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28/09/2016 | FRANCE | N°14/00557

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 28 septembre 2016, 14/00557


Ch. civile A
ARRET No
du 28 SEPTEMBRE 2016
R. G : 14/ 00557 FR-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 05 Juin 2014, enregistrée sous le no 13/ 00300

X...
C/
Y...FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE SEIZE
APPELANT :
M. Dominique X... né le 11 Janvier 1942 à COTI-CHIAVARI (20138) ...20138 COTI-CHIAVARI

assisté de Me Marie France SANTEL

LI-PINNA de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence
INTIM...

Ch. civile A
ARRET No
du 28 SEPTEMBRE 2016
R. G : 14/ 00557 FR-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 05 Juin 2014, enregistrée sous le no 13/ 00300

X...
C/
Y...FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE SEIZE
APPELANT :
M. Dominique X... né le 11 Janvier 1942 à COTI-CHIAVARI (20138) ...20138 COTI-CHIAVARI

assisté de Me Marie France SANTELLI-PINNA de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence
INTIMEES :
Mme Annie Y... née le 22 Février 1948 à LISIEUX (14100) ...20166 PIETROSELLA

ayant pour avocat Me Laurence GAERTNER DE ROCCA SERRA, avocat au barreau de BASTIA
FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES (article L. 421-1 du Code des Assurances) représenté par son Directeur Général élisant domicile en sa délégation de Marseille, 39 boulevard Vincent Delpuech 13006 MARSEILLE où est géré le dossier 64, Rue Defrance 94682 VINCENNES

assistée de Me Frédérique GENISSIEUX de la SCP CABINET RETALI et ASSOCIES, avocat au barreau de BASTIA, Me Alain TUILLIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 juin 2016, devant Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. François RACHOU, Premier président Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Françoise COAT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2016.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée le 06 janvier 2016 et qui a fait connaître son avis, dont les parties ont pu prendre connaissance.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. François RACHOU, Premier président, et par Melle Cécile BORCKHOLZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Alors qu'il roulait à motocyclette, M. Cédric X... a été grièvement blessé le 23 mars 2005 dans un accident de la circulation impliquant le véhicule de Mme Annie C... épouse Y....
Par arrêt en date du 22 octobre 2008 la cour d'appel de Bastia a déclarée Mme Annie Y... coupable de blessures involontaires commises au préjudice de Cédric X... et responsable des conséquences dommageables de l'accident.
Par acte d'huissier en date des 14 et 21 février 2013 M. Dominique X..., père de Cédric X..., a assigné Mme Annie Y... et le Fonds de garantie automobile devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio, sur le fondement des articles 6 et suivants de la loi du 5 juillet 1985 pour, aux termes de ses dernières conclusions, demander condamnation de Mme Annie Y... à lui payer :
- la somme de 37 962, 74 euros au titre de son préjudice patrimonial,- la somme de 200 000 euros au titre de son préjudice moral,

- la somme de 40 000 euros au titre de son préjudice d'établissement familial,- la somme de 5 980 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demandait aussi au tribunal de rendre la décision commune et opposable au Fonds de garantie automobile.
Par jugement public, contradictoire et en premier ressort en date du 5 juin 2014 le tribunal de grande instance d'Ajaccio a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire du Fonds de garantie automobile,
- déclaré irrecevable l'assignation délivrée par M. Dominique X... au Fonds de garantie automobile,
- déclaré sans objet les demandes du Fonds de garantie automobile tirées de la forclusion et du sursis à statuer,
- condamné Mme Annie C... épouse Y... à payer à M. Dominique X... les sommes suivantes :
. 18 264, 95 euros en réparation de son préjudice patrimonial,. 50 000 euros en réparation de son préjudice d'affection,. 20 000 euros en réparation de son préjudice d'établissement,

- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné Mme Annie C... épouse Y... à payer à M. Dominique X... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
M. Dominique X... a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 1er juillet 2014.
Selon ses écritures en date du 2 novembre 2015 auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé plus complet de ses prétentions et moyens, M. Dominique X... demande à la cour de :
- réformer la décision du jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'assignation du Fonds de garantie automobile irrecevable, et rejeté la demande de déclarer le jugement opposable à ce dernier,
- réformer la décision en ce qu'elle le déboute de sa demande de remboursement des frais d'achat du véhicule et de son adaptation,
- réformer la décision en ce qu'elle a limité son indemnité pour préjudice moral à 50 000 euros,
- confirmer pour le surplus,
Y ajoutant,
- condamner Mme Annie C... épouse Y... à lui payer la somme de 5 980 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme Annie C... épouse Y... aux dépens.
Il explique qu'il s'est constitué partie civile dès le 26 septembre 2005, mais que la compagnie AGF a obtenu par la suite du tribunal de grand instance de Marseille le 17 juin 2010 puis de la cour d'appel d'Aix en Provence le 21 juin 2012 qu'il soit jugé qu'elle n'était pas l'assureur du véhicule conduit par Mme Annie C... épouse Y....
Il soutient qu'aux termes de l'article R421-14 du code des assurances son action est recevable et qu'il a satisfait aux conditions de l'article R421-12 de former sa demande d'indemnité dans le délai d'un an à compter de la date de la décision de justice passée en force de chose jugée puisque l'arrêt mettant hors de cause la compagnie AGF est en date du 26 juin 2012 et il a bien intenté une action en justice dans les cinq ans de l'accident.
Il rappelle les séquelles gravissimes de l'accident et les souffrances horribles de son fils unique qui persistent jusqu'à aujourd'hui, son attachement profond à ce dernier, les déplacements hebdomadaires pendant des années, et les frais qu'il a dû exposer personnellement, ainsi que la perte de la chance d'avoir un jour une descendance.
Selon ses conclusions en date du 27 avril 2015 auxquelles il est renvoyé, Le Fonds de garantie automobile demande à la cour :
Vu les articles R421-12, R421-14 et R421-15 du code des assurances,
- de constater que M. Dominique X... a fait délivrer assignation au Fonds de garantie automobile au mépris de l'article R421-14 du code des assurances, faute d'avoir préalablement saisi cet organisme d'une demande amiable et faute de justifier d'un désaccord entre lui-même et le Fonds de garantie automobile soit sur le principe, soit sur le montant de l'indemnisation,
- de confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'assignation,
- subsidiairement de juger que M. Dominique X..., qui n'a pas conclu de transaction avec Mme Annie C... épouse Y... ou intenté une action à son encontre aux fins d'obtenir l'indemnisation de son préjudice dans le délai de cinq ans à compter de l'accident, est forclos à prétendre au bénéfice du Fonds de garantie automobile par application de l'article R421-12 du code des assurances, l'assignation introductive ayant été délivrée le 21 février 2013 alors que l'accident est survenu le 23 mars 2005,
- de juger que le fait que M. Dominique X...se soit constitué partie civile lors de la procédure pénale n'est pas de nature à répondre aux impératifs de l'article R421-12 du code des assurances, qui impose d'engager une action à l'encontre du responsable, puisque M. Dominique X... n'a pas formulé la moindre demande indemnitaire à l'encontre de la prévenue avant l'assignation du 21 février 2013,
- de juger que la procédure en contestation de garantie engagée par la compagnie AGF au contradictoire de M. Dominique X... et au cours de laquelle celui-ci n'a formulé aucune demande d'indemnité à l'encontre de Mme Annie C... épouse Y... ne répond pas aux exigences de l'article R421-12 du code des assurances,
- de juger que M. Dominique X... est forclos,
- de déclarer les condamnations prononcées à l'encontre de Mme Annie C... épouse Y... inopposables par application de l'article R421-12 du code des assurances au Fonds de garantie automobile de garantie,
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris sur le montant des indemnités allouées justement appréciées, et sur le rejet des autres demandes d'indemnité, les frais d'achat d'un véhicule n'étant pas la conséquence directe, certaine et exclusive de l'accident, la facture d'achat n'étant pas au nom de M. Dominique X..., les frais d'adaptation du véhicule au GPL n'ayant aucun lien avec l'accident, et les frais exposés dans le cadre de la procédure pénale ne concernant pas la présente procédure,
- de condamner M. Dominique X... ou Mme Annie C... épouse Y... aux dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de Me Frédrique Génissieux.
Mme Annie C... épouse Y... n'a pas conclu.
L'ordonnance de clôture a été prise le 12 janvier 2016 et l'affaire renvoyée pour être plaidée au 13 juin 2016.
SUR QUOI LA COUR
Sur la recevabilité de l'assignation en justice du Fonds de garantie automobile :
L'article R421-14 du code des assurances dispose :
« Les demandes d'indemnités doivent obligatoirement être accompagnées d'une expédition de la décision de justice intervenue ou d'une copie certifiée conforme de l'acte portant règlement transactionnel pour la fixation définitive de l'indemnité.
A défaut d'accord du Fonds de garantie automobile avec la victime ou ses ayants droit soit sur la transaction intervenue, soit sur la fixation de l'indemnité lorsque le responsable des dommages est inconnu ou lorsque la décision de justice invoquée est inopposable au Fonds de garantie automobile, soit sur l'existence des diverses conditions d'ouverture du droit à l'indemnité, la victime ou ses ayants droit saisissent, suivant le taux de la demande, le tribunal d'instance ou le tribunal de grande instance. Le litige peut être porté devant la juridiction du lieu où l'accident s'est produit.
En dehors de ces cas mentionnés à l'alinéa précédent et des contestations auxquelles peut donner lieu l'application des dispositions du dernier alinéa de l'article R421-15, le Fonds de garantie automobile ne peut être cité en justice par la victime ou ses ayants droit, notamment en déclaration de jugement commun pour l'application de l'article L421-1 ».
Il est constant qu'avant de citer en justice le Fonds de garantie automobile par l'acte d'huissier du 21 février 2013 M. Dominique X... n'a présenté aucune demande d'indemnisation ni à Mme Annie C... épouse Y... ni au Fonds de garantie automobile et qu'aucune décision de justice ni transaction n'est intervenue. En conséquence le premier juge a fait une juste application de l'article ci-dessus en déclarant l'assignation du Fonds de garantie automobile irrecevable. Cette disposition du jugement déféré sera confirmée.
Sur les frais d'achat du véhicule et de son adaptation :
Il n'est pas justifié que le véhicule acheté le 8 février 2007 par Mme F...et immatriculé aux noms de Dominique X... et Annick F...ait été acheté par le couple comme véhicule supplémentaire ou de remplacement en raison de l'accident. Les frais d'adaptation à l'état de handicap de Cédric X... ne sont pas non plus justifiés par le procès verbal de réception après mise en place du système GPL versé aux débats. C'est donc à bon droit que cette demande a été rejetée. Cette disposition sera confirmée.
Sur le préjudice moral de M. Dominique X... :
A la suite de la collision de sa moto par le véhicule de Mme Y... qui n'avait pas respecté l'arrêt obligatoire à un carrefour marqué par un stop, M. Cédric X... a été brûlé au 3ème degré sur une surface de corps de 45 %, au niveau des quatre membres, du torse et des organes génitaux. Il a subi un traumatisme crânien, une fracture de la clavicule et du coude gauche, une fracture des côtes, une atteinte pulmonaire ayant nécessité une trachéotomie et une ventilation assistée. Ces deux jambes ont été amputées au tiers inférieur et ses deux bras aux tiers. Une ostéosynthèse par haubanage a été mise en place pour son coude. Plusieurs épisodes de septicémie ont motivé une colostomie transverse de décharge temporaire. Il a en suite fait l'objet de greffes de peau. Le taux de déficit fonctionnel permanent de cet homme âgé de 32 ans au moment de l'accident a été fixé à 80 %, le préjudice esthétique à 6/ 7 et les douleurs qui perdurent à 7/ 7. Il ne peut plus reprendre son travail de mécanicien aéronautique, il ne peut plus pratiquer de sport. Sa compagne l'a quitté.
Il est le seul enfant de M. Dominique X... chez qui la résidence de l'enfant a été fixée lorsque les parents se sont séparés. Les nombreuses photos produites, ainsi que les témoignages attestent du lien très fort qui existe entre le père et le fils et du soutien que le père lui a apporté pendant son hospitalisation à Marseille et Hyères qui a duré plus de deux ans.
Au vu des éléments ci-dessus et des débats la cour évaluera le préjudice moral de M. Dominique X... au contact des souffrances atroces de son enfant à la somme de 70 000 euros.
Les autres dispositions du jugement déféré ne sont pas querellées. Elles seront donc confirmées.
Les frais irrépétibles en appel :
Il serait inéquitable de laisser à M. Dominique X... la totalité des frais irrépétibles exposés en appel. Mme Annie Y... sera condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Réforme le jugement déféré sur le montant de l'indemnité accordé à M. Dominique X... au titre de son préjudice d'affection,
Confirme toutes les autres dispositions,
Statuant à nouveau,
Condamne Mme Annie C... épouse Y... à payer à M. Dominique X... la somme de soixante dix mille euros (70 000 euros) au titre de son préjudice d'affection,
Y ajoutant,
Condamne Mme Annie C... épouse Y... à payer à M. Dominique X... la somme de deux mille euros (2 000 euros) au titre en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme Annie C... épouse Y... aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 14/00557
Date de la décision : 28/09/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2016-09-28;14.00557 ?
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