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23/11/2016 | FRANCE | N°15/00277

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale, 23 novembre 2016, 15/00277


ARRET No-----------------------23 Novembre 2016-----------------------15/ 00277----------------------- Aurélie X... C/ Pauline Y...---------------------- Décision déférée à la Cour du : 24 septembre 2015 Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de Bastia F13/ 00067------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE SEIZE

APPELANTE :

Madame Aurélie X... ...20213 FOLELLI Représentée par Me Pasquale VITTORI, avocat au barreau de BASTIA (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/ 3

008 du 05/ 11/ 2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)

INTIMEE :...

ARRET No-----------------------23 Novembre 2016-----------------------15/ 00277----------------------- Aurélie X... C/ Pauline Y...---------------------- Décision déférée à la Cour du : 24 septembre 2015 Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de Bastia F13/ 00067------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE SEIZE

APPELANTE :

Madame Aurélie X... ...20213 FOLELLI Représentée par Me Pasquale VITTORI, avocat au barreau de BASTIA (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/ 3008 du 05/ 11/ 2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)

INTIMEE :
Madame Pauline Y... exploite à l'enseigne CARREFOUR SECRETARIAT No SIRET : 405 133 380 00015 ... 20213 FOLELLI Représentée par Me Marie Josée BELLAGAMBA, avocat au barreau de BASTIA,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 septembre 2016 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BESSONE, conseiller, faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire, Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme LORENZINI, Présidente de chambre, Mme BESSONE, Conseiller Madame GOILLOT, Vice présidente placée

GREFFIER :
Mme COMBET, Greffier lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2016

ARRET

Contradictoire Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe. Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre faisant fonction de président et par Mme COMBET, Greffier, présent lors de la mise à disposition de la décision.

***
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Mme Aurélie X... et Mme Pauline Y... exploitant à l'enseigne " Carrefour Secrétariat " ont signé un contrat de travail à durée déterminée pour la période allant du 01. 09. 2003 au 30. 06. 2005, pour un poste de secrétaire, un horaire de travail de 36 heures par semaine, et un salaire de 607 euros. Ce CDD a été suivi d'un autre, pour la période allant du 01. 07. 2005 au 30. 10. 2005, pour 20 heures hebdomadaires, et un salaire de 711, 93 euros brut. A compter du 1er novembre 2005, les parties ont poursuivi la relation de travail, qui est dès lors devenue à durée indéterminée. La salariée a été placée en arrêt maladie à compter du 31. 03. 2012.
Elle a passé deux visites de reprises auprès de la médecine du travail, le 06. 09. 2013, puis le 20. 09. 2013. Le 14. 10. 2013, elle a été licenciée pour inaptitude.
Par jugement du 24 septembre 2015, le conseil de prud'hommes de BASTIA a :- dit que les demandes au titre des rappels de salaires, congés payés, requalification de contrat, dont la date d'exigibilité est antérieure au 8 mars 2008, étaient prescrites,- ordonné la rectification de l'attestation Pôle Emploi, et du certificat de travail,- ordonné la remise du bulletin de paie de septembre 2013,- donné acte à l'employeur de son offre de rectification des fiches de paie, de mars 2008 à septembre 2009,- ordonné la régularisation auprès des organismes sociaux des heures supplémentaires payées mais non déclarées pour la période allant de mars 2008 à septembre 2009,

- débouté Mme X... de ses autres demandes,- condamné Mme Y... aux dépens.

Par courrier électronique du 13 octobre 2015, Mme Aurélie X... a interjeté appel de cette décision, qui lui été notifiée le 29 septembre 2015.
Mme X... demande à la cour :- de condamner Mme Y... à lui payer les sommes suivantes : 185, 25 euros à titre de reliquat de salaire pour la période de septembre 2003 à novembre 2003, 63, 72 euros à titre de reliquat de salaire pour la période allant du 1er juillet 2005 au 30. 10. 2005, 31, 86 euros à titre de reliquat de salaire du 01. 11. 2005 au 31. 12. 2005, 1 871, 31 euros à titre de reliquat de congés payés, 8 500 euros à titre d'indemnité de travail dissimulé, 1 400 euros à titre d'indemnité de requalification du CDD du 01. 07. 2005 en CDI, 20 000 euros à titre d'indemnité pour violation de l'obligation de reclassement, 2 800 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- d'ordonner la régularisation des fiches de paie de septembre à novembre 2003, et de juillet à décembre 2005, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,- d'ordonner la requalification de son contrat de travail à temps plein avec effet rétroactif au 1er septembre 2003,- d'ordonner la régularisation de la salariée auprès des organismes sociaux, chômage et de retraite sous astreinte de 100 euros par jour de retard,- d'ordonner la rectification sous astreinte de 100 euros par jour de retard, du certificat de travail, et de l'attestation Pôle Emploi,- d'ordonner la remise de la fiche de paie de septembre 2013, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Pour contester la prescription, Mme X... fait valoir que les dispositions transitoires prévues à l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, fixent le point de départ du nouveau délai de prescription à la date d'entrée en vigueur de cette loi, soit au 19 juin 2008.
Elle affirme avoir travaillé pour Mme Y... du 16. 12. 2002 au 31. 08. 2003 sans être déclarée, et réclame à ce titre l'indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire prévue à l'article L8223-1 du code du travail, ainsi que la régularisation des fiches de paie pour la période considérée et de sa situation auprès des organismes sociaux et de retraite, la requalification rétroactive de son contrat à temps partiel en temps plein.
Elle ajoute que le travail dissimulé a continué au fil des années, le montant de ses bulletins de paie étant systématiquement inférieur à celui des paiements qui lui étaient faits.
L'absence d'indication dans les contrats à durée déterminée du motif pour lesquels ils ont été conclus constitue selon Mme X..., une cause de requalification en contrat à durée indéterminée qui lui donne droit à une indemnité égale au moins à un mois de salaire, en application de l'article L1245-2 du code du travail, sans que puisse lui être opposée la prescription sur ce point, puisque conformément à l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, un nouveau délai de cinq ans a commencé à courir à compter de son entrée en vigueur.
Mme X... reproche aux premiers juges de n'avoir pas statué sur la violation de l'obligation de reclassement caractérisée par l'absence de sollicitation par l'employeur du médecin du travail aux fins de propositions après l'avis d'inaptitude, par l'absence de toute diligence en vue du reclassement, et par l'absence de toute recherche auprès des partenaires de l'entreprise.
Elle se réfère enfin, pour réclamer une indemnité de préavis, à la jurisprudence qui l'accorde en cas de rupture du contrat de travail imputable à l'employeur en raison du manquement à l'obligation de reclassement.
Elle déplore l'irrégularité formelle et le caractère mensonger des attestations produites par la partie adverse.
Elle conteste avoir travaillé dans un établissement de plage comme serveuse a l'été 2013, mais indique avoir aidé un ami à titre bénévole, pendant deux jours.
Mme Pauline A... épouse Y... demande à la cour :- de dire et juger prescrites les demandes en paiement de reliquat de salaire, de congés payés, de requalification de CDD

en CDI, de remise de fiches de paie rectifiées antérieurement, par application de l'article L3245-1 du Code du Travail,- en toute hypothèse, de débouter la salariée sur le fond de ses demandes de rappel de salaires et congés payés, requalification et indemnité de requalification,- de lui donner acte de ce qu'elle offre de rectifier les fiches de paie de mars 2008 à septembre 2009, par la prise en compte des heures supplémentaires non déclarées mais dûment payées par chèque,- de débouter Mme X... de ses autres demandes d'indemnités pour travail dissimulé, pour non-respect de l'obligation de reclassement, et d'indemnité de préavis, les conditions des articles L1226-2 et R4624-31 du code du travail ayant été respectées-de dire n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soulève la prescription quinquennale :- pour les demandes en paiement de salaires pour la période allant de septembre 2003 à décembre 2005, précisant que pour la première le délai a commencé à courir à la date du règlement de chaque salaire, et de remise de la fiche de paie,- pour l'indemnité de congés payés, le délai commençant à courir à l'expiration de la période légale ou conventionnelle à laquelle les congés auraient du être pris.- pour l'indemnité de requalification du CDD en CDI.

Sur le fond, elle fait valoir que le calcul des salaires et les fiches de paie ont été établis par TESE le service de l'URSSAF auquel elle a adhéré, et que les congés payés ont été intégralement payés.
Mme Y... expose qu'elle n'a conclu un CDD à l'issue du premier contrat de qualification, dont Mme X... n'a pas respecté les termes puisqu'elle a refusé de passer le bac professionnel qui en constituait pourtant la finalité, que pour donner une chance à la salariée, qui n'a subi aucun préjudice puisqu'elle a bénéficié d'une continuité dans l'emploi. L'employeur conteste avoir fait travailler Mme X... entre décembre 2002 et août 2003 sans la déclarer, et souligne que la volonté de fraude de l'employeur ne saurait se déduire de bulletins de paie non conformes aux heures effectuées, qui relèvent davantage de la mauvaise gestion.

Mme Y... reconnaît avoir demandé à sa salariée des heures supplémentaires qui lui ont toujours été réglées par chèques, et dont le quantum a augmenté alors que son propre
état de santé se dégradait. Elle affirme que le comportement de Mme X... est devenu de plus en plus désinvolte à partir du moment où son compagnon a gagné une très importante somme à un jeu de hasard, que la salariée a préféré se mettre en arrêt de travail à compter du 30 mars 2012 pour percevoir des indemnités journalières de la CPAM, alors qu'il résulte de plusieurs attestations de témoins et photos, qu'elle a pendant son " arrêt maladie " travaillé comme serveuse dans différents établissements de restauration.
Elle considère donc que Mme X... qui a manifesté une volonté de profiter du système social et de nuire à son employeur, ne peut se prévaloir de sa propre turpitude pour réclamer une indemnité pour travail dissimulé.
Elle indique qu'elle s'est adressée au médecin du travail dès la première visite d'inaptitude pour l'avertir qu'elle gérait une très petite entreprise, et qu'elle ne bénéficiait d'aucun autre poste disponible que celui de secrétaire, que le médecin du travail s'est présenté le 19 septembre 2013 à l'entreprise pour vérifier ses dires et effectuer une étude de poste, et que c'est à la suite de cette vérification qu'il a déclaré Mme X... inapte définitivement à la reprise de son poste et de tous les postes de l'entreprise, ce qui établit l'impossibilité du reclassement de l'intéressée.
A l'audience du 27 septembre 2016, les parties ont repris les termes de leurs écritures.

MOTIFS

-Sur la prescription
La loi no2013-504 du 14 juin 2013, qui a réduit le délai de prescription pour agir en paiement des salaires de cinq ans à trois ans, dispose que lorsqu'une instance a été introduite avant sa promulgation, l'action est poursuivie et jugée en application de la loi ancienne.
Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes le 8 mars 2013. Son action en paiement des salaires antérieurs au 8 mars 2008 est donc prescrite.
L'appelante sera dès lors déclarée irrecevable en ses demandes en paiement de reliquat de salaires pour les années 2003 et 2005.
Le nouvel article L1471-1 du code du travail issu de la même loi, qui réduit à deux ans le délai de prescription pour toutes les actions portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail ne s'applique pas aux autres demandes de Mme X... puisque celle-ci a introduit l'instance avant la promulgation de ladite loi.
Le délai de prescription relatif aux demandes en paiement des congés payés, aux demandes d'indemnité de requalification d'un CDD au CDI, et aux demandes de remise de documents était de 30 ans jusqu'à la loi no2008-561 du 17 juin 2008, qui l'a réduit à 5 ans. En application de l'article 26 de cette loi du 17 juin 2008, les dispositions qui réduisent la durée de prescription s'appliquent aux prescriptions à compter de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Cette précision légale avait pour but d'éviter, si plus de vingt-cinq ans s'étaient déjà écoulés sur le délai trentenaire, que la loi en instituant un délai de cinq ans, entraîne une prolongation du délai au-delà d'une durée totale de trente ans.
Mais contrairement à ce qu'indique l'appelante, ces dispositions transitoires n'ont pas pour effet de faire revivre le délai de trente ans : A compter du 18 juin 2008, le délai de prescription applicable était de cinq ans.
En conséquence, seront déclarées irrecevables comme atteintes par cette prescription quinquennale les demandes introduites par Mme X... le 8 mars 2013 au titre :- des congés payés afférents aux périodes antérieures au 8 mars 2008,- de l'indemnité de requalification des contrats à durée déterminée du 1er septembre 2003 et du 1er juillet 2005,- de la remise de bulletins de paie rectifiés antérieurs au 8 mars 2008.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

- Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

Par application de l'article L8223-1 du code du travail " en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 a droit à une indemnité égale à six mois de salaire ".

Mme X... indique en premier lieu qu'elle a travaillé sans être déclarée du 16. 12. 2002 au 31. 08. 2003 pour Mme Y.... Elle produit un relevé des heures qu'elle affirme avoir effectuées, qu'elle a établi elle-même, et une attestation de M. Olivier B... qui indique avoir travaillé pendant 9 mois à La Poste de Folleli début août 2003, et avoir vu Mme X... qui venait régulièrement chercher le courrier alors qu'elle travaillait pour CARREFOUR SECRETARIAT. Ces pièces ne sont pas suffisantes pour établir la réalité d'un travail dissimulé, ni le nombre d'heures pendant lequel il aurait été exercé.

Mme X... fait valoir en second lieu qu'elle a perçu à compter d'août 2005, une rémunération supérieure à celle qui était déclarée sur ses bulletins de paie. La comparaison de ses relevés de compte bancaire et de ses fiches de paie montre qu'elle percevait effectivement à compter de septembre 2005, par chèque, des sommes toujours supérieures de 500 euros ou plus, aux sommes apparaissant sur ses bulletins de paie, pourtant établis par le réseau URSSAF. La confrontation de ces pièces ne permettait pas au conseil de prud'hommes de déclarer la demande insuffisamment étayée, ainsi qu'il l'a fait.
L'employeur ne saurait se prévaloir pour justifier cette situation ni de son état de santé manifestement très défaillant, ni de la fraude éventuellement commise par la salariée à l'égard de la caisse familiale, laquelle est sans effet sur ses obligations. De même, la perception avérée par Mme X... du RSA outre diverses allocations, et sa volonté relatée par certaines attestations de témoins de " profiter du système ", ne dispensent pas de l'employeur du respect des prescriptions légales. Le paiement des rémunérations par chèque significatif selon Mme Y... de sa bonne foi, ne permet pas d'avantage d'écarter le travail dissimulé, lequel consiste notamment aux termes de l'article L8221-5 du code du travail à " mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ", l'intimée ayant une parfaite connaissance de celui-ci. Le fait que cette situation ait perduré jusqu'à la fin du contrat de travail traduit au contraire l'intention de Mme Y... de soustraire une partie des salaires à la déclaration. Jusque fin 2010, le bulletin de salaire était toujours de 633 euros nets, alors que le montant des chèques de paiement évoluait, passant de 1200 euros, progressivement à plus de 1400 euros. A compter de début 2011, le montant du chèque était aligné sur celui du bulletin de salaire (633, 47 euros), mais l'encaissement du chèque était systématiquement accompagné d'un dépôt d'espèces.

Le fait d'une part que l'employeur ne conteste pas dans ses écritures, avoir réglé à Mme X..., par chèque et sans les faire apparaître au bulletin de salaire, ce qu'elle appelle des " heures supplémentaires ", laissant entendre que les deux parties s'accordaient sur ce fonctionnement, et d'autre part que l'alignement du montant des chèques sur celui des bulletins de paie soit concomitant de l'apparition d'espèces sur le compte, déposées en même temps que les chèques, permet d'affirmer sans doute possible que le travail dissimulé a perduré de début 2011, jusqu'à l'arrêt maladie de la salariée en mars 2012.

Il convient de faire droit à la demande de Mme X..., et de condamner Mme Y... à lui payer à titre d'indemnité pour travail dissimulé, une somme équivalent à 6 mois de salaire brut. Le dernier salaire brut mensuel déclaré (mars 2012) était de 821, 01 euros. Il doit être majoré des montants non déclarés, dont le montant exact n'est pas connu, mais qui peut être évalué compte tenu des espèces versées sur le compte, à une somme de 1521 euros bruts par mois. Il convient dès lors de faire droit à la demande en paiement d'une somme de 8. 500 euros (bruts) de ce chef. Le jugement de première instance sera réformé sur ce point.

- Sur les demandes de rectification des bulletins de paie, de l'attestation Pôle Emploi, et de régularisation auprès des organismes sociaux et de retraite.

Il convient de condamner Mme Y... à remettre à Mme X... des bulletins de paie rectifiés (en ce qui concerne le salaire et le nombre d'heures réellement effectuées) pour la période allant de mars 2008 au 31 mars 2012, et la remise d'un bulletin de paie pour le mois de septembre 2013, mois au cours duquel l'inaptitude a été constatée, le licenciement n'étant pas encore notifié ;
Les éléments de l'espèce ne justifient pas d'assortir cette obligation d'une astreinte.
Il convient également de condamner l'employeur à délivrer à la salariée une attestation Pôle Emploi rectifiée, et à régulariser la situation de celle-ci auprès des organismes sociaux, et de retraite, pour la période allant de mars 2008 à mars 2012.
Enfin, le certificat de travail devra être rectifié en ce qui concerne le nombre exact d'heures acquises dans le cadre du droit individualisé à la formation (DIF).
La décision du conseil de prud'hommes sera ainsi réformée de ces chefs.

- Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'obligation de reclassement

Il n'a pas été répondu à cette demande par le conseil de prud'hommes de Bastia.
Par application de l'article L1226-2 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.
Mme X... est restée en arrêt maladie pour " syndrome anxio-dépressif réactionnel " à compter du 30 mars 2012. Elle ne produit des arrêts maladie que jusqu'au 30 juin 2012. Elle a été photographiée et vue par différents témoins en août 2013 en train de travailler comme serveuse dans un bar de plage à Castellamare-de-Casinca.
Elle a passé une première visite de reprise le 6 septembre 2013, à l'issue de laquelle le médecin du travail a noté une " inaptitude au poste prévisible à revoir dans 15 jours ".
Le 16 septembre 2013, Mme Y... a écrit au Médecin du travail que compte tenu de la petite taille de son entreprise, aucun poste ne pouvait être proposé à Mme X..., et qu'il ne lui était pas possible de transformer ou de modifier les emplois existants.
Le 19 septembre 2013 le Médecin du Travail se déplaçait dans l'entreprise pour faire une étude de poste.
Le 20 septembre 2013, il concluait que Mme X... était " inapte définitivement à la reprise de son poste et tous les postes de l'entreprise, pas de reclassement possible ".
L'employeur doit, en application des dispositions légales précitées, prouver la réalité de ses recherches de reclassement même lorsque l'avis d'inaptitude porte sur tout emploi dans l'entreprise. Il doit ainsi justifier qu'il lui était impossible de transformer les postes de travail existant, et ce quelle que soit la taille de l'entreprise.
Or Mme X... a été licenciée le 14 octobre 2013 au motif que son " reclassement au sein de la structure s'avérait impossible ", sans que la lettre de licenciement, ni la lettre de convocation, ni aucun document, n'indique en quoi il était impossible de procéder à des transformations de poste, à des mutations ou aménagements du temps de travail, et ce même si l'entreprise ne comptait alors que trois postes : celui de la gérante, celui de Mme X..., et celui de Mme Emmanuelle D... agent de bureau embauchée en 2010, comme l'indique le registre du personnel.
L'employeur n'ayant pas satisfait à son obligation de reclassement, il convient en conséquence de déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, le montant de l'indemnité doit être fixé en application de l'article L1235-5 du code du travail, en fonction du préjudice que Mme X... justifie avoir subi.
Or cette dernière ne justifie d'aucun préjudice lié spécifiquement au licenciement.
Il convient en conséquence de condamner l'employeur à lui payer la somme de 500 (cinq cent) euros de dommages-intérêts, cette somme indemnisant le préjudice moral lié au caractère insuffisamment justifié de la rupture.

- Sur les congés payés

Ainsi qu'il a été précédemment exposé, les demandes relatives aux congés des années 2006 et 2007 sont prescrites.

Il résulte du récapitulatif établi par Mme X... elle-même qu'elle a pu prendre tous ses congés en 2008, en 2009.

En 2010 et 2011, elle indique avoir respectivement pris vingt-huit jours sur trente, et vingt-deux jours sur trente de sorte que dix (2 + 8) jours lui sont dus.
En 2012, elle a été en arrêt maladie et absente à compter du 30 mars 2012. Elle indique avoir pris cinq jours, de sorte que deux jours et demi lui restent dus au titre du mois de mars.
C'est donc un total de douze jours et demi de congés qui était dû à la salariée lors de la rupture du contrat de travail. Or le bulletin de paie d'octobre 2013 mentionne qu'un reliquat de congés payés de vingt jours au 31. 03. 2012 lui a été payé, soit une somme de 763, 80 euros, de sorte que Mme X... sera déboutée de ses demandes à ce titre, le jugement devant être sur ce point confirmé.
- Sur les frais et dépens
Partie perdante, Mme Y... devra supporter les dépens de première instance et d'appel.
Cependant, il apparaît équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice d'une salariée qui s'est manifestement accommodée du travail dissimulé pendant des années par intérêt personnel, et qui a travaillé comme serveuse alors qu'elle se trouvait en arrêt maladie, et ce juste avant d'être déclarée inapte à son emploi administratif.

PAR CES MOTIFS

L A C O U R,
Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
- CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Bastia en date du 24 septembre 2015, en ce qu'il a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes en paiement de reliquat de salaire, de congés payés, de rectification de bulletins de salaire antérieurs au 8 mars 2008, et la demande d'indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

- CONFIRME ce jugement en ce qu'il a débouté Mme X... de ses demandes au titre des congés payés et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- L'INFIRME pour le surplus, et statuant à nouveau ;
- CONDAMNE Mme Pauline Y... à payer à Mme Aurélie X... les sommes suivantes :
8 500 (huit mille cinq cent) euros bruts à titre d'inde nité pour travail dissimulé 500 (cinq cent) euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 2 800 (deux mille huit cent) euros bruts au titre de l'indemnité de préavis

-CONDAMNE Mme Pauline Y... à remettre à Mme Aurélie X... :
- des bulletins de paie rectifiés, en ce qui concerne le salaire et le nombre d'heures réellement effectuées, pour la période allant de mars 2008 au 31 mars 2012,- le bulletin de paie du mois de septembre 2013- l'attestation Pôle Emploi rectifiée selon les dispositions du présent arrêt-un certificat de travail faisant apparaître le quantum rectifié des droits acquis à la DIF ;

- CONDAMNE Mme Pauline Y... à régulariser la situation de Mme X... auprès des organismes sociaux, et de retraite, pour la période allant de mars 2008 à mars 2012 ;
- DIT N'Y AVOIR LIEU à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en ce qui concerne la procédure d'appel ;
- DIT ET JUGE qu'une copie de la présente décision sera adressée à la Caisse d'allocations familiales de Haute Corse ;
- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- CONDAMNE Mme Pauline Y... aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de la loi sur l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/00277
Date de la décision : 23/11/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2016-11-23;15.00277 ?
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