me Pierre Louis MAUREL, avocat au barreau de BASTIA, Me Romain GRANJON de la SELAS ADAMAS, avocat au barreau de LYON
SA GDF SUEZ prise en la personne de son Président Directeur Général, domicilié en cette qualité audit siège devenue la société ENGIE 1, Place Samuel de Champlain 92400 COURBEVOIE

ayant pour avocat Me Jean Jacques CANARELLI, avocat au barreau de BASTIA, Me Henri SAVOIE de la SCP DARROIS VILLEY MAILLOT BROCHIER-A. A. R. P. I, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 octobre 2016, devant M. François RACHOU, Premier président, et Micheline BENJAMIN, Conseiller, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. François RACHOU, Premier président Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Cécile BORCKHOLZ.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2016.

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. François RACHOU, Premier président, et par Mme Cécile BORCKHOLZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société Leca Patrimoine devenue Primmopro a acquis des consorts Z...le 7 juillet 2006, par voie d'échange, diverses parcelles de terre situées à Ajaccio, boulevard Henri Maillot, cadastrées BV 384, BV 364 et BV 367.

Les consorts Z... avaient acquis la parcelle no BV384 de la mairie d'Ajaccio le 7 juillet 2006, qui l'avait elle même acquise de la société Cortim le 14 août 1987.
Dans le cadre d'études préalables à la construction de l'immeuble qu'ils projetaient d'édifier sur la parcelle, les consorts Z... ont constaté qu'il existait dans la partie basse de la parcelle BV 384, des canalisations de gaz, mais aussi des câbles à haute tension qui empêchaient la réalisation des travaux de terrassement nécessaires.
Par acte d'huissier du 8 janvier 2013, la SCI Primmopro a assigné les sociétés EDF et ENGIE (anciennement GDF Suez) devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio, et se prévalant de la violation de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur la procédure applicable aux concessionnaires
du service public de distribution de l'électricité et du gaz, en cas d'implantation de canalisations sur des terrains privés, et au visa du principe constitutionnel de protection de la propriété, sollicite leur condamnation in solidum :
- à procéder au retrait sous astreinte des installations enfouies dans son terrain,- à lui payer la somme de 3 401 038 euros à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudices confondus, outre celle de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 18 juillet 2014, le juge de la mise en état, saisi par les sociétés EDF et ENGIE, a déclaré les juridictions judiciaires incompétentes pour connaître de la demande, au profit de celles de l'ordre administratif, et invité les parties à mieux se pourvoir.

Il a condamné la SCI Primmopro à payer à la SA EDF et à la SA GDF, la somme de 1. 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe du 1er octobre 2014, la SCI Primmopro a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 08 décembre 2015, elle demande à la cour :

- d'infirmer la décision du juge de la mise en état,
- de retenir la compétence du tribunal de grande instance d'Ajaccio,
- de débouter les intimées de leurs demandes,
- de les condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que les ouvrages litigieux n'ont pas été implantés sur le domaine public, mais sur un terrain privé, et ce sans demander aucune autorisation aux propriétaires, ni appliquer la procédure relative à la création de servitudes.
Elle précise que la parcelle BV 384 provient de la division d'une parcelle BV 326, qui provient elle même de la division d'une parcelle BV 190, qu'elle a été acquise initialement par la Cortim en 1987, et que le plan d'occupation des sols d'Ajaccio qui avait établi les réserves foncières sur les parcelles BV 328, BV 332, et BV 333 pour la réalisation de routes, avait affecté les parcelles BV 333 et BV 326 à l'assiette d'une future bretelle destinée à relier le Salario au quartier des Jardins de l'Empereur. La ville d'Ajaccio a donc acquis ces parcelles par acte du 14 août 1987.

Toutefois, la réalisation des canalisations qui date de 1974, a été faite sur un terrain privé.

Ultérieurement, par délibération du 26 mai 2005, la mairie a rétrocédé gratuitement la parcelle BV 384 aux consorts Z..., cette rétrocession a été annulée par délibération du 29 mai 2006, et un acte de cession onéreux a été reçu par Me A...notaire le 7 juillet 2006.
Elle souligne que la procédure de déclaration d'utilité publique prévue par la loi du 15 juin 1906 au profit des entreprises d'électricité et de gaz pour implanter des canalisations souterraines sur des terrains privés n'a pas été appliquée en l'espèce.
Elle précise qu'elle ne fonde pas son action sur la voie de fait, mais sur les articles 1134 et 1147 du code civil, et l'inéxécution par les intimées de leurs engagements contractuels réitérés à plusieurs reprises.
Elle rappelle que l'article 12 du code de procédure civile donne la possibilité au juge de restituer aux faits leur exacte qualification juridique si celle-ci lui paraît inexacte.

Par conclusions récapitulatives notifiées respectivement le 08 décembre 2015 et le 21 octobre 2015, la SA EDF et la SA ENGIE demandent à la cour de confimer l'ordonnance du juge de la mise en état en toutes ses dispositions, seules les juridictions administratives étant compétentes pour connaître du litige, et de condamner la SCI Primmopro à leur payer respectivement les sommes de 6 000 euros et 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens.

Elles indiquent qu'en 1974, ainsi que le prévoit la loi du 15 juin 1906, une canalisation de gaz et deux câbles à haute tension, ont été enfouis par EDF et GDF Suez, dans la même tranchée, sous la voie publique, le long de l'accotement du boulevard Henri Maillot à Ajaccio.
Elles ajoutent que les consorts Z... étaient propriétaires de parcelles situées en surplomb du boulevard Henri Maillot, qu'ils ont décidé d'y construire un ensemble immobilier de douze logements et un bureau, et que pour pouvoir réaliser un accès par le boulevard Henri Maillot, ils ont obtenu par décision du conseil municipal d'Ajaccio, la cession d'une parcelle située le long du boulevard, qui a été numérotée BV 384 lors de l'établissement du plan de bornage.
Cette parcelle BV384 constitue un " délaissé " au sens de l'article L112-8 du code de la voierie routière, c'est-à-dire une parcelle déclassée par suite du changement de tracé de la voie ou de l'ouverture d'une voie nouvelle.
Les SA EDF et ENGIE relèvent que l'action dirigée à leur encontre a été expressément fondée tant dans l'assigantion introductive d'instance que dans les conclusions au fond ultérieures, sur la voie de fait, et non pas sur la responsabilité contractuelle, contrairement à ce que soutient la
partie adverse dans ses dernières écritures, et considèrent que le litige relève exclusivement de la compétence des juridictions administratives en ce qu'il met en cause l'existence ou l'emplacement du réseau public de distribution de gaz et d'électricité, qui constituent des ouvrages publics.
Elles excluent par ailleurs toute voie de fait, puisque d'une part les canalisations ont été initialement implantées sous l'emprise d'une voie publique, comme l'autorise l'article 10 de la loi du 15 juin 1906, et que d'autre part conformément à une jurisprudence constante, l'implantation même sans titre d'un ouvrage public sur le terrain d'une personne privée ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'administration.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 10 février 2016, et l'affaire fixée pour être plaidée au 10 octobre 2016.

MOTIFS

Si l'article 12 du code de procédure civile permet au juge de restituer aux faits litigieux leur exacte qualification, il résulte de l'article 4 du même code que l'objet du litige qui est déterminé par les prétentions des parties, s'impose à lui.

Quel que soit le fondement juridique des demandes, le présent litige a pour objet l'enlèvement de canalisations souterraines de gaz et de lignes électriques à haute tension, et l'indemnisation du préjudice né du retard dans cet enlèvement.
Les canalisations de gaz et lignes électriques constituent des ouvrages publics, puisqu'ils sont des biens immeubles affectés au service public de distribution de gaz et d'électricité, aménagés pour répondre à une finalité d'intérêt général.
Le principe de séparation des autorités judiciaires et administratives commande que les litiges ayant pour objet l'existence ou l'emplacement d'un ouvrage public, relèvent de la compétence exclusive des juridictions administratives.
La SCI Primmopro se prévalait dans ses premières écritures d'une voie de fait.
Or elle ne rapporte pas la preuve de la date et des circonstances de mise en place des canalisations et lignes litigieuses, la société EDF soutenant les avoir installés en 1974, sous l'emprise d'une voie publique, sans être contredite sur ce point.
La SCI Primmopro ne justifie pas de la propriété de la parcelle antérieurement à 1987, année de son acquisition par la Cortim.
Le procès-verbal de délibération du conseil municipal d'Ajaccio en date du 29 mai 2006, qui décide de la rétrocession de cette parcelle BV 384 aux consorts Z..., propriétaires riverains, mentionne qu'elle constitue " un délaissé " après l'implantation du boulevard Henry Maillot, ce qui signifie qu'elle a été déclassée du domaine public au domaine privé de la commune suite a un changement de tracé de la voie publique.
Dans ces conditions, l'implantation des canalisations et lignes litigieuses ne saurait être considérée comme un acte manifestement inscuceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'administration, et la voie de fait ne peut être retenue.
C'est donc à juste titre que le juge de la mise en état a décliné la compétence du tribunal de grande instance d'Ajaccio, et invité les parties à mieux se pourvoir.
Il convient de confirmer cette décision en toutes ses dispositions, et de condamner la SCI Primmopro à payer à la SA EDF et à la SA ENGIE chacune, la somme de 1 500 euros chacune au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

- CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'Ajaccio en date du 18 juillet 2014 ;

- DEBOUTE la SCI Primmopro de ses demandes ;
- Y ajoutant, CONDAMNE la SCI Primmopro à payer à la SA EDF et à la SA ENGIE, chacune, la somme de 1 500 euros (mille cinq cent euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
- CONDAMNE la SCI Primmopro aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 14/00793
Date de la décision : 14/12/2016
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2016-12-14;14.00793 ?
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